Les Pyrénées vues depuis Lectoure

Publié le 22 Février 2022

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Depuis l'esplanade du Bastion, à l'origine ouvrage militaire comme son nom l'indique, remblayé et civilisé à coups de brouettes et de seaux au 18ième siècle par le petit peuple lectourois réquisitionné, donnant à ce grand vaisseau qu'est Lectoure une sorte de gaillard d'arrière, la chaîne des Pyrénées est un merveilleux décor, une terre lointaine à bâbord, un éternel Eldorado. Décor cependant capricieux, car il n’apparaît qu'à certaines conditions atmosphériques. Nous évitons de promettre ce spectacle à nos visiteurs qui pourraient n'y trouver, une fois parvenus devant la table d'orientation, heureusement témoignant de notre bonne foi, qu'un pâle horizon gris-bleu chapeautant les coteaux de Gascogne, panorama charmant certes, mais " rien d'extraordinaire ! ", au mieux un beau théâtre d'ombres chinoises.  Et le lectourois qui ne connaît pas sa chance, ne pense pas toujours à sortir de son étroit carrelot, de sa rue trop Nationale ou de sa profonde vallée des Ruisseaux pour aller y voir lorsque que cela le mériterait. Sans compter que le dicton prévoit que les jours de grand spectacle annoncent la pluie à court terme...

Le géologue est moins romanesque et moins paroissial. Il situe l'évènement colossal de la naissance de la chaîne montagneuse entre 50 et 15 millions d'années, précision toute relative, qui refoule l'océan à la place que nous lui connaissons, le golfe de Lectoure - une appellation tout à fait scientifique et non pas une gasconnade de blogueur - devenant in fine le golfe de Gascogne. Un pays est né, lové dans l'arc garonnais, montagne, fleuve et océan se partageant les apports de sédiments qui feront sa richesse et ses multiples visages, d'est en ouest et du sud au nord, des terres à céréales lomagnoles jusques aux landes, des pâturages béarnais jusqu'aux géométriques alignements potagers et fruitiers du bas-pays.

Le poète Saint-Clarais Jean-Géraud d'Astros lui, et bien qu'écclésiastique, faisant partie de cette génération d'intellectuels de la Renaissance qui a cru ou voulu voir un ancêtre grec au gascon, sans doute pour s'affranchir du romain par trop envahissant et s'identifier au peuple soumis mais à jamais glorieux, situe dans la montagne le berceau de la race.

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Episode de la mythologie grecque, les douze travaux d’Héraclès, fils de Zeus devenu Hercule chez ces copieurs de romains, ne comptent pas ce treizième exploit : l'érection d'un tombeau gigantesque en hommage à une belle éplorée.

Pyrène était la fille du roi des Bekrydes, peuple installé sur la côte languedocienne de la mer Méditerranée. Revenant de l'extrémité du monde connu après l'un de ses exploits, Hercule vint à passer par-là et le roi l'invita à sa table. Pyrène tomba amoureuse du bel athlète. Les deux jeunes gens passèrent quelques semaines idylliques sur les coteaux dominant la belle bleue, rêvant, comme tous les amoureux du monde, d'un avenir généreux : « Tu pourrais devenir berger et nous aurions le plus beau troupeau du pays » lui dit-elle. Mais l'étranger avait fort à faire. Le passage d'un vol d'oies sauvages le rappela au souvenir de son pays et il partit. Pyrène le chercha, se lamenta, hurlant désespérément dans la direction prise par Hercule. Pris de remords, celui-ci revint, mais trop tard. Pyrène était morte, de chagrin ou des blessures infligées par les bêtes sauvages, les récits varient sur ce point. Fou de douleur, Hercule fit un tombeau de fleurs et de feuilles à la belle martyre dans le secret de quelque vallée qui avait abrité leurs ébats. Et tout le temps que dura sa tristesse, il empila les rochers tout autour, donnant naissance aux montagnes qui portent depuis le nom de l'éternelle aimée.

Une légende joliment mise en image par notre Lactorate illustrateur, Pertuzé, qui aimait tant et pratiquait la montagne.

Les historiens s'accordent à considérer que le mot Pyrénées a bien une étymologie grecque. Par ailleurs, des comptoirs hellènes ont existé sur la côte languedocienne et sont toujours fouillés et étudiés sur la base d'infimes vestiges où il faut faire la part du grec et du romain, de l'hypothèse et de la preuve, d'Agde à Empúries en Espagne, Collioure et Port-Vendres (Port Vénus...) étant parmi les candidats à l'identification du site de Pyrène, port d'entrée du monde antique en Gaule. Migration, commerce, conquête...

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Port-Vendres

Après cet épisode originel, notre montagne se voit attribuer par les historiens et les gouvernants de part et d'autre, une fonction de frontière à laquelle la prédestinait son profil allongé de la Méditerranée à l'Atlantique. Il fallut attendre le traité de 1659 signé entre Louis XIV et Felipe IV, roi des Espagnes, un pluriel englobant le Portugal, les Amériques, les Indes, la Sicile, les Pays-bas... donnant à cet outre-monts une profondeur aventureuse et dorée. « Les monts Pyrénées qui avaient anciennement divisé les Gaules des Espagnes seront aussi dorénavant la division des deux mêmes royaumes ». Le tracé de la frontière sur le terrain étant peu envisageable, on transigea sur la formule approximative « la crête des montagnes qui forment les versants des eaux », en s'accordant toutefois, heureusement pour nos fromages, sur le maintien des coutumes de pacage, "lies et passeries" pratiquées par les communautés paysannes installées à cheval sur le tracé théorique et aujourd'hui pointillé sur notre Géoportail national. Car il faut aussi dire l'histoire des peuples montagnards, basques, béarnais, andorrans, catalans... et leurs voisins des versants sud, dont les modes de vie sont relativement heureusement préservés grâce à l'isolement et l'altitude.

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Estive au pic d'Arlet

 

Mais l'herbe étant toujours plus verte ailleurs, cela n'a pas empêché les intrusions dans un sens et dans l'autre. Les Wisigoths abandonnaient leur royaume de Toulouse, y compris leur cantonnement de Lectoure, pour aller se sédentariser en Ibérie. Les Vascons les remplaçaient avant que les Francs et les Ostrogoths ne les repoussent dans leur repaire d'Euskadi, d'où ils infligèrent un cinglant Roncevaux à l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne, le nom de Gascogne persistant toutefois de ce côté-ci. Les Sarrasins ayant conquis Al-Andalus ne virent pas dans les Pyrénées un obstacle à poursuivre leur fantastique djihad. Enfin, les royaumes de Catalogne, Aragon et Navarre essaieront un temps, de concilier les versants nord et sud. avant que le traité signé par Louis et Philippe sur l'île des Faisans, située à l'embouchure de la rivière Bidassoa, à l'extrémité occidentale du massif, n'officialise la partition de l'isthme hispanique.   

Je ne saurais oublier dans ce travelling historique notre maréchal statufié non loin du panorama pyrénéen mais lui tournant le dos pour regarder vers son futur tragique. Engagé le 20 juin 1792, en même temps que ses compatriotes Banel, Lagrange, Laterrade, Soulès... Jean Lannes a quitté Lectoure pour rejoindre le 2ième bataillon des Volontaires du Gers. La guerre dite du Roussillon voit la jeune République française résister à la coalition des forces espagnole, portugaise et anglaise. Blessé une première fois à Banyuls, Lannes fit dans les Pyrénées preuve d'exceptionnelles qualités de commandement qui lui ont valu sa rapide promotion.

On regrettera peut-être la superficialité de ces raccourcis. Le principe du carnet d'alinéas voulant que l'on ne s'éloigne pas trop de Lectoure. Mais à deux heures de route, il y aurait tant à raconter. Les Pyrénées sont une riche chronique où se côtoient l'homme de Niaux (Magdalénien, 13 000 ans), le gallo-romain de Lugdunum Convenarum (Saint-Bertrand-de-Comminges), le "parfait" cathare de Quéribus, le pèlerin de Saint-Jacques montant depuis Saint-Jean-Pied-de-Port vers Roncevaux pour basculer vers Pampelune, et la petite Bernadette agenouillée devant la grotte de Massabielle, traduire "la vieille roche" on y revient, à Lourdes, mondialement vénérée.

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Enfin, on peut aussi vouloir oublier mythologie, religions, faits de guerre et autres nationalismes. Aujourd'hui, une simple balade dans les Pyrénées offre au citadin bordelais ou toulousain, et au Lectourois qui veut excursionner au cœur du paysage qui lui sert d'horizon les jours de grand clair, un plein d'énergie et un moment de sérénité. S'il est difficile de nos jours de randonner, y compris dans nos campagnes, sans se frotter désagréablement à quelque zone, pavillonnaire ou industrielle, sans longer une route nationale voire une autoroute ou quelque cheminée démesurée, après avoir été passage migratoire, commercial ou guerrier, les chemins de Pyrène semblent pouvoir nous conduire, s'il le fallait, au dernier refuge.

                                                                        Alinéas

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Le village de Boutx, dans le Comminges.

 

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Pour les amoureux des vues de Lectoure sur fond de Pyrénées, nous recommandons vivement les photos grand format, tirage papier à encadrer ou plaque prête à accrocher, de Damien Leroy, photographe rue Nationale.

Courriel : studio.leroy@orange.fr

Tél. 05 62 68 82 83.

 

ILLUSTRATIONS :

- Couverture de l'album de Pertuzé, Pyrène, Ed. Loubatières

Pertuzé a également illustré les 4 volumes des Chants de Pyrène 1981-1984 Ed. Loubatières.

- Carte postale de Port-Vendres, collection particulière

- Photos  Monts enneigés, Estive au Pic d'Arlet, Boutx © Michel Salanié

- Post scriptum, Lectoure sur fond de Pyrénées © Studio Leroy 

Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Chemins

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K
merci pour cette balade pyrénéenne, où j'ai fait connaissance avec Pyrène, et toutes ces légendes et faits historiques. J'apprends toujours avec tes alinéas. Bises.
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