Le fleurissement de la place Jean-François Bladé
Publié le 7 Septembre 2021
Lectoure, tout le monde connaît Bladé. Ou devrait le connaître car cet enfant du pays est l'un des illustres lectourois, civil celui-ci, réputé dans le monde entier pour avoir collecté les légendes et les contes de Gascogne, qui font partie de notre patrimoine ancestral. Si la langue gasconne peine à survivre, des personnages comme l'Homme Vert, le Prince des Sept Vaches d'Or ou encore le Roi des Corbeaux sont toujours aujourd'hui étudiés sur les cinq continents par des chercheurs spécialistes de sciences aussi variées et sérieuses que l'ethnographie, la recherche littéraire ou la folkloristique.
Jean-François Bladé a sa place dans sa ville, en plein mitan de la Rue Nationale, mieux située que la rue et la fontaine Pey de Garros dont nous avons dit ce que nous pensions ici, et surtout mieux tenue et accueillante aux piétons, lectourois et visiteurs. Ce genre d'endroit est suffisamment rare dans cette agglomération à l'étroit dans ses remparts pour ne pas le faire remarquer et s'en féliciter. Et pourtant, à l'installation de ce jardin il y a quelques années, j'avoue avoir fait partie des râleurs, si,si, qui regrettaient qu'on leur supprime une dizaine de places de parking où l'on s'enfournait joyeusement le temps d'une course, pour en ressortir tout aussi acrobatiquement en marche arrière, sous le regard incrédule des touristes bousculés au passage. Un parking pour les gens d'ici quoi ! Mais les temps changent.
Au contraire, il faut aujourd'hui féliciter la municipalité et ses agents de service pour un remarquable travail de fleurissement en plein cœur de ville. Je me suis laissé dire, qu'en bon gascon, Bladé ne refusait pas les compliments et les honneurs. Il fut élu, il faut le rappeler, Majoral du Félibrige, célèbre association de sauvegarde et de promotion de la culture occitane, inspirée par le grand poète provençal Frédéric Mistral. Si nous ne le connaissons qu'en sépia, en langue ancienne et au travers d'aventures quelque peu surannées, je suis sûr qu'il apprécierait la diversité des variétés florales originaires du monde entier et l'agencement recherché des formes végétales qui n'a rien de traditionnel ou de légendaire. Un jardin d'aujourd'hui.
Bladé aimait les petites gens, les travailleurs de la terre, les besogneux. Ça tombe bien, il faut du savoir-faire paysan, de la minutie et de la constance pour obtenir un joli résultat comme celui-ci. Si, d'après Fernand Raynaud, le cantonnier est réputé pour être "heu-reux", avec lui, dans son paradis fleuri, Bladé doit l'être aussi, c'est sûr. D'ailleurs pour preuve, je crois bien avoir lu sur le mur du jardin, par le jeu d'ombre fugace d'un nuage probablement guidé par le souffle du poète, ces quelques vers d'une chanson populaire qu'il nous a transmise, et que certaine passante d'aujourd'hui pourrait bien prendre pour elle :
Le jardinier, le poète, la passante...
Le jardin de la place Bladé n'est pas une exposition savante ou un musée et le jardinier municipal n'a pas disposé d'étiquettes pour identifier ses fleurs. Alors moi non plus. Je respecte ce jeu d'apparente désinvolture qui convient si bien à la flânerie.
ALINEAS
On me pardonnera : mes photos ne sont pas toutes d'une très grande définition. Impressionnistes peut-être ? Elles peuvent néanmoins être agrandies, en fonction de votre navigateur, par un clic droit puis [ouvrir l'image dans un nouvel onglet].
© Michel Salanié
L'extrait du poème est tiré de Poésies populaires de la Gascogne, Ed. Maisonneuve, 1882.
Le lecteur remarquera à droite, l'abeille en approche amoureuse de ce dahlia généreusement offert et ensoleillé.