Publié le 31 Mars 2017

« L'histoire classique a, depuis longtemps, étudié le temps des cathédrales et le temps des châteaux en oubliant le temps des moulins et des meuniers sans le travail desquels châteaux et cathédrales, villes et campagnes de France et d'Europe n'auraient été ni aussi riches ni aussi beaux... »

Claude Rivals

 

« Le moulin et le meunier (sont) au cœur des subsistances, depuis la faible « réponse des grains » des Xe-XIIe siècles jusqu'à la recherche du « multiplicateur d'abondance » à la fin du XIXe siècle ».

Cyrille Medgiche

 

Au pied de la citadelle de Lectoure, le ruisseau de Saint Jourdain n’est pas très puissant. Mais il n’est que très rarement asséché grâce à la présence, tout le long de son cours, de quatre sources qui ne tarissent pas. L’eau sourd régulièrement des profondeurs du relief. Toutefois, pour pallier aux périodes d’étiage habituelles en Gascogne à l’automne, plusieurs retenues seront creusées en amont qui permettront au moulin  de travailler quoi qu'il en soit pendant quelques heures. Une seule meule sera installée, qui tournera à la demande car le laboureur ne porte son grain qu’au fur et à mesure de ses besoins. Une chute d’eau existe, favorisée par un affleurement rocheux, une marche disposée là par la nature et polie par l’érosion. Un petit moulin de bois est installé ici depuis toujours mais chaque crue le balaye misérablement et tout est à reconstruire.

Un petit groupe de cavaliers s'est approché de la berge. Il y a là le seigneur des lieux, son clerc et le maître-maçon.

 

L’idée a muri longuement.

Le Clerc :« Monseigneur, il faut donner à votre fief son autonomie. La terre est généreuse et la récolte en céréales est abondante pourvu que Dieu nous protège des caprices du temps. Les laboureurs, vos bons bourgeois et les gens de votre maison ne peuvent parcourir des lieux pour faire moudre leurs sacs de grain aux moulins de nos voisins avec lesquels, en outre, nous sommes souvent en conflit ».

Le Seigneur :« Chacun sera tenu, par proclamation du ban, de porter son blé ici. Nous prélèverons notre part sur chaque sac de mouture. C’est notre bon droit. En outre, nous-même sommes redevable au seigneur éminent qui nous a remis ce fief. Le lieu est-il bien choisi ?».

Le Maître-maçon:« Il y a ici du bois et de la bonne pierre en abondance».

Face aux remparts de la cité, l’immense forêt de Saint-Mamet qui s’étend vers Sainte Mère et Castet Arrouy festonne le vallon de l’harmonie de verts des grands chênes de Gascogne. Le bois ne manquera pas. Il le faut car les moulins en sont gourmands, pour leur imposante charpente, pour l’étayage des digues, des chaussées et des canaux lors du terrassement, pour l’alimentation des fours, à chaux et tuilier, et également lorsque le chantier aura abouti, pour l’assemblage du mécanisme de meunerie, au cœur du projet dont discutent les trois personnages.

 

La construction des moulins voisins a montré l'exemple. Il est essentiel de disposer de la pierre sur place. Dans le cas contraire le transport rendrait le chantier particulièrement onéreux, de trois ou quatre fois le coût de la maçonnerie proprement dite. A quelques dizaines de mètres, le domaine est riche du beau calcaire blond de Lomagne. Les falaises dominent le site à portée de tailleur de pierre. La terre retirée pour l'installation des fondations, sera malaxée et servira à jointoyer pierres de taille et moellons. Le sable aussi est présent sur le plateau, par champs épars signalés par de rares châtaigniers, à Gère et Foissin. L’argile pure affleure, par couches. Voilà qui est précieux, car la grande quantité de tuiles qui couvrira le moulin sera moulée et cuite dans des fours construits sur place pour la durée du chantier.

Un banc de calcaire traverse le vallon, d’est en ouest, en arc de cercle du Couloumé jusqu'à Cardés. Il donnera à la lourde bâtisse une assise solide. Ainsi, outre la qualité de la construction, le choix de l’emplacement fera que le moulin sera encore debout des siècles plus tard.

La chute d'eau était exploitée et le site occupé depuis toujours par différents petits métiers : teinturier, potier, pêcheur… Il faudra faire déguerpir ces occupants sans titres. Ils retrouveront du travail sur place même, au service des maçons et des charpentiers qui ont besoin de main-d’œuvre. Ils reconstruiront leurs masures à proximité et par la suite ils se loueront au maître-meunier. Tout autour du moulin va se développer un hameau de familles et de métiers le desservant.

 

Le chemin qui descend à flanc de coteau depuis la porte Est de la ville est incommode, humide et de dévers. Il permettra seulement le passage des mulets bâtés de sacs de farine destinés aux gens du bourg. Les charrois les plus lourds devront longer le ruisseau jusqu’au hameau du Pont de piles au bord du Gers.

Il y a peu de cultures dans le vallon de Saint Jourdain car le terrain est accidenté et le sol gras. Mis à part l’élevage de brebis sur les prairies sèches au pied du plateau calcaire, la broussaille domine et le ruisseau est enfoui dans la végétation. Ses abords seront défrichés pour donner de l’air à l’ensemble d’aménagements et de constructions nécessaires au moulin en amont et en aval.

Il y a 800 ans. La Mouline de Belin est née.

                                                                                                                                                                                                                                       ALINEAS    

                                                                              Au pied de la citadelle, le moulin médiéval.                                        

P.S.

LA DATE DE CONSTRUCTION DU MOULIN. Nous ne connaissons pas la date précise de construction de notre vieux moulin, ni son propriétaire; celui-ci était-il seigneur de Lectoure, ordre religieux, noblesse vassalique ou aristocratie naissante? Pour les historiens qui l'ont examiné, il paraît plausible que ce bâtiment date du 13ème siècle.

Pour le contexte, en 1220, Vezian, descendant des Ducs de Gascogne, est l'un des premiers Vicomtes de Lomagne, Auvillar sur la Garonne et Lectoure sur le Gers étant ses deux places fortes. Arnaud II  est Evêque.

LES NOMS DE LIEUX. Au risque d’anachronisme mais pour que nos lecteurs lectourois y trouvent des repères toponymiques, les noms de lieux sont donnés tels que nous les connaissons aujourd’hui.

CREDIT

Photos Michel Salanié, illustrations Corpus étampois, Grandes chroniques de France, x, Michel Salanié

SOURCES

  • La construction au moyen âge

http://www.persee.fr/doc/bulmo_0007-473x_1960_num_118_4_3896

  • Ils construisent un château fort :

http://www.guedelon.fr

  • Le Moulin et le meunier. Mille ans de meunerie en France et en Europe

https://etudesrurales.revues.org/103

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Publié dans #Moulins

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Publié le 17 Mars 2017

LE CENTURION ET LE CHALAND

 

La voie romaine tracée au pied de notre ville par l’Empire pour conduire ses centuries et sa civilisation conquérantes de Lugdunum Convenarum  jusqu’à Aginnum* est droite comme un trait de javelot. L’emplacement de cet ouvrage exceptionnel n’a pas été discuté entre l’occupant et l'autochtone. Fallait-il que la voie s’inscrive au pied de la source sacrée des Lactorates, au dessus, en dessous, ici, là ou un peu plus loin? Laissez passer. "Vae victis"**.

Les barbares qui suivirent ne nous ont pas laissé de traces, eux, de leurs cheminements que l’on situe, à l’estime, en fonction des vestiges de leurs batailles dévastatrices et de leurs campements.

Le chemin de Saint Jacques, quant à lui, serpente au gré de routes préexistantes à l’appel de l’Evêque Godescalc, en l’an 951, à rejoindre le tombeau de l’apôtre du Christ en Galice. Les jacquets, par leur nombre et leur foi, ont accentué la marque au sol de la trace empruntée pendant dix siècles et fait de ces sentes mises bout à bout le grand chemin d’Occident. Cependant, à Lectoure,  la voie pérégrine se fait discrète. La citadelle frileuse n’a pas en ces temps là, la générosité d’accueillir le pénitent, le malade, l’étranger qui rendra grâce aux hospitaliers installés dans le faubourg, hors le bourg. Au petit matin blême, les capuches et les bourdons longent discrètement les remparts et glissent vers la rivière qu’il faudra franchir probablement à gué ou bien par le service de quelque barcasse et dans ce cas contre espèce sonnante et trébuchante***.

L’orgueilleuse capitale des derniers comtes d’Armagnac une fois soumise par la Maison de France, barbacane et donjon tomberont, les maisons fortes muant en hôtels nobles et bourgeois, créant naturellement au faîte du promontoire une rue à présent Royale. Désormais il y aura un haut, un bas, des quartiers au sud ou au nord de « la » rue à laquelle la ville, de fait, s’identifie.

Durant les trois ou quatre siècles qui suivirent, les évènements ne feront que faire douter de l’autorité sur la dite rue qui devint successivement Impériale, Royale à nouveau brièvement puis, depuis, Nationale. Sera-ce définitif ? Pour éviter les considérations politiques, il vaudrait mieux s’en tenir à une définition tenant à ses extrémités : « Route de Paris à Barèges ». Le temps des voyages d’agrément et des vacances à la neige a donné à notre grand rue son nom le plus romantique, n'est-ce pas ?

 

Les plus anciens se souviennent bien sûr du train dont on ne perçoit plus aujourd’hui la place qu’il occupait dans le quotidien et dans le paysage. Un chemin qui chante, une odeur, un monde étrange. La micheline, les formalités à la Préfecture à Auch, les boutiques à Agen, les dimanches en famille à Castex ou la foire aux bestiaux à Fleurance. Mais aussi un chemin du devoir qui a emporté nombre de jeunes hommes appelés par la République et qui ne sont pas tous revenus. Un chemin qui n’a pas vécu longtemps au regard de l’Histoire.  Mais qui sait? Cette voie ferrée n’a pas été désaffectée et, prudente, l'avenue de la Gare a conservé jusque là son nom.

Puis vint le règne de l’automobile. Trop pressée et encombrante, pour elle il faudra se résoudre à détourner le flux de la RN n°21 du cœur de ville, lui faire reprendre « la vieille côte ». Le promontoire fait à nouveau de la résistance. Et comme il y a malgré tout embouteillage, vient le sens unique, le disque de stationnement, les parkings «périphériques». Oui, chez nous aussi... La ville fait le gros dos pour contenir « orbi » la boulimie de déplacement de l’homo motorisus et conserver ainsi heureusement tout leur charme, non seulement à "la" rue, mais également à nos petites voies adjacentes, sombres, pentues, ruelles, venelles, escaliers, impasses et autres carrelots****.

Pour circuler en voiture dans notre bonne ville, il faut aujourd’hui faire preuve d’un minimum de sens de l’orientation, passer sous les remparts du Nord, revenir à l'opposé, à l’est, pour avoir le droit de faire une nouvelle tentative dans la rue Nationale et espérer trouver enfin la place idéale. C’est la marque des villes d’importance : «CIRCULEZ…. Mais non, non, si, si, SI RESTEZ il y a tant de choses à voir ! Elle est belle ma rue commerçante». Ou l’art d’accueillir le chaland dans un mouchoir de poche.

 

                                                                                                          ALINEAS

 

* De Saint Bertrand de Comminges à Agen

** "Malheur au vaincu". Ironie de mon histoire, la formule est du chef gaulois Brennos, entré dans Rome victorieux.

*** Le GR 65 au départ de Lectoure en direction de l'ouest a été, à l’époque de son tracé initial,  orienté vers l'emplacement de l’antique ville romaine. Pour y voir quoi? Une zone industrielle... Non, il est préférable, et plus rapide d’ailleurs - et le pèlerin a encore un bout de chemin à faire… il faut en tenir compte - de descendre la rue Nationale et de profiter, non seulement de la vue des belles façades et de la qualité du commerce local, mais également du contact avec les Lectourois, chaque jour de la semaine ayant son intérêt, et le vendredi, jour de marché, ce sera la cerise sur le GR. Enfin, le chemin du Marquisat ou la côte de Pébéret menant au Pont de piles sont certainement très près de ce que fut « le » chemin jacquaire historique. Soit dit pour les puristes.

**** Un carrelot est une petite rue de la largeur du passage d’une charrette. Autrefois la citadelle en était largement quadrillée.

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Publié le 6 Mars 2017

GASCOGNE

 

MAGIQUE 

 

J’aurai bien titré sur « Le photographe de la Gascogne magique ». Mais s’il est unique, il reste modeste. Eclectique et poète aussi.

 

Cet artiste-guide-chasseur d’orages est passionné par ses sujets : de l’infiniment petit à la voie lactée, de la brume à l’éclair qu’il dompte, amoureux de la nuit, qui ne se couchera pas pour être sûr de voir poindre le soleil derrière une église radieuse, passionné par la montagne pyrène, décor grandiose de nos châteaux en Gascogne ou trépied de son téléobjectif pointé sur des vallons ourlés de chênes tourmentés, de vignes ordonnées et de chemins moussus.

 

Pierre-Paul Feyte a magnifiquement illustré les concerts donnés dans la cathédrale de Lectoure, du bicentenaire du Maréchal Lannes en 2009 et du groupe vocal toulousain Equinoxe, chants de noël en 2016. Il a apporté son concours aux prises de vue de l’émission «Des racines et des ailes» sur France 3 en novembre 2015 où notre ville tenait un joli rôle.

                                                                          ALINEAS

 

Nous vous invitons vivement à découvrir son livre, « Brumes de Gascogne» 25 € disponible chez Damien Leroy, photographe et à la librairie-café le Cochon bleu. Egalement par la poste, sur contact avec ppfeyte@free.fr

Les photos sélectionnées ci-dessous son extraites des albums du photographe visibles à l'adresse: www.flickr.com/photos/feyte/

Seules les photos de brume sont reproduites dans le livre recommandé.

http://www.france3.fr/emissions/des-racines-et-des-ailes/diffusions/25-11-2015_436438

 

Un automne dans le Gers

Vertes draperies

Arbres de feu

La vallée de l'Auchie sous la lune

La lune coiffant la collégiale de La Romieu

Contempler l'orage

Le domaine du Mirail, Lectoure en arrière-plan

Les photographies de Pierre-Paul FEYTE

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Beaux arts

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Publié le 22 Février 2017

Me voilà donc devant ma page blanche. Ou plutôt devant ce bête écran où clignote un curseur d’insertion narquois…

Au pied du mur.

Du mur de mon moulin d’ailleurs. Je suis redescendu de mon échafaudage sur lequel depuis dix ans me sont venues toutes ces idées de notes à rédiger, pour qui, pour quoi ?

Je crois que ces notes, ces alinéas comme j’ai choisi de les nommer, font tout simplement partie du projet que nous avons mené avec mon épouse et que nous poursuivrons encore quelque temps si Dieu le veut. Elles apporteront un ciment nouveau à l’appareillage de pierre dont nous n’avons fait qu’interrompre le désordre et le délitement. Pendant quelques années encore dans la chaleur de notre maison d’hôtes, ou bien plus tard, dans un nouvel assoupissement des lieux et dans les décombres inévitablement, ces notes s’en iront de par le monde virtuel transmettre quelque sentiment, une image, un signe, un rien.

Depuis l’échafaudage susmentionné et sur lequel je remonte d’ailleurs illico après avoir rempli ma page d’écriture, la vue porte bien loin au-delà de cette vieille bâtisse qui a cessé de moudre le grain depuis plusieurs siècles déjà. Histoire, légende, chemin d'alentour, chemins d'aventure, sommets, landes… mes alinéas n’auront pas de frontières sauf celle du plaisir que nous aurons à partager ces sujets avec nos enfants, parents, voisins, amis, et ceci est assez excitant, avec quelque lointain habitant de la planète internet lâchant les fins limiers de son moteur de recherche: arbre à manne, roue à cuillères, respounchous, mâchicoulis, sambuco, cagots….

... quel que soit le mot-clef qui vous aura conduit jusqu’à notre Carnet d’alinéas, bienvenue.

Michel Salanié

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Publié le 11 Février 2017

De Notre-Dame de Paris aux remparts du château des Comtes d’Armagnac

 

C’est une des plus belles pages de la littérature française.

 

Il se fit un silence de terreur parmi les truands, pendant lequel on n’entendit que les cris d’alarme des chanoines enfermés dans leur cloître et plus inquiets que des chevaux dans une écurie qui brûle, le bruit furtif des fenêtres vite ouvertes et plus vite fermées, le remue-ménage intérieur des maisons et de l’Hôtel-Dieu, le vent dans la flamme, le dernier râle des mourants, et le pétillement continu de la pluie de plomb sur le pavé.

Cependant les principaux truands s'étaient retirés sous le porche du logis Gondelaurier, et tenaient conseil. Le duc d'Égypte, assis sur une borne, contemplait avec une crainte religieuse le bûcher fantasmagorique resplendissant à deux cents pieds en l'air. Clopin Trouillefou se mordait ses gros poings avec rage.

- Impossible d'entrer! murmurait-il dans ses dents.

- Une vieille église fée! grommelait le vieux bohémien Mathias Hungadi Spicali.

- Par les moustaches du pape! reprenait un narquois grisonnant qui avait servi, voilà des gouttières d'églises qui vous crachent du plomb fondu mieux que les mâchicoulis de Lectoure.

 

- Voyez-vous ce démon qui passe et repasse devant le feu? s'écriait le duc d'Égypte.

- Pardieu, dit Clopin, c'est le damné sonneur, c'est Quasimodo.

 

Le Notre Dame de Paris de Victor Hugo a été adapté maintes fois et souvent magnifiquement, au cinéma, au théâtre, en comédie musicale, en bande dessinée. Une aventure baroque, passionnante, profonde et populaire à la fois. L’un des romans de langue française les plus connus. Ne vient-on pas du monde entier visiter la cathédrale de Paris en pensant autant sinon plus à l’enlèvement d’Esméralda par le bossu qu’au mariage du futur Henri IV ou qu’au sacre de Napoléon, des évènements quant à eux et parmi tant d’autres qui s’y sont réellement déroulés. Victor Hugo a donné au lieu où se déroule l’action de son invention une sorte de personnalité, une vie, un caractère au sens littéraire du terme, qui dépasse le monument gothique en tant que tel et qui en est aujourd’hui devenu le qualificatif indissociable dans notre esprit.

 

Et Lectoure est donc évoquée dans ce passage du roman qui raconte l’assaut de la cathédrale par les truands venus libérer la bohémienne.

 

Lectoure citée par la voix d’un «grisonnant qui avait servi», autrement dit un vieux soldat. L’homme se serait-il battu à Lectoure ? Le titre exact du Roman est «Notre-Dame de Paris. 1482». Soit neuf ans après la prise de la capitale des Comtes d’Armagnac par les armées de Louis XI. Le roi dont les Lectourois parlent encore aujourd’hui avec acrimonie, peut-être injustement nous y reviendrons, tient une place dans le roman. Hugo se documentait de façon très approfondie avant d’écrire et devait connaître, peu ou prou, cet évènement tragique de l’histoire de notre ville.

 

Mais Victor Hugo est-il passé à Lectoure ? Oui, certainement. Cependant, pas avant d’écrire Notre-Dame de Paris, qui est paru en 1831, mais douze ans plus tard, en 1843. D’où l’ordre des éléments du titre de cet alinéa respectant la chronologie de la vie de l'écrivain.

 

En effet, dès 1825 Hugo voyage en France et en Europe. Faisant partie de ces précurseurs des voyages d’agrément, intellectuels aisés et relativement aventureux, il découvre la France qui sera celle des Misérables, des Travailleurs de la mer ou de la Légende des siècles. Il est accompagné de sa femme puis de Juliette Drouet, sa maîtresse qui annotent, classent et complètent l’incroyable somme documentaire que le grand homme constitue. Curieux de tout, il enregistre nombre d’anecdotes et de traits de caractères que l’on retrouve dans sa prose comme dans sa poésie. Il y a autant d’humour que d’analyse psychologique et de tendresse dans ses portraits, de véritables instantanés avant l’avènement de la photo de tourisme : cochers, cafetiers, servantes, paysans, bourgeois et officiers croisés sur la route et à l’étape.

 

Hugo est également un fantastique dessinateur, explorant avec facilité les techniques les plus originales. Théophile Gautier a dit de lui « S’il n’était pas poète, Victor Hugo serait un peintre de premier ordre ». Au 20ème siècle, les surréalistes le considéreront comme un précurseur. Il dessine en particulier les paysages tourmentés, les ruines, les châteaux, les formes de l’architecture gothique qui peuplent son imaginaire romantique.

 

Nous savons avec certitude qu'il est parti d'Auch ce 4 septembre 1843,  après la visite de la cathédrale, les stalles de son chœur et ses vitraux observés et mémorisés avec grande érudition. Et l'on se plait à deviner, dans l’après-midi, la diligence arriver à Lectoure, passer le pont de Saint Gény et gravir lourdement la vieille côte*, pour enfin s'arrêter sur le bastion où il faudrait procéder au changement des chevaux. L'étape est encore longue, aura-t-on patienté en prenant une collation dans un estaminet ? Hugo y aura alors observé avec gourmandise la belle servante, amusé par les effets de voix de quelque pilier de comptoir à l’accent rocailleux. «Encore endormi en arrivant à Agen, j’ai cru voir la mer. C’était la Garonne qui me faisait cette gasconnade».

Puis, sous un ciel menaçant magnifiquement, alors que la diligence descendait de la haute ville vers le pont de piles  pour reprendre la voie romaine, Hugo aura jeté un coup d’œil au vieux château de la Maison d’Armagnac, ruiné depuis 1473.

Peut être a-t-il croqué la citadelle d’un trait de fusain, regrettant cependant qu’elle ait perdu de sa superbe. La superbe des souvenirs du vieux soldat de Louis XI mêlé à la populace en colère, aux pieds des tours de Notre-Dame.

 

 

* En fait à l'époque, plus sûrement, la diligence ne monte pas en ville, ce qui représente un effort énorme pour les bêtes. On peut penser que les chevaux ont été remplacés dans le relais de poste de l'actuelle avenue de la Gare (maison Martine Cantérac-Vetter). Corr. 20/04/23.

PS. Je dédie cette première note de ce Carnet d’alinéas à mon Esméralda...

PS' Si quelque spécialiste ayant procédé à une recherche dans l'un des fonds documentaires consacrés à Hugo venait à contredire mon hypothèse je m'empresserais de publier un correctif. D'abord par respect pour la vérité, ensuite pour le plaisir de revenir sur les magnifiques écrits et la vie exceptionnelle du grand homme.

CREDIT:

- Paris Notre-Dame vue du quai de la tournelle 1852 Jongkind/Taveneaux

- Le château de Vianden dessiné par V. Hugo 1871

SOURCES:

https://fr.wikisource.org/wiki/En_voyage,_tome_II_(Hugo,_%C3%A9d._1910)/Alpes_et_Pyr%C3%A9n%C3%A9es/C/21

http://www.lacritiqueparisienne.fr/68/hugo.pdf

http://www.maisonsvictorhugo.paris.fr/

 

 

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Publié dans #Littérature

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Publié le 10 Février 2017

POURQUOI ALINEAS ?

 

« Je voudrais que la copie fust en plusieurs sections,

en un a linea, une chose qui aide extrêmement celui qui lit

et démesle bien la confusion des espèces ».

 

Guez de Balzac 1654 que je n’ai pas lu mais copié-collé sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Alin%C3%A9a

____________________________________

 

Pour ceux qui nous connaissent, il y a dans cette Aline-là un petit air d’adresse amoureuse. Oui, je le confesse.

Mais chronologiquement, j’utilise depuis ma plus tendre envie d’écriture cet anagramme heureux de mon nom de famille.

 

DROIT D’AUTEUR ET DE REPRODUCTION

Ces alinéas sont exclusivement de ma (cyber)plume. Je m’efforce de citer mes sources d’inspiration et de documentation.

Les illustrations choisies sont en principe libres de droits. Si, involontairement, je dérogeais à ce respect, merci de m’en informer et je corrigerai immédiatement l’erreur.

 

COMMENTAIRES

J’apprécierai et publierai les commentaires qui apportent au sujet, y compris les corrections et contradictions. Exprimées civilement….

 

ORTHOGRAPHE

Je me reli vou pouvé pas savoir conbien de foi mais jean laissse paçé quan maime. Mil escuzes a lavance.

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Alinéas

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Publié le 3 Janvier 2017

 

THE PATIENT PASSERBY

Patiente passante

 

Partir

 

THOUGHT that it was gone.  Gone, my Gascogne. The Gascogne of the days before highways buzzed feverishly between the big cities, and garish computer screens gleamed behind closed shutters. Even so Gascogne still offers its panoramic sky leaning back against the balustrade of the magnificent Pyrenees. Magnanimous Gascony.  “What do you want to do?” Children no longer play in the street after dark. Children don’t play in the street at all.  There are no more two-cent sweets at the grocery store.  There are no more groceries.  You have to move with the times, my Gascogne has lost its way.  You cannot hold back a child who has decided to run away and discover the world. C’est la vie. 

 

C’est la vie, yes, but the earth is still the earth.  It has a memory which only waits for the chance to tell its story, in small pieces to the patient passerby who hears the cadence of deep country. Patient passerby are rare birds – just as well ! Otherwise, the old storytellers who don’t like to shout, would go back to grumbling by the fireside.  Like the cat who has just slipped under the gate.  Besides, souvenirs of the past exist even when they are not spoken out loud.  All I need to do is watch the last rays of the sun decay against an old wall where ivy and rose mingle, “se parlan” as we used to say in gascon about two young people who become dating.

Sallie Erichson is one of the patient passersby who hears the earth speak.  She knows this secret path with its fine, everyday details and feels for the abandoned ruin which wants to be restored.  Sallie’s photos reassure me.  It’s all there: the misshapen door, the pile of wood stored under the shed, the old tree twisted in the middle. So, the prodigal son will return. And in the words of the poet singer: “he could find no better resting place”. 

Like Sallie, one must come from afar, from an unbelievable faraway place, to pick out the treasures that we no longer see, but which slumber on our doorstep.  To notice the chord between clay of the origine, shaped with immemorial know how, parsimonious harvest, and then the light which is beyond measure. In her tender gaze, there is music, an adagio of the New World retracing its steps.

I couldn’t tell you more about my Gascogne than Sallie.

                                                   Alineas

 

Sallie Erichson est américaine, version côte ouest. Etat de Virginie. Etudes de piano au conservatoire de Shenandoah-Winchester (promotion 1971). A travaillé chez les éditeurs de musique, RCA Red Seal à New-York et Sony Classical à Hambourg. Auteure des photographies des artistes édités par Sony Vivarte Series de musique ancienne. Installée à Lagarde-Fimarcon en 1995 avec son mari Wolf Erichson († 2019), très réputé producteur de disques. Organise des stages de piano. Gîte rural. Photos sur facebook et flickr. Courriel : chapellerose@gmail.com

 

Paradis

 

Le jardin secret

 

Changement de saison

 

Rive gauche

 

C'est tout droit !

 

La forêt enchantée

 

Le parfait

 

La porte du sculpteur

 

Marsolan - Bretelle nord-ouest

 

Marsolan - Grand-rue

 

Marsolan - Crépuscule

 

La porte dorée

 

Envie de rien faire

 

Un amour véritable

 

Inspiration

 

Le bois est rentré

 

Avant l'orage

 

J'aurais tant aimé vous rencontrer plus tôt mademoiselle...

 

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Publié dans #Beaux arts, #English language

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Publié le 2 Janvier 2017

 

 Two texts in english commented in the chronicle yet untranslated.

 

 

 

 

Is Gascony the Most Delicious Corner of France?

 

By David McAninch

New York Times - extract

March 15, 2017

 

I especially like Lectoure, with its single thoroughfare that arcs over a high ridgeline, turning every side street into a picture frame for the rolling Gascon countryside far below. Most tourists move on after paying a visit to Lectoure’s small cathedral and its handful of gift shops, or they book a room and a table at the fancy-ish Hôtel de Bastard, which serves an excellent appetizer of foie gras accompanied by slices of Lectoure melon, a variety of cantaloupe for which the town is famous. But to my mind Lectoure’s singular point of interest, its very raison d’être — and why I go back again and again — is the Café des Sports.

This is, unequivocally, my favorite bar in France. The high-ceilinged, slightly gone-to-seed establishment is festooned with rugby ephemera — the sport being as sacred to Gascons as duck fat — and is furnished with a long wood bar, a couple of rickety barstools, and, teetering slightly on the beer-stained wood-slat floor, a dozen or so zinc-topped tables. On any given evening a mix of thuggish jocks, crusty-looking paysans, well-heeled retirees, urbane day-trippers from Toulouse, teenagers and children can be found tucking into cheap entrecôtes and duck legs.

At the bar’s far end, an ancient-looking glass-and-wood partition protects a private meeting space that could well have been the origin of the expression “back-room deal.” On one recent visit, I could see a dozen men seated around a banquet table, plotting who knows what. On another visit — and this is an anecdote that speaks volumes about Gascons’ trusting nature — a stranger in a rugby shirt nonchalantly deposited his kindergarten-age child at the table I was sharing with my wife and then-7-year-old daughter. “You don’t mind watching her for a minute?” he said, and dashed out. Before I could worry too much, he was back. Seeing that his daughter and mine were getting on fine, he lingered at the bar to chat with some friends.

 

The Café des Sports aside, Lectoure is a typical prim and prettified French village, and in this respect is an anomaly in the Gers. The principal towns of the Gascon heartland are for the most part unprepossessing: gritty market hubs that, on the face of it, hold little appeal for the tourist. And yet they offer the patient and curious visitor a chance to tune in to the rhythms of a rural lifestyle that is dying out elsewhere in France. To spend a market-day morning in, say, Fleurance, Mirande or Nogaro is to witness old-fashioned Frenchness in a very pure distillation — a collective affirmation of the things the French hold most sacred: fraternité, gastronomie and, to a lesser extent, morning drinking, cigarette smoking and cheek-kissing.

 

Depuis le Grand Tour au 18ème siècle, les chemins du tourisme font étape à Lectoure

Publié le 23 Février 2018

COMMENT PEUT-ON

 

ÊTRE LECTOUROİS ?!

 

A l’automne 1842, sur la promenade du Bastion, pendant le changement des chevaux de la diligence qui la conduit d’Agen vers Pau, Louisa Stuart Costello, femme de lettre anglo-irlandaise, observe avec amusement les gamins lectourois (« street urchins », oursins des rues dit-on en anglais) jouer avec un énorme chien des Pyrénées.

Comme les artistes, Manet ici, le touriste du 18ᵉ voyage avec son carnet de croquis.

 

De tout temps, le voyageur regarde avec complaisance les enfants du pays qu’il traverse. Parce que l’enfant est plus disponible sans doute, plus naturel et communicatif que son parent qui est souvent méfiant devant le curieux, voire hostile devant l’inconnu.

Comme Victor Hugo dont nous avons déjà raconté le passage dans notre petite ville deux ans plus tôt, cette aristocrate qui parcourt le Sud-Ouest de la France avec un groupe d’amis ne dormira pas à Lectoure,

 

Cahots, promiscuité et... porcs gascons, le voyage en diligence n'est pas de tout repos.

 

probablement faute d’hôtellerie décente et également parce qu’à égale distance d’Auch et Agen et dotée de moins d’intérêt, cette étape technique ne retient pas les voyageurs de qualité. Poétesse, peintre, historienne, nouvelliste, Costello publiera le récit de son voyage deux ans plus tard sous le titre « Béarn and the Pyrenees – A legendary tour to the country of Henri Quatre ». L’accentuation et le nom officiel du prince béarnais en VO pour son lectorat anglais, de même que toutes les expressions en français dans le texte donnent une idée de sa maîtrise de la langue, de sa volonté de rendre l’ambiance et de son intérêt pour la culture et les traditions du pays. A l’époque et dans toute l’Europe, parler en français est un signe de distinction et bien sûr une facilité pour le voyage.

 

Louisa Stuart Costello

Après la scène de rue offerte par les gamins, Louisa Costello, fera une brève mais élogieuse description physique de Lectoure (voir extrait ci-dessous) et en particulier de sa position élevée offrant de belles vues sur le paysage environnant que son regard d’artiste apprécie. Ce jour là et malgré le beau temps, les Pyrénées ne sont pas visibles. Elle qualifie le style du clocher de la cathédrale de mi-gothique, mi-anglais !? Passons. Enfin, elle évoquera, avec respect et sensibilité, la mémoire du maréchal Lannes, l’enfant du pays. A peine trente ans après sa mort sur le champ de bataille et la fin dramatique du premier Empire, voilà une prudence qui ménage la susceptibilité de la nation vaincue sévèrement à Gibraltar et Waterloo, et l'expression du tact d’une grande dame que l’on retrouve tout au long de ce récit.

 

Le 17 mars 2017, le New York Times, grand quotidien américain, publie un article signé de David Mc Aninch sous le titre « Is Gascony the most delicious corner of France ? », question à laquelle nous répondons de façon unanime : allez, tous avec moi, « Oui ! ». Il y fait, entre autres, une publicité incroyable à "notre" Café des sports, my favourite bar in France rien de moins, où il s’étonne qu’un inconnu lui confie sans hésiter pendant un instant son enfant pour aller prendre un verre au comptoir. Encore un cliché de gamin attendrissant le visiteur. Plus loin Lectoure est qualifiée de prim and prettyfied, c’est-à-dire quelque chose comme chic* et joliment apprêté, ce qui ne serait pas le cas ailleurs dans le Gers est-il précisé, les communes voisines auront apprécié….

Le journaliste n’est pas passé en Gascogne comme Louisa Costello, en simple touriste. Installé à Plaisance du Gers avec femme et enfant pendant deux ans, il s’est imprégné de notre mode de vie ce qui lui a permis de publier en connaissance de cause et sérieusement documenté un livre intitulé « Duck season » que l’on peut traduire par « Une saison de canard ». Titre un peu réducteur certes, mais ne boudons pas notre plaisir car le média new-yorkais qui publie cet article affiche des scores à la dimension du pays de Donald (…) : 1,2 millions d’abonnés quotidiens, 1,6 le dimanche et 2,2 sur internet ! Dans ces conditions la publication devait donner quelques retombées. Elles n’ont pas été précisément comptabilisées par l’Office de Tourisme ni par le tenancier du fier bistrot mais la Mouline de Belin en a accueilli plusieurs, coupure du journal (intégralement reproduite ci-dessous) exhibée à l’arrivée pour solliciter notre intervention en vue de la réservation (!) à la table de l’établissement lectourois désormais estampillé d'une étoile sur les tablettes des routards américains.

 

Un site, un patrimoine et un tissu commercial original. Lectoure cultive sa différence.

 

On n’imagine pas le poids des mots qui déclenchent immédiatement chez les étrangers un intérêt pavlovien et qui renvoient à l’image idéalisée qu’ils se font de notre pays : terrasse de bistrot, Bordeaux, Bourgogne ou Armagnac, confit de canard, bal du 14 juillet, mademoiselle…. Ce qui fait qu’une fois visités deux ou trois châteaux de la Loire, le Louvre et Saint Trop’, il leur reste encore à découvrir…. la France "d’en-bas".

 

Un autre repaire de "sportifs", disparu celui-ci : la Taverne des sports ! Sur le Bastion.

 

Il faut remonter au milieu du 18e siècle pour voir les hautes classes sociales d’Angleterre, d’Allemagne, de Hollande, de Russie et de France institutionnaliser pour leurs grands enfants, en guise de complément de formation, un long voyage intitulé « Grand Tour », qui s’écrit de la même façon en anglais. L’idée aujourd’hui banale, selon laquelle les voyages forment la jeunesse, trouve son origine au siècle précédent, celui des Lumières, « ...pour en rapporter principalement les humeurs de ces nations et leurs façons, et pour frotter et limer nostre cervelle contre celle d’aultrui » écrivait Montaigne. Outre les notes manuscrites, les croquis et les dessins permettent à ces tourists, ces étudiants au long cours, qui seront plus tard parmi les premiers photographes amateurs, de mémoriser les paysages entrevus, de reproduire certaines œuvres artistiques, les spécificités architecturales, de saisir quelque portrait d’après nature.

Puis les "vieilles anglaises", les souffreteux, les golfeurs, les plaisanciers et les amateurs de grand air feront, à leur tour, la fortune

 

Luchon. Reproduction d'une affiche de la Compagnie des Chemins de fer d'Orléans et du Midi

 

des villégiatures françaises depuis la Côte d’Azur jusqu'au Pays basque, Nice, Pau, Biarritz… Lectoure doit certainement le passage de ces premiers visiteurs, ayant laissé trace de leur étape à travers l’édition de ces sortes de guides touristiques ou sur simple carte postale, à sa position sur la route pour rejoindre les Pyrénées et plus exotique encore, l’Espagne. Le chemin de fer qui devait relier initialement Limoges à Saragosse, concédé à la Compagnie du Midi et du Canal latéral à la Garonne, sera mis en service jusqu'à Auch, et donc desservira Lectoure, en 1865. La voie atteindra son terminus à Vic-de-Bigorre en 1869. Pourtant, l'attraction des métropoles de Toulouse et Bordeaux et des littoraux, méditerranéen et atlantique, fera que le gros des contingents de touristes transitera à l'est et à l'ouest, préservant, un mal pour un bien, son caractère rural et spontané au département du Gers.  Aujourd’hui encore, nous voyons défiler les skis fixés sur la galerie des voitures empruntant la RN 21 et qui saluent notre maréchal statufié sans s’arrêter.

 

Enfin, une autre célébrité a raconté sa découverte de la Gascogne. On lui attribue la francisation de l’anglais tourist et il est chez nous souvent invoqué comme porte slogan publicitaire : Henri Beyle, alias Stendhal aurait qualifié notre petit coin de Gascogne, le pays de Lomagne, de « petite Toscane ». Est-ce dans Voyage dans le midi de la France ? Nous n’avons pas retrouvé dans cet ouvrage l'éloge maintes fois exploité. Par contre, il apparaît que cet air de famille avec l’Italie, que Stendhal connaît bien et qui vaudrait attestation de qualité, est revendiqué par un certain nombre d’autres places : le Gaillacois en Tarn-et-Garonne, un établissement huppé du bas-Armagnac limitrophe des Landes, Clisson près de Nantes et même le Beaujolais... Bien que le ciel d’Italie ne soit pas marque déposée, il faudrait s’entendre !

Faisant suite à Mémoires d'un touriste publié en 1868, ce récit de voyage paru en 1930 , posthume donc, est évidemment bien rédigé, certaines anecdotes sont cocasses, l’ensemble est érudit et historiquement enrichissant. Mais Stendhal ne peut pas dissimuler qu’il voit les régions qu’il traverse et leurs habitants essentiellement au travers du prisme déformant de sa personne, égocentrée et précieuse. Lors d’un trajet qui le conduit de Bordeaux à Toulouse, en bateau jusqu’à Agen puis en

De Bordeaux à Agen Stendhal voyagera en bateau à vapeur. Belle époque.

 

diligence, il n’est pas tendre avec notre région, c’est une litote. Lisez plutôt. « Figurez-vous le plaisir de disputer un coin de coussin à des gascons sentant l’ail ». A Toulouse, « Grossièreté et saleté incroyable de la classe peuple de Toulouse » ! A Auch, «  …vitraux à couleurs vives. C’est la beauté suprême pour le paysan qui achète dans les foires les estampes coloriées et pour les savants chez lesquels la vanité anéantit le sentiment du beau ». Pauvre maître verrier, Arnaud de Moles. Pauvres de nos aïeux.

Le récit étouffe de ces incessants jugements superficiels et inutilement agressifs. Vraiment désagréable.

Revenons à la Toscane. Comme la Lomagne, elle est introuvable dans ce texte. Stendhal se plaint en permanence du style gothique, de « la laideur gauloise » ! C’est dans la diligence entre Agen et Toulouse qu’il fait référence à l’Italie : « …la vue de Moissac… m’a fait un vif plaisir. Je me serais cru dans ma chère Lombardie. Beauté du ciel, douceur de l’air et surtout maisons bâties en briques avec des corniches élégantes ». Nous y voici semble t-il mais le rapprochement tient « surtout » à l’architecture, au bâti. Je propose donc à ceux qui recherchent une caution pour promouvoir leur coin de bocage de réserver la référence stendhalienne d'une ressemblance avec la Lombardie -et non la Toscane ce qui n’est peut être pas très différent- à la seule région de Moissac et, rive gauche, à la Lomagne garonnaise qui a son charme c’est vrai, avec laquelle

 

Galerie à l'italienne, brique toulousaine. Auvillar en Lomagne garonnaise.

 

le pays de Lectoure partage le ciel sinon tout à fait l'architecture.

Pour ma part, je relirai peut-être un jour par acquit de conscience Le rouge et le noir ou La chartreuse de Parme, mais il faudra auparavant que je m’efforce d’oublier ce vilain touriste là. En visitant le château de la Brède, Stendhal dit avoir un culte pour Montesquieu. Il aura lu à l’envers « Comment peut-on être persan ? » où le grand philosophe gascon fustige le parisianisme : pour cet observateur pontifiant et dédaigneux, cela aurait pu donner:

- Comment peut-on être gascon ?

- Et Lectourois alors !?

Remarquez, lorsque j’étais gamin, pas très loin d'ici mais il y a longtemps, dans un mélange de méfiance et d’admiration, nous traitions tous les touristes de « parisiens ». Avec éventuellement, à l'appui, quelque qualificatif désobligeant en patois. Oursins et sauvageons.

 

En réalité, pour la satisfaction de notre goût de la relation humaine, nous accueillons aujourd'hui à Lectoure une très grande majorité de visiteurs sympathiques, ouverts et qui savent trouver en faisant ce beau détour ce qu’ils viennent y chercher. Par bonheur, notre petit coin est encore loin de la saturation que subissent les zones touristiques, côtières par exemple, loin des paquebots gigantesques et hautains, traversant par le canal de la Giudecca, Venise si fragile, loin des quotas de visiteurs qui commencent à apparaître, aux Cinque Terre sur la Riviera et à Barcelone par exemple. Rue Nationale on ne se bouscule pas tous les jours. Et si l'on croise un touriste à la belle saison dans nos prés où certains savent maintenant que se cueille le bonheur, on en parlera encore en hiver devant la cheminée.

 

                                                         ALINEAS

 

* Comme premier résultat, pour prim le dictionnaire nous donne « collet monté », mais je ne pense pas qu’il y ait eu chez le rédacteur la volonté d'exprimer le sens péjoratif que l’on donne en français à cette expression. Alors nous avons plutôt choisi le terme chic que les anglophones utilisent d'ailleurs souvent tel quel, en français dans le texte.

 

LOUISA STUART COSTELLO

Texte intégral Vol.2

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k102170f/f5.image

VICTOR HUGO

- Notre alinéa sur le passage de Hugo à Lectoure :

http://www.carnetdalineas.com/2017/02/de-notre-dame-de-paris-aux-remparts-du-chateau-des-comtes-d-armagnac-ou-le-passage-de-victor-hugo-a-lectoure-c-est-une-des-plus-bell

- Il faut également noter la très intéressante Présentation de Francis Claudon, Le Voyage romantique, dans Victor Hugo - Voyage dans les Pyrénées. Editions du Félin 2001.

MONTAIGNE

http://les-proverbes.fr/site/proverbes/les-voyages-forment-la-jeunesse/

STENDHAL

Texte intégral de Voyage dans le midi de la France.

http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6950r

 

 

ILLUSTRATIONS

- Manet - L'enfant et le chien

- Jean-Baptiste Louis Guy - La diligence à Lanslebourg

- Photos

  Lectoure: M. Salanié

  Auvillar: avec l'aimable autorisation de http://mes-petites-boites.over-blog.com 

 

 

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #English language

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Publié le 1 Janvier 2017

 

Above part of the hereunder post, untranslated in english, published in 2024

James Salter, le dernier maître de la littérature américaine, est passé à Lectoure - 2ième partie

 

 

 

Si c'était une musique, ce serait le morceau de piano, mi jazzy, mi blues qui a fait le tour du monde, lancinant et hypnotique, accompagnant ces paroles.

On dirait le sud

Le temps dure longtemps

Et la vie sûrement

Plus d'un million d'années

Et toujours en été.

 

ette belle maison de maître, le Caillava, sur la route de Nérac, là où le Gers, dans la pénombre de la peupleraie, tourne, retourne et profite lui aussi du temps qui passe, a illustré la chronique qu'a offert à Lectoure, dans l'édition d'avril 1989 du magazine Esquire, James Salter, célébrissime auteur américain. Le carnet d'alinéas avait fait en 2018 son portrait (ici) mais alors sans avoir découvert où exactement il avait posé sa plume chez nous. Et son regard si original sur notre ville.

 

"En longeant ses abords,

c'est comme un village de pêcheurs, mais sans la mer."

Du Salter. Allégorique et si lucide à la fois. Passant sans prévenir de la banalité à l'inspiration. Depuis le Bastion du château ou au débouché d'une ruelle sur les remparts, nous ne regarderons plus le vallon de Foissin et la vallée du Gers de la même façon. Mais à quelques millénaires près, l'image n'est pas si étrange. Salter n'invente rien car les géographes et les géologues situent ici l'extrémité des avancées maritimes à l'ère de Miocène, c'est-à-dire il y a 15 millions d'années tout de même, le golfe de Lectoure !

A l'horizon, sur la photo du pique-nique du couple Salter et de leurs amis, on distingue Lectoure " comme une merveilleuse épave abandonnée sur une rive lointaine ". Traduction intégrale de la chronique ci-dessous.

Sally Gall, la photographe, missionnée par le magazine pour illustrer les chroniques de Salter, choisissait le noir et blanc, très grainé, légèrement solarisé semble-t-il, peut-être à l'instigation de la rédaction du périodique et sans doute pour donner une impression romantique, vieillotte, comme les États-uniens se figurent la vieille Europe, façon carte postale vintage. Joli, mais de la belle couleur, franche et saturée, aurait mieux convenu à l'ambiance estivale des années 80 au pays gascon, lecture à l'ombre du marronnier vénérable, balade au vieux moulin et, inévitablement, champs de tournesols que l'on ne peut vraiment apprécier qu'en quadrichromie.

Comme d'autres, et si souvent à propos de la Lomagne, Salter évoque l'Italie. Toujours plus de sud. Toujours ailleurs.

Sur Esquire, The houses of a french summer emmèneront le lecteur depuis Arcachon (pendant la guerre, pilote, Salter a été basé à Cazaux) à Bordeaux, Paris, la vallée de la Loire, jusqu'au cap Ferrat et Saint-Tropez... et Lectoure ainsi parmi le gratin du tourisme international. Rassemblées et éditées en anglais sous le titre There and then (Ed. Counterpoint 2013), elles sont quelque peu développées par rapport à la parution dans le périodique new-yorkais et on y apprend en outre plus précisément chez qui l'auteur et sa famille ont été hébergés à Lectoure en 1988. Extrait aperçu sur le web de la version espagnole de ce recueil En otro lugares (Ed. Salamendra 2024) : "Finalmente volvimos al sur, a Lectoure, donde nos esperaba la casa amplia y sencilla del profesor de latín de la escuela del pueblo". Le toponyme et la fonction enseignante du propriétaire, latiniste et hispanisant de surcroît, auront suffi aux vieux Lectourois pour reconnaître les hôtes de Salter, Paul Fave et son épouse. Salter se plaira tellement à Lectoure, working conditions can be pleasant..., qu'une fois les propriétaires revenus de leurs propres vacances et ayant repris possession de leurs pénates, il prolongera son séjour en migrant outre-Gers, à deux kilomètres à vol d'oiseau, au Couloumé, à l'époque appartenant à la famille de Montal.

 

Devisé "The magazine for men", mais bien moins affriolant que Playboy ou que le français Lui, Esquire "s'adresse à une clientèle financièrement aisée. Comprenant des photos dites de charme, il est un mélange de mode masculine, d'articles sur l'économie et sur les nouvelles technologies. Ses pages sont complétées par des critiques de films et de livres, tout comme des articles pratiques" (définition empruntée à wikipédia). De grands noms de la littérature y collaborent offrant leur talent, parfois sans trop forcer, et l'attrait commercial de leur nom. Avant James Salter, parmi les plus célèbres, ce furent Ernest Hemingway et Francis Scott Fitzgerald.

Lectoure verra passer certains lecteurs d'Esquire, suivant gourmandement Salter dans ses pérégrinations. Parmi eux, Karen et Edward auxquels nous devons d'avoir découvert cet auteur, et qui comme lui, reviendront chercher ce qui n'existe pas plus à l'est qu'à l'ouest du nouveau monde, le lierre sur les vieilles pierres, le pain cuit au feu de bois, les bistrots, les vestiges gallo-romains... Le temps long.

 

Sur la photo du pique-nique au bord du lac de Boulouch, le petit blondinet c'est Théo, le fils de Salter et de sa compagne Kay Eldredge, qui fera ses premières classes à l'Immaculée Conception ! On distingue également sa frimousse à l'étage du Caillava. Sa trottinette appuyée contre l'encadrement du seuil. La chronique d'Esquire a 35 ans. James Salter est décédé. Théo est devenu acteur. Aujourd'hui, rue Nationale, main street, les trottinettes sont électriques. Lectoure est toujours un village de pêcheur.

                                                                Alinéas

 

PS. Nous remercions monsieur Paul Fave pour nous avoir communiqué toutes les précisions sur cette rencontre étonnante entre James Salter, la presse masculine US, le Caillava et Lectoure.

 

Traduction de la chronique parue dans Esquire - Avril 1989.

Sous l'immense marronnier du jardin et l'ampoule suspendue à l'une de ses branches, se trouve une longue table en plastique blanc aux extrémités rondes. À cette table, à l'ombre, matin, après-midi ou soir, nous nous asseyons. Les libellules frôlent langoureusement le sol. Le linge sèche. Sur la terre flotte une brume d'août.

Ce qui donne à cette maison son charme, ce sont les vues. Au loin, avec dans l'intervalle uniquement des champs de tournesols, des prairies et des bois, Lectoure s’étend sur la crête d’une colline comme une merveilleuse épave abandonnée sur une rive lointaine. Les saisons semblent défiler sous vos yeux, l’automne et ses pluies, l’hiver, le printemps tant attendu. Impassible, la tour de l’église avec une vague trace d’échafaudage se détache sur le ciel. Ça ressemble à l’Italie, l’hôpital à une extrémité, la cathédrale à l’autre. Entre les deux, une longue étendue de maisons et de murs quelconques donne l’impression d’une côte étrangère. Ce n’est pas un endroit où les Agnelli viennent. Parfois, on aperçoit un visage insolent et superbe qui conduit lentement le long de la rue principale, mais l’agitation la plus intense que j’ai pu observer un jour est celle d’un homme essayant, devant un café, d’apprendre à un perroquet à chanter la Marseillaise. C’est une ville remarquable. Sur ses abords, c’est comme un village de pêcheurs, mais sans la mer. Le paysage qui s'étend en dessous est vaste et immuable. Il y a des dents de mastodontes polies qui brillent comme de l'ivoire dans le musée sous la Mairie, des pièces de monnaie romaines, des bustes antiques.

Vers la fin du mois, un journal a publié une photo d'une plage presque vide. Un couple, la femme seins nus, était penchée en arrière, à côté de leurs vélos, profitant des derniers rayons du soleil.  À l'arrière-plan, un enfant et une femme en robe blanche au bord de l'eau. À l'horizon flou, une coque blanche solitaire et sa voile. « Il finit en beauté », titrait le journal à propos de l'été.

Cet après-midi, elle traversa la prairie jusqu’à l’endroit où je travaillais, installé à une petite table à l’ombre. Cela faisait quatre mois et demi, et nous avions été partout, la mer à Arcachon, Paris, Bordeaux, le cap Ferrat, nous étions assis à lire dans le jardin et avions traversé les champs jusqu’au vieux moulin d’un voisin, à dix minutes de là, pour acheter du pain cuit au feu de bois, nous avions vécu en vêtements de coton, le dos de nos mains était noir, il restait une semaine. « J’aime cette vie », dit-elle doucement.

Je n'ai pas répondu. Après un moment, j'ai hoché la tête. Tout était dit.

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Rédigé par ALINEAS

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