Maisons de vigne, abris de jardin et "campagnes" autour de Lectoure
Publié le 11 Octobre 2018
Depuis les Jardins méridionaux jusqu’à Pébéret, de Tané aux Ruisseaux, les contreforts de la citadelle de Lectoure étaient, il n’y a pas si longtemps, constellés de petites constructions multicolores. Telle bicoque à l’ombre d’un grand cèdre, qu’une mamie d’en ville rejoignait à la fraîche en poussant sa brouette, pour bichonner glaïeuls, fraises et asperges. Et cette autre maisonnette croquignole résonnant encore de la faux qui couchait, à la rosée, un carré de luzerne. Plus discret enfin, un cabanon sans chevillette ni bobinette, où l’on a compté fleurette tous les printemps de la jeunesse, après avoir tiré derrière soi, l’air de rien, la porte bringuebalante.
Quelques-unes de ces positions avancées outre-muraille résistent encore dans certains havres que, de tout temps, le dénivelé a protégé de l’envahisseur et nous les tairons encore pour ne pas les trahir. Pour toutes les autres, c’est la mort lente. Ou le bull.
La petite cabane est une espèce en voie disparition.
Mon titre est-il trop racoleur ? Non, je ne suis pas nostalgique. C’est un constat, c’est tout. Il suffit de regarder nos albums photo de famille ou une collection de cartes postales pour estimer ces trésors de peu, disparus de nos faubourgs et de nos campagnes. Le sujet n’intéresse pas l’INSEE et c’est bien dommage, car on y apprendrait beaucoup sur le mode de vie d’avant… d’avant … allez d’avant l’agriculture intensive et mécanisée, d’avant les supermarchés, d’avant les jeudis devenus des mercredis.
Disons tout d’abord, foin de standard, qu’il n’y avait pas une mais autant de cabanes, de plans et de méthodes de construction, que de jardiniers, de paysans, de bricoleurs, de scouts, de moitié-fadas et de misanthropes. Montée en briques, bricolée de planches non équarries, en tôle ondulée, en branchages, en terre crue chez nos voisins du pays de Gaure et, à Lectoure, bâtie dans les règles de l’art maçon, de belle pierre de taille dorée, au profil dissymétrique, chapeautée de tuiles canal bien ordonnées, modèle réduit de la grange fermière gasconne traditionnelle, ou fignolée façon petite folie kitch, la "campagne" d’un bourgeois en manque d’espace et de lumière derrière les remparts et respectant religieusement la cérémonie du pique-nique du dimanche, quand le vin, le fromage et les pêches au sirop étaient descendus au frais, sous un linge, dans un panier au fond du puits.
Mais aujourd’hui on ne pique-nique plus à
Attention, des cabanes on en voit encore. Chez Casto, y a tout ce qu’il faut. En kit. On peut même vous la livrer toute assemblée. Option Massachusetts ou Caraïbes, en douglas de Scandinavie. Garantie étanchéité. Ces chalets et autres HLL se cachent au fond des jardinets de ville, oui, sympas je ne dis pas, qui cependant ne font pas partie du paysage et en tout cas ne sont accueillants ni aux poètes en goguette ni aux oiseaux de nuit.
Et puis, il y a LA cabane d’aujourd’hui, cabane dans les arbres, yourte, bungalow d’architecte, éco-lodge, maison du Hobbit… Des merveilles je le reconnais, mais à quel prix et pour quel usage : soirée spa en amoureux, anniversaire de mariage, expérience exotique, au moins une fois dans sa vie… Aujourd’hui, la cabane de mon enfance s’appelle « hébergement insolite » ! Insolite, insolite ?...
Non j’insiste, la petite cabane d’autrefois disparaît de notre environnement. Victime du changement de notre mode de vie, de l’inexorable avancée de la ville, victime du temps qui n’est plus que de l’argent. Comme disparaissent d’autres plaisirs gratuits, marcher pieds nus dans les champs et les sous bois, grimper dans les cerisiers du voisin au retour de l’école, se baigner impromptu. Rideau.
La cabane est aujourd’hui objet de musée. Ou décor de cinéma : celle de Les enfants du marais pour les bons sentiments, celle du garde forestier de Lady Chaterley pour la sensualité, et puis la préférée des enfants que nous sommes restés au fond, la cabane de la bande à Petit Gibus.
« Ils réaliseraient leur volonté : leur personnalité naissait de cet acte fait par eux et pour eux. Ils auraient une maison, un palais, une forteresse, un temple, un panthéon, où ils seraient chez eux, où les parents, le maître d’école et le curé, grands contre-carreurs de projets, ne mettraient pas le nez, où ils pourraient faire en toute tranquillité ce qu’on leur défendait à l’église, en classe et dans la famille, savoir : se tenir mal, se mettre pieds nus ou en manches de chemise, ou « à poil », allumer du feu, faire cuire des pommes de terre, fumer de la viorne et surtout cacher les boutons et les armes.»
Louis PERGAUD. La guerre des boutons.
- C’est décidé. Je vais construire une cabane.
- Et pour quoi faire, Alinéas ? Mais t’es trop vieux !
- Raison de plus. Il n’est jamais trop tard pour faire une petite folie.
ALINEAS
Crédit :
- Image tirée du film d'Yves Robert La guerre des boutons.
- Photos M. Salanié