Publié le 16 Octobre 2020

noix noyer huile de noix jupiter quercy périgord Oméga-3

Le noyer a traversé l'histoire de la science botanique dans une tempête de reproches. La faute à son ombre supposée néfaste, il fut accusé pendant des siècles de tous les maux et des plus fantaisistes. Mais heureusement, la richesse de son fruit, à l'abri dans cette fameuse coquille, naviguant contre les vents et marées de l'ignorance des temps, l'a conduit à bon port, disons-le, à bon goût.

Juglans regia selon la nomenclature de Linné. Contraction de Juvis glans, le nom botanique du noyer commun européen veut dire : royal gland de Jupiter ! Non, il ne nous a pas été livré par les romains, même si ceux-ci ont évidemment développé sa culture dans le sillage de leurs conquêtes. Charlemagne en ayant remis une couche. Apparu aux temps antédiluviens en Asie, le noyer est présent en Europe depuis plusieurs dizaines de milliers d'années. Figurez-vous que l'on traque son chemin migratoire, depuis la Tartarie jusqu'en Suisse, par l'étude de l'ADN de pollen fossilisé! En Europe du sud, le noyer aurait résisté à la dernière glaciation, il y a plus de 10 000 ans. Un vieux de la vieille. Alors, d'où nous vient ce fringant Jupiter-là ?

 

Juglans regia gland de Jupiter noyer commun

Le dictionnaire en ligne Wikipédia me paraît bien prude en supposant que la référence au dieu des dieux s'explique par la comparaison de la richesse nutritive du fruit, digne des tables les plus huppées, avec celle du pauvre gland de chêne, juste bon à donner aux paysans et aux cochons. Mais en réalité et plus imagé, chacun aura remarqué la proximité du fruit dans son écale verte (épicarpe ou brou) avec un bel appareil masculin. Deux autres noms communs du noyer dans différentes régions militent pour le même parti, si j'ose dire : calottier et gojeutier. Je vous passe les hypothèses de relation avec nux gallia, noix gauloise en latin, dont "gaillardise" découlerait. Pour faire le tour du sujet, sensible, dans sa très documentée thèse de Doctorat (voir nos références ci-dessous), sous la direction du célèbre Michel Pastoureau, Pauline Leplongeon précise que l'allusion ne s'arrêtera pas à la nomenclature de la science botanique : " Au Moyen Âge et à la Renaissance, cette idée de fertilité perdure dans le domaine de la parémiologie, où la noix se détache du monde divin pour entrer dans celui de la grivoiserie. Ainsi, Rose M. Bilder, dans son Dictionnaire érotique : ancien français, moyen français, Renaissance, recense un certain nombre d’expressions utilisant la noix pour faire référence à l’acte sexuel. On compte ainsi «batre noix», «abatre noix», «casser noix» qui signifient faire l’amour, de même que «croistre les noix», «croquer la noix» ou, plus éloquent encore «secouer les noix». Dans le même ordre d’idée, «batre noix ailleurs» veut dire être infidèle, «le goût de la noix» exprime le plaisir que donne une chose agréable, chose plus précisément définie par l’expression «perdre le goust de la noix» qui insinue qu’on n’est plus intéressé par une femme. Enfin, «avoir escaillé noix» signifie avoir de l’expérience, dans le domaine du jeu amoureux il va sans dire". Et Jupiter avait une sacrée expérience, paraît-il.

Il était de coutume autrefois, dit-on, de lancer des noix lors des noces, en guise de bon augure. Un auteur du IVème siècle prétend qu'il s'agit plutôt de couvrir les cris de la jeune épousée, les noix en tombant faisant suffisamment de bruit pour convenir à cette tache... Il y a des MeToo qui se perdent.

cerneau de noix

Pour repasser au-dessus de la ceinture, selon la théorie des signatures qui veut que les qualités d'une plante se devinent à son apparence, ses partisans considéraient que la graine comestible, le cerneau, ressemblant à un cerveau, sa consommation était bonne pour les méninges. Nos anciens ont peut-être eu ici, plus de chance dans l'approche, car les qualités nutritives et médicinales de la noix se révèlent effectivement scientifiquement aujourd'hui, précieuses pour tous les Junon et Jupiter que nous sommes, vous et moi. Particulièrement riche en acides gras polyinsaturés dont les très recommandés oméga-3, la consommation de noix permet de diminuer le cholestérol, favorise l'élasticité des vaisseaux sanguins prévenant ainsi des maladies coronariennes. La noix contient également des antioxydants (pour vieillir mieux, si ce n'est pas antinomique), des fibres pour le transit, du manganèse, de phosphore, du magnésium, du fer, du zinc, du cuivre, de la vitamine B1, B5 etc... Ne me demandez pas de justifier; comme vous, je fais confiance. Si je ne vous ai pas convaincus, c'est fichu.

Bien sûr, pour autant il ne faudra pas en consommer des tonnes. La noix doit venir en remplacement d'autres aliments. Mais dans tous les cas, elle ne serait pas coupable de provoquer une prise de poids car elle a aussi la qualité d'augmenter le degré de satiété et donc, pour dire simple, de couper l'appétit. Jupiter veille au grain.

 

noix noyer huile de noix jupiter quercy périgord

Va pour le fruit. Mais que reprochait-on autrefois au noyer, ce bel arbre, au port majestueux donnant un bois précieux pour la fabrication des meubles qui transmettent leur encaustique de génération en génération ? Que rien ne pousse à son ombre. Y aurait-il là alchimie ? Empoisonnement ? Peut-être même sorcellerie. 

En 1536, Jean Ruel, Médecin de François 1er prétend ceci : " Les noyers sont appelés ainsi d’après un mot latin, nocere, qui, en castillan, veut dire nuire, ou abîmer. Parce que ce sont des arbres qui, avec leur ombre, pour être pesante, font beaucoup de mal aux autres arbres, et plantes qui se trouvent sous eux, et aussi aux personnes, parce que si quelqu’un dort sous un noyer, il se réveille lourd, avec des douleurs de dos et de tête, et également, les légumes qui atteignent l’ombre des noyers sont toujours chétifs et de couleur fade, comme malades. Il est bon, qu’après que les noyers se soient dépouillés de leur feuillage, d’enlever toutes les feuilles qui se trouvent là si vous devez semer la semence de nouveaux légumes, parce que le feuillage ainsi mêlé nuit beaucoup, et il est bon d’en faire du fumier, ainsi il ne nuit pas, ou pas autant ". Le responsable de ce phénomène, tout à fait réel, bien qu'il soit mal appréhendé : nous le savons aujourd'hui : le juglon, une substance toxique qui, rincée par la pluie sur le feuillage et tombée au sol, inhibe la croissance de tous les autres végétaux. Les noyeraies comme celle de notre photo ci-dessus ont été installées, avec de nouvelles variétés à croissance rapide et de taille réduite, dans les dernières décennies, en remplacement de toutes autres cultures dans des régions au sol relativement pauvre ou difficile à travailler. Auparavant, lorsque l'agriculture vivrière était dominante, le noyer était dressé haut, planté sous forme d'allées le long des routes et des chemins, où son défaut devenait une qualité, limitant l'enherbement et le développement des fourrés en bordure des voies. Désherbant naturel.  Une technique à réexplorer ?

Le fruit lui-même sera touché par l'anathème. Jacques et Paul Contant, apothicaires en 1628 avertissent : " La noix que nous avons descrit cy dessus se nomme aussi Nux, pour ce qu’elle cause douleur & pesanteur de teste, qui est aussi la vraye signification de son nom grec, Carion ". Ici, les "savants" s'égarent. Toutefois on accorde à la noix, prudemment, quelques valeurs médicinales. Mon dictionnaire pharmaceutique de 1759, après avoir prévenu que " les noix sèches (pas les fraîches donc) sont de difficile digestion, peu nourrissantes, contraires à l'estomac, bilieuses, qu'elles font mal à la tête, irritent les maladies des poumons, principalement la toux " (excusez du peu) affirme que le jus du brou " tiré par expression étant épaissi selon l'art, est recommandé avec justice dans les maux de gorge, spécialement dans l’inflammation de la luette, des amygdales et dans l'esquinancie (traduisez l'angine) ". Donc si je m'y fie, le brou, pas l'amande. Revenons à notre bois.

gauleur de noix

Pour les plus anciens dont je suis, le noyer est donc un grand arbre, où il était difficile de grimper. Car on n'attend pas que le vent fasse le travail. Et la pluie par-dessus la récolte, ce n'est pas bon non plus. Il fallait donc gauler et ramasser la récolte entière rapidement à maturité et lorsque le fruit se détachait du brou. Voici ce qu'en rapporte, dans ses souvenirs d'enfant élevé entre Quercy et Périgord, mon grand-père Gilbert : " Mon père était le plus habile du pays. Aussi les voisins et les parents lui demandaient-ils aide. Après avoir, du sol, fait le tour pour épuiser les branches basses, il grimpait dans l'arbre avec sa longue gaule. C'était pour moi un étonnement de le voir se tenir debout sur les grosses branches charpentières en choisissant l'endroit favorable pour atteindre le faîtage. Dans une sorte d'escrime, il glissait la gaule entre les branches et donnait à l'extrémité un mouvement rapide qui frappait le bois sans le meurtrir ou briser les terminaisons. C'était là le fin du fin. "Il y a gauleur et gauleur", disait-il en parodiant le bûcheron du médecin malgré lui. Du sol, levant la tête dans une admiration inquiète, ma mère recommandait la prudence. Je ne sais pourquoi le gauleur élevait la voix pour se faire entendre des gens à terre. C'était comme si la voix venait de très haut. De là l'expression dont l'usage se perd : "crier comme un gauleur de noix". Depuis, les gauleurs ont été remplacés par un engin qui nous aurait terrifiés, sorte de tenaille-vibrateur-aspirateur sur chenilles. Ainsi va le monde.

Toujours dans cette région paternelle où, du fait d'un sol argilo-siliceux favorable, la culture du noyer tenait une place importante, les soirées de février étaient occupées par le dénoisillage qui rassemblait tout le voisinage et la parentèle. L'opération donnait l'occasion aux conteurs, chanteurs et autres ragoteurs d'exercer leur art. La consommation locale et familiale n'épuisait pas la récolte qui était vendue à des commerçants venus de Bordeaux, de Brive et de Cahors à la foire locale, pour s'approvisionner en matière première destinée à la production d'huile. A l'époque, la noix est un fruit de pauvre. "Ça ne vaut même pas une noix !" disait-on pour désigner une chose de peu de prix. Le revenu que cette culture permettait toutefois de dégager pesait dans la balance de la fragile exploitation autant que les céréales ou l'élevage. Pour sa consommation personnelle le paysan réservait les belles noix à la production d'huile alimentaire et les cerneaux de mauvaise qualité à celle d'huile lampante, pressées dans l'atelier du village. Peut-on en effet imaginer, dans le confort où nous sommes malgré toutes les misères dont nous nous plaignons, que la lumière du logis paysan fut assurée la nuit, il y a cent ans à peine, par la seule cheminée et le calel, simple, antique et pourtant précieux objet accroché au mur ? " Notre calel était en feuille de laiton, épaisse sans excès, d'un jaune honnête, nullement bosselé, tant on en avait pris soin. On ne l'astiquait jamais. Deux fois par an, au moment de la lessive, ma mère le plongeait dans la première eau. Il ressortait de ce bain flambant neuf, beau comme un soleil et chacun s'extasiait sur cette merveille qui pendant quelques jours, faisait étoile sur les tonalités enfumées de la cuisine ".

Je ne veux pas être trop long, toutefois, étant donné les centres d'intérêt habituels de ce cyber-carnet, on ne comprendrait pas que je ne dise rien du moulin à huile. Il était souvent associé au moulin céréalier, mais doté d'un couple de meules bien à lui. La meule tournante étant dressée sur la meule gisante, cuve métallique aujourd'hui, laquelle est évidée pour conserver le premier jus. La matière ainsi écrasée, chauffée, passant ensuite à la presse à main. Une petite vidéo très intéressante sur le plan de la mécanique meunière et gourmande à la fois vous est proposée ci-dessous.

noix noyer huile de noix jupiter quercy périgord moulin à huile

Le brou de noix avait également ses usages, en particulier en teinturerie. Éventé il donnait un noir de qualité médiocre. Conservé soigneusement il permettait d'obtenir une belle couleur jaune bistre. Enfin, le brou avant maturation produirait un rouge dont on dit qu'il a probablement servi à la femme gauloise pour se teindre les cheveux. Flamboyante. Pour preuve, voir Astérix et la fille de Vercingétorix.

 

Pour finir, comme il se doit dans ce pays béni des dieux, revenons à table. Avant de servir l'huile nouvellement pressée, la ménagère de mes ancêtres, économe, devait épuiser la cruche de l'année précédente. Au point que l'on était habitué à ne consommer qu'un produit rance, et que dans le souvenir de nos parents, le goût de l'huile de noix est celui-là, le bon goût peut-être, tant le temps passé donne aux choses familières, bien que modestes, une saveur supérieure.

Aujourd'hui, l'huile de noix, que l'on sait devoir être conservée soigneusement à l'abri de la lumière et de l'air, est devenue un produit de luxe. Sa réputation en matière alimentaire et diététique a chassé les vieux démons. L'une de mes gourmandises récurrentes remonte à la mémoire du déjeuner de mes ancêtres enfants, qui ne rentraient pas à midi, de l'école communale à la maison, distante de trois kilomètres : un peu de pain sec, frotté à l'ail et assaisonné de trois grains de fleur de sel et d'un mince filet d'huile de noix. Une tartine de confiture de figue avec quelques cerneaux de noix, c'est bien aussi, mais là, je n'oserai pas honnêtement invoquer l'héritage du régime frugal du petit paysan de la fin du 19ième siècle.

                                                                                        ALINEAS

DOCUMENTATION :

Pauline Leplongeon , Histoire culturelle de la noix et du noyer en Occident de l'Antiquité romaine au 18ème siècle. Thèse Paris 2017.

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02106739/document

 

PHOTOS :

Cerneau de noix, Wikiwand.

Les gauleurs de noix vers 1925, Journal municipal de la Commune de L'Albenc (Isère).

Jeune mère, Désiré Laugée 1888.

Moulin à huile de Castagné, Martel (Lot), Creative Commons.

Autres photos, © Michel Salanié.

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Rédigé par ALINEAS

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Publié le 24 Septembre 2020

moulin de La Mothe Lamothe Lamote Lectoure société archéologique gers recensement

 

Le 2 octobre prochain, l'équipe lectouroise de la Société Archéologique du Gers, animée par Georges Courtès, présentera les résultats du recensement des moulins sur les 26 communes du canton de Lectoure. Un minutieux travail, riche en enseignements, quelques trouvailles et... et malheureusement le constat que le temps fait son œuvre, en la matière aussi bien sûr. Si certains moulins font l'objet d'un sauvetage in extremis, si d'autres sont joliment rénovés ou bien n'ont jamais été abandonnés, on compte quelques disparus corps et biens.

La faute au vent et à l'eau qui prennent leur revanche.

Les moulins à vent de Lectoure sont très souvent décoiffés. Devenus inutiles et un peu gênants, ils sont parfois finalement abattus pour fournir quelque matériau de construction ou de remblai d’accès facile et surtout de belles pierres de taille dont un œil exercé remarquera, dans le réemploi, le profil arrondi caractéristique des appareillages des bâtiments circulaires. Masqués à la vue, celui-ci au cœur d'un bosquet, celui-là à peine trahi par une proéminence du terrain au milieu d'un champ, les vestiges des moulins à vent sont parfois révélés heureusement par la photo aérienne. C'est le cas par exemple du moulin de Peyret ou Bouhilhac, près du domaine de Combarrau, au nord de la commune, à peine visible en contrebas depuis la route dite romaine, à travers les frondaisons et seulement en hiver, mais bien vivant dans ce merveilleux paysage planétaire que nous offre notre Institut Géographique National.

moulin de peyret bouhilhac combarrau Lectoure société archéologique gers recensement

 

D'autres moulins à vent ne sont pas à rechercher dans la ronce ou les labours, mais en pleine excroissance urbaine.

moulins des justices lamarque Lectoure société archéologique gers recensement

En effet, trois moulins à vent résistent au milieu du faubourg en plein développement à l'est de la ville, quartier des Justices. Au Moyen Âge, il y avait là les fourches patibulaires qui permettaient d'exposer au vent mauvais et aux nouveaux arrivants, à titre d'avertissement, les condamnés pendus ou au moins torturés et ficelés, à priori pour faute grave. Ce monument de justice a complètement disparu, l'exemplarité aussi, reste le toponyme. Et nos trois moulins. Mais les recenseurs de la Société archéologique en dénombreraient un quatrième et 10 au total depuis l'extrémité du plateau de Lamarque ! Dont certains effectivement totalement disparus, rasés, macadamisés, avalés par l'inexorable appétit de la modernité.

 

Le travail des recenseurs de la Société Archéologique est plus difficile encore pour les moulins à eau car, non seulement la ruine a renversé la superstructure mais le cours d'eau a dispersé les matériaux, remodelé et parfois nettement modifié son propre lit, enfin la végétation exubérante et indisciplinée à cet endroit interdisant toute visite pedibus et le repérage aérien itou (ça n'est pas du franglais). C'est le cas, au pied de la citadelle, du Moulin neuf, qui semble t-il, a été très important à une époque au point de faire de l'ombre à son voisin de l'abbaye de Saint Gény. Eh bien, ne le cherchez pas. Le recenseur a mis ses bottes et ne l'a pas trouvé. Oui, je sais : "On a perdu le Moulin neuf"... Preuve qu'un jour le neuf fini vieux, ici bas. Le canal d'amenée de ce moulin disparu qui apparait sur cet extrait du cadastre napoléonien est même réduit aujourd'hui à l'état de vague fossé et cette entrée de la ville est devenue peu reluisante. Mais ceci est sans doute une constante de l'histoire urbaine et un autre sujet. Pour vous parler de Moulin neuf, il vaudra mieux arpenter les archives. Ce que Georges fit.

moulin neuf Saint Gény Lectoure société archéologique gers recensement

 

Plus au nord, le site de La Mothe est mieux connu. Rive droite, l'un des moulins dont nous avons parlé ici, qui nous a laissé une belle carte postale avant de partir en fumée, appartient à la commune du Castéra-Lectourois. Mais coté Lectoure, rive gauche, la tour de La Mothe (notre photo titre) reste mystérieuse car peu documentée. Etait-ce un moulin-donjon, à l'image du moulin de Lesquère dont nous parlerons bientôt ? En effet, une "simple" tour de contrôle du pont barrage n'aurait pas été installée dans ce bas-fond mais sur un promontoire à proximité, doté de la vue dégagée qu'exige une fonction de guette. Malheureusement, le bâtiment a été dépecé et en outre, il menace ruine aujourd'hui. Une approche exploratoire se révèle très risquée. Recenseur mais pas fou. Cependant, le plan du Dimaire (1782) de l'Ordre de Malte que nous avons déjà évoqué dans notre rubrique Histoire, intitule bien la tour "ancien moulin de La Mothe". Il ne peut pas y avoir doute. Voir sur ce sujet des moulins-donjons de l'époque de la présence anglaise en Guyenne, notre récent alinéa ici.

moulin de La Mothe Lamothe Lamote Lectoure société archéologique gers recensement

Ce site exceptionnel, tour et pont barrage, est dans un état de dégradation avancé. Bien sûr, de par sa taille, une rénovation, ou pour le moins une conservation, exigera des fonds importants. On peut espérer.

 

Enfin, et cet alinéa n'est pas exhaustif, une autre redécouverte intéressante des recenseurs de la Société Archéologique : la mouline de La Tapie, entre le Mouliot au nord et Lesquère au sud, sur le ruisseau éponyme dont il ne subsiste pas de trace sur le terrain.

moulin de La Tapie latapie Lectoure société archéologique gers recensement

Repéré sur la carte d’état-major (1820-1866), également en ligne sur le site de l'IGN (décidément une mine), nous n'avons à ce jour aucune information sur ce moulin, et il faut toujours rester prudent avant de pouvoir croiser les preuves et confirmer ce recensement, prudence y compris à l'égard d'un topographe, fut-il d'état-major*. A ce stade, seul le toponyme qui subsiste peut parler. En effet, en gascon, la tapie est la terre crue, l'adobe. Alors deux hypothèses. Il est tout à fait possible que cette mouline ait été un foulon permettant de malaxer la terre argileuse afin de produire des briques de terre crue, autrefois très utilisées dans la construction des bâtiments agricoles secondaires. Car tous les moulins ne sont pas fariniers. Ou bien, et c'est la seconde hypothèse, le moulin était-il bâti lui-même, tout ou partie, en terre crue. Ce qui expliquerait d'ailleurs sa totale disparition, le matériau étant peu durable. Et soluble dans le ruisseau. Peut-être un jour, dans quelque acte notarié, trouvera t-on une information pour éclairer l'histoire de La Tapie, le moulin perdu.

Car le recensement des moulins du Gers par la Société Archéologique n'est pas un simple comptage à retardement. Il veut être un outil documentaire pour les historiens. On a écrit l'Histoire des châteaux-forts et celle des cathédrales, des dynasties et des batailles. Il faut à présent écrire celle des moulins, des hommes et des femmes qui ont fait l'industrie de notre pays. Leur mémoire et leur place dans l'Histoire ne doit pas être effacée par l'eau, le vent et le temps qui passe.

Pour en savoir plus sur les 151 (!) moulins de Lectoure et des 26 communes du canton, nous vous invitons à venir assister à la présentation du vendredi 2 octobre 18 heures, salle de la Comédie (cinéma Le Sénéchal).

                                                                  Alinéas

* Rectificatif 26/09 : Un lecteur attentif et voisin de La Tapie nous précise que les vestiges du moulin sont bien là, sous la végétation, repoussés en bordure du labour. Le topographe d'état-major ne nous a pas trompé.

PS. Je me doute que les lecteurs de ce cyber-carnet qui habitent un peu loin, Paris, Bruxelles, Sousse, Oslo, Ancône ou Sacramento (!), ne se sentiront pas concernés par cette invitation. Pour une fois nous jouons là le rôle de réseau d'information purement local. Nos lointains abonnés connaissent notre goût pour les moulins et ne nous en voudront pas. Merci de nous suivre. Adishatz.

© Photo aérienne IGN, Pont barrage de La Mothe Gaëlle Prost - Mairie de Lectoure, autres photos M. Salanié

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Moulins

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Publié le 4 Septembre 2020

Ce soir-là, on se serait cru à Saint-Germain-des-Prés. Ou Montmartre, pour le relief. Oubliant le masque, comme un prélude audacieux, les rires et les couverts gourmands s'interpellaient joyeusement. Le claret perlait lentement sur son verre à pied. Les caves et les venelles où le soleil n'a que la part congrue rendaient leur fraîcheur. Et puis, le brouhaha se fit murmure, monta une voix, sur quelques accords, à peine enchaînés, sans hésitation reconnus. La gouaille de Léo, le cœur du grand Jacques, le tempo de la guitare de Georges reprenant dans nos mémoires une belle dispute entre vers et prose, entre amour et liberté, révolte et solitude. Dispute interrompue il y a trop longtemps, faute de débatteurs. Ce soir, la voix était femme, vivante, émouvante, là sur cette scène de rue, simple et singulière pourtant.

 

Julie Aimée Debes a donné à cet été gersois un air des années soixante et de distinction mêlés. Hôtel Continental à Condom, villa gallo-Romaine de Séviac, hôtel Collège des Doctrinaires et terrasse de Cigale é Fourmi à Lectoure où elle a troqué la petite robe noire cabaret pour le jean de la chanteuse de rue. Répertoire de rêve. Aznavour, Reggiani, Moustaki qui lui offre le titre de notre alinéa, comme une fleur que l'on lance sur la scène. Et puis je voudrais partager avec vous un moment dont je n'avouerai pas l'émotion, Julie Aimée Debes chante Barbara, malgré sa jeunesse, en quelque sorte de grande Dame à jeune Dame.

La voix est profonde. La diction est claire, qualité si rare aujourd'hui. Couché sous son pin parasol, plage de Sète, le poète apprécie. Ici, je devine ceux qui me connaissent sourire.

- Mais t'es sourd Alinéas !

- Oui, mais j'ai des éclaircies pendant lesquelles je me précipite comme un affamé pour écouter ce qui me manque tant. Sinon, je lis sur les lèvres, et vous reconnaîtrez que ce n'est pas désagréable en l'occurrence.

Julie Aimée Debes est née dans une famille où l'on écoutait Hallyday et Bruel le jour et où l'on jouait de l'accordéon le soir, sur Brassens et Joe Dassin. Moi c'était Véronique Sanson et Dylan. Flirter avec l'anglais et la guitare électrique oui, mais à condition de texte, de sens et de mélodie.

Julie Aimée Debes est venue en pays lectourois par amitié. C'est fou ce que nous comptons d'habitants installés ici pour se rapprocher d'un ami ayant vanté les lieux. Un mode de peuplement enrichissant pour les deux cœurs réunis et pour le pays aussi.

 

Julie Aimée (un prénom que je verrais bien faire un nom de scène) ne copie pas. Elle apporte à chaque reprise sa pâte. Nous aimons cette jeunesse qui n'hésite pas à fouiller le terreau de la langue française pour y retrouver des pépites et les faire briller à nouveau au soleil. Rina Ketty : un siècle d'écart Mama ! Aujourd'hui, je ne vais pas faire mon vieux grincheux, mais tout de même : la langue française est violentée et colonisée. Le retour aux sources est un combat. Eclectique, ce n'est pas une faiblesse mais une source d'inspiration, notre artiste voudra écrire également. Enfin, l’interprète a rencontré Gérard Guidi, un auteur qui lui a offert ceci (extrait):

Ce soir allez savoir pourquoi j’ai envie de me rapprocher de moi

D’aller vers celle que je ne connais pas

Celle qui partage mon quotidien un même corps pour un même destin

Celle différente à la fois

Tant pis si je bascule ma vie sur le versant interdit que personne ne voit

Tant pis si prise de folie je deviens celle qui sommeille au fond de moi...

C'est sûr. Il y faut un peu de folie. De celle qui donne le courage d'exprimer ses sentiments, d'autres aussi, étranges mais beaux, des questions sans réponse et des espoirs sans lendemain. Ne lâche pas Julie Aimée, ne lâche pas le rayon de lune qui nous relie, qui te relie à Prévert, Ronsard et jusqu'à François Villon.

                                                        Alinéas

 

  •  On pourra se procurer le dernier CD de Julie Aimée ici

  • Pour cet alinéa, les belles photos de la soirée de Cigale é Fourmi signées Jérôme Narbonne ont joué le rôle de déclencheur.  https://jeromenarbonne.com/

  • Autres photos :

    • Julie Aimée Debes
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Publié le 25 Août 2020

 

Voilà un sujet bien ambitieux. Il y faudrait une encyclopédie. Une vie. Et je m'y prends bien tard. Ou alors il faut faire des choix. Nous avons déjà évoqué l'aulne ici, la prêle ...

Vous aurez remarqué que les peintres, comme Henri Martin, l'une de mes références pour cause de racines quercynoises, nous offrent en général des ruisseaux bien propres et bien rangés, afin, c'est la noble tâche de l'artiste, de magnifier l'endroit, d'y installer l'humain et peut être de construire ainsi un paysage accessible, plutôt discipliné, rassurant. Mais la nature n'est pas ainsi faite.

flore aquatique ruisseau foissin lectoure peintres henri martin

 

En réalité, sans l'intervention de l'homme et surtout des moutons, le ruisseau est envahi dans un apparent désordre, de ronces, de raisin du diable (respounchou en gascon !) et d'orties. C'est la course à l'eau. Il faudra attendre que les arbres s'en mêlent, grandissent et, imposant la tutelle de leur frondaison, limitent la croissance anarchique de cette végétation rampante et assoiffée. Alors, ici et là, mi-ombre, mi-soleil, les jonquilles pourront percer, les violettes embaumer et les baigneuses se baigner. Encore une invention de peintre d'ailleurs, les baigneuses...

Pour rester au plus près du ruisseau des origines, nous avons donc choisi de distinguer trois plantes rustiques, capables de s'installer en milieu hostile, de dresser leur floraison au-dessus du fatras végétal, d'offrir au promeneur qui ose s'aventurer dans cette mini forêt primaire à la porte de la citadelle lectouroise, chacune sa nature et ses qualités : carex, salicaire et ache des marais.

- On y va ? Allez, attention à ne pas glisser.

 

LE CAREX, OU LAÎCHE PENDANTE

flore aquatique ruisseau foissin lectoure carex laîche pendante

Il y a quelques décennies, Pierre Féral, professeur émérite de sciences naturelles du lycée Maréchal Lannes ancienne version, conduisait ses élèves au bord du ruisseau de Foissin pour y étudier faune et flore in situ. Un illustre de ces anciens élèves, Pertuzé, nous a raconté que le carex faisait partie des espèces observées. Comme quoi il en reste quelque chose. Je me dis cependant que le maître devait probablement éviter de révéler le nom commun de cette plante pour ne pas risquer quelque blague d'un garnement. Quoiqu'à cette époque encore, les garnements attendaient la sonnerie... Carex pendula du grec keiro, couper. Et le nom commun : la Laîche pendante... du vieux français lesche, la lame. Vous êtes avertis : ça coupe. Pourtant il paraît que les bovins le broutent !

A part être supposé traiter les maladies vénériennes, en infusion sans doute, le carex est à mon sens particulièrement utile pour fixer et stabiliser le talus du ruisseau, mission hautement précieuse. Une vraie tignasse impossible à déraciner. Si on le laisse s'installer trop loin au-delà de la berge, il deviendra même envahissant. Aujourd'hui les professionnels des milieux humides exploitent même les qualités biologiques de son système racinaire et foliaire pour digérer les eaux usées et traiter les terrains pollués. Trop fort pour moi, je vous renvoie vers l'explication très claire que vous trouverez sur Wikipédia (lien ci-dessous).

Des lois de la chimie à celles de la physique, à La Mouline de Belin les libellules jouent des oscillations des inflorescences de la laîche au soleil.

flore aquatique ruisseau foissin lectoure libellule

 

 

LA SALICAIRE, OU HERBE AUX COLIQUES

flore aquatique ruisseau foissin lectoure salicaire

Les chandeliers fuchsia de la Salicaire contrastent avec bonheur sur le nuancier de verts qui règne en maître sur le fatras de notre ruisseau. Lythrum salicaria. L'adjectif de son nom scientifique et son nom commun lui viennent de la forme de sa feuille lancéolée comparable à celle du saule, Salix. On trouvera également l’appellation Herbe aux coliques. Pas très poétique et comme on n'a pas nécessairement des problèmes de ce côté-là, les jeunes feuilles sont récoltées pour entrer dans la composition de potages, de salades ou pour être cuites comme des épinards. La plante présente de nombreuses et sérieuses vertus médicinales reconnues : cicatrisante, utilisée également pour traiter les infections oculaires. Thé rouge, thé des pauvres... Un grand classique de l'herbier de nos grands-mères.

En Amérique du nord où elle a été importée, elle est considérée comme hautement invasive. Un prêté pour un rendu : nous, nous avons hérité de l'écrevisse américaine et n'en sommes toujours pas remis.  Des scientifiques patients se sont amusés à compter les graines de salicaire. Plus de deux millions par pied ! Une semence généreuse qui se répand au fil de l'eau... Comme quoi on peut être à la fois beau, utile, prolifique et aimer les voyages.

La Salicaire est très mellifère et attire également les papillons, ce qui donne alors à admirer, aux beaux jours, un ballet multicolore, magique et gracieux.

flore aquatique ruisseau foissin lectoure salicaire papillon

 

 

L'ACHE DES MARAIS, OU CÉLERI SAUVAGE

flore aquatique ruisseau foissin lectoure ache des marais céleri

Voilà une plante qui n'y paraît pas mais tout à fait remarquable. Apium graveolens appartient à la grande famille des Apiacées, cousine du persil, de la carotte, du panais, du fenouil, du cumin, de la coriandre, de l'anis, du maceron... un lien de parenté qui explique l'adjectif graveolens, "à la forte odeur". Par contre pour Apium , nous avons là un bel exemple de dispute étymologique. Pour les uns l'origine est latine : apia , l'abeille. Peut-être un peu facile. Pour les autres, elle est celtique : apon, l'eau qui a également donné ache en vieux français. Au Moyen Âge, la plante s'appelle d'ailleurs Aquatique, revenant ainsi au latin. Bon, on tourne en rond. Je ne me permettrai pas de trancher.

Sa belle feuille trilobée permet de la distinguer sans risque d'erreur de la dangereuse grande cigüe. Ouf. Elle composait parfois les couronnes de champions olympiques de la Grèce antique et celles, héraldiques, de la chevalerie. S'il vous plait.

Evidemment l'Ache est très intéressante en cuisine. Le petit Musée des plantes sauvages comestibles de Berrac nous propose d'ailleurs une recette que je vous recommande ici. La jeune feuille peut entrer dans les salades de mesclun. Toutes les parties de la plante parfumeront joliment un bouillon ou un ragoût. Enfin le jus, abondant dans la tige, tonifiant réputé, est souvent associé aux extraits de tomate, de carotte et de citron.

En phytothérapie, pour faire simple, les études ont montré que l'Ache présente de puissantes caractéristiques antioxydantes, précieuses pour éliminer les radicaux libres, vous savez ces machins responsables de cette maladie grave mais que nous avons heureusement en commun : la vieillesse.

Je fais un choix dans l'abondante documentation consacrée à cette plante où revient invariablement le sirop apéritif des cinq racines que tous les phytothérapeutes réputés s'accordent à recommander : fenouil, asperge, petit houx, persil et ache.

De quoi vous inciter à laisser tomber la chasse aux escargots et la cueillette des cèpes et des fraises des bois. Mais vous ne savez pas tout ! Le céleri serait hautement aphrodisiaque. Et donc, l'Ache des marais sauvage et aphrodisiaque à la fois... Oui, on trouve de tout dans le ruisseau de Foissin. "Si la femme savait ce que le Céleri vaut à l'homme, elle irait en chercher jusqu'à Rome". C'est une justification, valide si non avouable, pour un pèlerinage dans la ville éternelle, ou plus court, pour une balade au pied de Lectoure.

On ne saura pas ce que cette coccinelle vient chercher sur cette ombelle d'Ache, nourriture ou euphorisant... Peu importe, dans tous les cas, on le chante, la bête est un bon auxiliaire que ce soit à la pharmacie du bon dieu ou au potager.

SOURCES :

Carex. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carex

Salicaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Salicaire_commune

Ache : https://booksofdante.wordpress.com/tag/ache-des-marais/

 

PHOTOS :

- Le printemps, Henri Martin, Capitole de Toulouse.

- Ache (en fait ici, plus précisément, un Maceron, même famille, globalement mêmes qualités et mêmes usages) et fleur de salicaire : https://www.zoom-nature.fr/

- Fleur d'Ache, des montagnes celle-ci : http://lejardinduchatvert.eklablog.com/

Nos remerciements à ces deux très intéressants sites.

Autres photos : © Michel Salanié

 

 

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Publié le 11 Août 2020

Moulin de la Salle Cleyrac Drouyn gascogne guyenne anglais moulin medieval fortifié

Dans les années 1800, à la suite de la période de vandalisme provoquée par la Révolution et la vente des biens nationaux, des artistes, des historiens, des architectes, et les pouvoirs publics sous leur impulsion, prennent conscience du mauvais état des monuments historiques, d'époque médiévale en particulier. Et de leur importance, tant sur le plan du patrimoine national que du point de vue esthétique. Les cathédrales, les châteaux, des villages, des cités et des quartiers font alors l'objet d'opérations de protection et de conservation. Il était temps. Chateaubriand, Victor Hugo sont les plus célèbres des penseurs ayant alimenté la réflexion en faveur de ce mouvement, maladroitement qualifié de romantique voire de gothique. Côté pouvoirs publics, Prosper Mérimée, Inspecteur des monuments historiques, et l'architecte Eugène Viollet-le-Duc mettent en œuvre cette nouvelle administration publique. L'Aquitaine médiévale, elle, aura également son chantre et son archéologue : Léo Drouyn.

Léo Drouyn à son carnet de croquis

A l'époque, pas de photographie. L'outil d'enregistrement et de restitution de l'archéologue : le crayon et le calepin. Léo Drouyn ayant suivi une formation artistique à Bordeaux puis à Paris, excellera en dessin, peinture et gravure. Doté de talents multiples, il sera simultanément artiste, antiquaire (terme désignant à l'époque les savants voués à l'étude des antiquités et des archives), architecte, journaliste, administrateur, enseignant... Son œuvre est immense: 5000 dessins, 1500 gravures. Il parcourt pendant 40 ans l'ancienne Guyenne : Gironde, Landes, Dordogne, Lot-et-Garonne, Charente-Maritime. Son œuvre maîtresse : "La Guienne militaire : histoire et description des villes fortifiées, forteresses et châteaux construits dans la Gironde pendant la domination anglaise". Car en effet, le patrimoine architectural médiéval régional est majoritairement constitué de monuments bâtis entre 1154, lorsque Henri Plantagenêt, marié à Aliénor d'Aquitaine, devient roi d'Angleterre, et 1453,  date de la bataille de Castillon, victoire décisive française qui marque la fin de la présence anglaise dans le sud-ouest. Cependant, il faut préciser que tous ces ouvrages n'ont pas toujours été soumis à l'autorité de l'anglais, car ici ou là on s'y oppose. En Quercy, en Armagnac, les positions des deux partis, quand il n'y en a pas trois ou quatre, sont mouvantes. Mais dans tous les cas, l'air du temps est bien à l'architecture militaire : mâchicoulis, moucharabieh, archères, chemin de ronde, échauguettes... Y compris pour des bâtiments civils et de modeste dimension. Aux confins Est de l'Aquitaine anglaise, à Lectoure, ce sera le temps des salles fortes et des châteaux dits "gascons".

Dépendance d'un château, d'une abbaye, ou bien logis d'un seigneur de second rang, le moulin médiéval en Aquitaine est construit avec l'aval du roi d'Angleterre (au moins sa bienveillance, simple nuance de degré, ce point étant discuté par les historiens) qui voit là une façon de marquer son territoire et de sécuriser l'approvisionnement en farine de ses vassaux et de ses troupes au passage. Posé auprès d'un gué ou à cheval sur le cours d'eau, point de passage obligé, le moulin fortifié joue également le rôle de guichet de péage, celui d'une tour de contrôle, ou celui de verrou dans la vallée lorsque le château est, naturellement, installé sur les hauteurs. Pour tenir compte de cette double fonction, on parlera à juste titre de "moulin tour" voire de "moulin donjon". Cependant, l'efficacité du système défensif du moulin, comme celui de la salle, est douteuse. Décourager un parti de brigands oui. Un voisin irascible peut-être. Mais certainement pas une armée décidée ou affamée. En fait, ce type de construction est surtout l'affirmation d'un statut social, la marque d'une puissance, au moins financière.

Parmi la quantité de ses sujets d'intérêt, Léo Drouyn dessinera donc quelques moulins forts remarquables. Moulin de La Salle à Cleyrac à la stature impressionnante (que nous avons choisi pour le titre de cette chronique) Piis à Bassanne, Labarthe à Blasimon, Moulin neuf à Espiet, Labatut à Langoiran...

Moulins de Piis et Labarthe  Drouyn gascogne guyenne anglais moulin medieval fortifié

 

Mais Drouyn ne se contente pas de représenter le moulin fort de façon bucolique et disons-le, dans l'esprit du temps, un peu précieuse. Avec la précision de l'architecte, interrogeant les propriétaires, observant les vestiges, étudiant les archives disponibles, il en établit les plans et l'organisation, tant militaire que meunière. Prenons l'exemple de Bagas, sur le Drot.

Bien qu'il privilégie l'ambiance des lieux, l'artiste est très précis et fidèle dans la description des éléments défensifs du bâti: archères, échauguettes et cette très caractéristique passerelle amovible par laquelle les sacs de blé pénètrent dans la salle des meules.

Moulin de Bagas Drouyn gascogne guyenne anglais moulin medieval fortifié

 

Puis Drouyn se fait architecte et poursuit avec le plan des trois étages et le descriptif suivant :  " En 1436, cent vingt ans après sa construction, il fut donné par Henri VI, roi d’Angleterre, à Pierre Durant, écuyer. Aujourd’hui cette usine fonctionne encore. Voici le plan du moulin de Bagas ou de Bagatz à rez-de-chaussée, tel qu’il s’établit sur l’un des bras du Drot. La digue qui maintient le bief est en A. Deux éperons BB′ dirigent les eaux sur deux roues CC′. En aval, les eaux des vannes s’échappent par des ouvertures couvertes par des linteaux, D est un îlot. Les entrées du moulin sont en amont et en aval, par les portes fermées au moyen des tiers-points (G et H). On ne pouvait arriver à ces portes que par l’îlot D, ou directement en bateau par la pointe de terre H. Ce rez-de-chaussée est défendu sur trois de ses faces par six meurtrières s’ouvrant latéralement et en amont. Par un escalier de bois on monte au premier étage XX. De la berge, du côté opposé à l’îlot, on arrivait de plain-pied ou à peu près à la porte E, au moyen d’un pont volant. C’est par cette porte que les grains entraient dans l’usine. Cet étage, qui ne se compose, comme le rez-de-chaussée, que d’une salle, contient des latrines en F ; une petite porte I s’ouvrait autrefois sur une galerie de bois J, qui probablement régnait le long de la façade d’aval. On montait au second XXX également par un escalier de bois. Cet étage est muni aux quatre angles d’échauguettes flanquantes dont l’une contient l’escalier qui monte aux combles et au crénelage supérieur. Quatre fenêtres éclairent cette salle, percée en outre de sept meurtrières et garnie d’une cheminée".

 

Aujourd'hui, l'œuvre de Léo Drouyn constitue toujours une mine d'information pour les historiens. Le bâti noble et militaire n'est pas son unique objet d'intérêt. On remarque toujours sur les vues d'ensemble, des personnages du petit peuple vaquant à leurs activités prosaïques. Archéologue humaniste, Drouyn a également merveilleusement dessiné le cadre de vie populaire, le petit patrimoine, les vieilles fermes, l'architecture de torchis et de pans de bois dont si peu subsiste aujourd'hui.

Léo Drouyn ferme torchis pan de bois

 

Léo Drouyn a peu travaillé dans le Gers et il faut le regretter. A Lectoure, le paréage de la ville entre l'évêque et le roi d'Angleterre court de 1273 à 1323. Les maisons fortes, qui peuvent cependant avoir été bâties avant ou après cet intervalle, y sont nombreuses. Trois moulins datent également de cette époque. La Mouline de Belin, ruinée puis transformée et affectée à des activités sans lien avec la meunerie, dont l'appareillage monumental de pierre de taille et les deux portes ogivales attestent cependant de la fonction et du statut d'origine. Le spectaculaire moulin de Lesquère qui, au contraire, affiche haut et fort les éléments bien conservés de son caractère défensif. Enfin la tour de Lamothe, que sa position sur le Gers conduit à affecter logiquement à la meunerie, même si cela est discuté. Eugène Camoreyt, que l'on pourrait, relativement, qualifier de Léo Drouyn lectourois, a dessiné Lamothe avant son démantèlement et sa ruine mais son observation n'a pas été suffisamment poussée pour faire apparaître les éléments permettant de confirmer qu'il s'agissait bien d'un moulin. L'origine de ces trois moulins forts nous est malheureusement inconnue. En attendant une hypothétique trouvaille archéologique ou documentaire, restent la beauté des lieux, la noblesse du bâti et l'imaginaire que l'Histoire médiévale suscite.

 

                                                               Alinéas

 

moulin médiéval fortifié
La Mouline de Belin

 

PS. Nous avons déjà décrit le principe du moulin fortifié et l'on retrouvera les moulins de Gironde magnifiquement rénovés et en photo ici http://www.carnetdalineas.com/2017/09/les-moulins-fortifies-du-moyen-age.html

Pour mieux connaître Léo Drouyn https://fr.wikipedia.org/wiki/L%C3%A9o_Drouyn

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Publié le 23 Juillet 2020

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Je ne devrais pas avoir trop de mal à vous convaincre : Lectoure a du charme. Mieux, des charmes. Parmi lesquels celui de présenter à quelque distance, un profil photogénique dont les communicants de tous acabits usent pour illustrer leurs supports, logos, plaquettes, publicités, articles de presse et autres médiums. Organismes publics, clubs et associations, dans tous les secteurs d'activité, agriculture, art, tourisme, politique, sport... Lectoure se prête sans rechigner à ce rôle de ville-sandwich et d'estampille.

La silhouette est élancée et harmonieuse. Les traits révèlent un caractère bien trempé. Malgré l'âge, l'énergie transparaît. De la noblesse. Du chien boun diu ! Ajoutez à cela une écharpe de verdure pour être à la mode, un ciel bleu, quoique le noir d'un orage gascon lui donnera un air fantastique, un peu de rouge brique aux pommettes et le ton doré de sa pierre pour briller en public. Comme les top-modèles, la ville plaît et elle le sait.

Les plus anciens d'entre vous se souviennent de la campagne de l'élection présidentielle de 1981 où un certain candidat, qui finalement l'emportera, s'affichait sur fond d'un petit village typique de la France profonde, avec un slogan dédaignant les sempiternelles et ennuyeuses considérations de niveau d'emploi, d'impôts ou de relations internationales : "La force tranquille". Le publicitaire de génie, autoproclamé "fils de pub", Jacques Séguéla redonnait au clocher la place centrale dans la symbolique nationale. La suite des évènements sera autre chose.

Vous remarquerez que les villes bénéficiant, comme Lectoure, d'un relief avantageux font de ce caractère physique une signature : exemple Saint Bertrand-de-Comminges. Les autres devront choisir un seul monument, forcément réducteur même s'il est prestigieux, exemple Cahors, ou bien inventer un symbole supposé signifiant mais qui appellera un slogan d’accompagnement explicatif, exemple Biarritz.

 

Quant aux villes des Etats-Unis, toutes signent de l'ombre chinoise de leurs sky lines. Après un certain 11 septembre, New York a dû supprimer les twin towers. Reste la Liberté, ce qui n'est pas rien.

 

Mieux qu'un symbole donc, seul le logo de type "profil" a valeur de portrait, de photo d'identité, relativement fidèle et durable. La silhouette de Lectoure regroupe tout ce que l'on recherche et qui est nécessaire à la vie collective : une Histoire, un patrimoine, un élan, une relation sociale, une population rassemblée... Notre faubourg, les zones industrielles et commerciales, la campagne environnante sont évidemment induites. Chacun se reconnaît dans ce portrait du cœur de ville. Certes, la cathédrale joue un rôle majeur dans la composition. Elle superpose son profil caractéristique à la silhouette d'ensemble de la ville. Comme le nez de Cyrano, le cigare de Fidel Castro ou... les yeux de Lætitia Casta.

Allez, à tout seigneur tout honneur, je me dois de commencer par la ville elle-même. C'est simple, mémorisable, efficace. Il y manque peut-être une ouverture, un élan. Mais je ne voudrais pas provoquer un nouveau tsunami. Vous n'imaginez pas la difficulté qu'il y a à concevoir un logo et plus encore, à tenter de le rajeunir. Celui ci vieillit bien. Ne touchons à rien.

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Remontons un peu le temps. En 2009, le concert du bicentenaire de la mort du Maréchal Lannes offrait à l'équipe organisatrice l'occasion de choisir un fantastique cliché nocturne signé Pierre-Paul Feyte.

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L'Office de Tourisme de Gascogne-Lomagne, que la nouvelle législation de l'inter-communalité nous a conduit à partager avec les villes voisines, sait ce qu'il peut demander à ce paysage grandiose : faire d'une simple escapade, tout une aventure. Passons sur le bloc-marque affublé de façon injustifiable d'un horrible anglicisme...

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Le melon, on n'y coupe pas ! Il est une valeur sûre. Association réciproque d'images de marque. Notre fruit de l'été donne à Lectoure une saveur tout à fait spéciale. Le marché, la terrasse des bistrots, la gastronomie... Depuis la madeleine de Proust on sait que la mémoire d'un goût est puissamment évocatrice de sentiment, particulièrement d'affection.

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Depuis le coteau de la Mouline de Belin, les abeilles du Rucher de Lectoure jouissent également du panorama. Au point, lorsqu'elles sont en surnombre, de venir essaimer en ville, obligeant alors l'apiculteur à jouer les pompiers pour ramener ses ouailles à la campagne. Le miel de Laurent Duluc distille le parfum des vallons qui servent d'écrin à notre top-modèle.

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Une petite mention pour les meublés de Josette, que je ne connais pas, qui offrent à la fois, en inversant le point de vue, le profil de la cathédrale et la campagne environnante. Limité au cadre d'une fenêtre, mais plutôt réussi.

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Et notre palme du "Profil de pub" est attribuée à ... Lectoure à Voix Haute. Le logo de l'association tout d'abord, qui joue avec finesse sur la silhouette de la ville chapeautant la bulle façon BD. Une composition cependant moins lisible en réduction.

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L'affiche du festival 2020 ensuite, évidemment bousculé par ce fichu virus, mais joliment illustrée, de façon romantique et moderne à la fois. Une illustration très léchée et efficace pour suggérer le cadre privilégié de cet évènement culturel de qualité.

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Enfin, on ne pourra pas reprocher aux deux grandes marques lectouroises de ne pas avoir adopté notre profil de pub. Lip n'est pas né ici et communique très bien au tic-tac de ces trois lettres qui donnent l'heure au monde entier. Quant au Bleu de Lectoure, il habille également largement outre-Gascogne, d'un chic naturel dont la ville se voit attribuer en retour, à titre gracieux, la notoriété. Merci le Bleu.

                                                                        Alinéas                                                     
  

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PS.

Oups, un oubli ! Illustration empruntée au profil Facebook d'Arnauld Cabelguenne, pharmacie de la Mélisse. Pour un message d'importance. Superbe.

 

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Publié le 7 Juillet 2020

 

SAUVAGES

 

 ET SI PROCHES.

 

faune gascogne lectoure buse

 

Lorsque nous évoquons la faune sauvage, viennent immédiatement à l'esprit les grands espaces de Gascogne, nos Pyrénées si belles, si loin, ou bien la forêt landaise, les marécages. Et puis les contrées lointaines, les déserts, le continent austral, les profondeurs marines. Grâce à des techniques de prise de vue très élaborées, les films animaliers nous offrent un spectacle magnifique. Mais étranger. Car, la plupart d'entre nous ne s'approcheront jamais de ces merveilles de la nature et d'ailleurs, on nous répète comme une punition, qu'il ne le faut pas, que ces espèces sont menacées. Zone interdite.

Mais à Lectoure, à quelques mètres des commerces de la rue Nationale, de la circulation automobile, de nos intérieurs douillets, connectés et climatisés, la faune de la vallée de Foissin voisine avec la ville. Une vraie vie sauvage, belle, libre et cruelle. Scène ouverte tous les jours.

Vous admirerez depuis le balcon du grand bastion ou depuis le belvédère du château des comtes d'Armagnac ce bel oiseau tournoyant majestueusement à plusieurs dizaines de mètres au-dessus des cultures, à la recherche d'un gibier trottinant au sol, imprudemment à découvert. La buse variable. Son cri fait penser à un miaulement bref, plaintif dira l'ornithologue, mais il ne faut pas s'y fier. En été, lorsque les faucheuses et les moissonneuses sont en action, ce sont alors huit à dix couples, sortis des sous-bois de Baqué, qui suivent les machines et chassent en bande, faisant une ripaille de campagnols. L'hiver, l’approvisionnement se fait plus chiche. Et il faut alors s'attaquer à de plus gros morceaux. Plus gros que soi. J'ai découvert ce dernier printemps les traces de la lutte à mort qui a opposé une buse à un blaireau.

Le blaireau pèse 12 kg en moyenne. Contre seulement 1,4 kg au rapace ! Mais l'attaque à revers a dû surprendre l'animal au sol, saisi au cou, le crâne, les yeux et le museau transpercés des coups répétés du bec acéré du prédateur ailé. Il ne restait du blaireau qu'une patte et le crâne. Pas beau à voir. Et de la buse, quelques plumes et... une serre. De quoi donner une idée de la sauvagerie de la lutte.

Je vous propose deux minutes d'un suspense haletant : ici une buse prend en chasse un écureuil, mais je vous rassure, tout finit bien. Cette fois-ci.

https://www.youtube.com/watch?v=4rGnHyGapOU

Une scène quotidienne dans la vallée de Foissin. Bien sûr les cameramans de National Geographic Wild ne sont pas toujours à l'affut. Et puis c'est tellement mieux en direct, même d'un peu plus loin. Asseyez-vous sur ce vieux mur, prenez le temps d'observer, je suis sûr que vous ne tarderez pas à profiter d'une scène de la vie sauvage. A moins de 500 mètres de la civilisation, c'est précieux non ?

Alors voici quelques acteurs de ce théâtre au grand air, au pied de la citadelle. Les photos peuvent être agrandies en principe par un clic droit puis [afficher l'image], selon votre navigateur.

 

faune gascogne lectoure ecureuil

Dans les grands chênes du Couloumé, cet écureuil a trouvé un siège bien moussu pour observer le photographe. Car on se demande bien de quel côté est le spectacle.

 

faune gascogne lectoure cygne

Ce n'est pas le Lac mais les chaumes des cygnes. Les inondations de ce mois de mars nous ont permis de profiter du reflet de la danse gracieuse de ce beau couple.

 

faune gascogne lectoure cygne

On ne s'en lasse pas, n'est-ce pas ?

 

faune gascogne lectoure couleuvre reptile utile

La plupart d'entre nous n'aiment pas les reptiles. Mais nous pouvons au moins reconnaître que cette couleuvre verte et jaune est une belle créature. Et, grande amatrice de campagnols, elle est utile.

 

faune gascogne lectoure chevreuil jardinier agriculteur chasseur

Le chevreuil, lui, n'est pas apprécié des agriculteurs et des jardiniers, mais du chasseur. En fin de journée, l'animal fait une ventrée de baies d'aubépine qui lui apportent le complément de quelques vitamines précieuses.

 

faune gascogne lectoure chevreuil jardinier agriculteur chasseur

Ici, un mâle de deux ans impose sa loi à un plus jeune qui, en signe de soumission, fait une sorte de révérence respectueuse.

 

faune gascogne lectoure grenouille batracien

Lorsque le soleil se couche, le coassement des batraciens plonge la vallée dans une atmosphère étrangement tropicale.

 

faune gascogne lectoure lièvre

Lui aussi aime bien les chaumes, mais au sec. Et le potager de la Mouline de Belin aussi...

 

faune gascogne lectoure sanglier

Mère laie et sept petits. Charmant tableau mais lorsque ces garnements auront atteint la taille adulte, ils risquent fort de faire quelque grabuge.

 

faune gascogne lectoure cheval

Pas sauvage pour un sou. A faire craquer ma cavalière, mais là, il y a du travail sur la bête.

 

faune gascogne lectoure héron

Accord des couleurs très recherché. Un héron cendré dans un champ de myosotis. Son vol lent et chaloupé de l'étang de Brescon jusqu'à celui des Ruisseaux est un spectacle réjouissant.

 

faune gascogne lectoure tortue hermann cistude

La surprise de l'été. Probablement égarée, enfuie de quelque véranda confinée, la tortue d'Hermann est originaire de Corse et de Catalogne. Dans les zones humides du Gers, on connait la tortue Cistude. Toutes deux sont des espèces protégées.

 

faune gascogne lectoure abeilles ruche

On pourra leur consacrer un alinéa, mais d'ores et déjà, je ne résiste pas au plaisir d'énumérer les abeilles du rucher de Laurent Duluc. Sauvages ou domestiques ? Besogneuses en tout cas.

 

Voilà un petit safari photo dans une nature qui mérite admiration et protection, à deux pas et une balade au pied de la ville. Il nous manque quelques vedettes à peine entr'aperçues : le hérisson, le ragondin, le renard... Quant aux petits oiseaux, il faudra nous armer de patience. Et d'un bon téléobjectif.

                                                                                      Alinéas

 

 

PHOTOS

Mes clichés de buse et de blaireau n'étaient pas présentables. Aussi, ai-je emprunté

- La buse variable à Yves Hoebeke / Wikimedia

- Le blaireau à Peter Trimming / Wikimedia

- La patte de blaireau à Salix / Wikimedia Commons

Les autres photos : © Michel Salanié

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Publié le 23 Juin 2020

meunier garçon meunier moulin meunerie FDMF travail manuel

 

 

 

ous ne l’avez jamais vu. Il est une silhouette furtive auprès du moulin, avant de se faire rabrouer par le maître qui campe sur le perron. Somnolant sur son mulet peut-être, dans la froidure du petit matin. Laissant choir le lourd sac de farine chez le client méfiant. Pourtant la meilleure part du travail ce cami farinier, à condition de ne pas traîner en route. Car il y a à faire ! Il faudra curer le bief et la salle de la roue qui s’encrassent à chaque crue. Se glisser dans l’eau glacée pour relever sans se lasser, à bout de bras, les lourds seaux de vase et les débris de bois et de végétaux qui s’enchevêtrent et ralentissent le débit d’eau. Tâches ingrates, obscures, périlleuses et pourtant indispensables.

 

meunier garçon meunier moulin meunerie FDMF travail manuel

 

S’il ne vit pas dans le cadre sinistre de l’usine grise et impersonnelle et des misérables quartiers ouvriers de la grande ville, ignoré de la littérature et du cinéma social, isolé et peu bavard, le garçon meunier est un personnage qui mérite reconnaissance.

Paradoxalement, le métier est d’ailleurs une position privilégiée et enviée. Si Dieu a bien voulu donner un fils au meunier, il sera apprenti dès son plus jeune âge.  A défaut, le garçon meunier sera de préférence un neveu ou un cousin. Ce n’est pas tant par sectarisme ou privilège mais entre parents, « on se donne la main ». Le savoir-faire est long à acquérir et il se transmet comme un riche héritage. 

Dans tous les cas, avec l'âge, il faudra que le jeune garçon devienne un homme fort. Car le travail est harassant. Les sacs de grain et de farine pèsent jusqu’à cent kilos. Par définition, un moulin présente de nombreux niveaux qu’il faut gravir, la charge en équilibre sur les épaules, jusqu’au-dessus de la trémie qui coiffe la meule tournante. Bien sûr, l’invention de la poulie, de la brouette et de tous les assemblages articulés que le génie humain a été capable de concevoir viendront progressivement atténuer l’enchaînement des efforts. Mais la préhension mécanique attendra la deuxième moitié du 20ième siècle et la manutention du sac de l’un à l’autre des postes exigera toujours du garçon meunier, une stature solide, une musculation développée, une endurance et un mental.

Les risques du métier sont nombreux, qu’il partage avec son maître. Les meules, les rouages et les engrenages en mouvement peuvent à tout moment happer un pan de vêtement et c’est le drame. Avant que l’ensemble puisse être stoppé, un membre est broyé, si l’homme n’est pas entraîné intégralement par la mécanique.

 

Le rhabillage de la meule, l’opération qui consiste, au moyen du marteau pointu ou de la boucharde, à raviver les sillons de la pierre pour obtenir un bon écrasement du grain et l’évacuation régulière de la farine, provoque d’infimes éclats de pierre qui blessent le visage et les yeux.

La farine est hautement inflammable. Si le meunier s’absente un instant et que les deux pierres ne sont pas alimentées en grain, une étincelle pourra se produire. L’explosion de l’atmosphère ambiante, saturée de particules de farine, pourra provoquer l’incendie. Le mécanisme meunier est entièrement fabriqué de bois et les différents niveaux du bâtiment sont installés sur une charpente… Le risque industriel, déjà à l’époque.

 

meunier garçon meunier moulin meunerie FDMF travail manuel

 

Enfin, la maçonnerie et l’entretien des talus du bief et de l’étang occupent les périodes d’étiage. Le travail y est également pénible et la noyade fréquente dans les grands moulins installés sur des cours d’eau profonds ou torrentueux.

Heureusement, malgré les obstacles, il y a évidemment des garçons meuniers qui mèneront une vie sans drame. S'ils ne sont pas parents, ils pourront marier la fille de la maison ou sa veuve même, si le patron vient à décéder, pour que l'affaire perdure. La roue tourne.

 

 

 

Comme les deux personnages du couple que nous avons déjà portraiturés dans cette rubrique, s’il n’est pas ignoré comme un pâle second rôle, le garçon meunier est faussement représenté par la littérature et l'art. En effet, puisqu’il parcourt la campagne sur son mulet pour livrer les clients du moulin, comment ne pas suggérer qu’il compte fleurette à quelque jeunesse bien sûr ? D’autant qu’il a la réputation d’être bien bâti et qu’il deviendra peut-être bientôt bourgeois, craint et envié. On lui affecte donc le beau rôle, une position sociale, un physique, la liberté d'aller et venir. Image d’Epinal une fois encore. Mais ni les romanciers, ni les peintres n’ont justement représenté l’ouvrier, l’homme tendu par l’effort et veillant à la précision du geste qu’imposent le risque, la mécanique, l’assistance attentive du maître du moulin.

                                              Alinéas

 

ILLUSTRATIONS

Titre : Le vannier, détail, Jean-François Millet ( 1814-1875)

Paysage d'hiver au moulin, détail. Klaes Molenaer (1626-1676)

La sucrerie, Nova reperta, détail, gravure d'après Jan van der Straet (1523-1605)

Rhabillage de la meule, carte postale, détail, FDMF

Moulin à papier Ornans, Gustave Courbet (1819-1877)

Le meunier galant, d'après Watteau, détail, François Boucher  (1702-1770)

L'atelier de serrurerie, détail, Louis Malaval (1937-1980), Musée d'Allard Montbrison.

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Portraits

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Publié le 9 Juin 2020

JOYEUSE NATURE  !

 

art beaux-arts -Grousson-Troyes Lectoure Botanique Musée Plantes sauvages comestibles Berrac

 

Geneviève Troyes est née et a grandi à Lectoure. Je l’imagine gamine, à la sortie de l’école, dévalant les ruelles ombrées de la citadelle, une auréole de boucles rousses, un rire chantant et le regard vif.

Le boulevard du Sud et le quartier des Jardins méridionaux portent bien leurs noms. Les Pyrénées en toile de fond, ce versant de la citadelle où est accrochée la maison de famille, offre tout ce que les gascons de François 1er ont ramené ‘d’Italie pour faire renaître la gothique Lomagne : palmiers et lauriers roses, loggias et pergolas, génoises liserées de soleil et Diane à sa fontaine… L’art en germe de la petite lectouroise, comment en aurait-il été autrement ? serait exubérant et lumineux comme un giardino. Sensuel comme une balade en Arcadie.

Le trait est rapide et joyeux. A main levée et sans retouche, il va à l’essentiel, comme un éclat de rire, comme une déclaration d’amour. Le rough, c’est le nom de cette façon de dessin, est une méthode de travail d’approche et de recherche, dans les domaines de l’industrie, de l’architecture et de la publicité. Il est élevé ici au rang d’œuvre d’art. Rehaussé énergiquement de couleurs avec des aquarelles ou des acryliques, lumineuses pour les végétaux, tamisées pour les nus. C’est spontané. C’est flamboyant.

Ces tableaux sont exécutés sur aluminium galvanisé ou thermolaqué, ce qui ajoute à leur impact. Parfois détournés en mobilier. Utile, contemporain et beau.

Geneviève Troyes vit aujourd’hui en région Rhône-Alpes. Enseignante, designer, architecte d’intérieur, elle expose ses œuvres régulièrement. En pays lectourois parfois, pour un retour aux sources.

Naturellement, on aime. 

 

                                                                          Alinéas

 

PS. Geneviève Troyes a conçu la maquette et exécuté certaines des illustrations des balises informatives du Petit musée des plantes sauvages comestibles de Berrac. Ou "Quand l'art contemporain chemine en compagnie de Dame nature et de nos meilleures traditions".

Foison de photos, de propos, de couleurs sur le site de l'artiste ici https://gt.duchenetroyes.fr/

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Beaux arts

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Publié le 27 Mai 2020

 

L'eau sourd du rocher depuis la nuit des temps. Il y a cinq mille ans peut-être, pour s'établir ici, l'homme choisit la source qui l'abreuve et le mystère qu'il vénère. Le promontoire est ceinturé d'un aplomb calcaire où des grottes servent d'habitat, prolongé par quelque abri de branchage. Viendra le temps de l'agriculture, de l'élevage et de l'artisanat. La cavité qui recouvre notre source est le cœur battant de la tribu. Dés lors, elle sera protégée et aménagée soigneusement. Jusqu'à nos jours.

Le peuple gaulois établi sur ce promontoire n'a pas laissé de vestiges permettant de décrire sa relation culturelle et religieuse à l'eau. Y avait-il des sacrifices, des offrandes pour le moins ? Probablement. Il faut s'en remettre à l'Histoire d'autres sites, plus riches d'informations. Le dieu gaulois de l'ombre et du royaume des ténèbres s'appelle Dis. Son double féminin, Divona, la divinité des gouffres et des sources, dont le nom nous est parvenu déjà romanisé. Mais certains auteurs pensent que le celte Düion veut dire "deux eaux", et qu'il faut donc voir dans les lieux dénommés par la suite Divona, le mariage de deux flux, union magique au regard de nos ancêtres. L'hypothèse est séduisante à Lectoure, où les eaux de plusieurs sources s'additionnent si on les laisse libres de courir, depuis le pied du rocher et tout au long du versant, Saint Clair, Ydrone, Lairide, jusqu'à s'unir à la rivière, entre Saint Gény et Pradoulin.

Vesunna, autre divinité gauloise des eaux, a peut être aussi couru dans les sous-bois moussus qui recouvrent alors tout le pays.

- Mais celui qui m'a découverte, à l'origine de cette ville, n'a pas inscrit son émerveillement.

L'émotion n'a pas de nom.

 

déesse gauloise - Divona - Vesunna - Celtes - Lectoure
Vénus gauloise

 

La période gallo-romaine nous est mieux connue, mais pourtant, nous ne savons pas quel nom les Lactorates donnaient à la source, probablement très tôt devenue fontaine bâtie, dominée par le temple de Jupiter, en lieu et place de notre cathédrale. Or, Jupiter forme un couple, non exclusif d'ailleurs, avec Junon, déesse du cycle lunaire et de la maternité. Le Dieu des Dieux, Protecteur de la Cité et de l'Empire transforma la nymphe Jouvence en une fontaine au pouvoir régénérateur dans laquelle, s'y baignant tous les ans, Junon retrouve sa virginité. Quelque Donnia Italia lactorate a t-elle tenté la médication ?

 

Lactora - Lactorates - jupiter - junon - Donnia Italia - fontaine de jouvence
Quelque peu troublé par Junon, Jupiter a laissé tomber le foudre. Mais l'aigle veille.

C'est au Moyen-Âge, au 13ième siècle nous disent les archéologues, que la fontaine prend l'apparence que nous lui connaissons aujourd'hui. On peut lire parfois "fontaine fortifiée". Or, étonnamment, elle se trouve au pied des remparts, hors les murs. Il faut dire que la citadelle de Lectoure regorge d'eau. Toutes les maisons fortes possèdent leurs puits. Et les points d'eau publics, puits, abreuvoirs, citernes répondent aux besoins de la population, volailles et chevaux compris. C'est une des caractéristiques qui fera de la forteresse le repaire des comtes d'Armagnac, sans suffire cependant pour résister à l'armée de Louis XI. A cette époque, la fontaine porte le nom de Hountélie. Ce nom découle directement de hount, terme gascon pour fontaine, lui-même venu du latin fons. Le gascon, la langue communément employée jusqu'au 20ième siècle, remplaçant en général le f par un h muet.

On verra parfois écrit Hontaliu, lieu où abondent les sources. Tout simplement et très joliment.

 

fontaine Diane - hountélie - hount - lectoure - comte d'armagnac - hontaliu

 

Enfin, à la Renaissance, du fait de quelque humaniste motivé par la recherche de lointaines influences de l'Antiquité classique**, apparaît le toponyme Diane, référence à la légendaire dame de beauté. Car Hountélie, sonnant trop rustique à l'oreille de cet inventeur, devient opportunément Houndélio. Dés lors, la déesse honorée sur l'île de Délos, en Grèce, investit Lectoure. C'est plus chic. Aussi, si vous voyez écrit ici ou là sur quelque guide touristique, que le culte de Diane était pratiqué à Lectoure dès l'Antiquité, souriez... mais reconnaissez que cette chasseresse présente quelques atouts. Diane fut donc adoptée et tient encore le haut du pavé, bien qu'il faille descendre les escaliers pour la surprendre sortant du bain.

 

Déesse diane - lectoure - délios grèce - dame de beauté
Une Diane, façon rococo.

 

Il y a bien eu d'autres tentatives, moins heureuses. Ainsi Hount Élie, par référence au prophète Élie, vénéré par les anciennes Carmélites qui furent logées un temps à proximité. Et puis, sans lien, pure joute dilettante, Gide et ses amis, parmi les premiers touristes passés à Lectoure, poétisèrent une sainte Fontélie. Voir notre alinéa ici. En ai-je oublié ? Pour ceux qui s'étonneraient de ne pas retrouver la déesse Cybèle dans cette chronique, disons que la Grande Mère honorée à Lectoure n'est pas associée aux antiques cultes des eaux, bien qu'elle s'identifie parfois à Rhéa, elle-même mère de Junon. Alambiquée la mythologie, je vous le concède. Pourtant, "Fontaine de Cybèle" eut été à la fois, justifié en son temps et "communiquant" aujourd'hui.

Ainsi, notre fontaine, par les croyances et les espérances qu'elle a inspirées au gré des mentalités, a t-elle changé plusieurs fois de nom pour s'adapter au siècle et justifier l'attention que la ville et ses habitants lui portent. Mais en réalité, au pied des remparts la sensation est intemporelle. Dans le petit matin ambré, la source appelle encore aujourd'hui la passante esseulée, au chant clair d'une eau qui ne vieillit point.

                                                                                       Alinéas

fontaine diane lectoure - passante - le nom de l'eau

 

* Loys de Bochat par exemple

** Correctif 08/06/2020. Un lecteur attentif et bien documenté, que nous remercions, nous fait savoir que l’humaniste en question (mention empruntée à l’article de Wikipédia consacré au sujet) n’appartient pas à la Renaissance mais au 18ième siècle. Il s’agit de Jean-Baptiste Gail (1755-1829), helléniste, professeur adjoint au Collège de France et membre de l’Académie des Inscriptions et des Belles-Lettres de l’Institut. Ayant visité Lectoure à l’occasion des découvertes archéologiques de l’époque, en particulier les tauroboles, le savant emporté par son intérêt pour la Grèce antique, voulut voir dans la fontaine Hountélie, un petit temple de Diane, là où les historiens contemporains s’accordent à considérer qu’il s’agit d’un bâtiment datant du 13ième siècle seulement.

Avec le lectourois Alcée Durrieux, Gail fait partie de ces savants qui ont également cru voir dans le gascon parlé à Lectoure, une langue d'origine grecque. Théorie totalement abandonnée aujourd'hui.

Mémoire de la Société archéologique du midi de la France. Volume 3. P 111.

 

DOCUMENTATION :

 

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Fontaine_Diane_(Lectoure)

- Histoire de Lectoure, Collectif 1972

- Les remparts de Lectoure - La Hountélie par Paul Mesplé, in Sites et monuments du Lectourois, Collectif 1974.

- Sur les divinités gauloises de l'eau :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Divona

et plus documenté, https://fr.wikipedia.org/wiki/Vesunna_(mythologie)

 

ILLUSTRATIONS :

- Photo titre : Moulin de Lafous (Hérault), F. Peyrani ellesrandonnent.eklablog.com

- Illustration L'homme primitif, Louis Figuier.

- Vénus gauloise, Vénus anadyomène dite "gauloise" mais estimée des 1er ou 2ième siècles ap. J-C. On ne connaît pas de représentation celte de Divona et Vésunna. Collection des Musées de Poitiers,© Musées de Poitiers / Christian Vignaud.

- Jupiter et Junon, Annibal Carrache 1597, Galerie Farnèse Rome.

- La fontaine Diane, Gravure collection privée.

- Diane sortant du bain, François Boucher, 1742 Musée du Louvre.

- Photo M. Salanié

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