Publié le 5 Avril 2022

Armagnac Arminius Hermann Herman
UNE SAGA
AUX PORTES DE LACTORA

 

Le genre littéraire du roman historique connaît un lectorat divisé en trois catégories plus ou moins réceptives, dont deux peuvent aller jusqu’à renâcler à ouvrir le livre proposé. Dans la première catégorie, les lecteurs historiens, amateurs ou professionnels, a fortiori s’ils sont spécialistes de l’époque où se déroule l’action, seront méfiants, butant sur la première erreur ou sur un anachronisme insupportable. Le second segment, celui des liseurs... comment les qualifier ? romanesques ? sera parfois dérangé par le lien du récit avec la trame historique, souvent sujette à polémique voire à contradiction politique, empêchant la fiction de se développer et le plaisir de lire de s’installer totalement. Enfin, il y a les amateurs du genre, libres de toute référence et bon public, qui se laissent emporter par l’intrigue avec en arrière-plan un décor profond et dramatique créant l’ambiance, d’un réalisme plus ou moins familier, les lecteurs séduits par un roman dans le roman de l'Histoire.

Les exemples sont nombreux, et pour nous rapprocher de notre sujet du jour, dans le sous-genre saga, citons l’inépuisable aventure égypto-maniaque de Christian Jacq, ou bien Les enfants de la terre, succès planétaire et néandertalien de Jean M. Auel, et plus près de nous dans le temps, La rivière Espérance de Christian Signol, plus modeste mais si évocatrice pour tous ceux qui ont quelque racine en Dordogne.

Encore faut-il que le style soit à la hauteur de l’Histoire, celle qui s'écrit avec un grand H.

Sans doute son patronyme a-t-il conduit Alain Armagnac à situer sa saga en Gascogne. L’anthropo-toponymie, l’étude des noms de lieux dérivés des noms de personnes suggère effectivement que le substantif régional Armagnac viendrait du germain Hermann, romanisé en Arminius. Les Francs de Clovis ayant chassé les Wisigoths de notre région en l’an 500 et quelques, les historiens ont supposé qu’un lieutenant du premier roi de France nommé Hermann se serait vu, en récompense de ses exploits, déléguer la direction de la région conquise. Mais sans que le fait soit documenté, ceci autorisant toutes les fictions et cet auteur lui-même à proposer sa version, qu’il situe cependant cinq cents ans plus tôt. Pourquoi pas.

Alain Armagnac s’inspire d’un fait historique célèbre, documenté celui-ci, la vie d'Arminius le Germain.

 

La bataille de Teutobourg, an 9.

Arminius, né vers 17 av. J.-C. et mort vers 21, est le fils d’un chef de la tribu des Chérusques, établie sur le fleuve Weser, au nord de l’Allemagne. Otage des Romains, il est emmené à Rome, éduqué et élevé à la citoyenneté romaine. Il devient membre de l’ordre d’élite équestre et revenu en Germanie en 9 ap. J.-C. aux côtés du gouverneur Varus, il trahit son protecteur, prend la tête de sa tribu, fédère les chefs germains et attire l’armée romaine dans un piège. La bataille de Teutobourg est le pire désastre militaire subi par Rome. Trois légions et leurs auxiliaires sont décimés. Varus et ses officiers se suicident. Les survivants sont emmenés en esclavage. Rome abandonnera durablement son avancée à l’est du Rhin, ce qui a fait pour les historiens nationalistes allemands, de cette bataille un évènement fondateur. Mais en fait, les Germains ne sont pas unis et Arminius sera plus tard assassiné par ses alliés.

L’éducation d’Arminius à Rome et son intégration à l’armée romaine fait inévitablement penser à Piso, le supposé roi des Lactorates, tribu gauloise établie dans notre actuelle Lomagne. Mais Piso, lui, n’a pas trahi son tuteur, au contraire. Il est mort au combat aux côtés de César, lequel lui rendra hommage dans La guerre des Gaules, ce qui nous le fit connaître. Et de ce fait, contrairement aux Chérusques de Germanie, les Lactorates seront considérés, sinon jugés, par l’Histoire comme "alliés" de Rome. Et Lactora pourra offrir le cadre du roman d’Alain Armagnac.

Mais auparavant, à la suite du massacre de Teutobourg et pour prévenir les représailles, le romancier fait transiter la fuite de la famille Arminius en Périgord, pays de Focilla, mère du héros et chamane de surcroît, dans la mythique "Vallée de l'Homme", où sera dissimulé le trésor de guerre pris sur les romains de Teutobourg dans la grotte de Commarque, devenue de ce fait vénérable, d'où le sous-titre du roman. Faire d'une bataille une renaissance... Toujours pour le symbole, dès l’installation du décor, l’auteur tente un rapprochement phonético-linguistique très osé en établissant un lien de parenté entre le fleuve allemand « Weser », berceau des Chérusques, et la rivière « la Vézère », sur laquelle se trouvent les sites préhistoriques de Lascaux, des Eyzies et de Commarque. Armagnac scénarise également une vertigineuse distribution des rôles, attribuant aux parents d’Arminius des origines géographiques extrêmes, mère Vascone côté Périgord, père né en Sicile, d’ascendance troyenne, belle-mère Ibère tendance Berbère, et beau-père Scythe venu des steppes d’Asie centrale ! Une Germanie interraciale. Un métissage dans l’espace-temps du récit, non pas impossible mais quelque peu accéléré. Passons.

Et notre Lactora dans ce monde antique observé par un esprit œcuménique, dans un espace pré-européen ? Direction le sud.

Alain Armagnac est Sarladais et, encore une fois patronyme oblige, il englobe le Périgord dans une grande Gascogne débordant largement au nord de la Garonne. Nous éviterons d’ouvrir un débat sur ce point de géopolitique historico-régionaliste. Il y faudrait une session universitaire. Et je sais quelques risques d’affrontements, doctes mais potentiellement partisans.

 

Pour finir de conduire le proscrit et sa famille au cœur de l’Armagnac, point d’orgue du récit et berceau de la saga qui se profile, Alain éponyme imagine un domaine dit "de la Baïse" à quelques bornes milliaires de la cité gallo-romaine de Lactora, l'antique Lectoure, pour y bâtir une villa. Nous y voilà. Cité et villa vasco-romaines faudrait-il me corriger, car l'auteur voit ou veut voir une Vasconie préexistant à la conquête par Publius Crassus, lieutenant de César, à cheval sur les Pyrénées, mi-ibérique, mi-aquitaine, même pas bousculée par les celtes qui n'auraient fait que passer, unie, radieuse et civilisée. Une autre disputatio universitaire en vue.

Pour choisir le cadre de ce refuge, on suppose qu'Alain Armagnac connaît et aime notre ville pour ne pas lui avoir préféré Eauze, pourtant capitale de la Novempopulanie, subdivision de l'Aquitaine gallo-romaine, et à sa porte, la villa de Séviac posée effectivement sur une berge de la rivière Baïse. C’est le droit le plus strict du romancier et en outre cela justifie notre chronique.

Le récit, au fur et à mesure de la construction de ladite villa rurale, fait une peinture de Lactora relativement conforme à ce que l’on sait. L’établissement à l’intersection de deux voies romaines, celle reliant Agen aux Pyrénées et au-delà, et la via Aquitania conduisant de Toulouse à Bordeaux. La colonisation par les vétérans de l’armée romaine, dont le beau-père d’Arminius, fait historique, peut se réclamer. L’organisation politique sur le modèle romain, le principe électif, les consuls, la monnaie à l’effigie d’Auguste, l’impôt prélevé par l’administration impériale, la Civita romana à rapprocher de la Res Publica Lactoratium gravée sur nos célèbres autels tauroboliques, auxquels Alain Armagnac ne fait du tout allusion d'ailleurs. Il y aurait eu là pourtant matière à romancer.

Faut-il faire remarquer, dans ce tableau antique, une anticipation d'au moins deux ou trois siècles à situer Lactora sur son éperon rocheux alors qu'on nous a enseigné que la ville romaine était installée dans la plaine de Pradoulin, sans remparts, grâce à la pax romana ? Là, j’avoue faire partie de la première catégorie des lecteurs qui focalisent petitement sur l’orthodoxie historique.

Pour compléter le décor offert par Lactora, l’auteur nous invente généreusement, des thermes, un gymnase, un forum, une école où l’on enseigne le latin, le grec, le droit romain, les sports olympiques, les belles lettres et l’art oratoire, autant de monuments et d’institutions que l’archéologie n’a pas situés et pourtant probables ou du moins possibles. Mais l’action ne s’y développe pas, ce qui aurait pu donner consistance à notre antique cité, et au roman aussi !

mosaïque - école d'aquitaine - Séviac - villa gallo romaine

 

On devine dans le personnage du consul de Lactora, Publius, qui accueille le fils d’Arminius dans l’école lactorate, l'auteur lui-même. « Tout ce discours était destiné à faire comprendre insensiblement à Nelda (la compagne d’Arminius, NDLR) que s’il (Publius) apparaissait comme gallo-romain aux yeux de tous, il était Vascon et fier de l’être. En fait, l’avenir lui donnera raison puisqu’il n’est pas douteux qu’à travers l’histoire des deux derniers millénaires, ce vaste territoire a toujours montré son attachement à des mœurs où l’autonomie, la liberté, les décisions prises collectivement, un certain esprit de résistance et de laïcité, une langue ancienne qui se pratique encore des deux côtés des Pyrénées et que des habitudes culturelles, sportives, alimentaires et autres, bref, un certain art de vivre entre eux et avec la nature, sont encore observés de nos jours. »

Voilà une profession de foi sympathique mais pour le moins péremptoire, gasconnade à la Cyrano de Bergerac.

Le vocabulaire employé par Alain Armagnac est moderne, les tournures de phrases actuelles, ceci facilitant la lecture certes, toutefois jusqu’à la pauvreté. Au-delà des approximations et des hypothèses historiques, trop d’informations superficielles, dans des registres intéressants mais ici mal agencés, la place de la femme dans le système tribal, la préhistoire, la vie près de la nature, l’agriculture, la génétique, le chamanisme, les loups, la lithothérapie, la tannerie, tout à trac… troublent le développement de l'action romanesque au lieu de la servir. Lectoure cité gallo-romaine et creuset de civilisations aurait mérité mieux.

 

Lactora Lectoure gallo-romains Piso Guerre des gaules Gascogne Vasconie

Lupus, le fils d’Arminius et de Nelda, épousera la fille du consul lactorate. Ils seront les géniteurs d’une dynastie, Les descendants d’Arminius, qu’Alain Armagnac suivra dans deux tomes supplémentaires : Loup le Vascon qui fréquentera Charlemagne et Juan l’Occitan qui croisera le fer pendant la guerre entre Armagnacs et Bourguignons. Mais nul lecteur, et pas plus le chroniqueur, ne sera contraint de suivre contre son gré une saga littéraire, fût-elle passée par Lectoure.

 

                                                                           Alinéas

 

Arminius et le trésor de Commarque, Alain Armagnac, Ed. France Libris 2020.

Sur Arminius et la bataille de Teutobourg : https://fr.wikipedia.org/wiki/Arminius

Très romancées mais spectaculaires, l'histoire d'Arminius et la bataille de Teutobourg ont fait l'objet d'une série grand public diffusée sur Netflix. Voir la bande annonce ici : https://www.youtube.com/watch?v=dAfi16oMZVs

Illustrations :

  • Titre : Statue de jeune homme, parfois identifié comme étant Arminius. Musée Pouchkine Moscou. Wikipedia Commons / Shakko.
  • Arminius à la bataille de la forêt de Teutobourg, par Peter Janssen, 1873. Wikipedia Commons / Mharrsch.
  • Restitution de la villa gallo-romaine des Alleux,  © Gaëtan Le Cloirec, Inrap. Responsable de la fouille des Alleux à Taden, Côtes d'Armor : Romuald Ferrette.
  • Mosaïque de style école d'Aquitaine, villa de Séviac (Gers). Michel Salanié.
  • Mariage romain, Mythologica.

 

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Littérature

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Publié le 23 Mars 2022

 

Ce n'est pas une formule littéraire. Mais bien une évidence, une réalité dont la ville, ses habitants et ses gestionnaires, sont tout à fait conscients, il suffit de se le redire. Lectoure ne serait pas Lectoure sans ses ruisseaux, sans le Gers et sans notre vallée de Foissin, autrefois nommée le Saint-Jourdain ou encore les Ruisseaux, le riu correge, le ruisseau des corroyeurs. Le magnifique panorama à 180° qu'offre Lectoure, depuis les remparts ou de loin, naît de son histoire géologique et hydrologique.

Depuis le sud vers le nord, l'abbaye de Saint Gény, la ville gallo-romaine de Pradoulin, la zone industrielle, le chemin de fer, l'usine de traitement d'eau potable, l'agriculture, les moulins, l'artisanat médiéval... l"Histoire de la ville ne se résume pas en un tête-à-tête entre l'évêque et le vicomte de Lomagne, rue Nationale ou à l'abri des remparts.

On vit dans la vallée, on y travaille. Lectoure doit réapprendre ses vallées, les protéger pour se protéger elle-même.

Voici une sélection des photos projetées pendant la première des "Rencontres aux Ruisseaux" organisée par l'association des Amis de la vallée des Ruisseaux du 11 mars dernier.

                                                                           Alinéas

 

Toujours dans la vallée de Foissin :

Les petits fruits sauvages

La faune

L'arrivée du chemin de Compostelle à Lectoure

 

 

Tous droits réservés © Alinéas

 

ruches froid gascogne
Le Rucher de Lectoure sous le givre

 

vaches bovins gascogne chemin de saint jacques
Dernier élevage, à Lauzère

 

La maison aux volets bleus

 

neige lectoure gascogne lomagne froid
Hiver 2012, -18°

 

cheval blanc lomagne gascogne
Sur le chemin de la fontaine Saint-Michel

 

marcheurs proximité ville village randonnée randonneurs promenade
Le poumon de Lectoure

 

chateau gascogne chêne
La chartreuse du Couloumé

 

ligne électrique paysage gascogne
Au pied du cimetière Saint-Esprit

 

tunnel plastique jardin légume fruits rouge gascogne lomagne
Maraîcher à Brescon

 

GR 65 lectoure groupe
Pélerins

 

balle de foin gascogne lectoure prairie
Les foins

 

chemin fontaine saint michel gîte
Maison d'hôtes à la Mouline de Belin

 

paysage bocage lectoure gers gascogne lomagne
Les hameaux, les moulines et la vallée du Gers

 

tracteur sécheresse
Terreforts argilo-calcaires

 

Maisonette aujourd'hui disparue

 

Chemin de Compostelle

 

Usine à gaz

 

coquelicot lectoure cathédrale
Point de vue, entre La chapelle et Le plan

 

peuplier vallée du Gers
Ancien moulin de Repassac, prise d'eau potable de ville

 

puit à roue poulie cour de ferme
Prise d'eau potable individuelle et ancienne

 

lecoure rempart
Vu d'en bas, vert et gris

 

lectoure promontoire belvédère
Vu d'en haut, rue Montebello

 

Tendre sinuosité entrre aulnes, bambous et peuplier noir

 

orage gers gascogne lomagne ruisseau
Fin de journée orageuse sur la ville

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #La vie des gens d'ici

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Publié le 18 Mars 2022

En fait, je ne devrais pas commencer par la fin de la recette. Je prends le risque de vous déplaire. Mais la salade de pissenlit cuite que je vous propose est un accompagnement, et je voulais vous appâter dès l'abord avec le plat principal. Remarquez bien, tenir un œuf pour un plat, c’est déjà chercher la difficulté. Et puis le pissenlit, ça ne se trouve pas au rayon frais du premier supermarché venu, lavé, blistérisé, prédigéré. Comment faire ? Marcher dans la campagne ? Mon dieu, comment est-ce possible ?!

L’auteur des Brèves de comptoir* l’a révélé : « Pour les Parisiens, un œuf, c’est déjà un zoo ! ». Je vais quand même devoir vous proposer cette excursion sauvage et terriblement aventureuse : la cueillette du pissenlit.

 

Car la balade fait partie de la recette. Ce n'est d'ailleurs pas le moindre de ses intérêts. Si vous attendez un joli petit matin ensoleillé, ce que je peux comprendre, ne tardez pas trop tout de même. Notre recette se déguste entre hiver et printemps, avant que la plante ne fleurisse abondamment et lorsqu'elle est encore tendre. Marchez, respirez, écoutez la nature qui a tant de choses à vous dire. Y compris le silence. Ça titillera votre appétit.

Vous vous serez munis d'un couteau pointu. Car il faut aller chercher le collet de la plante et ne pas arracher ou découper les feuilles en vrac. Oui, je sais, je suis exigeant. La cuisine est un art. Une cérémonie.

Pour 4 personnes il faut compter un panier plein. Car à la cuisson, le volume va réduire considérablement.

 

Ici, se situe l'opération de tri et de lavage. Laborieuse mais une ou deux fois par an, c'est peu de choses en regard du plaisir qui se profile. Les champignons, les bigorneaux... ça se mérite. Retirer les herbes, les feuilles fanées... les limaces. Un zoo, je vous dis ! Séparer les feuilles de la racine au plus près du collet pour conserver la partie blanche et charnue (tout est relatif). Retirer les fleurs et les boutons de fleurs lovés au cœur de la plante. J'en connais qui réserveront quelques capitules de fleurs pour décorer. Des esthètes. Rincer avec au moins trois eaux, voire quatre.

 

Vous ferez blanchir la salade ainsi préparée dans un grand faitout d'eau bouillante environ 3 à 5 minutes. Passez et essorez entre les mains (eh oui...) de façon à obtenir une matière bien sèche. Hachez grossièrement encore que la présentation puisse gagner avec une feuille entière. Poêlez soigneusement avec un peu d'huile. Ail et sel. Disposez dans une assiette avec une vinaigrette au vinaigre balsamique.

Pour l’œuf à la poêle je n'insiste pas ?

Nous aimons bien cette préparation campagnarde avec des croutons et des pommes de terre sautées. Une tranche de ventrèche grillée et l'on frôlera le purgatoire.

 

Les vertus médicinales du pissenlit sont nombreuses et bien connues. Autrefois, on y allait tout de même un peu fort. Extrait de mon grimoire de 1759 :

La racine de pissenlit en amulette, du docteur Schmuck, je pense que ça devrait marcher encore aujourd'hui. Perso, je vais rester sur la salade cuite.

                                                                               Alinéas

 

PS. Certains pratiquent la salade crue. Attention, bien laver pour éliminer les risques de douve du foie.

La gelée de fleur de pissenlit est un péché.

 

* Jean-Marie Gourio, un compatriote gascon, Néracais.

© Photos Michel Salanié

 

 

 

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Publié dans #Cuisine

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Publié le 22 Février 2022

Lectoure Vue sur les Pyrénées - montagne - panorama - paysage - gascogne - gers

 

Depuis l'esplanade du Bastion, à l'origine ouvrage militaire comme son nom l'indique, remblayé et civilisé à coups de brouettes et de seaux au 18ième siècle par le petit peuple lectourois réquisitionné, donnant à ce grand vaisseau qu'est Lectoure une sorte de gaillard d'arrière, la chaîne des Pyrénées est un merveilleux décor, une terre lointaine à bâbord, un éternel Eldorado. Décor cependant capricieux, car il n’apparaît qu'à certaines conditions atmosphériques. Nous évitons de promettre ce spectacle à nos visiteurs qui pourraient n'y trouver, une fois parvenus devant la table d'orientation, heureusement témoignant de notre bonne foi, qu'un pâle horizon gris-bleu chapeautant les coteaux de Gascogne, panorama charmant certes, mais " rien d'extraordinaire ! ", au mieux un beau théâtre d'ombres chinoises.  Et le lectourois qui ne connaît pas sa chance, ne pense pas toujours à sortir de son étroit carrelot, de sa rue trop Nationale ou de sa profonde vallée des Ruisseaux pour aller y voir lorsque que cela le mériterait. Sans compter que le dicton prévoit que les jours de grand spectacle annoncent la pluie à court terme...

Le géologue est moins romanesque et moins paroissial. Il situe l'évènement colossal de la naissance de la chaîne montagneuse entre 50 et 15 millions d'années, précision toute relative, qui refoule l'océan à la place que nous lui connaissons, le golfe de Lectoure - une appellation tout à fait scientifique et non pas une gasconnade de blogueur - devenant in fine le golfe de Gascogne. Un pays est né, lové dans l'arc garonnais, montagne, fleuve et océan se partageant les apports de sédiments qui feront sa richesse et ses multiples visages, d'est en ouest et du sud au nord, des terres à céréales lomagnoles jusques aux landes, des pâturages béarnais jusqu'aux géométriques alignements potagers et fruitiers du bas-pays.

Le poète Saint-Clarais Jean-Géraud d'Astros lui, et bien qu'écclésiastique, faisant partie de cette génération d'intellectuels de la Renaissance qui a cru ou voulu voir un ancêtre grec au gascon, sans doute pour s'affranchir du romain par trop envahissant et s'identifier au peuple soumis mais à jamais glorieux, situe dans la montagne le berceau de la race.

Pyrène - légende - antiquité - port vendres - pyrénées - fouilles - jean claude pertuzé

Episode de la mythologie grecque, les douze travaux d’Héraclès, fils de Zeus devenu Hercule chez ces copieurs de romains, ne comptent pas ce treizième exploit : l'érection d'un tombeau gigantesque en hommage à une belle éplorée.

Pyrène était la fille du roi des Bekrydes, peuple installé sur la côte languedocienne de la mer Méditerranée. Revenant de l'extrémité du monde connu après l'un de ses exploits, Hercule vint à passer par-là et le roi l'invita à sa table. Pyrène tomba amoureuse du bel athlète. Les deux jeunes gens passèrent quelques semaines idylliques sur les coteaux dominant la belle bleue, rêvant, comme tous les amoureux du monde, d'un avenir généreux : « Tu pourrais devenir berger et nous aurions le plus beau troupeau du pays » lui dit-elle. Mais l'étranger avait fort à faire. Le passage d'un vol d'oies sauvages le rappela au souvenir de son pays et il partit. Pyrène le chercha, se lamenta, hurlant désespérément dans la direction prise par Hercule. Pris de remords, celui-ci revint, mais trop tard. Pyrène était morte, de chagrin ou des blessures infligées par les bêtes sauvages, les récits varient sur ce point. Fou de douleur, Hercule fit un tombeau de fleurs et de feuilles à la belle martyre dans le secret de quelque vallée qui avait abrité leurs ébats. Et tout le temps que dura sa tristesse, il empila les rochers tout autour, donnant naissance aux montagnes qui portent depuis le nom de l'éternelle aimée.

Une légende joliment mise en image par notre Lactorate illustrateur, Pertuzé, qui aimait tant et pratiquait la montagne.

Les historiens s'accordent à considérer que le mot Pyrénées a bien une étymologie grecque. Par ailleurs, des comptoirs hellènes ont existé sur la côte languedocienne et sont toujours fouillés et étudiés sur la base d'infimes vestiges où il faut faire la part du grec et du romain, de l'hypothèse et de la preuve, d'Agde à Empúries en Espagne, Collioure et Port-Vendres (Port Vénus...) étant parmi les candidats à l'identification du site de Pyrène, port d'entrée du monde antique en Gaule. Migration, commerce, conquête...

port vendres - port vénus - pyrénées - comptoir grec - languedoc  - travaux d'hercule
Port-Vendres

Après cet épisode originel, notre montagne se voit attribuer par les historiens et les gouvernants de part et d'autre, une fonction de frontière à laquelle la prédestinait son profil allongé de la Méditerranée à l'Atlantique. Il fallut attendre le traité de 1659 signé entre Louis XIV et Felipe IV, roi des Espagnes, un pluriel englobant le Portugal, les Amériques, les Indes, la Sicile, les Pays-bas... donnant à cet outre-monts une profondeur aventureuse et dorée. « Les monts Pyrénées qui avaient anciennement divisé les Gaules des Espagnes seront aussi dorénavant la division des deux mêmes royaumes ». Le tracé de la frontière sur le terrain étant peu envisageable, on transigea sur la formule approximative « la crête des montagnes qui forment les versants des eaux », en s'accordant toutefois, heureusement pour nos fromages, sur le maintien des coutumes de pacage, "lies et passeries" pratiquées par les communautés paysannes installées à cheval sur le tracé théorique et aujourd'hui pointillé sur notre Géoportail national. Car il faut aussi dire l'histoire des peuples montagnards, basques, béarnais, andorrans, catalans... et leurs voisins des versants sud, dont les modes de vie sont relativement heureusement préservés grâce à l'isolement et l'altitude.

estive - pyrénées - pic d'arlet - fromage - pyrénées - brebis - troupeau
Estive au pic d'Arlet

 

Mais l'herbe étant toujours plus verte ailleurs, cela n'a pas empêché les intrusions dans un sens et dans l'autre. Les Wisigoths abandonnaient leur royaume de Toulouse, y compris leur cantonnement de Lectoure, pour aller se sédentariser en Ibérie. Les Vascons les remplaçaient avant que les Francs et les Ostrogoths ne les repoussent dans leur repaire d'Euskadi, d'où ils infligèrent un cinglant Roncevaux à l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne, le nom de Gascogne persistant toutefois de ce côté-ci. Les Sarrasins ayant conquis Al-Andalus ne virent pas dans les Pyrénées un obstacle à poursuivre leur fantastique djihad. Enfin, les royaumes de Catalogne, Aragon et Navarre essaieront un temps, de concilier les versants nord et sud. avant que le traité signé par Louis et Philippe sur l'île des Faisans, située à l'embouchure de la rivière Bidassoa, à l'extrémité occidentale du massif, n'officialise la partition de l'isthme hispanique.   

Je ne saurais oublier dans ce travelling historique notre maréchal statufié non loin du panorama pyrénéen mais lui tournant le dos pour regarder vers son futur tragique. Engagé le 20 juin 1792, en même temps que ses compatriotes Banel, Lagrange, Laterrade, Soulès... Jean Lannes a quitté Lectoure pour rejoindre le 2ième bataillon des Volontaires du Gers. La guerre dite du Roussillon voit la jeune République française résister à la coalition des forces espagnole, portugaise et anglaise. Blessé une première fois à Banyuls, Lannes fit dans les Pyrénées preuve d'exceptionnelles qualités de commandement qui lui ont valu sa rapide promotion.

On regrettera peut-être la superficialité de ces raccourcis. Le principe du carnet d'alinéas voulant que l'on ne s'éloigne pas trop de Lectoure. Mais à deux heures de route, il y aurait tant à raconter. Les Pyrénées sont une riche chronique où se côtoient l'homme de Niaux (Magdalénien, 13 000 ans), le gallo-romain de Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges), le "parfait" cathare de Quéribus, le pèlerin de Saint-Jacques montant depuis Saint-Jean-Pied-de-Port vers Roncevaux pour basculer vers Pampelune, et la petite Bernadette agenouillée devant la grotte de Massabielle, traduire "la vieille roche" on y revient, à Lourdes, mondialement vénérée.

carte pyrénées sites touristiques - niaux - queribus - saint bertrand de comminges - valcabrède - lourdes - saint jean pied de port - chemin de saint jacques

 

Enfin, on peut aussi vouloir oublier mythologie, religions, faits de guerre et autres nationalismes. Aujourd'hui, une simple balade dans les Pyrénées offre au citadin bordelais ou toulousain, et au Lectourois qui veut excursionner au cœur du paysage qui lui sert d'horizon les jours de grand clair, un plein d'énergie et un moment de sérénité. S'il est difficile de nos jours de randonner, y compris dans nos campagnes, sans se frotter désagréablement à quelque zone, pavillonnaire ou industrielle, sans longer une route nationale voire une autoroute ou quelque cheminée démesurée, après avoir été passage migratoire, commercial ou guerrier, les chemins de Pyrène semblent pouvoir nous conduire, s'il le fallait, au dernier refuge.

                                                                        Alinéas

boutx - comminges - pyrénées - village
Le village de Boutx, dans le Comminges.

 

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Pour les amoureux des vues de Lectoure sur fond de Pyrénées, nous recommandons vivement les photos grand format, tirage papier à encadrer ou plaque prête à accrocher, de Damien Leroy, photographe rue Nationale.

Courriel : studio.leroy@orange.fr

Tél. 05 62 68 82 83.

 

ILLUSTRATIONS :

- Couverture de l'album de Pertuzé, Pyrène, Ed. Loubatières

Pertuzé a également illustré les 4 volumes des Chants de Pyrène 1981-1984 Ed. Loubatières.

- Carte postale de Port-Vendres, collection particulière

- Photos  Monts enneigés, Estive au Pic d'Arlet, Boutx © Michel Salanié

- Post scriptum, Lectoure sur fond de Pyrénées © Studio Leroy 

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Rédigé par ALINEAS

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Publié le 8 Février 2022

 

Ce sont les plus surprenantes balades. Celles où l'on se perd sur les chemins familiers, marchant à l'estime ou à l'écoute des bruits de la nature, si feutrée cependant, jusqu'à l'odorat, autant de sens délaissés auxquels il faut se confier, redevenu sauvage par la force des éléments. Saluer en frémissant cette silhouette sortie de nulle part, trop proche dans cet espace réduit et toutefois si vite et si mystérieusement évanouie. Etait-ce un songe ? Une âme ? Un voisin peut-être ? La ville elle, n'a jamais eu cette apparence évanescente et ne ressemblera plus à cela même dans quelques secondes, comme si l'on voulait effacer la trace de ce théâtre vaporeux et fantasque, de cette symphonie en flou majeur. Il n'y a pourtant pas un souffle de vent. Qui se joue de nous ? Un soleil à toiser, comme une lune façon lampadaire, voire comme baudruche emportée par un souffle de crachin. Tout est plus fragile, et de fait, précieux. Moins de détail, moins d'environnement rend chaque chose, ce viel arbre, cette compagnie de chevreuils, unique et jubilatoire. Une bête inquiétude et la froidure humide sur le visage poussent à allonger le pas lorsqu'une glissade tout juste rétablie impose au contraire d'assurer son équilibre. Rechercher un horizon, un cadre, comme une main courante dans la houle. Par temps pandémique, faute d'ondée alizéenne, de toute façon moins mystérieuse, trop colorée, trop zouk, la balade dans le brouillard lectourois est une bordée exotique à deux pas de chez soi. Un tour de magie gargantuesque. Un rêve tout éveillé. Inestimable.

                                                                                            Alinéas

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Publié le 21 Janvier 2022

Nous avons révélé dans un précédent alinéa les origines de l'hôpital du Saint-Esprit de Lectoure. Créé par la commanderie bretonne du Saint-Esprit d'Auray au 14ième siècle, installé à l'emplacement de l'actuel hôtel des Doctrinaires, cet établissement  a probablement été doté à l'origine par le vicomte de Lomagne soucieux de respecter ainsi la première des obligations du bon chrétien, la charité. Puis, nobliaux ou bourgeois, les lectourois plus ou moins fortunés également désireux d'assurer leur vie éternelle, ce qui n'est pas exclusif d'une pure générosité, ont complété progressivement le domaine du Saint-Esprit.

Il faudra aménager ce bâtiment et ses dépendances, les entretenir, et louer ce qui peut l'être, en particulier le domaine agricole, afin de générer des revenus réguliers permettant de loger, nourrir et soigner les malades et les pauvres, qui sont légion à l'époque, et de rémunérer les hospitaliers laïcs. 

Le cadastre napoléonien garde la mémoire du domaine de l'hôpital, ici à Navère

 

Les comptes de l'hôpital, Condes de l'espitau deu Sant Esperit de Laytora de 1457 à 1558 * nous sont parvenus et sont une source précieuse d'informations sur la vie, non seulement de l'établissement charitable, mais également celle de la ville elle-même. En 1457, le comte Jean V est surtout préoccupé par sa relation orageuse avec Louis XI. Cependant, il reçoit les délégations des représentants de la ville dans l'église Saint-Esprit, probablement du fait de sa capacité d’accueil et peut-être pour éviter d'ouvrir la porte de son château.

L'hôpital lui, est géré par deux bourgeois élus pour un an, les gouverneurs, sous le contrôle des consuls de la ville. Cette situation n'est pas spécifique à Lectoure. L'ordre du Saint Esprit a, dès l'origine, sollicité ce contrôle laïc et ce parrainage dans ses maisons, pour libérer les hospitaliers de cette tâche, et sans doute afin d'intéresser la collectivité et se mettre sous sa protection. Mais en même temps, un trop grand nombre d'établissements a été créé, dispersé en France et dans les royaumes voisins, et il semble que les effectifs religieux soient insuffisants voire absents. A Lectoure comme dans toutes les villes, les municipalités vont donc devoir prendre le relais lorsque l'ordre du Saint-Esprit sera défaillant.**

Un comptable au Moyen-Âge

 

Jugeons-en. Le premier état des lieux dressés par les gouverneurs de l'hôpital en 1457 est éloquent :

Il fut trouvé dans la chambre où dorment les pauvres quatre couettes de petite valeur

- quatre traverses de peu de valeur

- trois couvertures de lit de peu de valeur

- cinq ciels de lits de bois dont deux neufs et les autres de peu de valeur

- deux petits bancs de bois

- deux tables à quatre pieds de cœur de chêne de peu de valeur

- 23 draps desquels 7 étaient bons et les autres de peu de valeur

- deux coffres, un avec clef, l'autre sans clef ni couvercle,

- un tonneau de bois assez bon

- trois vieilles cuves de peu de valeur

- une serpillière bonne

On le voit la capacité de l'hôpital est très limitée et le mobilier réduit à l’extrême. Les instruments de cuisine sont évoqués l'année suivante : un vieux chaudron...  une canette d'étain et une crémaillère... Il n'y est aucunement question de pharmacie ou de médecine.

On estime que la capacité du Saint-Esprit s'est élevée plus tard jusqu'à vingt à trente lits.

Il faut à l'origine, voir dans cette institution essentiellement un lieu d'accueil, un refuge pour les indigents, plus qu'un établissement de soins. Le terme ospital en vieux français ou espitau en gascon étant d'ailleurs traduit indifféremment par hôpital ou hospice.

L'hôpital, appelons-le ainsi, a des revenus agricoles que les deux gouverneurs enregistrent sur le livre de compte et réclament en temps et heure aux débiteurs. Parmi les terres de rapport nous relevons Navère, Lesquère, les Pierres-blanches (autour de notre actuel quartier des Justices), Boulan, Mourenayre, des vignes à Cardès, Manirac et Corn, à Ricarde sur la rive gauche du Gers, une plantation de saule pour la vannerie, aubareda que es dela Gers etc... Les loyers sont payables en nature bien sûr. Le vin et les céréales sont revendus pour être consommés sans délai. La céréale conservée pour la consommation de l'hôpital est stockée dans la même pièce que les draps, non pas par manque de place mais parce que ce sont tous deux des biens précieux qu'il convient de surveiller et que la pièce est choisie pour son hygrométrie. A une époque où les bâtiments sont humides et froids, le problème de la conservation alimentaire est difficile.

L'hôpital est également doté de matériels et de locaux dont ne disposent pas les petits exploitants et auxquels il facture son utilisation : pressoir, chai, greniers pour le séchage des noix ou d'autres récoltes... Mais le local du pressoir est souillé à plusieurs reprises, par les moutons du Sénéchal puis les chevaux des pauvres (pauvres mais cavaliers !).

Le Saint-Esprit est copropriétaire du moulin de Repassac, en partage avec l'évêque et le comte, avec le seigneur de Galard, officier de Louis XI, après le siège de la ville et la fin de la maison d'Armagnac. Il reçoit à ce titre du meunier son quota de farine tout au long de l'année. Mais il faut régulièrement remplacer les meules. Une meule coûte 1 écu, 13 gros 1/2 (le gros vaut 16 deniers tournois). Ceci est une preuve s'il en fallait, de la dotation originelle noble de l'hôpital Saint-Esprit qui est également copropriétaire pour un cinquième d'une ferme, lo bordiú, que nous ne localisons pas.

 

Les donations se poursuivent, plus ou moins importantes. Nous reçûmes d'Arnaud Guilhem Depossi trois couettes et trois traversins neufs, sans plume.... Il fut donné par certaines autres personnes de la ville, deux serpillères et deux draps assez bons. Si l'établissement d'accueil paraît sommaire, mais il faut resituer ces données à l'époque, les revenus sont donc conséquents. Ainsi, les gouverneurs peuvent-ils faire entretenir le matériel et les bâtiments. Les cuves sont recerclées à neuf... On achète de la graisse pour colmater le bois du pressoir, des clous pour latter le toit... L'équipement destiné à l'accueil et aux soins des pauvres et des malades lui-même est complété. Nous dépensâmes et payâmes au tisserand qui fit le drap... nous achetâmes une cruche et un cruchon pour tenir l'eau pour les pauvres... et 22 livres de plume. Nous achetâmes de Gayssion Foassin deux canes de rousset pour faire une robe (robe de bure) à l'hospitalière à 11 gros la cane.

L'hôpital n'est pas dispensé de l'impôt : 1 écu, 2 gros au titre de la taille versée aux consuls de la ville en 1458.

Ceux qui viennent mourir à l'hôpital espèrent bénéficier d'une sépulture, au plus près de l'église, qui leur assure, ils l'espèrent, d'être présentés au jugement dernier. C'est une des missions essentielles du Saint-Esprit. Or, pour la remplir tout à fait, l'hôpital devra régler le prix de la messe funéraire de l'indigent au chanoine titulaire de la chaire du Saint-Esprit ! Tout se monnaie et le clergé séculier ne fait pas de cadeau.

Nous fîmes faire des draps de lit que nous donnâmes à l'hospitalier pour les mettre aux lits des pauvres en plusieurs fois, 6 draps et un linceul pour un jeune homme qui était mort à l'hôpital ; coût 30 livres de lin et d'étoupe données pour l'amour de Dieu, que nous fîmes filer à 3 liards par livre, total 15 gros.

 

Les morts laissent en général leurs biens à l'hôpital qui les a soignés. Un bâtard, fils adultérin de quelque noble qui ne s'est pas fait connaître, laisse son cheval. L'hôpital l'adopte pour son service et pour cela lui fait fabriquer un bât. On suppose que s'il eût été destrier et de valeur, on aurait plutôt choisi de le vendre. Ailleurs, une morte lègue son champ, un autre une maison.

Le Saint-Esprit gère plusieurs petits hospices répartis sur son domaine eux-mêmes qualifiés "espitau". Ainsi voit-on apparaître dans les comptes, des dépenses pour l'hôpital Nostra Dona de Correge c'est-à-dire Notre Dame des corroyeurs, que nous situons approximativement dans l'actuelle vallée de Foissin, ruisseau un temps nommé "riú correge" avant que "Saint-Jourdain" puis "Ruisseaux" ne s'imposent. Les dépenses concernant cette annexe reviennent souvent et sont conséquentes (37 journées de deux âniers et leurs bêtes pour y porter de la pierre !). On y accroche une lanterne (coût : deux gros). Les dames y font la quête, ce qui laisse supposer un potentiel important, dira-t-on aujourd'hui en langage de marketing, à rapprocher du calme de l'actuel quartier des Ruisseaux.

Le Saint-Esprit gère également l'hôpital Saint-Jean de Somonville, parfois dit "Saint-Jean d'Abrin", rive gauche du Gers. La maison dite "À espitau" est proche de la ferme de Saint-Jean de Somonville, qui existe toujours aujourd'hui et qui appartiendra dans les dernières années du 15ième siècle à Manuel et Jean Despitau. Un nom de famille qui laisse supposer que l'on est en présence de descendants d'un pensionnaire de l'hôpital ayant progressivement pris possession de ce domaine. Les comptes précisent effectivement que la terre y est louée à la commanderie d'Abrin située au sud de La Romieu, travaillée par un cagot, descendant de lépreux et attaché au Saint-Esprit, et que les deux hôpitaux sont "unis". Nous sommes-là sur le domaine de l'ordre de Malte, peu actif à Lectoure sauf pour prélever la dîme, qui a délégué au Saint-Esprit la gestion de cette annexe et sa mission hospitalière.

Le Saint-Esprit installera également un hospice dans les environs du ruisseau de Bournaca, dit Espitau de Santa-Ribeta, dont nous savons peu de choses. Pour le construire, on vend les terres de Boulan. Rapport : 13 écus pour un premier versement.

Ce processus de création d'annexes est caractéristique de l'époque. L'hôpital va vers la population qui ne peut pas se déplacer que ce soit pour bénéficier de son secours ou pour contribuer à son financement. Le Saint-Esprit ne peut pas espérer remplir sa mission en restant intramuros. De même que l'église installe des oratoires et des chapelles pour rassembler une population disséminée sur un grand territoire, et drainer des prébendes il faut bien l'avouer, l'hôpital investit les campagnes en s'appuyant sur son domaine et sur les donations dont il bénéficie. Cependant, cette dispersion des moyens ne favorisera pas son efficacité.

Les charrois de toute sorte coûtent très cher à l'hôpital. Le pays est étendu et le relief escarpé. Pour un transport de pierres et de charpenterie, il faut louer jusqu'à trois paires de bœufs. La charrette et les conducteurs en sus. L'hôpital ne peut pas se contenter, comme le fait certaine noblesse, d'entretenir son périmètre. Les pauvres (entre 20 et 40% de la population) et les malades sont nombreux et l'entreprise est colossale.

Sur le chemin de Lagarde-Fimarcon à Lectoure, À Espitau, propriété des Sieurs de Marcous Despitau. Détail du plan du dîmaire de l'Ordre de Malte.

L'hôpital du Saint-Esprit est en relation avec les autres hôpitaux de la ville et l'on se rend des services. " Il fut pris de l'hôpital Sainte-Catherine du Pont-de-pile un cent de tuiles que nous devrons leur rendre". En effet, les comptes du Saint-Esprit démontrent l'intense activité charitable de Lectoure. Parce que la misère règne et, il faut le redire, parce que le message des évangiles interprété par le clergé est comminatoire. La ville dénombre une demi-douzaine d'hospices, à La Peyronelle sur le chemin de Saint-Jacques, au Castanh, au faubourg Saint-Jacques et un autre Saint-Jean... et là encore, on peut s'interroger sur les conséquences de la dispersion des efforts.

Les pèlerins, nombreux, souvent malades, handicapés ou épuisés, ont recours à la charité de l'hôpital. Mais la lèpre et toutes sortes de maladies que l'on craint contagieuses amènent les consuls à interdire l'entrée des étrangers en ville. Le Saint-Esprit fait alors construire à ses frais une cabane au-dessus de l'hôpital Saint-Jacques, au faubourg, avant la barbacane de la porte d'entrée est.

Mais les religieux, les hospitaliers et les gouverneurs de l'hôpital ne sont pas isolés. La charité est l'affaire de tous. Chaque année "las damas", évidemment bourgeoises, parmi lesquelles certainement les épouses des gouverneurs et des consuls qui doivent apporter leur écot à l'engagement généreux de leurs maris et ainsi tenir leur rang, procèdent à la "quête du fil". La quête en monnaie sonnante et trébuchante ne rapportant que peu, les dames charitables quêtent également du fil qui permettra la confection de linge. On file dans toutes les maisons, qui pourrait refuser ? "Nous dépensâmes et payâmes au tisserand qui fit le drap du fil qu'on avait donné aux dames pour l'amour de Dieu : 9 gros". On quête à pâques, le vendredi saint, à la saint Martin, les dimanches, les dames mais également les hospitaliers, rémunérés pour ce faire. Et certains bénévoles à tour de rôle, mais les gouverneurs sont amenés à leur payer à boire ! sans doute un jour de grande chaleur. On quête à Pentecôte bien sûr, la fête de l'Esprit saint et ce jour-là, par décision papale, jusque sur le territoire de monseigneur l’Évêque. Concurrence...

Si l'hôpital génère une certaine activité économique, il semble que ce soit pour une part en circuit fermé. Le livre de comptes fait apparaître que les débiteurs sont souvent également créanciers. Cependant, quelques achats de produits introuvables sur place conduisent des commissionnaires à se déplacer, engageant une dépense exceptionnelle, à Toulouse pour un couvre vitre (?), le livre de compte lui-même, il n'y a pas de papetier à Lectoure, et encore, à la foire de la saint André, quatre couvertures, ou à Layrac pour une meule dite de Buzet...

Malheureusement les détournements de fonds charitables ne sont pas un dévoiement réservé à notre époque moderne. L'histoire est racontée par le docteur de Sardac, ancien maire de Lectoure dans son Étude sur l'assistance publique à Lectoure aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, déjà citée. La clôture des comptes annuels de l'hôpital donne lieu à des agapes rassemblant gouverneurs et consuls. Certaines assemblées sont très raisonnables, d'autres dépensent allègrement et de façon disproportionnée en regard du budget général. En 1497 on mangea un repas digne de Pantagruel, des oies, des œufs, des épices, du mouton, une salade de viande, des tartes, du lait caillé, de la fressure de chèvre, tout ceci arrosé de vin blanc et rouge. Le tout pour 1 écu et 2 gros, soit un mois de dépenses générales de l'hôpital et la moitié de ce qui est donné aux malades sur une année !

 

Sont-ce ces errements, le désintérêt croissant de la bourgeoisie pour la religion ou bien le besoin de fédérer les bonnes volontés ? le 16ième siècle verra la reprise en mains de l'ensemble des activités charitables par l'église. Dès 1535, un Bureau des pauvres présidé par l'évêque contrôle les comptes des gouverneurs de l'hôpital et l'ensemble des activités charitables des consuls. En 1566, délabré, l'hôpital au nord-est de la ville est abandonné. Les pauvres et les malades sont regroupés au quartier Guilhem Bertrand (au sud de la ville). En 1656, sous le règne de Louis XIV, les hôpitaux généraux sont institués pour régler de façon autoritaire le problème de la mendicité. L' hôpital refuge devient asile d'internement. Un recul sur le plan de l'évolution de la santé publique qui s'exprime dans le dicton "C'est l'hôpital qui se moque de la charité" tant les deux systèmes étaient dans le même état d'indigence sur le plan des connaissances et de la pratique de la médecine. A Lectoure, il faudra attendre encore un siècle (1758) pour que la construction d'un hôpital digne de ce nom débute à l'emplacement du vieux château des comtes d'Armagnac et un siècle de plus pour qu'il soit totalement achevé. Avant l'avènement de la médecine moderne, la mission que s'était donnée Gui de Montpellier en 1180 et la présence bicentenaire de l'ordre du Saint-Esprit à Lectoure ont toutefois, pendant deux siècles, permis de soulager les maux de générations de malades, estropiés, indigents, femmes seules, orphelins et pèlerins. Il faudra évoquer les hospitaliers qui ont consacré leur vie à cette œuvre admirable.

A suivre.

                                                                        Alinéas

 

 

* Comptes de l'hôpital du Saint-Esprit de Lectoure, 1457-1558, transcription et traduction d'Elie Ducassé, Société Archéologique du Gers.

** Une autre analyse existe pour expliquer cette gestion municipale : " Nous voyons à cette époque (1320) les édiles des communes (nouvellement crées) et les Sénéchaux (lieutenants du Roi) obtenir droit de regard sur les hospices et hôpitaux, institutions d'Eglise et amorcer un glissement continu qui aboutira au statu civil actuel." Osmin Ricau, Histoire des cagots.

 

ILLUSTRATIONS :

- L'hospice, Jacques Caillot, 1617.

- Cadastre napoléonien, Lectoure section de Navère, www.archives32.fr

- Un comptable au travail. Lettrine du compte de Mathieu Regnault, receveur général du Duc de Bourgogne pour l’année 1426-1427. Archives départementales de Côte d'Or.

- Calendrier du Rustican, 1306. Pietro de Crescenzi. Juillet et octobre.

- Sépulture, Ordre charitable protestant de Saint Jean , ville de Weibensee, détail.

- Dimaire de l'ordre de Malte, 1782, Archives de Lectoure.

- Le banquet du paon, Le Livre des conquêtes et faits d’Alexandre, vers 1446. Musée du Petit-Palais, Paris.

 

 

 

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Histoire

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Publié le 10 Janvier 2022

peuplier d'italie gascogne gers lectoure

 

 

olitaire souvent, quelque peu hautain, toujours remarquable, que ce soit au soleil, dans la brume ou par grand vent, il cultive son allure. Rassemblé avec quelques congénères, devisant dans les airs sans se soucier du menu peuple, il dresse une cathédrale de verdure, aristocratique et puissante. Puis, cheminant à la queue-leu-leu, il tend de souples drapés, ondulant gracieusement tout au long du ruisseau, divisant le vallon en deux, sol y sombra, comme un théâtre de plein air dont il est le génial premier rôle.

peupliers vallon foissin gascogne gers

 

Cependant, planté au cordeau pour être dressé à servir l'industrie, il paraîtra plutôt soumis et raide comme un enfant de troupe. A l'âge adulte, cette armée deviendra compacte et impressionnante, abritant dans ses rangs obscurs des escouades de rapaces et de sangliers.

peupleraie gers lectoure

 

Enfin, gracieux, semblant fragile, la littérature lui prête souvent des attitudes féminines.

 

Peuplier d'Italie ou peuplier noir le plus souvent, bien que le premier n'existât pas dans le paysage du temps des chevauchées de notre bon roi Henri de Navarre*, il est l'un des arbres totémiques de Gascogne. Les myriades de petites vallées perpendiculaires aux rivières qui descendent du plateau de Lannemezan, parmi elles le Gers, lui offrent une terre riche et humide et, contre les vents parfois colériques d'autan et de Bayonne, la protection de coteaux versants profonds. De tradition séculaire, son bois léger a fourni aux paysans-bâtisseurs la volige qui dort sous la tuile canal et la longue poutre faîtière des bordes et des granges postées sur les collines depuis les Pyrénées jusqu'à Garonne. Patiné de cire par des générations de ménagères, au cœur de la bâtisse, le plancher de peuplier offre au pied nu chaleur et souplesse. Malheureusement, hors exploitation forestière, aujourd'hui on le néglige, le laissant trop vieillir et parfois basculer misérablement dans le ruisseau, ce qui n'est pas bon pour les berges. Il est aussi accusé de soulever le macadam et d'envahir les canalisations. On prévient sa chute à proximité des maisons. Les charpentiers préfèrent désormais s’approvisionner auprès de la grande distribution, en différentes espèces souvent importées d'Europe du Nord et d'Amérique.  Pour n'avoir pas prélevé les sujets matures au fil du temps, il faudra abattre sans ménagement des compagnies de géants qui fourniront à vil prix l'industrie de la pâte à bois ou entreront dans la fabrication de vulgaires panneaux de particules. Alors, le promeneur découvrira le désastre et un paysage lunaire que le prochain orage ravinera, transformant les sentes dénudées en de vagues traînées boueuses. Triste fin. Salut l'artiste.

fût de peuplier pâte à bois panneaux de particules

 

Heureusement notre arbre ne se laisse pas définitivement abattre... Il recèpe et drageonne abondamment. Il croît rapidement et l'on peut espérer, en quelques années, retrouver l'ombre frémissante de son feuillage, la neige mousseuse de ses graines au vent printanier, l'or de sa livrée d'automne et, pour les connaisseurs, le goût subtil d'une fricassée de pholiotes, bouquet gourmand cueilli à l'étal de sa souche.

pholiote champignon de souche peupler

 

Au pied de Lectoure, entre Tulle et Boulouch, avant qu'on ne l'y cultive intensivement, il régnait là naturellement de toute antiquité, au débouché du Pont-de-pile, au lieu-dit ayant hérité de son nom gascon, Au Bioule. Des milliers de pèlerins ont quitté la ville en direction de Santiago sous la bénédiction de ses rameaux agités d'un souffle de vent. Dans le sens inverse, sans message, Pertuzé y figure l'arrivée d'André Gide dans un magnifique dessin déjà reproduit dans ce carnet, le lactorate illustrateur prouvant encore une fois sa très fine perception de l'environnement de sa ville. Je trouve personnellement que si l'on soigne beaucoup, et à raison, nos remparts, nos monuments, nos kilomètres de routes et de chemins communaux, il y a là une facette de Lectoure qui mériterait d'être aménagée. Une promenade dans la peupleraie au bord du Gers participerait au charme de notre ville, qui doit beaucoup à la rivière et à la vallée soit dit en passant, historiquement et économiquement, au moins autant qu'à ses sommets qui ont aujourd'hui le privilège d'être au sec.

peuplier lectoure bioule andré gide pertuzé

Pour les amateurs de pharmacopée, le peuplier se voit attribuer un certain nombre de propriétés tisanières, modestes en général au point qu'un grimoire du 18ième siècle précise qu'il "apaise l’inflammation des hémorroïdes surtout si on y ajoute de l'opium". C'est sûr. Cependant, indirectement, le peuplier est l'un des fournisseurs les plus généreux d'une médication naturelle précieuse : la propolis. Cette cire fabriquée par les abeilles pour bâtir et protéger leur habitat contre les envahisseurs et les maladies est le produit d'une macération par l'insecte d'une résine qui protège au printemps les bourgeons de certains arbres et tout particulièrement ceux du peuplier. Antibiotique, riche en oligo-éléments, récoltée par les apiculteurs sur les cadres de la ruche, la propolis est commercialisée à l'état brut, à mâcher, ou bien transformée et conditionnée en spray, gélule, infusion... pour lutter contre les petites affections de l'hiver et prévenir certains l'espèrent ... le Covid ! Voilà notre artiste évaporé, cassant, encombrant, mauvais combustible, se révélant finalement utile là où on ne l'attendait pas. Il suffisait de monter mettre le nez là-haut, sur son fragile bourgeon.

Enfin, le peuplier a inspiré la mythologie, on y revient toujours, pour la morale de l'histoire, et la poésie. A la mort de leur frère Phaéton, imprudent fils du soleil, tombé dans la rivière après un prétentieux rodéo céleste -déjà à l'époque !- les Héliades ses sœurs, sont inconsolables. Leurs larmes se transforment en ambre et elles-mêmes se changent en peupliers.

Des arbres qui chantent et dansent dans les nuages ne pouvaient pas ne pas inspirer nos anciens. Et nous également.

                                                             Alinéas

phaéton héliades peupliers

       

* Monluc et sa piétaille gasconne ne l'ont même pas ramené de leurs campagnes d'Italie successives sous Charles VII, Louis XII et François 1er. Certains attribuent l'importation du peuplier d'Italie à Napoléon ! Et donc possiblement dans la sacoche de notre maréchal lectourois. Ce qui confirmerait le sens esthétique de Napoléon. Mais ne lui attribue-t-on pas trop ?

 

ILLUSTRATIONS :

Les photos de peuplier sont nombreuses et souvent spectaculaires, poétiques et très graphiques en même temps. Pour sélectionner les peupliers de Gascogne, il suffit de faire l'expérience de lancer une recherche sur Google Images. Saisir sur le champ de recherche [ Pierre-Paul Feyte / peuplier ] du nom du fameux photographe de Saint-Puy aujourd'hui exilé dans le Lot. Le résultat est surprenant. Notre premier alinéa de la rubrique Beaux-arts avait sélectionné, avec son aval, celle-ci, digne d'un Pizzarro.

peuplier arbre gascogne pierre paul feyte
© Pierre-Paul Feyte

- La Pholiote du peuplier, © Ramiro Barreiro Wikipédia

- Dessin de Pertuzé http://www.carnetdalineas.com/jean-claude-pertuze-lectourois-et-illustrateur-en-tous-sens

- Pierre Brébiette, La mort de Phaéton, RMN - Grand Palais

- Autres photos © Michel Salanié

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Botanique

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Publié le 1 Janvier 2022

Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Alinéas

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Publié le 23 Décembre 2021

Rédigé par ALINEAS

Publié dans #La vie des gens d'ici

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Publié le 14 Décembre 2021

Templiers Lectoure - moine soldat - chevalier templier - ordre du temple -arrestation des templiers - vicomte de lomagne - évêque de Lectoure

 

 

Vivaient là quelques moines laborieux, nés dans les familles du pays, exerçant les mêmes métiers que leurs pères, modestes agriculteurs, éleveurs, charpentiers et artisans. Le domaine qui avait été cédé à leur Ordre par un puissant seigneur comprenait également des terres à l'entour, des fermes, des bois et un moulin. Chaque année les fermiers apportaient une part de leur récolte au monastère. Ils n'étaient ni plus ni moins bien traités que ceux qui vivaient sur les terres des co-seigneurs de Lectoure, le vicomte de Lomagne et le seigneur-évêque. Mais celui-ci et son clergé n'appréciaient guère la présence des moines car l'Ordre bénéficiait de privilèges accordés par le Pape de Rome. Ils avaient bâti leur propre chapelle où leurs gens venaient écouter la messe et autour de laquelle on les enterrait, ce qui privait l'évêque d'un peu de son prestige mais surtout d'un précieux revenu.

Cependant, les moines vivaient chichement, reversant strictement les bénéfices du domaine à leur maison-mère. Cet argent collecté auprès de tous les domaines de l'Ordre sur le territoire du royaume de France et partout en Europe où il avait été généreusement doté par la noblesse, constituait un trésor colossal qui permettait de mener la guerre en Orient pour protéger des razzias des mahométans les pèlerins partis se recueillir sur le tombeau du Christ.

Or, un jour, un moine-chevalier revenu des royaumes chrétiens d'Orient arriva à Lectoure. Vieux, meurtri et las de faire la guerre, il était chargé par l'Ordre de développer le domaine et ses revenus, du moins l'espérait-on. Mais lui vivait dans ses souvenirs faits de batailles, victoires et défaites confondues. Il donna au ruisseau traversant le domaine le nom de Saint Jourdain, au vallon courant jusqu'au Gers celui de Vallée de la bataille et au monastère lui-même celui de Naplouse. Peu lui importait l'opinion des habitants, des consuls et des seigneurs de la ville. Sans grand savoir ni grand intérêt en matière d'agriculture, son action pour développer le domaine fut surtout de bousculer chaque matin les moines avant l'aurore. Il avait perdu le sommeil et menait son monde comme à la bataille. Puis, alors que chacun s'activait prudemment à sa tâche, lui passait de longues heures à méditer, le regard lointain, mystérieux et sombre.

Il avait amené avec lui de Palestine une servante, fine et brune comme une sébile de brou de noix jetée avec bonheur sur un parchemin. Le chevalier parcourait le domaine du monastère, au pas de son cheval, dans sa grande cape blanche frappée d'une croix rouge, la fille le suivant au loin tirant d'une flûte qu'elle tenait de façon tout à fait inhabituelle, des mélodies étranges et lancinantes. Parfois, impatient, il la renvoyait brutalement. Sans s'émouvoir, elle retournait dans le parc où elle soignait des fleurs étonnantes qu'elle avait rapportées avec elle, rose de Damas, tulipe et cyclamen.

Les enfants de la ville étaient attirés irrésistiblement par l'étrangeté du lieu et de ses occupants. Se faisant la courte échelle pour passer au-dessus du mur d'enceinte, ils observaient la servante au milieu de ses fleurs, attendaient que le chevalier s'éloigne et se glissaient dans le verger pour chaparder quelque fruit mûr, filant à la première alerte. Le moine-chevalier poussait alors un rugissement terrible, faisant tournoyer à deux mains un grand bâton comme son glaive autrefois et les enfants une dangereuse bande d'ennemis. Mais, observant de loin la débandade et s'assurant du retour à l'isolement du monastère, il souriait dans sa barbe et, de son côté, la servante penchée sur son ouvrage s'amusait devant la scène répétée inlassablement comme une ritournelle.

Cette retraite bucolique, un peu triste mais sereine, ne devait pas durer.

Quelques mois avant l'évènement que nous allons rapporter, le moine-chevalier reçu plusieurs dépêches, portées par de mystérieux coursiers. Il devint encore plus secret et irascible. Alors, une troupe de cavaliers à l'insigne de la fleur de lys se fit ouvrir à grand bruit la porte du monastère. Le moine-chevalier dût les suivre et l'on n’entendit plus jamais parler de lui.

Alertés par le chahut de l'altercation et par les cris de la servante, violentée par les soldats pour avoir voulu retenir le chevalier, les moines avaient déguerpi. Les uns au plus près, cachés dans les rochers de Cardès, ceux qui avaient de la famille à proximité dans quelque grenier et enfin, les plus religieux dans les monastères voisins appartenant à d'autres ordres où ils avaient pu troquer leur bure pour une autre.

Pendant trois jours et trois nuits, par dessus le grand mur d'enceinte, les habitants du faubourg entendirent la servante se lamenter et jouer des airs sinistres répétés à l'infini. Le troisième jour, le silence le plus profond régnant sur le monastère, les enfants revinrent prudemment à pas comptés et escaladèrent en silence le grand mur. Là, au milieu de ses roses de Damas, de ses tulipes et de ses cyclamens, ils virent la servante qui gisait sans connaissance. Alors, les enfants la tirèrent à l'abri et pendant plusieurs jours se relayèrent pour lui tenir compagnie, lui apporter à manger ce qu'ils chapardaient ou économisaient chez eux sur leur propre pitance pourtant maigre. Enfin, l'un d'eux, d'une branche de sureau évidée, confectionna un flutiau à la façon des bergers et se mit à jouer des airs du pays de Gascogne. Alors, la servante, de sa flûte se remit à jouer, hésitante au début puis de plus en plus en cadence avec son petit professeur de fortune, comme une renaissance, comme une joyeuse médecine.

Chaque jour, les enfants de Lectoure venaient de plus en plus nombreux écouter la musique frénétique, les uns tambourinant sur quelque tronc d'arbre, les autres faisant la ronde autour des deux musiciens. Au point que les autorités de Lectoure, consuls, capitaine du vicomte et l'évêque en personne décidèrent d'intervenir. On ne pouvait pas prendre le risque que cette femme, sans maître et peut-être même sans religion firent remarquer certains, attire les enfants loin de leur famille, qui sait pour aller où ! Cette flûte était un instrument infernal et envoutant. Elle fut jetée au feu. Emprisonnée dans les caves du château, la servante du moine-soldat fut oubliée. D'elle non plus, on n'entendit plus jamais parler.

Le parc existe toujours. Je connais certains garnements qui y pénètrent par une brèche ouverte dans le grand mur. Et là, depuis tout ce temps, fleurissent chaque année les roses de Damas, les tulipes et les cyclamens de la servante du moine-soldat.

 

flûtiau - flute arabe - ney

 

 

Un conte quelque peu inspiré à la fois par Oscar Wilde, "Le géant égoïste" et de la légende rapportée par les frères Grimm, "Le joueur de flute de Hamelin".

Un conte mais... Si elle est méconnue, la présence des Templiers à Lectoure est attestée.

Le 13 octobre 1307, par une incroyable rafle policière, dans toute la France, Philippe le Bel faisait arrêter les chevaliers du Temple. Pour leurs mœurs fit-on savoir. Pour leur trésor plus sûrement. Certains le cherchent encore. Mais la richesse du Temple tenait surtout à son organisation centralisée, efficace et entièrement dévouée à sa mission. Plusieurs centaines de chevaliers furent enfermés et torturés de longues années avant de connaître un procès uniquement à charge. Beaucoup périrent en prison, d'épuisement ou exécutés en secret. D'autres dont le dernier maître Jacques de Molay, montèrent sur le bûcher. L'immense domaine de l'Ordre fut dépecé avidement par le roi de France et l'Eglise de Clément V, premier pape en Avignon et frère du vicomte de Lomagne.

Reste la légende du moine-soldat. Restent la grande croix rouge et le ruisseau de Saint-Jourdain qui court au pied du parc du Couloumé.

                                                                                         Alinéas

chapelle de Cressac - les templiers sortent d'Antioche

 

ILLUSTRATIONS :

- Photo titre © Michel Salanié.

- Intérieur d’un harem. - Dessin de Mettais d’après le tableau de Mme Henriette Browne. Wikisource.

- Fresque de la chapelle templière de Cressac, Charente - Les templiers sortant d'Antioche.

 

 

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Contes

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