Chemin de Compostelle - GR 65 - Une arrivée à Lectoure sécurisée

Publié le 11 Août 2017

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La discrétion du chemin me ravit. Pendant tout un mois, parcourant la France, je me suis abstenu de troubler l’existence des lieux et des êtres que je longeais. Je me gardais de manifester d’une quelconque façon ma venue. La petite fille de la ferme achevait ses devoirs comme si rien ne se produisait et le père de famille mettait un peu d’ordre dans son atelier. Néanmoins ils n’avaient pas besoin de lever la tête pour remarquer le sillage d’un passant silencieux.

J’ai cru avoir affaire à une manifestation de l’éternité : non point parce que les choses se seraient immobilisées pour toujours (libre à elles de s’ébrouer au soleil ou sous la pluie) mais parce que je demeurais leur spectateur attentif, tout au bonheur qu’elles soient là comme elles l’entendaient. Et si un léger tremblement les affectait, c’est parce qu’une lumière venue de leur dedans les faisait vaciller sans entamer leur disponibilité.
Sur une route, quelle que fût ma discrétion, j’aurais dérangé, j’aurais introduit un début de tumulte.

Pierre Sansot – Chemins au vent

 

 

 

 

Rendre le

 

chemin à la terre

 

Ce n’est pas compliqué, il y a deux sortes de chemins, les petits et les grands. Oui je sais, trop schématique alors que chaque chemin est un monde à lui tout seul, mais suivons pour la démonstration le balisage de la Fédération Française de Randonnée Pédestre, PR et GR.

 

Les chemins de la première sorte, qui modestement flânent ou font un petit tour à proximité de nos villes et de nos villages, empruntent parfois un bout de route, par nécessité ou par facilité. La cohabitation n’est pas toujours désagréable d’ailleurs, certaines routes ayant du charme et tout un tas de choses à dire et à montrer. Mais on n’y marche pas de la même façon. Alors, dès qu’il le pourra, le chemin quittera la route. Chacun reprenant son indépendance. Et sa fonction.

 

Une sous-catégorie de petits chemins, mes préférés, sans exclusive, fuient totalement la compagnie des voies officielles. Chemins noirs, chemins buissonniers, chemins de traverse et de contrebandiers. Ils se tiennent soigneusement à l’écart et sont rebelles à l’application des règles de la circulation. S’il est inévitable d’intersectionner, ce sera perpendiculairement et furtivement, évitant tout échange social qui romprait le plaisir secret, voire égoïste.

 

Les chemins de la deuxième sorte eux, les grands, ont d’autres impératifs: aller d’un point à un autre, généralement dans un temps imparti, en ménageant l’organisme qui doit tenir la distance. On ne plaisante plus. Et si de temps en temps, pour passer un obstacle, le chemin de grande randonnée est conduit à superposer son tracé sur celui d’une route, ce sera pour la bonne cause : aboutir. Pas question de tournicoter. Marcher le plus directement possible vers le but fixé.

C’est d’ailleurs le sens du mot pèlerin, pérégrin : du latin per agri, à travers champs. Car le pèlerin des premiers temps, marchait vers Jérusalem ou Rome à l’orientation, en s’affranchissant des routes existantes. Traversant les campagnes, il était reconnu en tant que pénitent, et non pas voyageur patenté sur les chemins officiels de ville à ville. Crotté, fatigué, estropié, habillé et parlant étrangement il était évidemment repéré de loin. Sous ses pas innombrables, la terre est devenue chemin.

 

Certains ont dû faire le décompte, le GR 65 puisqu’il s’agit de lui ici, emprunte un certain nombre de kilomètres de routes, en France et plus encore nous a-t-on dit en Espagne. Historiquement d’ailleurs, ce sont parfois les routes qui se sont installées sur les chemins préexistants. La loi du plus fort... ou encore, autres temps, autres moteurs.

 

Ce qui compte par conséquent pour un GR, c’est la bonne direction. A notre époque, le balisage et le GPS ont remplacé le sens de l’orientation. Je raconte souvent cette histoire du pèlerin passant devant la Mouline (on les repère quasiment à coup sûr) remontant vers le Nord, depuis Lectoure vers Castet-Arrouy.

 

  • Ohhh, Ohhh ! Vous vous trompez, Saint Jacques c’est par là, lui dis-je, de loin, en désignant l’Ouest.

  • Ach non, me répond-il avec un fort accent allemand, moi ché refiens.

 

Hambourg-Compostelle-Hambourg. Bon,bon, respect !

 

N’étant ni pèlerins ni grands marcheurs, nous ne sommes pas compétents pour porter un jugement sur le tracé du chemin, sauf bien sûr autour de chez nous. J’ai d’ailleurs dit dans mon tout premier alinéa de la rubrique "Chemins" ce que je pensais du détour inutile imposé au GR dans la zone industrielle de Lectoure et de l’intérêt d’emprunter tout simplement la rue Nationale. Ce qui fut décidé. Autrement dit, il est des routes qui valent la peine, a fortiori si ce sont des raccourcis.

 

Et j’arrive ainsi, pas à pas, à notre tout petit bout de (grand) chemin.

 

Saint Jacques et Saint Michel

 

font un bout de chemin

 

ensemble

 

Le 6 décembre dernier, la Mouline de Belin et le Conseil Départemental du Gers ont signé une convention de passage du chemin de grande randonnée (GR) n°65 sur les terrains, propriété de la maison d'hôte, longeant le chemin de la Fontaine Saint Michel depuis le débouché à hauteur de Brescon jusqu'au ruisseau descendant du Couloumé, à 100 mètres du cimetière Saint Gervais. Soit environ 800 mètres de chemin piétonnier.

 

 

 

 

Ce projet, rendre le chemin à la terre, était envisagé depuis longtemps. Nous tenions à contribuer à la sécurisation de nos abords (ce qui n'empêchera pas notre souhait et celui de nos voisins immédiats de voir également la Municipalité limiter la vitesse vraiment exagérée de certains, riverains compris, sur cette voie étroite). Le chemin est réservé aux piétons, vététistes et cavaliers. 

Le Conseil Départemental a répondu très efficacement à notre attente en prenant en charge le balisage et l'entretien de ce tronçon, comme il le fait à différents endroits des chemins de grande randonnée du département, publics ou privés, et en outre ici, en installant un espace pique-nique.  La Commune a de son côté participé en mettant ses moyens techniques en œuvre pour les travaux de terrassement.

 

Nous avions depuis plusieurs années, en prévision, engagé un programme de plantations d'arbres et de végétaux que nous intensifions. Ce chemin est pour nous l'occasion de recréer un rideau végétal qui limite dès aujourd'hui le ruissellement et l'érosion, qui abritera rapidement la faune et enfin, s'inscrira progressivement et durablement dans le paysage. Nous pensons que ce second résultat, écologique et environnemental, est un devoir qui nous incombe vis-à-vis des générations futures.

 

 

 

 

Le coin pique-nique que nous avons suggéré est installé dans un espace ombragé et bénéficie d'un point de vue incomparable sur notre ville. Il est certain que ce cadre illustrera demain nombre d'albums photos-souvenir et de sites internet jacquaires et participera ainsi au développement de la bonne impression que laissera Lectoure dans les mémoires de ces marcheurs. Rappelons que l'on estime à 15 000 le nombre de pèlerins de Saint-Jacques sur cette voie principale, Le Puy-en-Velay – Saint-Jean-Pied-de-Port, du pèlerinage chrétien. Le GR est évidemment emprunté également par nombre de randonneurs au long cours ou à la journée, en individuel ou en groupe.

Enfin, nous sommes vraiment très heureux de voir les promeneurs Lectourois profiter de cet aménagement. A leur intention toute particulière, nous maintenons l'autorisation de passage dans notre bois pour rejoindre à 200 mètres à l'ouest le GR de Pays "Tour de Gascogne" pour redescendre en direction de Lafont-chaude permettant ainsi de faire, au pied de la ville, une petite boucle quasiment intégralement champêtre.

 

S'il est évidemment un élément de notre Histoire locale et plus globalement de celle du monde occidental, inscrit pour sa section de Lectoure à Condom au patrimoine de l'UNESCO, le chemin de Compostelle n'est pas une pièce de musée ou un monument en péril. Bien au contraire, il vit et fait partie de la vraie vie de milliers de personnes, qui y passent ou qui en rêvent, qui préparent leur voyage plusieurs mois à l'avance et qui en parlent encore des années après au sein de leurs familles, de leurs cercles d'amis et dans leurs entreprises. Un chemin en vacances qui vaut bien les plages de sable, la tour Eiffel, le farniente, la Nationale 7, les tropiques...

 

 

Le GR sait ce qu'il doit au pèlerinage jacquaire. Heureusement, aujourd'hui, la pénitence a laissé la place à l'espérance et à la foi sereine. Pèlerins, individus en réflexion ou simples randonneurs, les uns et les autres avancent côte à côte. Ils découvrent notre région à la vitesse de nos anciens. La vitesse de la sagesse.

Pour Lectoure, et pour la Mouline de Belin, le chemin de Saint-Jacques est à la fois, destination, refuge, découverte en passant ou nouveau départ. Joli plan de marche, non ?

Bon chemin !

                                                              ALINEAS

 

Nous dédions cet alinéa à trois jacquets qui nous sont très chers : Chantal, Geneviève et Bernard.

Un petit salut amical également à nos amis vendéens, à Nadine et Patrice, Monique et René, Catherine et Jean-Michel, Marie et Jean-Jacques, Marcel de Bretagne et nos nombreux hôtes marcheurs, pèlerins et vacanciers. Nous parlons de vous souvent; vous nous avez offert nos tables d’hôte les plus chaleureuses et vos départs au petit matin les plus émouvants.

 

Photos: M. Salanié, Google map.

 

 

 

Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Chemins

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