cuisine

Publié le 16 Avril 2024

Première manifestation de l'hommage rendu par ses amis à l'illustrateur lectourois : Exposition à l'Hôtel-Restaurant de Bastard de la collection d'étiquettes de vin de Jean-François Cournot, illustrées par Pertuzé.

 

 

" Venez aux caves ! Venez au vin ! Venez à l'ombre fraîche et odorante où se conservent en flacons  les chaleurs de l'été, l'or et la rouille des automnes. Rien n'est trop beau, rien n'est trop fin ni doré pour qui enveloppera les ambassadeurs des vignobles où chaque pouce de terre vaut de l'or ".

Bernard Clavel

 

Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse. La formule est d'Alfred de Musset, qui parlait non pas de boisson mais d'ébats sexuels ! Au sens figuré donc. Il eût dû à l'ivresse préférer la volupté, un état raisonnable qui permet d'apprécier mais modérément et avec lucidité tous les plaisirs... Mais Musset aimait avec excès. Henri IV lui, qui pratiquait également activement l'amour du sexe opposé, ne connaissait pas le flacon, car la bouteille de vin n'a été inventée qu'après son assassinat. Les historiographes ne sont pas d'accord sur les détails de l'évènement, mais noste Enric aurait goûté au Jurançon de sa Navarre natale dès la tétine. Baptême gascon. Et les historiens par contre, ont bien démontré que la consommation de vin de la cour du Béarnais était considérable, à Nérac, puis à Paris une fois la messe dite. De vin en barrique cependant, tiré au pichet. Le flacon et donc l'étiquette sont venus peu après.

Voici une exceptionnelle collection d'étiquettes illustrées par Pertuzé, que nous a confiée Jean-François Cournot, Saint-Clarais, photographe, agent d'artiste, publicitaire et ami de notre illustrateur. Comment celui-ci, Pertuzé, fut-il amené à exercer son art sur une aussi petite surface ? En eût-il le goût ? Jean-François Cournot raconte.

 

Dans les années 70, tous deux travaillent pour l'agence de publicité PBC*. Puis, installés en freelance** chacun de son côté, ils poursuivent leur collaboration. Ils forment l'équipe de base dans le monde du marketing et de la publicité, du concepteur-rédacteur et du créatif. Le premier, Jean-François Cournot donc, assure la relation client et doit traduire en mot l'idée de base à proposer à l'annonceur, l'entreprise qui veut promouvoir son produit. Le créatif lui, l'illustrateur, Pertuzé, doit mettre l'idée en image. Évidemment les rôles ne sont pas figés. On a connu des concepteurs qui s’essayaient à l'illustration et des créatifs ayant une très bonne plume. D'ailleurs les séances de travail, le fameux brainstorming, voient des échanges animés où chacun pousse l'autre dans ses retranchements. Pour faire jaillir l'idée que l'on espère géniale. C'est un couple, complémentaire, où il est indispensable que le courant passe très bien. 

Outre la subtilité d'un accord à deux sur une création intellectuelle de toutes pièces, le dossier est très souvent "charrette", c'est à dire que le client veut la proposition le lendemain et le document d'exécution chez l'imprimeur... pour après-demain. Pas question de lui imposer un délai de réflexion ou de prendre rang. Concurrence oblige. Alors, Jean-François Cournot "débarque chez Jean-Claude" à l'improviste. Il s'est doté d'un panier à provisions qui va permettre au binôme de travailler non-stop et jusqu'à plus d'heure. On ne sort pas d'ici avant d'avoir accouché du concept, d'un slogan et de la maquette en image à présenter au client, après avoir retrouvé ses esprits et choisi les mots pour convaincre. Ça, ce n'est pas le rôle de Pertuzé, introverti, peu versé dans l'art de la négociation commerciale, et qui de son côté reprendra son crayon pour illustrer tout autre chose, voire pour se changer les idées, en espérant que son compère décroche le budget. Chacun son métier.

Jean-François Cournot et Pertuzé interviendront auprès de plusieurs domaines viticoles du Sud-Ouest. Nous avons choisi trois exemples, dans des styles très différents, chacun répondant à des objectifs de communication spécifiques de trois domaines viticoles.

Avec les vignerons de Bellocq, nous avons un Pertuzé en tous points reconnaissable : l'architecture médiévale, la gabare, la mise en scène de ce charroi de barriques, le mouvement. Cependant, le dessin moins hachuré qu'à son habitude et la mise en couleur pastel donnent à cette cuvée une ambiance rassurante, qui sied à la dégustation. Comme le portrait de notre bon roi Henri plus haut, appartenant à la même série.

 

Par contre, avec le célèbre Pacherenc, bien que nous ayons choisi ici la cuvée sec, moins souvent servie, Pertuzé et Jean-François Cournot ont osé une originalité, tant en publicité qu'en matière vinique. En effet le dessin est exécuté au crayon de couleur, technique aujourd'hui rarement utilisée par les illustrateurs et les graphistes. Elle permet à cette série d'étiquettes de la cave de Crouseilles-Madiran de recomposer de façon légère et familière des scènes bucoliques de la vigne et du chai, remplies de spontanéité et de franche gaité.

 

Enfin, nous avons retenu cette étiquette en deux parties, d'un domaine de l'appellation Iroulégy, en Pays basque. Vous n'y voyez pas d'illustration ? En effet, le vigneron demandait une étiquette haut de gamme pour sa meilleure cuvée. Jean-François Cournot proposa cette découpe originale et un graphisme abstrait très soigné. Une stratégie, dira-t-on en langage marketing, qui veut mettre en valeur le nom, pour favoriser sa mémorisation et lui donner une forte personnalité. Une illustration figurative viendrait concurrencer la marque. La frise aux motifs et aux couleurs basques accentue encore l'effet recherché de focalisation sur le nom Mignaberry, qui se distingue ainsi de l'ensemble de l’appellation, le terroir Irouléguy étant logé dans la seconde étiquette qui sert de piédestal, de faire-valoir au domaine. Du grand travail de réflexion marketing à mettre au crédit de Jean-François Cournot. Et Pertuzé me direz-vous ? Egalement au service de ce concept, l'illustrateur a mis en œuvre ses qualités de graphiste. Equilibre des différents éléments, classicisme et modernité réunis... La typographie de cette étiquette est entièrement de la main de Pertuzé. Pas de police de caractère informatique ou d'imprimerie. Chaque lettre est une illustration unique. Du travail d'artiste que les plus observateurs auront déjà remarqué sur les deux premières étiquettes commentées, dans la graphie de Vignerons de Bellocq et celle de Pacherenc de Vic-Bilh.

 

Mais, me direz-vous, choisit-on un vin pour son étiquette ? Le sommelier d'un restaurant digne de ce nom ne présente t-il pas la bouteille et son étiquette au client, celui-là même parmi les convives qui, réputé connaisseur, a consulté la carte et choisi, pour qu'il autorise, au vu du très officiel certificat, l'ouverture du flacon et la libération des parfums et des saveurs ? Faites l'expérience. Postez-vous devant un linéaire de supermarché et regardez le ballet du chaland. Oui, l'étiquette provoque l'acte d'achat. Outre l’appellation de votre préférence, et le prix cependant, l'illustration, la composition, la lisibilité, les couleurs... sont autant d'éléments qui peuvent provoquer le déclic, l'envie, voire... la soif. Et conséquemment, l'étiquette conditionnera le buveur, qui aura, à l'avance, une idée de ce qu'il devrait trouver dans le flacon en fonction de ce que l'étiquette lui aura transmis comme aprioris. Les études ont montré que la dégustation est influencée par l'étiquette. C'est à désespérer de notre liberté, y compris celle de nos sens. Penché sur sa table à dessin, Pertuzé s'en inquiétait-il ?

                                                                      Alinéas

 

Hôtel-Restaurant de Bastard  - Tel. 05 62 68 82 44
info-booking@hoteldebastard.com -
restaurant@hoteldebastard.com

* Publicité Bernard Cadène. Bernard Cadène est aujourd'hui un peintre réputé. https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernard_Cad%C3%A8ne

** Travailleur indépendant dans certains métiers dont la publicité. Terme anglais qui n'a pas d'équivalent en français, enregistré par Larousse et Robert mais pas par l'Académie Française.

Documentation : Les étiquettes de vin - Le livre de l'œnographile, Georges Renoy, Ed. Berger-Levrault / Rossel 1981. La citation de Bernard Clavel en exergue est tirée de la préface de cet ouvrage.

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Beaux arts, #Cuisine, #La Pertuzé de la semaine

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Publié le 18 Mars 2022

En fait, je ne devrais pas commencer par la fin de la recette. Je prends le risque de vous déplaire. Mais la salade de pissenlit cuite que je vous propose est un accompagnement, et je voulais vous appâter dès l'abord avec le plat principal. Remarquez bien, tenir un œuf pour un plat, c’est déjà chercher la difficulté. Et puis le pissenlit, ça ne se trouve pas au rayon frais du premier supermarché venu, lavé, blistérisé, prédigéré. Comment faire ? Marcher dans la campagne ? Mon dieu, comment est-ce possible ?!

L’auteur des Brèves de comptoir* l’a révélé : « Pour les Parisiens, un œuf, c’est déjà un zoo ! ». Je vais quand même devoir vous proposer cette excursion sauvage et terriblement aventureuse : la cueillette du pissenlit.

 

Car la balade fait partie de la recette. Ce n'est d'ailleurs pas le moindre de ses intérêts. Si vous attendez un joli petit matin ensoleillé, ce que je peux comprendre, ne tardez pas trop tout de même. Notre recette se déguste entre hiver et printemps, avant que la plante ne fleurisse abondamment et lorsqu'elle est encore tendre. Marchez, respirez, écoutez la nature qui a tant de choses à vous dire. Y compris le silence. Ça titillera votre appétit.

Vous vous serez munis d'un couteau pointu. Car il faut aller chercher le collet de la plante et ne pas arracher ou découper les feuilles en vrac. Oui, je sais, je suis exigeant. La cuisine est un art. Une cérémonie.

Pour 4 personnes il faut compter un panier plein. Car à la cuisson, le volume va réduire considérablement.

 

Ici, se situe l'opération de tri et de lavage. Laborieuse mais une ou deux fois par an, c'est peu de choses en regard du plaisir qui se profile. Les champignons, les bigorneaux... ça se mérite. Retirer les herbes, les feuilles fanées... les limaces. Un zoo, je vous dis ! Séparer les feuilles de la racine au plus près du collet pour conserver la partie blanche et charnue (tout est relatif). Retirer les fleurs et les boutons de fleurs lovés au cœur de la plante. J'en connais qui réserveront quelques capitules de fleurs pour décorer. Des esthètes. Rincer avec au moins trois eaux, voire quatre.

 

Vous ferez blanchir la salade ainsi préparée dans un grand faitout d'eau bouillante environ 3 à 5 minutes. Passez et essorez entre les mains (eh oui...) de façon à obtenir une matière bien sèche. Hachez grossièrement encore que la présentation puisse gagner avec une feuille entière. Poêlez soigneusement avec un peu d'huile. Ail et sel. Disposez dans une assiette avec une vinaigrette au vinaigre balsamique.

Pour l’œuf à la poêle je n'insiste pas ?

Nous aimons bien cette préparation campagnarde avec des croutons et des pommes de terre sautées. Une tranche de ventrèche grillée et l'on frôlera le purgatoire.

 

Les vertus médicinales du pissenlit sont nombreuses et bien connues. Autrefois, on y allait tout de même un peu fort. Extrait de mon grimoire de 1759 :

La racine de pissenlit en amulette, du docteur Schmuck, je pense que ça devrait marcher encore aujourd'hui. Perso, je vais rester sur la salade cuite.

                                                                               Alinéas

 

PS. Certains pratiquent la salade crue. Attention, bien laver pour éliminer les risques de douve du foie.

La gelée de fleur de pissenlit est un péché.

 

* Jean-Marie Gourio, un compatriote gascon, Néracais.

© Photos Michel Salanié

 

 

 

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Publié le 16 Août 2019

 

En vacances, c'est le moment de profiter des petits trésors de la nature. Et de partir à l'aventure... gustative. Découvrir des végétaux comestibles tellement modestes qu'on n'y pense plus, là, oui là, à portée de main, sur les chemins creux, en lisière de bois, à l'occasion d'une balade à la fraîche. Une manne ! Des goûts qu'on ne trouve certainement pas dans le commerce "moderne". Pas même sur le marché ou à l'épicerie du coin.

Alors, voici trois des desserts sauvages de l'été à la Mouline de Belin.

  • Clafoutis de Myrobolan
  • Sorbet de Menthe suave
  • Tarte aux baies de Sureau noir

 

Si vous voulez nous suivre, pour le myrobolan c'est un peu tard dans la saison, car il est l'un des premiers fruits sauvages à mûrir en juillet. Mais vous pourrez encore le remplacer par sa cousine Mirabelle, souvent persévérante dans quelque vestige de jardin, ou bien par la Prune de chien (voir ici notre "Petite galerie des fruits sauvages et indigènes"). La menthe elle, particulièrement rustique et répandue, se trouve sans difficulté. Mentha suaveolens est notre préférée mais une autre variété fera sans doute l'affaire. Enfin, le Sureau noir*, très commun, est en ce moment en pleine maturité (voir ici l'alinéa qui lui est consacré).

Bien sûr, il y faudra du sucre. Mais on fera bien attention à n'en mettre que la stricte quantité nécessaire, pour laisser au caractère propre de la plante sauvage la part belle.

Oh ! Il n'y a ici rien de mystérieux, pas de secret de chef. Ce sont des recettes connues, que chacun exécute à sa façon, avec les fruits de saison. Pour le détail des ingrédients, la manière et la cuisson on se reportera à son carnet de recettes maison habituel. Pas de toques ni d'étoiles, juste le partage de plaisirs simples. La recherche des ingrédients de la cuisine frugale de nos aïeux. La redécouverte jouissive de saveurs nature.

 

LE CLAFOUTIS DE MYROBOLAN

 

Il y a, dans cet alinéa, outre la gourmandise, le plaisir des yeux. Quand, au détour d'un taillis, sur notre chemin de hasard, s'offre au regard un arbuste chargé de fruits jaune paille ou rouge grenat, de petites prunes rondes dégringolant en cascade, petit miracle lumineux dans une nature somme toute monochrome, c'est déjà en soi un spectacle réjouissant. Le Myrobolan ou Prune-cerise.

Cueillir la quantité nécessaire (on ne les ramasse pas par terre bien sûr). Plutôt mûres, mais si vous les trouvez encore trop acidulées à votre goût c'est normal. Trop matures elles deviennent légèrement amères et le goût de prune disparaît. C'est un peu comme lorsque l'on concocte un clafoutis à la cerise guigne, ce n'est pas un bigarreau. La cuisson et le sucre feront leur œuvre. Acidulé et sucré, c'est le charme de ce dessert contrasté. Et les noyaux ? Impossible de les retirer, il ne resterait plus rien de la chair. D'ailleurs je trouve que la lente mastication du fruit pour isoler la graine fait partie du plaisir. En société, ce ne sera peut-être pas très chic. Il faudra éviter le bruitage et manier la petite cuillère avec distinction...

 

Tout le monde à sa recette de clafoutis perso ? Alors on passe.

 

LE SORBET DE MENTHE SUAVE

 

Idéal après le foie gras et l'alicot de volaille de grand-mère, pour un "trou gascon" à la blanche d'armagnac avant d'entamer un gigot de chevreuil... Plus raisonnablement, c'est un dessert léger à déguster à l'ombre d'une pergola, ou bien après la sieste.

La Menthe suave, c'est à dire douce, également qualifiée par la science botanique "odorante" ou "à feuilles rondes", dégage un parfum puissant. Elle est digestive et tonique. Il suffira de cinq ou six branches dans un demi-litre d'eau qui sera porté à ébullition. Laisser reposer quelques instants. Filtrer l'infusion encore chaude pour y dissoudre 180 grammes de sucre. A partir de là, chacun fera à sa façon: sorbetière ou congélateur et mixeur. Cependant, dans les deux cas nous vous proposons notre botte secrète, pour ne pas servir à vos convives un bête glaçon: lorsque la glace commence à prendre, vous intègrerez à la préparation deux blancs d'œuf montés en neige avant de remettre à glacer. De cette façon, le sorbet sera onctueux. Effet garanti.

Evidemment, jamais de sirop de menthe ajouté comme on peut le lire ici ou là. Scandale !  Notre nature n'a absolument pas besoin de cette mascarade, ni colorant, ni parfum artificiel. Nos desserts ne veulent rien devoir aux substances industrielles !

Auparavant, les ramequins auront été mis en attente au congélateur, pour qu'une fois disposé joliment, le sorbet ne fonde pas, le temps de le dire.

 

 

LA TARTE AUX BAIES DE SUREAU NOIR

 

Sambuco, en gascon. Notre arbuste fétiche. Tisane, limonade, vin nature, cocktail au champagne, beignets d'ombelles , confitures.... Dans le Sureau noir, tout est bon.

Vous récolterez les baies bien mûres, sauf quelques-unes encore rosées qui donneront ici et là, un peu de craquant sous la dent et d'acidité pour contraster avec l'appareil d’œufs, les blancs battus en neige, et de sucre. La maîtresse d'hôte conseille d'y ajouter une petite cuillerée de maïzena et une larme d'armagnac. Le goût de la baie de sureau est très fin. Trop fin pour certains ? Alors, comme pour la tarte à la myrtille, on pourra, pour le relever, l'associer à la pomme, au citron ou à l'amande...

Un verre à liqueur de vin de noix frappé accompagnera divinement ce dessert rustique, mais original et rare.

Le bonheur est au bord du chemin.

                                                                                                   ALINEAS

 

* ATTENTION ! Ne pas confondre le Sureau noir avec le Yèble ou Faux sureau, plante annuelle aux ombelles dressées, et non retombantes vers le sol, et qui donnera des baies ressemblantes mais un peu plus tard que notre arbuste, fin août, début septembre.  Les baies du Yèble sont réputées toxiques.

Le Sureau noir peut s'élever jusqu'à 7 mètres alors que le Yèble est une herbacée annuelle qui ne dépasse pas les deux mètres. Pour ne pas vous tromper il suffit donc de cueillir les baies sur des branches boisées, hautes et retombantes.

Il faut enfin préciser que celles de notre sureau, pour être parfaitement digestes, ne doivent toutefois pas être consommées crues mais uniquement cuites.

 

Illustration: William Bouguereau, La cueillette de noisettes 1883

Photos © Michel Salanié

Céramiques : Vitrine lectouroise de la Poterie du Don du Fel. Voir lien ci-contre.

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Rédigé par ALINEAS

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Publié le 15 Décembre 2018

 

SAMBUCO !

Trois notes de caractère.

Et si on fêtait ça ? Après bientôt deux ans d’existence -comme le temps passe- ce cybercarnet n’a pas encore abordé la question fondamentale du « quoi boire ? ». J’ai bien laissé, ici et là, échapper quelques soupçons de ma tendance coupable, toute raisonnable cependant. Terroir et traditions, bien sûr, convivialité, c’est une nature dans cette maison, et encore, après le départ des derniers hôtes, juste une goutte de Madiran pour partager en amoureux un vestige de brebis des Pyrénées…

J'éviterai à ceux qui me connaissent de me trahir plus avant : c’est vrai, je ne dis pas très longtemps « non, merci » à un vieux whiskey, bien installé au fond d’un fauteuil club, ou à un ti-punch avant d’attaquer un colombo de requin.

 

Aujourd’hui, ce n’est plus un aveu, c’est un plan d’attaque.

 

Notre rubrique Cuisine le prouve, la table de la Mouline de Belin n’est pas avare de ses recettes, qui voyagent… allez  soyons modestes, presque dans le monde entier. Mais là, je vous le dis tout sec, nous nous sommes fait doubler localement. Quelle surprise en effet, de participer à une manifestation publique, de qualité et d’envergure heureusement, chez ces dames de Berrac pardi ! - on dirait un titre de roman -, et de voir servir à l’apéritif cette invention non déposée - sommes-nous  imprévoyants !? -, notre cocktail maison que l’on croyait exclusif. Le savoir-faire de la Mouline de Belin ainsi exposé sur la place publique, certes celle d’un petit village gascon qui résiste à l’envahisseur, mais tout de même, il y avait des risques de fuites dans la presse. Alors, il n’y a plus à tergiverser : il faut faire monter l’affaire… non pas en mousse, mais en puissance. Allons-y.

 

 

INGREDIENTS :

 

Le sirop de fleur de sureau. Sambucus nigra (voir notre alinéa ici), l’arbuste qui embaume les chemins de Gascogne au mois de mai. Facile à faire à la maison, comme tous les sirops. Encore faut-il trouver ses chaussures de rando, son sécateur… et se faire violence. Pas de panique, vous l’achèterez tout fait (voir ici). En outre, vous aurez l’alibi, s’il vous en faut un, de pouvoir faire, avec une eau pétillante, des limonades pour la soif,  pour les enfants, les sportifs et les sans-alcool. Succès garanti aussi.

Le sureau développe un parfum aux réminiscences exotiques. Vous vous amuserez à faire deviner vos invités. Rien que pour vous, nous vous soufflons la réponse: litchi.

 

L’armagnac. Vous en avez toujours une bouteille chez vous pour la pâtisserie. Non ?! Eh bien vous savez ce qu’il vous reste à faire. Un Trois étoiles, aussi qualifié VS (Very Special, eh oui, l’influence d’un marché devenu planétaire) conviendra très bien. Car, si vous avez un grand flacon, un millésime de chez Laberdolive par exemple, ce sera dommage de le mouiller.

 

 

Lectoure a la chance d’abriter deux excellentes maisons que nous recommandons à nos amis et à nos hôtes : le Domaine d’Arton (voir ici) et le Domaine de Mirail (voir ici).

L’Armagnac, la plus vieille eau de vie de France, séduit les amateurs de spiritueux par son tempérament chaleureux, son parfum boisé, ses notes de fruits secs et de caramel, on pourrait y consacrer plusieurs alinéas mais ça ne remplacera pas la pratique.

 

Pour les bulles vous choisirez un vin effervescent de qualité. Un

champagne pourquoi pas, c’est fête ! Mais, ne cassez pas la tirelire, il y a d’autres besoins… Une bonne « méthode traditionnelle » ou « méthode champenoise », appellation aujourd’hui règlementée, autrement dit un crémant, suffira, c’est le mélange des trois ingrédients qui fait l’originalité de notre cocktail.

Pour nos voisins et nos visiteurs, nous avons la chance -là

encore !- d’avoir à Lectoure, la cave des vignerons Plaimont-Val de Gascogne, qui propose, en complément de sa belle gamme de vins et d’armagnac, un bon vin effervescent: Bulles. Si le nom est un peu… léger, voilà un excellent produit qui s’offre joliment, nature, à l’apéritif comme au dessert.

Dans tous les cas, vous éviterez les mousseux doucereux ! Du brut, du caractère, du panache, mordiou !

 

A la Mouline de Belin, nous avons baptisé ce cocktail « Sambuco ! ». C’est le nom du sureau noir tout autour de la méditerranée et jusques aux pinèdes océanes. C’est également le nom de la flûte. La flûte du fifre qui marche en tête de la compagnie des mousquetaires. Sambuco sonne clair comme trois notes de caractère. Le vin frais pétille d’esprit, l’armagnac apporte la profondeur. Le sureau, le bouquet.

 

Pour le décor, humectez le bord de vos verres sur la chair d’un citron et retournez-le sur un lit de sucre fin. Pour la mise en scène, une lichette de pruneau d’Agen ou une feuille de verveine embrochés sur une pique en bois plongée dans le breuvage, suggèreront une touche batailleuse. Une composition toute de tradition, de goût et de belle nature.

 

Voilà un cocktail qui ravira vos invités pendant les fêtes de Noël et de Nouvel An. Nous vous offrons amicalement notre recette pour élaborer celui-ci et nos souhaits de réussite de celles-là.

 

Tchin ! A la bòste !

 

                                                      ALINEAS

 

Photos M. Salanié

Illustration Les gardes françoises, Abraham Bosse 1632, BNF Gallica.

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Publié le 22 Juin 2018

UNE GASCOGNE

 

 

SUCRÉE SALÉE

 

Mes aïeux qui me regardent je le sais, doivent se demander ce qui me prend de mettre du miel et une poudre à la réputation coquine dans mon fricot de canard. Qu’ils se rassurent, je garde fort ancré le souvenir simple, côté Lauragais, des patates frites à la graisse d'oie de Bonne-Maman et, côté Quercy, des tendres haricots persillade du jardin de Grand-Père du moulin, oui « du moulin », ça ne s’invente pas.

Mais tout de même, pour s’être longtemps eux-mêmes aventurés outre-mer, ils sont quelque peu responsables de mon appétence pour les saveurs de la cuisine orientale.

La maîtresse d’hôtes qui fouille les vieux grimoires à la recherche des recettes médiévales, me raconte d’ailleurs que les épices venus d’Orient étaient très appréciés autrefois chez nous, en tout cas dans la cuisine noble et en pharmacopée. Profitons du fait qu’aujourd’hui leur coût relatif soit devenu tout à fait raisonnable.

 

Venons-en aux opérations.

 

Le confit de canard gras se marie particulièrement bien avec les fruits. Tous les fruits de chez nous, à  condition qu’ils soient goûteux. Vous ferez votre choix en fonction de vos préférences, de la saison, de votre jardin ou du marché : abricots, pruneaux, pommes, poires, coings, figues, raisin… Et notre préféré : cerises.

 

 

Cependant, le secret de la réussite de ce ragoût est ailleurs : eh oui, paradoxalement, elle réside dans the légume, c’est à dire l’oignon. Au moins un gros oignon par personne, émincé menu et réduit en compote à feu doux jusqu’à ce qu’on ne reconnaisse plus le légume. Cette compote sera la base d’une sauce onctueuse qui fera le lien entre les ingrédients, épices, viande et fruits. Vous verrez, vos invités sauceront soigneusement, avec le pain, leurs assiettes (oui, je sais, ça ne fait pas) et vous n’aurez pas besoin de leur demander s’ils ont aimé.

 

Si la compote d’oignons exige soin et patience, cette recette est toutefois facile à exécuter. Evidemment, on considère que le confit est prêt à l’avance, le plus souvent acheté en conserve. Il ne demandera pas de cuisson. On le fera mijoter quelques minutes seulement dans la sauce aux épices. Puis il sera ressorti pour introduire les fruits à leur tour dans la sauce (voir les différences en fonction du fruit choisi) et réintroduit juste avant de servir. En effet, tant la viande que les fruits sont fragiles et il ne faudra ni les cuire trop longtemps et trop fort, ni les manipuler brutalement. Une recette orientale on vous dit : tout en subtilité.

 

Miel, gingembre (en poudre et confit) et paprika doux sont mélangés à feu, doux aussi. Ce sont eux qui donnent sa saveur étrange à ce plat original et qui s’accordent merveilleusement bien, à la fois au canard et aux fruits.

 

La petite touche finale qui n’est pas que décorative : des amandes effilées grillées à point et la coriandre finement ciselée à laquelle je tiens personnellement beaucoup.

 

Pour le vin, je proposerais un côte de Gascogne : dans les rouges plutôt Merlot et Cabernet, léger et sur les fruits rouges, ou un rosé, ils ont chez nous une petite pointe acidulée, sur les agrumes disent les connaisseurs, ce sera parfait pour souligner la complexion de saveurs de notre plat.

 

 

Faites l’expérience. Ce confit de canard aux fruits et aux épices est un voyage varié et réjouissant à l’image de nos traditions gasconnes : nos toits, nos rues, nos marchés entre Méditerranée et Atlantique, nos paysages entre Auvergne et Espagne, notre histoire disputée, nos cadets conquérants mais toujours fidèles au foyer ancestral, nos voyageurs au long cours, aujourd’hui enfin la qualité d’accueil qui nous est souvent reconnue mais que nous savons devoir être entretenue… Le canard est la plus célèbre des estocades de la gastronomie gasconne. Sa finesse, son goût inimitable, ce salé poivré vif et provoquant. Aujourd’hui avec la recette de la Mouline de Belin, cette façon de marier les contraires donnera à notre volaille régionale une seconde jeunesse qui ne reniera pas ses origines. Un parfum d’aventure sur la table de nos aïeux.

 

                                                                        ALINEAS

 

 

PS. Restons modestes, bien sûr il existe de nombreuses recettes de ce type. Celle-ci est éprouvée à la table d'hôte de la Mouline de Belin depuis bientôt 10 ans. Nous l'offrons dans la pièce jointe ci-dessous avec plaisir à tous ceux qui l'ont appréciée et à ceux qui suivent ce carnet. On peut l'essayer, la modifier, emprunter ailleurs quelque ingrédient ou façon de procéder, le tout étant de se faire plaisir.

Photos: M Salanié

Illustration: ici un canard rôti et non pas confit pour cette magnifique nature morte de Jan Albert Rootius (1615-1674), Nature morte au canard rôti, coupes de fruits et verre façon de Venise, photo Gros & Delettrez.

 

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Publié le 1 Juillet 2017

UNE VIEILLE SOUPE

 

DANS UNE MARMITE

 

D’AUJOURD’HUI

 

 

Vous avez sans doute quelque fois voulu décrire devant vos amis ou vos enfants la succulente cuisine de votre grand-mère. Avez-vous le sentiment d’y être parvenu ? Non ? Moi non plus. Et si malgré l’émotion qui vous envahissait à ce moment là, vous avez pris le temps d’observer votre auditoire avec lucidité, vous vous êtes sans doute aperçu qu’il souriait, touché par votre nostalgie de la jeunesse, de l'affection et du temps qui passe, ou sur le point de vous raconter à son tour ses souvenirs culinaires.

 

Mais la cuisine, le goût, le parfum, la texture, les compositions à l’infini ça ne se raconte pas. C’est comme l’air du temps, une baignade au coucher du soleil sur une plage déserte, un amour de jeunesse… Indescriptible. Profondément intime. Faut goûter.

 

Eh bien, vouloir vous raconter la cuisine médiévale, c’est un peu ça. Et nous ne voulons pas vous faire sourire mais vous régaler.

 

Il y a des historiens bien sûr qui étudient ce magnifique sujet à travers les chroniques anciennes, les instruments de cuisine, les aliments. Tiens, il paraît qu’en analysant les dents prélevées en fouillant d’anciennes sépultures sur une zone où tournaient plusieurs moulins dont les pierres meulières étaient de qualité très variable on a pu  déterminer qui allait moudre sa farine chez le meunier A et qui chez le meunier B…. On n’arrête pas la science.

 

 

Les historiens font un très beau travail et la bibliographie est fournie. Mais vous n’y humerez aucun fumet.

 

Les ethnologues s’y sont attelés aussi, les sociologues, les médecins et bien sûr les cuisiniers. On trouve nombre de recettes, originales ou réinterprétées comme on dit dans les magazines culinaires, que l’on peut essayer de faire soi-même à la maison. Et je ne parle pas des festins médiévaux organisés dans les fêtes du même nom… Ça peut être bon et surtout marrant.

 

A la Mouline de Belin, notre plaisir c’est d’utiliser les produits que l’on trouve dans la nature ou dans le commerce, produits dont nous savons qu’ils étaient consommés par ceux qui nous ont précédés mais qui sont pratiquement tombés dans l’oubli aujourd'hui. Exemple, le millet.

 

Le dicton veut que les meilleures soupes se fassent dans les vieilles marmites. Le contraire est également vrai : la vieille cuisine de nos grands-mères d’avant Louis XI se fait très bien avec un thermostat, un mixer et quelques champignons…de Paris conservés en boîte d’aluminium.

 

 

Bien sûr, il y a la question de l’assaisonnement. Le sel était rare et très

onéreux il y a 800 ans. Aujourd’hui, on ne peut pas se faire plaisir en cuisine en essayant de reproduire des préparations antiques sans du tout l'utiliser. Mais nous pouvons au moins en réduire la quantité pour éviter l’habituation qui génère la lassitude des papilles. Et surtout pour laisser place au goût des autres ingrédients. Pour sucrer les mets il y avait le miel, incomparable. Quant aux épices, ils étaient fort appréciés au moyen-âge, sur les tables fortunées bien sûr.

 

Nous ne sommes ni chercheurs, ni nostalgiques. Alors, voilà trois recettes originales de la Mouline de Belin, faciles à exécuter et qui vous feront découvrir un léger fumet indéfinissable, ou percevoir un goût mystérieux qui vous dira peut-être quelque chose du fin fond de votre mémoire génétique.

 

Et comme boisson me direz-vous ? Ceux qui me connaissent savent pourquoi je choisirais le vin noir de Cahors attesté sur le marché de Londres au 14ème siècle. J’aurais bien aimé également goûter le claret du plateau de Baqué, aujourd'hui disparu mais on en trouve heureusement étiqueté Bordeaux. Et comme le vin blanc était très répandu au Moyen Âge avant d’être transformé en « aigardente » par la grâce de l’alambic armagnacais, un Colombard bien frais fera aussi bien l’affaire. Nous ne pouvons pas oublier la cervoise que l’on brassait dans les chaumières et de fait, par une sorte de bégaiement de l’Histoire… culinaire, la bière est de plus en plus présente sur nos tables gasconnes. Avec le confit ? Pouah!

 

A l’occasion des Journées du Petit Patrimoine et des Moulins, pour vous nous avons testé l’hypocras, profitant d’une manifestation culturelle pour jouer aux alchimistes en toute impunité, mélangeant les épices à notre joli vin de table d’hôte. L’hypocras, une boisson reléguée au rang des curiosités mais qui pourtant fait un très bon apéritif et sera très originale au dessert sur un millas. Foi de gourmand du 21ème siècle.

 

ALINEAS

 

Illustrations:

- Le repas de noces de Pieter Bruegel (détail).

- Photos: Panicule de millet, Rucher de la Mouline de Belin, et Terrine de pâté végétal. M. Salanié.

 

 

Voici les recettes servies à nos visiteurs des JPPM 2017 que nous saluons bien amicalement.

Aline Salanié

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Cuisine

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