A Lectoure en Gascogne, mon carnet à tout propos. Moulins, châteaux et ruines,
à propos des chemins et des bois aussi, des plantes sauvages et comestibles, romans et légendes, à propos de la vie des gens d’ici, hier ou aujourd’hui. Carnet-éclectique.
E croyais qu’elle avait disparu. Disparue ma Gascogne. La Gascogne d’avant les quatre voies qui filent fébrilement vers les mégalopoles. Sans doute, derrière les volets clos, les écrans cathodiques brillent-ils mieux que son ciel. Un ciel cependant géant, accoudé sur un balustre de Pyrénées. Et magnanime, "que voulez-vous y faire ?". On ne joue plus dans la rue à la nuit tombée. On ne joue plus du tout dans la rue. Il n’y a plus de bonbons à deux sous chez l’épicière. Il n’y a plus d’épicerie. Il faut vivre avec son temps et ma Gascogne s’est perdue. On ne retient pas un enfant qui a décidé de partir découvrir le monde. C’est la vie.
C'est la vie oui, mais la terre est la terre. Elle se souvient et n’attend qu’une occasion de raconter son histoire, par petites touches, aux passants patients. Il faut être patient pour entendre le soupir du pays profond. Les passants patients sont rares ? Tant mieux. Sinon les vieux conteurs qui n’aiment pas l’agitation s’en retourneraient maugréer au coin du feu. Le chat aussi qui a filé sous le portail. D’ailleurs les souvenirs n’ont pas besoin d’être entendus pour exister. Il me suffit de regarder le dernier soleil décliner sur le mur galeux où le lierre et la rose se parlan, comme on disait autrefois de deux jeunes gens qui fréquentaient.
Sallie Erichson fait partie de ces quelques passants patients qui écoutent la terre parler. Qui savent que ce chemin sans apprêt a la noblesse de la discrétion et la valeur du peu. Qui devinent que cet abandon veut vivre. Les photos de Sallie m’ont rassuré. Tout est bien là. La porte de guingois, le tas de bois rangé sous l’appentis. Le viel arbre tordu au milieu. Alors l’enfant prodigue reviendra. Il n’a pas trouvé mieux dit le poète chanteur.
Comme Sallie, il faut venir d’un ailleurs total, et invraisemblable vu d'ici, pour distinguer le trésor que nous, nous ne voyons plus, mais qui dort bien là, devant le pas-de-porte. Distinguer l’accord de la glaise originelle, ciselée et agencée par la façon immémoriale, avec la feuillaison récoltée parcimonieusement, et puis la lumière qui ne nous est pas comptée. Il y a dans son regard tendre une musique, un adagio du Nouveau Monde qui reviendrait sur ses pas.
Je ne saurais pas vous dire mieux de ma Gascogne que Sallie.
Alinéas
Sallie Erichson est américaine, version côte ouest. Etat de Virginie. Etudes de piano au conservatoire de Shenandoah-Winchester (promotion 1971). A travaillé chez les éditeurs de musique, RCA Red Seal à New-York et Sony Classical à Hambourg. Auteure des photographies des artistes édités par Sony Vivarte Series de musique ancienne. Installée à Lagarde-Fimarcon en 1995 avec son mari Wolf Erichson († 2019), très réputé producteur de disques. Organise des stages de piano. Gîte rural. Photos sur facebook et flickr. Courriel : chapellerose@gmail.com
Paradis
Le jardin secret
Changement de saison
Rive gauche
C'est tout droit !
La forêt enchantée
Le parfait
La porte du sculpteur
Marsolan - Bretelle nord-ouest
Marsolan - Grand-rue
Marsolan - Crépuscule
La porte dorée
Envie de rien faire
Un amour véritable
Inspiration
Le bois est rentré
Avant l'orage
J'aurais tant aimé vous rencontrer plus tôt mademoiselle...
e fut l'une des belles découvertes de l'hommage rendu à l'illustrateur lectourois en mai dernier.
Plusieurs mois avant la manifestation, en recherchant les œuvres qui pourraient être exposées, nous suivions, de loin, les formes généreuses de cette flamenca pertuzéenne en vente chez un antiquaire du côté de Rodez. Mais elle disparut soudain des radars. Un concurrent. Dépités, nous nous rendîmes au Musée de l'Affiche de Toulouse, le MATOU. Fermé définitivement. Mais on ne décourage pas un Lactorate décidé. Contacté à son tour, le Musée des arts précieux Paul-Dupuy nous rassurait : un fonds d'affiches Pertuzé existait, bien conservé dans ses réserves et il pourrait faire l'objet d'un prêt. Nous tenions notre invité d'honneur. Convention de prêt, choix du lieu adéquat (la salle des Pas perdus de l'hôtel de ville étant un véritable courant d'air, celle des Illustres bien nommée mais pas conforme, et pour finir, grâce à l'intervention du maire, la belle salle des Etats de l'Office de Tourisme Gascogne-Lomagne), transport, assurances, encadrement... une longue collaboration, très professionnelle, avec le concours de Céline Bordes du service Culture de la mairie et les bibliothécaires Anne Depis et Sabah Medjaour, s'engageait avec Claire Dalzin, Responsable des collections d'arts graphiques du musée toulousain, permettant de sélectionner une vingtaine d'affiches qui allaient être accrochées pendant deux semaines aux cimaises lectouroises pour le plaisir des visiteurs.
Plaisir et surprise. Car pour ceux qui connaissaient Pertuzé, la variété de style, l'abondance de la couleur, la sobriété de la mise en page furent une redécouverte. La grande adaptabilité demandée à l'affichiste pour chaque évènement à annoncer paraît évidente à la réflexion mais encore fallait-il qu'il soit modeste pour ne pas imposer sa patte, sombre et volubile, caractéristique du folkloriste de Gascogne. L'affiche nécessite un style plus direct, plus épuré. Cette imprégnation du contexte est une des qualités majeures de notre artiste et sans doute ce qui a fait son succès sur ce terrain. Pendant une vingtaine d'année, Pertuzé sera l'affichiste privilégié des associations culturelles et des collectivités locales de Toulouse et de sa région. Bien au-delà de ses bases, sa réputation l'amènera à Beaugency, où il sera primé, à Bilbao où il sera en outre invité à prononcer une conférence sur la BD occitane, en français ou en gascon, on ne sait...
Chaque nouvelle demande de conception d’une affiche génère une excitation particulière chez l’illustrateur. Dans un délai relativement court, il lui revient d’imaginer une mise en scène et une seule ce qui fait une grosse différence avec le travail du bédéiste.L'illustration devant symboliser parfaitement le thème et annoncer le contenu de la manifestation. Les personnages, le décor, les costumes, l’époque, la couleur… tout doit être conforme. Là réside la difficulté de l'exercice. Et son intérêt. L’artiste a toute latitude… mais dans un cadre strict ! Le format, les mentions obligatoires, le lieu, la date, l’annonceur, les sponsors, un véritable puzzle lui est livré en vrac dont l’assemblage constitue un exercice de style académique. En même temps et paradoxalement, on attend de l'artiste qu'il reste lui-même, puisqu'il a été choisi pour sa personnalité. Qu’il se surpasse pour être original, drôle ou sérieux ce sera selon, qu’il se renouvelle enfin s’il est commandité à plusieurs reprises successives pour un même évènement comme ce fut le cas, par exemple, avec le festival de Jazz de Lavelanet, le Printemps des courges toulousain ou Théâtre à Grimone (Drôme).
Il s’agit donc d’un véritable challenge et d’un jeu très prisé par Jean-Claude Pertuzé qui s’en fera une spécialité. Il y joue de l'originalité et de la virtuosité de son art, de la typographie, très importante sur ce support de communication, qu'il manie avec scienceet qu’il aime adapter au message, enfin d’un ton enlevé et cultivé. On imagine qu'il y a dû avoir chez lui un plaisir intime à voir son travail affiché partout en vitrine, dans la presse, dans une sorte de musée de rue, placardé sur les rideaux métalliques abaissés des commerces, des lampadaires des vieilles rues étudiantes et festives de Toulouse, Albi ou Tarbes. Affichette recouverte aussitôt par les manifs concurrentes, recollées par une bande d'aficionados bénévoles obstinés, prélevée subrepticement au cutter par quelque collectionneur fervent dans le millefeuille de ces panneaux d'affichage bariolés et sauvages, tout ceci dans le joyeux désordre d'une campagne de com' qui ne cède en rien à la propagande électorale, excepté l'arrogance.
La collection du musée Dupuy que nous reproduisons ici pour mémoire était complétée par quelques affiches prêtées par nos amis et soutiens bienvenus, Jean-François Buffet, Pascal Mazzonetto et Jean-Claude Ulian.
Alinéas
PS. Les conditions de prises de vue sur le lieu d'exposition n'ont pas permis d'obtenir la meilleure qualité de reproduction espérée. Ces clichés sont donc ici uniquement à titre documentaire et destinés à garder la mémoire de la manifestation d'hommage à Pertuzé - Lectoure 2024. Le copyright reste la propriété des ayants droits de l'artiste. Reproduction interdite.
Le carnet d'alinéas a déjà dit son admiration pour la libellule et sa cousine la demoiselle voir ici. Mais voilà qu'une photographe, amateure de talent, nous ramène sur la berge du ruisseau de Foissin pour la reprise saisonnière du ballet gracieux dont on se lasse pas, espérant surprendre l'Agrion de Mercure, rare et discrète danseuse étoile de la qualité de notre environnement, à deux pas de la ville.
La photographe, Torunn, Norvégienne, est une fidèle amie de la Mouline de Belin. Dans les années 80, entre Vendée et Lectoure, elle chaperonnait deux gamines venues en vacances chez leurs grands-parents, Odette et André. Son prénom la prédestinait pour cette mission de confiance, car il procède du dieu scandinave Thor, idole protectrice mais impitoyable avec les géants qui menacent les dieux... et par extension tous les êtres auxquels nous tenons. Depuis, elle n'a cessé de revenir chez nous, à intervalle, amoureuse des panoramas de la citadelle, de la fontaine Diane, aimant flâner dans notre rue commerçante, prétendument Nationale mais toutefois très exotique pour un regard hyperboréen. Et cette année à nouveau, pour un safari délicat.
Du 5 au 13 octobre prochains, Torunn exposera ses photos dans sa ville de Drøbak, sur le fjord d'Oslo. Notre gracieux insecte gascon y trouvera t-il une cimaise où se poser ? Ce serait alors... "Une demoiselle venue du sud" !
L'occasion est trop belle pour Alinéas de quitter un instant notre petit - si, si, il faut être lucide - univers gascon : Torunn nous invite dans son pays, l'un des plus beaux du monde. Magie des grands espaces où semble parfois glisser dans le brouillard l'ombre d'un drakkar.
Alinéas
Aurore boréale à Singsås, Trøndelag
Compagnie de mouettes "à l'affut"
Le mont Hummelfjell au sud de Røros
Séchage de Poissons à Henningsvær, îles Lofoten
Sortland, archipel des Vesterålen
Pleine lune sur Drøbak
Les sirenes de Drøbak, sculpture de Reidar Finsrud
Les îles Lofoten
Pour apprécier plus encore le pays de Torunn, deux options : y aller, tentant non ?... ou lire la saga médiévale Kristin Lavransdatter. Les forêts, les montagnes et les fjords majestueux de Scandinavie et leur histoire ne pouvaient pas ne pas inspirer une belle plume. Ce fut Sigrid Undset dont les écrits décrivant la vie nordique au Moyen Âge et réputés pour dessiner d'émouvants portraits de femmes, victimes ou forts caractères, lui ont valu le prix Nobel de littérature en 1928.
" Au fond de la vallée, les ombres plus épaisses faisaient déjà régner le crépuscule sur les terres brunes et nues ; cependant l'air de cette soirée de printemps paraissait saturé de lumière. Les premières étoiles scintillaient, humides et blanches, dans le ciel, là où le vert glauque du couchant se fondait peu à peu avec le bleu sombre de la nuit.
Mais au dessus de la ligne noire des montagnes, de l'autre côté de la vallée, trainait encore un liséré de lumière jaune dont le reflet éclairait la paroi de rocher escarpée qui surplombait la route. Et tout en haut, ce même reflet faisait briller les crêtes neigeuses et étinceler les glaciers, d'où jaillissaient des ruisseaux qui bruissaient sur le versant. L'air tout entier frémissait de leur chant. En bas, le grondement puissant du fleuve leur servait d'accompagnement. Puis il y avait le gazouillis des oiseaux s'élevant de tous les bosquets, de tous les taillis, de tous les coins du bois."
Sigrid Undset - Kristin Lavransdatter - La croix
August Cappelen - Cascade dans le Télémark
Photos. Tous droits réservés : toropictures2024@gmail.com
C’est l’un des sujets abordés par la médiathèque de Lectoure dans l’exposition « La thématique Pertuzé » encore en place jusqu’au samedi 1er juin… une façon de compartimenter l’œuvre immense et complexe de notre illustrateur, pour mieux l’explorer, la comprendre, puis dans un deuxième temps l’appréhender à nouveau dans son ensemble et l’apprécier entièrement.
En effet, Pertuzé est un excellent portraitiste : classique ou caricaturiste, naïf et cependant expressif au premier regard, comme il se doit pour la littérature jeunesse, minimaliste également pour la BD, fantastique, humoristique… Dans tous ces genres, alternativement, notre artiste, en quelques traits, au-delà du physique, illustre les sentiments, les expressions et les caractères.
Non, ce n'est pas "Gascogne céleste". Mais "Gascons à table"...
Les sorcières n'ont pas toujours l'air méchantes, mais ne vous y fiez pas...
Lui, c'est clair.
Dessin minimaliste mais un maximum de présence
Marceu Esquieu, l'Occitanie portraiturée !
Le Basa Jaun des montagnes basques, qui me paraît moins terrible que sa légende non ?
Rien qu'un peu de noir sur du papier blanc, disait-il.
Farniente enfin. Pertuzé a rangé sa palette.
C'était la dernière chronique de notre hommage à Pertuzé. Dans quelques jours votre carnet d'alinéas reprendra le cours normal de ses rubriques variées et toujours lectouroises. Mais il est probable que "l'illustre illustrateur lactorate" repassera par là...
La carrière de Pertuzé, très riche en thèmes divers et largement dispersée sur la grande Occitanie, du Languedoc au Bordelais, de la Garonne aux Pyrénées, a été évoquée lors de l'hommage officiel qui lui a été rendu les 10 et 11 mai. C'était un des objectifs des organisateurs : faire connaître tous les talents, tous les centres d'intérêt de cet illustrateur curieux, ouvert et généreux.
Mais Pertuzé n'a jamais vraiment quitté Lectoure. Il y revient souvent et dessine sa ville comme personne. Bien sûr, Jean-François Bladé son compatriote tient une place prépondérante dans cette oeuvre. Les contes de Gascogne que Pertuzé a magnifiquement modernisés, tout en les respectant à la lettre, seront à l'affiche vendredi 17, grâce à l’association les Gasconnades.
Le lendemain, samedi 18, Michel Salanié commentera une grande part des illustrations de Pertuzé consacrées à Lectoure. Personnages célèbres ou oubliés, monuments, anecdotes... Le panthéon personnel de ce Lectourois original et très bien documenté.
Enfin, dimanche, à 17 heures, ce sera le Pertuzé-auteur que l'association Lectoure à voix haute lira, en balade dans la ville, au son de l'accordéon. Souvenirs, caractères, ambiance... un Lectoure aujourd'hui disparu. Sans nostalgie. Juste la mémoire.
Du 11 au 26 mai, à l’Office de tourisme de Lectoure, une exposition présentera une magnifique collection d’affiches, dont un grand nombre appartient au fonds du musée Dupuy des arts précieux de Toulouse. Ces affiches sont révélées au public pour la première fois depuis leur archivage dans les rayonnages sécurisés de la capitale régionale.
L’art de notre illustrateur y est magistralement mis en valeur.
Jean-Claude Pertuzé est passé par les Beaux-Arts de Toulouse. Il maîtrise les règles classiques de la perspective, du relief, du modelé… mais en même temps il est enfant du vingtième siècle et il joue alternativement ou simultanément, sans complexe, de l’art moderne, du pop art, de la publicité, du minimalisme de la BD, de la caricature… pour un style très personnel, vivant, plein d’humour et de bonne humeur.
La technique fétiche de Pertuzé, le trait hachuré, trouve sur ce support de communication éphémère un traitement original par rapport aux bandes dessinées et aux ouvrages illustrés de Pertuzé où le noir domine, pour un effet dramatique et intimiste. Ici, au contraire, ce sera le plus souvent la fête, la lumière et le collectif.
Des affiches de tous les thèmes préférés de Pertuzé ont été sélectionnés par Michel Salanié pour que l’exposition soit vraiment représentative du très étendu registre de l’illustrateur : folklore, arts de la scène, littérature, festivités locales traditionnelles…
L’exposition comportera également, grâce à plusieurs collectionneurs, une importante sélection d’ouvrages, de dédicaces, de coupures de presse, d’objets de la vie courante illustrés par Pertuzé, disque, jeu de carte, béret, bouteilles de vin, de whisky, cartes postales… Un inventaire "à la Prévert"… mais "à la Pertuzé".
Pendant trois jours, du 11 au 13 mai, l'exposition "La thématique Pertuzé" sera également visible dans la salle des pas perdus de l'hôtel de ville avant d'être installée à la Médiathèque à partir du mardi 14.
Office de Tourisme Gascogne-Lomagne
Accès par la cour de l’hôtel de ville
Du 11 au 26 mai. Du lundi au jeudi 15H-18H, les vendredi, samedi et dimanche 10H-12H et 15H-18H.
Informations auprès du comité d’organisation de l’hommage à Pertuzé :
Pertuzé est-il bédéiste, illustrateur... ou graphiste ? Tout un peu à la fois. Mais quelle différence ?
Voilà ce que nous en dit wikipédia : Un graphiste conçoit des solutions de communication visuelle. Il travaille sur le sens des messages à l'aide des formes graphiques qu'il utilise sur tout type de supports. Le graphiste est alors un médiateur qui agit sur les conditions de réception et d’appropriation des informations et des savoirs qu’il met en forme. Ses connaissances reposent sur la typographie, l'usage des signes et des images, l'art de la mise en page. Le graphiste peut s'exprimer dans le domaine de l'imprimé (édition, affichage), de l'interactivité (web, multimédia), de l'illustration ou de l'animation (dessin animé).
Alors oui, c'est clair, Pertuzé est bien graphiste. Un graphiste de talent. Quelques exemples à l'appui.
Notre Lectourois a conçu plusieurs logos dont celui de l'éditeur Loubatières qui l'a publié de nombreuses fois. Mais comme on ne se refait pas et que l'occasion était tentante, au lieu d'un simple logotype, purement typographique, l'illustrateur revient au galop et associe à la lettre L cette ombre chinoise si caractéristique de la bête dont on reparle avec inquiétude aujourd'hui dans nos alpages. La légende logotisée.
Deuxième corde à son arc de graphiste, nous avons vu il y a deux semaines, avec les étiquettes de vin de la collection Cournot (voir ici), que Pertuzé aimait dessiner des polices de caractères totalement exclusives pour ses clients vignerons. Un autre exemple de typographie bien dans la façon du personnage, humour et esthétique confondus, voici une police de caractères "spécial béret gascon" que nous a communiqué Daan, son ami Néo-Zélandais déjà évoqué (voir ici aussi). On en découvre tous les jours ! Quel travail ! Quelle imagination !
Ce qui donne dans la pratique pertuzéenne :
Enfin les ambigrammes.
- Quèsaco l'ambigramme ?
Toujours chez wikipédia, l'ambigramme est une figure graphique d'un mot lisible selon différents points de vue au moyen d'un jeu de symétrie. Le mot ainsi dessiné reste inchangé ou en génère un autre par rotation d'un demi-tour ou par réflexion dans un miroir. Plus généralement, tout mot calligraphié de manière à susciter une double lecture.
Et Pertu est fan. Les prénoms de ses proches, des noms d'écrivains célèbres, ses vœux etc... Dans l'article de wikipédia, Pertuzé est cité plusieurs fois comme ayant réalisé des ambigrammes particulièrement complexes (ici encore), mais moi ça me fiche la tourniole. Avant d'aller me coucher pour laisser passer, je vous donne un exemple de ce petit jeu. A retourner successivement verticalement puis horizontalement.
Après les vins du Sud-Ouest étiquetés Pertuzé au restaurant Le Bastard, pourquoi pas un petit whisky bien de chez nous ?
- De chez nous ? Un spiritueux légendairement british ?
- Eh bien oui, il est possible d’inventer de ce côté du Channel, un bon whisky. Il y faut simplement les mêmes ingrédients que pour inventer une légende : une bonne source, de la créativité et… et l’envie de partager des plaisirs intenses.
Le whisky Black Mountain a trouvé sa source dans la Montagne Noire, entre Castres et Montpellier. On aurait aimé qu’il soit gascon et qu’il choisisse un nom du même tonneau. Mais les proches Cévennes avaient l'avantage d'avoir un petit air de Highlands, plus d’espaces, pour l’eau, et pour la légende. Et on n’attire pas les amateurs de sensations fortes avec une marque chantant avé l'accent du midi*. Pertuzé a dû se poser la question en rencontrant l'équipe qui a lancé cette aventure spiritueuse, mais la légende du louglier, un vague cousin de la bête du Gévaudan, mi-loup, mi-sanglier, a dû le convaincre qu’il y avait là matière à dessiner. Dessiner noir, comme on l'aime. Un peu épicé aussi. Comme un bon whisky.
La BD dont nous vous offrons une planche cette semaine a eu du succès. Le Black Mountain aussi. Normal, il est passé dans des futs d’Armagnac… On y revient toujours.
* On ne me l'a pas demandé, mais si vous voulez mon avis, le Floc gascon c'est pas mal, mais le nom...
Vous trouverez le whisky Black Mountain dans toutes les bonnes boutiques cavistes de la région toulousaine. Et à Lectoure aux Fleurons de Lomagne.
Première manifestation de l'hommage rendu par ses amis à l'illustrateur lectourois : Exposition à l'Hôtel-Restaurant de Bastard de la collection d'étiquettes de vin de Jean-François Cournot, illustrées par Pertuzé.
" Venez aux caves ! Venez au vin ! Venez à l'ombre fraîche et odorante où se conservent en flacons les chaleurs de l'été, l'or et la rouille des automnes. Rien n'est trop beau, rien n'est trop fin ni doré pour qui enveloppera les ambassadeurs des vignobles où chaque pouce de terre vaut de l'or ".
Bernard Clavel
Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. La formule est d'Alfred de Musset, qui parlait non pas de boisson mais d'ébats sexuels ! Au sens figuré donc. Il eût dû à l'ivresse préférer la volupté, un état raisonnable qui permet d'apprécier mais modérément et avec lucidité tous les plaisirs... Mais Musset aimait avec excès. Henri IV lui, qui pratiquait également activement l'amour du sexe opposé, ne connaissait pas le flacon, car la bouteille de vin n'a été inventée qu'après son assassinat. Les historiographes ne sont pas d'accord sur les détails de l'évènement, mais noste Enric aurait goûté au Jurançon de sa Navarre natale dès la tétine. Baptême gascon. Et les historiens par contre, ont bien démontré que la consommation de vin de la cour du Béarnais était considérable, à Nérac, puis à Paris une fois la messe dite. De vin en barrique cependant, tiré au pichet. Le flacon et donc l'étiquette sont venus peu après.
Voici une exceptionnelle collection d'étiquettes illustrées par Pertuzé, que nous a confiée Jean-François Cournot, Saint-Clarais, photographe, agent d'artiste, publicitaire et ami de notre illustrateur. Comment celui-ci, Pertuzé, fut-il amené à exercer son art sur une aussi petite surface ? En eût-il le goût ? Jean-François Cournot raconte.
Dans les années 70, tous deux travaillent pour l'agence de publicité PBC*. Puis, installés en freelance** chacun de son côté, ils poursuivent leur collaboration. Ils forment l'équipe de base dans le monde du marketing et de la publicité, du concepteur-rédacteur et du créatif. Le premier, Jean-François Cournot donc, assure la relation client et doit traduire en mot l'idée de base à proposer à l'annonceur, l'entreprise qui veut promouvoir son produit. Le créatif lui, l'illustrateur, Pertuzé, doit mettre l'idée en image. Évidemment les rôles ne sont pas figés. On a connu des concepteurs qui s’essayaient à l'illustration et des créatifs ayant une très bonne plume. D'ailleurs les séances de travail, le fameux brainstorming, voient des échanges animés où chacun pousse l'autre dans ses retranchements. Pour faire jaillir l'idée que l'on espère géniale. C'est un couple, complémentaire, où il est indispensable que le courant passe très bien.
Outre la subtilité d'un accord à deux sur une création intellectuelle de toutes pièces, le dossier est très souvent "charrette", c'est à dire que le client veut la proposition le lendemain et le document d'exécution chez l'imprimeur... pour après-demain. Pas question de lui imposer un délai de réflexion ou de prendre rang. Concurrence oblige. Alors, Jean-François Cournot "débarque chez Jean-Claude" à l'improviste. Il s'est doté d'un panier à provisions qui va permettre au binôme de travailler non-stop et jusqu'à plus d'heure. On ne sort pas d'ici avant d'avoir accouché du concept, d'un slogan et de la maquette en image à présenter au client, après avoir retrouvé ses esprits et choisi les mots pour convaincre. Ça, ce n'est pas le rôle de Pertuzé, introverti, peu versé dans l'art de la négociation commerciale, et qui de son côté reprendra son crayon pour illustrer tout autre chose, voire pour se changer les idées, en espérant que son compère décroche le budget. Chacun son métier.
Jean-François Cournot et Pertuzé interviendront auprès de plusieurs domaines viticoles du Sud-Ouest. Nous avons choisi trois exemples, dans des styles très différents, chacun répondant à des objectifs de communication spécifiques de trois domaines viticoles.
Avec les vignerons de Bellocq, nous avons un Pertuzé en tous points reconnaissable : l'architecture médiévale, la gabare, la mise en scène de ce charroi de barriques, le mouvement. Cependant, le dessin moins hachuré qu'à son habitude et la mise en couleur pastel donnent à cette cuvée une ambiance rassurante, qui sied à la dégustation. Comme le portrait de notre bon roi Henri plus haut, appartenant à la même série.
Par contre, avec le célèbre Pacherenc, bien que nous ayons choisi ici la cuvée sec, moins souvent servie, Pertuzé et Jean-François Cournot ont osé une originalité, tant en publicité qu'en matière vinique. En effet le dessin est exécuté au crayon de couleur, technique aujourd'hui rarement utilisée par les illustrateurs et les graphistes. Elle permet à cette série d'étiquettes de la cave de Crouseilles-Madiran de recomposer de façon légère et familière des scènes bucoliques de la vigne et du chai, remplies de spontanéité et de franche gaité.
Enfin, nous avons retenu cette étiquette en deux parties, d'un domaine de l'appellation Iroulégy, en Pays basque. Vous n'y voyez pas d'illustration ? En effet, le vigneron demandait une étiquette haut de gamme pour sa meilleure cuvée. Jean-François Cournot proposa cette découpe originale et un graphisme abstrait très soigné. Une stratégie, dira-t-on en langage marketing, qui veut mettre en valeur le nom, pour favoriser sa mémorisation et lui donner une forte personnalité. Une illustration figurative viendrait concurrencer la marque. La frise aux motifs et aux couleurs basques accentue encore l'effet recherché de focalisation sur le nom Mignaberry, qui se distingue ainsi de l'ensemble de l’appellation, le terroir Irouléguy étant logé dans la seconde étiquette qui sert de piédestal, de faire-valoir au domaine. Du grand travail de réflexion marketing à mettre au crédit de Jean-François Cournot. Et Pertuzé me direz-vous ? Egalement au service de ce concept, l'illustrateur a mis en œuvre ses qualités de graphiste. Equilibre des différents éléments, classicisme et modernité réunis... La typographie de cette étiquette est entièrement de la main de Pertuzé. Pas de police de caractère informatique ou d'imprimerie. Chaque lettre est une illustration unique. Du travail d'artiste que les plus observateurs auront déjà remarqué sur les deux premières étiquettes commentées, dans la graphie de Vignerons de Bellocq et celle de Pacherenc de Vic-Bilh.
Mais, me direz-vous, choisit-on un vin pour son étiquette ? Le sommelier d'un restaurant digne de ce nom ne présente t-il pas la bouteille et son étiquette au client, celui-là même parmi les convives qui, réputé connaisseur, a consulté la carte et choisi, pour qu'il autorise, au vu du très officiel certificat, l'ouverture du flacon et la libération des parfums et des saveurs ? Faites l'expérience. Postez-vous devant un linéaire de supermarché et regardez le ballet du chaland. Oui, l'étiquette provoque l'acte d'achat. Outre l’appellation de votre préférence, et le prix cependant, l'illustration, la composition, la lisibilité, les couleurs... sont autant d'éléments qui peuvent provoquer le déclic, l'envie, voire... la soif. Et conséquemment, l'étiquette conditionnera le buveur, qui aura, à l'avance, une idée de ce qu'il devrait trouver dans le flacon en fonction de ce que l'étiquette lui aura transmis comme aprioris. Les études ont montré que la dégustation est influencée par l'étiquette. C'est à désespérer de notre liberté, y compris celle de nos sens. Penché sur sa table à dessin, Pertuzé s'en inquiétait-il ?
** Travailleur indépendant dans certains métiers dont la publicité. Terme anglais qui n'a pas d'équivalent en français, enregistré par Larousse et Robert mais pas par l'Académie Française.
Documentation : Les étiquettes de vin - Le livre de l'œnographile, Georges Renoy, Ed. Berger-Levrault / Rossel 1981. La citation de Bernard Clavel en exergue est tirée de la préface de cet ouvrage.
Nous avons déjà évoqué la technique picturale des "hachures" de Pertuzé ici. Mais regardons-y d'un peu plus près. De gauche à droite.
Pour les Chants de Pyrène, Pertuzé, à la fois auteur et illustrateur, esquisse les personnages et les décors plus qu'il ne les dessine. Au lieu du hachuré qui demande de la précision, il trace des croisillons. En fait, cette saga pyrénéenne est construite comme un voyage initiatique, comme le Grand Tour des intellectuels du 18ième siècle, qui a donné naissance au tourisme. Pertuzé imite l'artiste amateur en visite, qui enregistre rapidement sur son carnet ce qu'il voit, une sorte de cliché sur le vif avant l'avènement de la photographie, ici Floriette la bergère.
Dans Contes, légendes et récits de la vallée d'Aure de Frantz Petiteau, au contraire, le dessin est très abouti. Le hachuré fin et régulier, fige à la perfection le modelé, les attitudes et les expressions, celle menaçante de Margalideta par exemple. La galerie très homogène des illustrations de cet ouvrage est le fruit un travail moderne, "léché", d'un style sculptural, très graphique, en parfaite concordance avec le texte, restitution d'un travail scientifique anthropologique.
Enfin, avec le mythique Contes de Gascogne de Bladé, Pertuzé invente un dessin sombre et fantasmatique qui sera la marque de son art. Le trait est gras, puissant et envoutant. Cette harpie en furie, bondissant au cœur du sabbat dans la profonde forêt gasconne, a hypnotisé des générations de lecteurs et, aujourd'hui encore, ne perd rien de son pittoresque. Elle est la plus proche et respectueuse représentation possible de la littérature orale de nos ancêtres.
Un style, trois façons de crayon adaptés à servir la spécificité d'œuvres qui explorent la légende avec le regard d'auteurs au caractère et à l'intention bien différents les uns des autres.
A la semaine prochaine ?
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