botanique

Publié le 4 Décembre 2020

permaculture Vertumne et pomone l'orme et la vigne

Je ne vous ferai pas une leçon de permaculture. Nous n'en sommes qu'au b.a.-ba de la méthode et d'autres vous en parleront mieux que moi : voir notre choix de documentation ci-dessous.

Après dix ans de jardinage classique, beaucoup d'effort, quelques belles récoltes mais trop d'échecs ou de déceptions, au potager, je cède la place à ma maîtresse d'hôtes, qui troque son tablier de ménagère pour les bottes et a décidé, au passage, de changer de technique. Serait-ce un désaveu ? Je lui transmets toutefois un jardin mis en place, la connaissance d'une terre riche mais lourde, l'expérience du climat gascon c'est à dire imprévisible, et en cours de réchauffement mais ça c'est général. Et comme je suis bon garçon, je veux bien continuer à pousser la brouette.

Je vois d'ici les sourires de mes amis et voisins : ça y est, Alinéas s'est fait bobo-iser !

Non, je ne vous donnerai pas de leçon. Je vais plutôt vous raconter la légende de Vertumne et Pomone. Dont le portrait coiffe cet alinéa. Chez les Etrusques, à Pompéï, puis à Rome, Vertumne est le dieu des saisons. Il veille à la fécondité de la terre, à la germination des plantes, à leur floraison et à la maturation des fruits. Il a pris ici, les traits d'une vieille femme pour approcher la nymphe Pomone, créature à la beauté remarquable nous dit-on. Ce qui explique le regard en biais et insistant que le dieu pose, malgré son déguisement, sur le décolleté généreux de la demoiselle. La mythologie n’empêche pas le sentiment. Outre son physique, Pomone est une jardinière hors pair mais elle n'aime pas la nature sauvage. Son jardin est clos de hauts murs et elle chasse sans répit de sa petite serpe, les mauvaises herbes, les intrus et la végétation non autorisés. " Quelque chose comme un jardin à la française quoi ! " Cette préférence pour l'ordre explique également que Pomone refuse les avances de tous ses soupirants venus de la campagne environnante, trop rustiques à son goût, les satyres, les faunes, Silène, Pan et Sylvanus, dieu de la forêt lui-même. Mais Vertumne lui, ne renonce pas. Il se déguisera en laboureur au printemps, en moissonneur en été, en vendangeur à l'automne, puis, tirant la leçon de ces refus, en vieille femme en hiver. Une assiduité des quatre saisons... Et Pomone finira par prendre la vieille en affection. Eh oui ! une grand-mère c'est plein de prévenances, et puis il y a les recettes de confiture, les confidences, les remèdes... Après cette approche astucieuse, Vertumne, avouant sa ruse, en profitera pour faire l'article à son propre bénéfice et proposera de prendre les traits d'un bel homme. Bien sûr Pomone tentera l'expérience et succombera enfin. Il paraît que Vertumne et Pomone vivent ensemble éternellement ce qui est assez rare chez les dieux. Ils vivent heureux dans un jardin généreux et authentique, ouvert sur la campagne environnante, féconde et bienfaisante.

Le rapport avec la permaculture me direz-vous ? Outre l'histoire d'amour, éternel recommencement, comme la nature, la morale de l'histoire apparaît dans le conseil que le dieu des saisons dispense à la jardinière : "Regarde cet orme Pomone, vois la vigne plantée à son pied qui grimpe à l'arbre et donne ces grappes magnifiques*. L'arbre sans la vigne ne porte que des feuilles. La vigne sans l'arbre serait couchée et improductive. Dans la nature les plantes s'entraident". La devise énoncée par le philosophe Erasme à propos du compagnonnage, "non solus, pas seul pour progresser, pas seul pour fructifier",  s'appliquant aussi aux végétaux. 

permaculture l'orme et la vigne

 

L'histoire est donc vieille comme le monde. La complémentarité entre nature sauvage et plantes domestiquées pourrait parfaitement illustrer l'agroforesterie qui est la cousine de la permaculture. Celle-ci va au-delà des techniques de culture arboricole ou viticole mais le raisonnement est bien le même : favoriser les phénomènes naturels qui concourent à la production vivrière, en autonomie et sans appauvrir la terre nourricière, en la protégeant, mieux en l'enrichissant durablement.

Les principes de la permaculture ont été pratiqués et énoncés par le japonais Masanobu Fukuoka puis théorisés par différents auteurs et praticiens pendant les années 1970, dans la mouvance de l'écologie, de l'agriculture biologique et des modes de vie alternatifs, pour essaimer ensuite partout, dans les pays développés puis dans toutes les régions du monde. Permanent agriculture in english devenu le mot-valise permaculture, en anglais et en français itou. Autrement dit : agriculture durable, opposé à une agriculture jetable, à courte vue. Oui bien sûr, il y a là une contestation du système et de l'agriculture productiviste, voire une position politique très catégorique. Je vous rassure, je ne suis pas encarté et je me méfie des ayatollahs, toutes religions confondues. Cependant, vous comme moi je pense, nous sommes progressivement convaincus que l'agriculture intensive posait de sérieux problèmes. Vaste sujet. Pour rester à notre modeste niveau de jardiniers amateurs, nous n'avons jamais utilisé les pesticides, proximité du Rucher de Lectoure oblige. Nous avons installé des haies vives tout au long du chemin de Saint-Jacques, replanté des arbres au bord du ruisseau qui était tondu à raz les violettes tous les ans, demandé et obtenu une culture de luzerne biologique à l'exploitant des parcelles mitoyennes. Nous avons testé l'extrait de sureau pour lutter contre les campagnols, sans grand succès cependant mais peut être faut-il chercher le bon dosage, le bon moment, bref de l'obstination, la qualité première du jardinier. Nous conservons nos déchets afin de produire du compost...

- Eh pardí Mossu, tout ça, nos grands-mères le faisaient déjà !!!

Oui, c'est vrai, nos grands-mères, les jardins de curé, les enclos médiévaux, les simples... Mais dans l'intervalle, nous avons eu tendance à oublier ces bons principes d'autonomie et de pratiques naturelles. Acheter des graviers en sachet, des piquets et des films en plastique fluo, toutes sortes d'accessoires et de produits du marketing, sprays, claustras, station météo connectée... les jardineries en amont, les déchetteries en aval, notre jardin est devenu petit à petit un pion sur l'échiquier du commerce, une cible pour la publicité, et à son tour un consommateur très courtisé ! C'est le monde à l'envers. Alors Vertumne, que faire ? 

 

permaculture  paillage manasobu fukuoka

Le principe de permaculture qui m'est apparu le plus intéressant est la couverture de la terre, le paillage. Et je m'aperçois en vous écrivant, que je rejoins en cela la maître Fukuoka : " ...répandre de la paille... est le fondement de ma méthode pour faire pousser le riz et les céréales d'hiver. C'est en relation avec tout, avec la fertilité, la germination, les mauvaises herbes, la protection contre les moineaux , l'irrigation. Concrètement et théoriquement, l'utilisation de la paille en agriculture est un point crucial". Pas de riz en Lomagne, ma perma-jardinière me fit donc avec nos légumes bien de chez nous, la démonstration de l'intérêt du paillage dès la première année en obtenant d'assez bons résultats, modestes mais encourageants, là où avant elle, j’échouais, au cœur de l'été en particulier : oignons, salades, courges, blettes, betteraves... Avec un arrosage beaucoup plus espacé que le mien.

permaculture blette betterave roquette
Blette, betterave et roquette pour nos premiers essais de paillage.

 

Il faut dire que notre terre est difficile. Argilo-calcaire, elle est lourde et capricieuse. Amoureuse en hiver, un kilo de boue collé à l'outil et autant à chaque botte, on dirait un sketch télé d'Intervilles. Et en été, l'amoureuse est plutôt revêche. Insensible à nos avances, c'est du béton. Si par malheur l'averse orageuse est violente, vous imaginez la suite de l'épisode, en contre-bas dans la vallée... Le paillage m'a donc convaincu. La terre est souple sous le couvert. Il retient les arrosages pendant plusieurs jours. En se décomposant progressivement, il modifie la texture du sol. Je sais, la paille ne pousse pas toute seule mais on peut aussi composer son propre paillage avec les déchets végétaux. Le permaculteur garde tout. Cela demande une organisation et de la patience. Armons-nous.

Ce que je n'ai pas aimé dans les ouvrages de vulgarisation qui foisonnent et que nous avons consultés, c'est l'image d'un jardinage qui serait facile, "paresseux" s'enorgueillit l'un d'eux, parce que sans labour et désherbage. Il faut tout de suite couper court à cette légende. La permaculture demande un investissement de tous les jours. Une fois notre terre enrichie, assouplie, protégée, les plantations et semis pourront trouver leur place, en entrebâillant le couvert. Dès lors la comparaison de la technique du paillage avec l'écosystème forestier apparaît très juste : drainé et protégé du froid l'hiver, humide et frais l'été. Vertumne avait raison.

 

permaculture BRF fumier cendre
BRF (bois raméal fragmenté), fumier et cendre.

Une fois la terre enrichie et protégée, le reste de la méthode peut se résumer à un accompagnement attentif et à des interventions en douceur : apports de compléments, traitements au moyen d'extraits de prêle et d'ortie, aération du sol à la grelinette, cet outil si simple et magique à la fois qui évite de retourner la terre, ce qui, faisant passer en surface et détruisant de ce fait les micro-organismes vivant normalement en profondeur, appauvrit et alourdit progressivement le substrat. En outre la grelinette est un outil ergonomique, qui ne demande pas d'effort à nos lombaires et réduit considérablement le champ d'intervention de la bêche et du motoculteur, s'il ne les fait pas disparaître totalement de la panoplie. La permaculture n'aurait-elle pas une petite connotation féministe ? De ce point de vue, ça m'arrange.

permaculture grelinette motoculteur bèche
La grelinette en action

 

Je ne vous dirai rien sur les aspects plus intellectuels, mais non moins intéressants, de la permaculture : philosophie, choix de vie, éthique... Ce serait prétentieux, peut être ennuyeux et quelque peu impudique. Il nous faudra un longue pratique pour prétendre à cette hauteur de vue. Si les dieux de la nature nous prêtent vie.

                                                                                 Alinéas

 

POST-SCRIPTUM

Nous redisons à nos parents, amis, et voisins que nous n'avons aucun conseil à leur donner. Leurs jardins sont magnifiques. Ils appliquent certains des principes que nous évoquons, permacultivant ainsi depuis longtemps comme le faisait monsieur Jourdain, sans le savoir. Vous nous avez appris beaucoup. Vous nous avez approvisionnés en fruits et légumes lorsque notre table d'hôtes était gourmande. Certains allant même jusqu'à équeuter les haricots verts avant de nous les déposer discrètement ! C'est ça aussi la permaculture : le partage. Nous vous devons l'envie de nous y consacrer à notre tour. Adishatz.

* A PROPOS DE L'ORME ET LA VIGNE :

L'orme, ce bel arbre disparu à la fin du 20ième siècle, a effectivement servi de tuteur à la vigne.

"La chose est fréquente en Gascogne. Au 16ième siècle, [le lectourois] Pey de Garros en fait état dans sa deuxième Eglogue:

Je ne taillerai plus les sarments de la vigne

Mariée à nos ormeaux...

Sous l'ancien régime, dans la région de Simorre (Gers), les vignes étaient dites "en respaliers" ou "en espallières". Ce procédé de culture consistait à planter en sillon des érables, des ormes ou des cerisiers à trois mètres environ dans tous les sens. On les taillait après les avoir étêtés à 2,50 m du sol. Au pied de chacun d'eux, l'on plantait un cep de vigne dont les sarments étaient plus tard attachés aux branches de l'arbre son voisin".

Henri POLGE, L'ormeau au village, 1976.

La technique est toujours utilisée, en Italie en particulier et joliment nommée : Vite maritata, vigne mariée.

 

SOURCES et DOCUMENTATION :

- La permaculture mois par mois, Catherine DELVAUX, ed. Ulmer.

https://www.editions-ulmer.fr/editions-ulmer/la-permaculture-mois-par-mois-739-cl.htm

la permaculture mois par mois catherine Delvaux

- Wikipédia  https://fr.wikipedia.org/wiki/Permaculture

 

ILLUSTRATIONS :

- Vertumne et Pomone, Paulus Moreelse 1625-1630, Musée Boijmans Van Beuningen Rotterdam.

- Non solus, cartouche d'un imprimeur hollandais du 18ième siècle éditeur d'Erasme, Spuistraat à Amsterdam, © Alf van Beem, Wikipedia Commons

- Photos © Michel Salanié

- Vigne dressée, © Domaine viticole Drengot.

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Rédigé par ALINEAS

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Publié le 16 Octobre 2020

noix noyer huile de noix jupiter quercy périgord Oméga-3

Le noyer a traversé l'histoire de la science botanique dans une tempête de reproches. La faute à son ombre supposée néfaste, il fut accusé pendant des siècles de tous les maux et des plus fantaisistes. Mais heureusement, la richesse de son fruit, à l'abri dans cette fameuse coquille, naviguant contre les vents et marées de l'ignorance des temps, l'a conduit à bon port, disons-le, à bon goût.

Juglans regia selon la nomenclature de Linné. Contraction de Juvis glans, le nom botanique du noyer commun européen veut dire : royal gland de Jupiter ! Non, il ne nous a pas été livré par les romains, même si ceux-ci ont évidemment développé sa culture dans le sillage de leurs conquêtes. Charlemagne en ayant remis une couche. Apparu aux temps antédiluviens en Asie, le noyer est présent en Europe depuis plusieurs dizaines de milliers d'années. Figurez-vous que l'on traque son chemin migratoire, depuis la Tartarie jusqu'en Suisse, par l'étude de l'ADN de pollen fossilisé! En Europe du sud, le noyer aurait résisté à la dernière glaciation, il y a plus de 10 000 ans. Un vieux de la vieille. Alors, d'où nous vient ce fringant Jupiter-là ?

 

Juglans regia gland de Jupiter noyer commun

Le dictionnaire en ligne Wikipédia me paraît bien prude en supposant que la référence au dieu des dieux s'explique par la comparaison de la richesse nutritive du fruit, digne des tables les plus huppées, avec celle du pauvre gland de chêne, juste bon à donner aux paysans et aux cochons. Mais en réalité et plus imagé, chacun aura remarqué la proximité du fruit dans son écale verte (épicarpe ou brou) avec un bel appareil masculin. Deux autres noms communs du noyer dans différentes régions militent pour le même parti, si j'ose dire : calottier et gojeutier. Je vous passe les hypothèses de relation avec nux gallia, noix gauloise en latin, dont "gaillardise" découlerait. Pour faire le tour du sujet, sensible, dans sa très documentée thèse de Doctorat (voir nos références ci-dessous), sous la direction du célèbre Michel Pastoureau, Pauline Leplongeon précise que l'allusion ne s'arrêtera pas à la nomenclature de la science botanique : " Au Moyen Âge et à la Renaissance, cette idée de fertilité perdure dans le domaine de la parémiologie, où la noix se détache du monde divin pour entrer dans celui de la grivoiserie. Ainsi, Rose M. Bilder, dans son Dictionnaire érotique : ancien français, moyen français, Renaissance, recense un certain nombre d’expressions utilisant la noix pour faire référence à l’acte sexuel. On compte ainsi «batre noix», «abatre noix», «casser noix» qui signifient faire l’amour, de même que «croistre les noix», «croquer la noix» ou, plus éloquent encore «secouer les noix». Dans le même ordre d’idée, «batre noix ailleurs» veut dire être infidèle, «le goût de la noix» exprime le plaisir que donne une chose agréable, chose plus précisément définie par l’expression «perdre le goust de la noix» qui insinue qu’on n’est plus intéressé par une femme. Enfin, «avoir escaillé noix» signifie avoir de l’expérience, dans le domaine du jeu amoureux il va sans dire". Et Jupiter avait une sacrée expérience, paraît-il.

Il était de coutume autrefois, dit-on, de lancer des noix lors des noces, en guise de bon augure. Un auteur du IVème siècle prétend qu'il s'agit plutôt de couvrir les cris de la jeune épousée, les noix en tombant faisant suffisamment de bruit pour convenir à cette tache... Il y a des MeToo qui se perdent.

cerneau de noix

Pour repasser au-dessus de la ceinture, selon la théorie des signatures qui veut que les qualités d'une plante se devinent à son apparence, ses partisans considéraient que la graine comestible, le cerneau, ressemblant à un cerveau, sa consommation était bonne pour les méninges. Nos anciens ont peut-être eu ici, plus de chance dans l'approche, car les qualités nutritives et médicinales de la noix se révèlent effectivement scientifiquement aujourd'hui, précieuses pour tous les Junon et Jupiter que nous sommes, vous et moi. Particulièrement riche en acides gras polyinsaturés dont les très recommandés oméga-3, la consommation de noix permet de diminuer le cholestérol, favorise l'élasticité des vaisseaux sanguins prévenant ainsi des maladies coronariennes. La noix contient également des antioxydants (pour vieillir mieux, si ce n'est pas antinomique), des fibres pour le transit, du manganèse, de phosphore, du magnésium, du fer, du zinc, du cuivre, de la vitamine B1, B5 etc... Ne me demandez pas de justifier; comme vous, je fais confiance. Si je ne vous ai pas convaincus, c'est fichu.

Bien sûr, pour autant il ne faudra pas en consommer des tonnes. La noix doit venir en remplacement d'autres aliments. Mais dans tous les cas, elle ne serait pas coupable de provoquer une prise de poids car elle a aussi la qualité d'augmenter le degré de satiété et donc, pour dire simple, de couper l'appétit. Jupiter veille au grain.

 

noix noyer huile de noix jupiter quercy périgord

Va pour le fruit. Mais que reprochait-on autrefois au noyer, ce bel arbre, au port majestueux donnant un bois précieux pour la fabrication des meubles qui transmettent leur encaustique de génération en génération ? Que rien ne pousse à son ombre. Y aurait-il là alchimie ? Empoisonnement ? Peut-être même sorcellerie. 

En 1536, Jean Ruel, Médecin de François 1er prétend ceci : " Les noyers sont appelés ainsi d’après un mot latin, nocere, qui, en castillan, veut dire nuire, ou abîmer. Parce que ce sont des arbres qui, avec leur ombre, pour être pesante, font beaucoup de mal aux autres arbres, et plantes qui se trouvent sous eux, et aussi aux personnes, parce que si quelqu’un dort sous un noyer, il se réveille lourd, avec des douleurs de dos et de tête, et également, les légumes qui atteignent l’ombre des noyers sont toujours chétifs et de couleur fade, comme malades. Il est bon, qu’après que les noyers se soient dépouillés de leur feuillage, d’enlever toutes les feuilles qui se trouvent là si vous devez semer la semence de nouveaux légumes, parce que le feuillage ainsi mêlé nuit beaucoup, et il est bon d’en faire du fumier, ainsi il ne nuit pas, ou pas autant ". Le responsable de ce phénomène, tout à fait réel, bien qu'il soit mal appréhendé : nous le savons aujourd'hui : le juglon, une substance toxique qui, rincée par la pluie sur le feuillage et tombée au sol, inhibe la croissance de tous les autres végétaux. Les noyeraies comme celle de notre photo ci-dessus ont été installées, avec de nouvelles variétés à croissance rapide et de taille réduite, dans les dernières décennies, en remplacement de toutes autres cultures dans des régions au sol relativement pauvre ou difficile à travailler. Auparavant, lorsque l'agriculture vivrière était dominante, le noyer était dressé haut, planté sous forme d'allées le long des routes et des chemins, où son défaut devenait une qualité, limitant l'enherbement et le développement des fourrés en bordure des voies. Désherbant naturel.  Une technique à réexplorer ?

Le fruit lui-même sera touché par l'anathème. Jacques et Paul Contant, apothicaires en 1628 avertissent : " La noix que nous avons descrit cy dessus se nomme aussi Nux, pour ce qu’elle cause douleur & pesanteur de teste, qui est aussi la vraye signification de son nom grec, Carion ". Ici, les "savants" s'égarent. Toutefois on accorde à la noix, prudemment, quelques valeurs médicinales. Mon dictionnaire pharmaceutique de 1759, après avoir prévenu que " les noix sèches (pas les fraîches donc) sont de difficile digestion, peu nourrissantes, contraires à l'estomac, bilieuses, qu'elles font mal à la tête, irritent les maladies des poumons, principalement la toux " (excusez du peu) affirme que le jus du brou " tiré par expression étant épaissi selon l'art, est recommandé avec justice dans les maux de gorge, spécialement dans l’inflammation de la luette, des amygdales et dans l'esquinancie (traduisez l'angine) ". Donc si je m'y fie, le brou, pas l'amande. Revenons à notre bois.

gauleur de noix

Pour les plus anciens dont je suis, le noyer est donc un grand arbre, où il était difficile de grimper. Car on n'attend pas que le vent fasse le travail. Et la pluie par-dessus la récolte, ce n'est pas bon non plus. Il fallait donc gauler et ramasser la récolte entière rapidement à maturité et lorsque le fruit se détachait du brou. Voici ce qu'en rapporte, dans ses souvenirs d'enfant élevé entre Quercy et Périgord, mon grand-père Gilbert : " Mon père était le plus habile du pays. Aussi les voisins et les parents lui demandaient-ils aide. Après avoir, du sol, fait le tour pour épuiser les branches basses, il grimpait dans l'arbre avec sa longue gaule. C'était pour moi un étonnement de le voir se tenir debout sur les grosses branches charpentières en choisissant l'endroit favorable pour atteindre le faîtage. Dans une sorte d'escrime, il glissait la gaule entre les branches et donnait à l'extrémité un mouvement rapide qui frappait le bois sans le meurtrir ou briser les terminaisons. C'était là le fin du fin. "Il y a gauleur et gauleur", disait-il en parodiant le bûcheron du médecin malgré lui. Du sol, levant la tête dans une admiration inquiète, ma mère recommandait la prudence. Je ne sais pourquoi le gauleur élevait la voix pour se faire entendre des gens à terre. C'était comme si la voix venait de très haut. De là l'expression dont l'usage se perd : "crier comme un gauleur de noix". Depuis, les gauleurs ont été remplacés par un engin qui nous aurait terrifiés, sorte de tenaille-vibrateur-aspirateur sur chenilles. Ainsi va le monde.

Toujours dans cette région paternelle où, du fait d'un sol argilo-siliceux favorable, la culture du noyer tenait une place importante, les soirées de février étaient occupées par le dénoisillage qui rassemblait tout le voisinage et la parentèle. L'opération donnait l'occasion aux conteurs, chanteurs et autres ragoteurs d'exercer leur art. La consommation locale et familiale n'épuisait pas la récolte qui était vendue à des commerçants venus de Bordeaux, de Brive et de Cahors à la foire locale, pour s'approvisionner en matière première destinée à la production d'huile. A l'époque, la noix est un fruit de pauvre. "Ça ne vaut même pas une noix !" disait-on pour désigner une chose de peu de prix. Le revenu que cette culture permettait toutefois de dégager pesait dans la balance de la fragile exploitation autant que les céréales ou l'élevage. Pour sa consommation personnelle le paysan réservait les belles noix à la production d'huile alimentaire et les cerneaux de mauvaise qualité à celle d'huile lampante, pressées dans l'atelier du village. Peut-on en effet imaginer, dans le confort où nous sommes malgré toutes les misères dont nous nous plaignons, que la lumière du logis paysan fut assurée la nuit, il y a cent ans à peine, par la seule cheminée et le calel, simple, antique et pourtant précieux objet accroché au mur ? " Notre calel était en feuille de laiton, épaisse sans excès, d'un jaune honnête, nullement bosselé, tant on en avait pris soin. On ne l'astiquait jamais. Deux fois par an, au moment de la lessive, ma mère le plongeait dans la première eau. Il ressortait de ce bain flambant neuf, beau comme un soleil et chacun s'extasiait sur cette merveille qui pendant quelques jours, faisait étoile sur les tonalités enfumées de la cuisine ".

Je ne veux pas être trop long, toutefois, étant donné les centres d'intérêt habituels de ce cyber-carnet, on ne comprendrait pas que je ne dise rien du moulin à huile. Il était souvent associé au moulin céréalier, mais doté d'un couple de meules bien à lui. La meule tournante étant dressée sur la meule gisante, cuve métallique aujourd'hui, laquelle est évidée pour conserver le premier jus. La matière ainsi écrasée, chauffée, passant ensuite à la presse à main. Une petite vidéo très intéressante sur le plan de la mécanique meunière et gourmande à la fois vous est proposée ci-dessous.

noix noyer huile de noix jupiter quercy périgord moulin à huile

Le brou de noix avait également ses usages, en particulier en teinturerie. Éventé il donnait un noir de qualité médiocre. Conservé soigneusement il permettait d'obtenir une belle couleur jaune bistre. Enfin, le brou avant maturation produirait un rouge dont on dit qu'il a probablement servi à la femme gauloise pour se teindre les cheveux. Flamboyante. Pour preuve, voir Astérix et la fille de Vercingétorix.

 

Pour finir, comme il se doit dans ce pays béni des dieux, revenons à table. Avant de servir l'huile nouvellement pressée, la ménagère de mes ancêtres, économe, devait épuiser la cruche de l'année précédente. Au point que l'on était habitué à ne consommer qu'un produit rance, et que dans le souvenir de nos parents, le goût de l'huile de noix est celui-là, le bon goût peut-être, tant le temps passé donne aux choses familières, bien que modestes, une saveur supérieure.

Aujourd'hui, l'huile de noix, que l'on sait devoir être conservée soigneusement à l'abri de la lumière et de l'air, est devenue un produit de luxe. Sa réputation en matière alimentaire et diététique a chassé les vieux démons. L'une de mes gourmandises récurrentes remonte à la mémoire du déjeuner de mes ancêtres enfants, qui ne rentraient pas à midi, de l'école communale à la maison, distante de trois kilomètres : un peu de pain sec, frotté à l'ail et assaisonné de trois grains de fleur de sel et d'un mince filet d'huile de noix. Une tartine de confiture de figue avec quelques cerneaux de noix, c'est bien aussi, mais là, je n'oserai pas honnêtement invoquer l'héritage du régime frugal du petit paysan de la fin du 19ième siècle.

                                                                                        ALINEAS

DOCUMENTATION :

Pauline Leplongeon , Histoire culturelle de la noix et du noyer en Occident de l'Antiquité romaine au 18ème siècle. Thèse Paris 2017.

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02106739/document

 

PHOTOS :

Cerneau de noix, Wikiwand.

Les gauleurs de noix vers 1925, Journal municipal de la Commune de L'Albenc (Isère).

Jeune mère, Désiré Laugée 1888.

Moulin à huile de Castagné, Martel (Lot), Creative Commons.

Autres photos, © Michel Salanié.

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Rédigé par ALINEAS

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Publié le 12 Mai 2020

lectoure cathédrale orchidée gascogne lomagne botanique

 

Face à la citadelle, les orchidées sauvages ponctuent joliment les sentiers qui courent à flanc de  coteau, au nord autour de Baqué, au sud à Sainte-Croix. Tout au long des ruisseaux de Lesquère, Bournaca, Verduzan, à la lisière des festons de chênes et de frênes qui marquent le décrochage entre les plateaux caillouteux et les combes au sol plus gras, les arradjades, coteaux exposés au soleil, et les paguères fraîches et ombrées, anciens pacages à chèvres et moutons tombés en friches, au sol pauvre et drainé, sont le terrain de prédilection de cette fleur merveilleuse.

 

NB. Les photos peuvent être agrandies par un clic droit puis [Afficher l'image].

 

orchis pourpre lectoure orchidée gascogne lomagne botanique
Orchis pourpre

Orchidée est un mot qui résonne à notre mémoire d'enfant, d'enfant "d'avant", élevé au sein nourricier des récits des explorateurs de contrées exotiques, familiers de l'univers de Jules Verne ou de celui de Stevenson. Un mot magique comme "mygale" ou "pygmée". L'orchidée la plus célèbre fait aussi appel à nos papilles, Vanilla planifolia, la "Fleur noire" des Aztèques. Mais aujourd'hui, l'orchidée s’aligne bêtement en rayon de supermarché, débarquée après 10 000 kilomètres d'avion-cargo, air conditionné, sur transpalettes, en pot fluo et sous film propylène transparent. Je ne dis pas, la fleur est décorative, et pas chère, et pas périssable contrairement à ce que le chanteur serinait à mademoiselle Germaine. Mais tout de même, ne lui trouvez-vous pas un arrière-parfum de kérosène ? Revenons dans nos campagnes, voulez-vous ?

 

ophrys abeille lectoure  orchidée gascogne lomagne botanique
Ophrys abeille

 

Je suis amateur d’étymologie, mais je ne sais pas si je dois vous le dire. Ça va gâcher. Orchidée vient du grec órkhis qui veut dire "testicules". Son tubercule ressemble, avec un peu d'imagination, à l'appareil de reproduction masculin. Et de ce fait, nos anciens croyaient la plante aphrodisiaque. Encore cette fameuse théorie des signatures, qui prend en compte la similitude des formes, évoquée dans notre alinéa consacré au Gouet, l’Arum de nos campagnes (voir ici). Mais après maints essais, rien de bien spectaculaire. Sauf au sud de la Méditerranée peut être, en Turquie ou en Grèce, où l'on vous servira un salep, une boisson chaude élaborée avec de la farine d'orchidée. De ce fait, dans ces régions, certaines variétés d'orchidées sont en voie d’extinction.... A quoi tient la biodiversité !

 

orchis pyramidal lectoure  orchidée gascogne lomagne botanique
Orchis pyramidal

La famille des Orchidacées ne compte pas moins de 25 000 espèces, regroupées en 850 genres ! Le Gers en comptabilise 43*. Je n'en ai trouvé que 7. Et vous ? En Catalogne et dans le pays niçois, on peut admirer jusqu'à 75 espèces différentes. Les clubs et les sites internet amateurs fleurissent. On se bouscule, on échange, on contribue aux recensements. C'est de la florie. De la folie, pardon.

 

lectoure orchidée gascogne lomagne orchis bouc botanique
Orchis bouc

Chaque variété développe une incroyable exubérance de forme et de couleurs pour attirer les pollinisateurs. Celle-ci par exemple, n'est pas nommée Orchis bouc pour sa barbichette comme on pourrait le croire naïvement mais parce qu'elle dégage, paraît-il, une odeur fétide appréciée de je ne sais quel insecte égrillard.

 

sérapias langue lectoure orchidée gascogne gascon lomagne botanique
Sérapias langue

Cette année, les amateurs ont remarqué une abondance exceptionnelle de la variété Sérapias langue. Conjugaison de la hausse des températures et forte pluviométrie ? Notre campagne lomagnole reprendrait-elle des airs de forêt équatoriale ? L'orchidée la plus commune autour de Lectoure et ailleurs en Gascogne est probablement l'Orchis pyramidal, appelé Pentecosta en gascon. Sérapias, lui, se dit Martèths, pour marteau, mais il existe en Australie une Orchidée marteau dont je vous invite à découvrir l'incroyable mécanisme de fécondation [ici]. Dans son livre, Nos fleurs d'Aquitaine dans la langue, la sorcellerie et la médecine gasconnes, Alexis Arette indique qu'on donnait autrefois la racine d'orchidée réduite en farine aux enfants en guise de fortifiant.

 

ophrys mouche lectoure  orchidée gascogne lomagne botanique
Ophrys mouche

Il faut être très observateur pour distinguer, par exemple chez les Ophrys, les variétés "Guêpe", "Abeille", "Araignée", "Bourdon", "Papillon" ou "Mouche" comme celui-ci, si je ne me suis pas trompé. Il y a même un Ophrys bécasse. Et j'enrage de ne pas avoir su dénicher et pouvoir vous offrir le portrait d'un Ophrys de Gascogne qui marie si élégamment le jaune avec le violet, très voisin d'Ophrys d'Eléonore. Il fallait qu'une orchidée porte ce prénom, précieux à nos yeux.

 

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Céphalenthère

Enfin une recommandation, ne prélevez pas cette fleur pour composer un bouquet. Car avant même d'arriver à la maison, elle sera toute défraîchie et sans espoir de la requinquer. En outre, quatre variétés sont protégées dans notre département et donc interdites à la cueillette : Ophrys guêpe, Orchis parfumé, Orchis papillon et Sérapias cœur. Alors admirons-les in situ tout simplement. Elles font aussi partie de notre patrimoine.

                                                                               Alinéas

 

* Les orchidées du Gers : http://orchidee32.free.fr/accueil/Orchi32-Accueil.htm

Un grand merci au site http://www.gasconha.com , une référence en matière de langue gasconne dans tous les domaines, botanique cette fois-ci, mais également faune, paysage, histoire, architecture, traditions...

 

Photos © M. Salanié

 

 

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Publié le 24 Février 2020

 

Je me suis laissé dire que mon rendez-vous printanier était attendu. Pourtant l'hiver n'a pas été trop rude ? N'importe, le cycle est immuable et notre envie de couleur, de parfum et de tendresse est irrépressible. Quelque chose de profond, remontant à nos origines, au jardin d’Éden. Mais je resterai sobre. Ce sera un alinéa mono-fleur. Une fleur qui mérite distinction car elle envahit notre vallée du Gers par milliers.

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ous voulez savoir où se trouve cet endroit magique ? Je vous dis tout. Vous traversez le pont d'ouest en est, vous tournez à droite. Au premier tunnel piétonnier vous passez sous la voie ferrée désaffectée. Et vous y êtes. Suivez la haie de noisetiers, de cornouillers et d'ormeaux encore dénudés, qui festonne la rivière jusqu'au bout de la presqu'île. C'est pas chouette ?

- Quoi ? Je ne vous ai pas dit où se situe le point de départ ? Ben, oui. Faut quand même les gagner ces fleurs.

Et puis pour tout vous avouer, on est tellement bien tous seuls... Vous ne nous en voulez pas ? Tiens, voilà la photo aérienne. Alors là, ça devient trop facile.

 

jonquille narcisse botanique lectoure gascogne gers

 

Il paraît que dans certains départements, la jonquille est protégée et que sa cueillette est réglementée. Je n'ai pas vérifié dans le Gers. Les champignons dans l'Aveyron, les palourdes à Noirmoutier... Il n'y a plus que les arrêtés d'interdit qui fleurissent. Mais, ici nous restons très raisonnables. Un bouquet pour la maison, un pour notre mamie-des-jardins, et puis surtout sentir, humer, apprécier l'instant à sa juste valeur. Il a raison Chatiliez : le bonheur est dans le pré.

- Profite, lapin !

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On l’appelle communément Jonquille parce que sa feuille évoque le jonc. En Gascogne, on dira parfois coucut. C'est sûr, il y a risque de confusion avec la Primevère officinale. D'autant que tout est toxique chez cette charmeuse, fleur, feuille et bulbe. Le bétail le sait qui n'y goûte. Mais franchement : pseudonarcissus ! Quelle idée, qui en manque totalement ? Une vraie fleur de chez nous.

Il faut dire que la famille des Amaryllidacées est riche : 59 genres et 800 espèces ! Je comprends que le botaniste de service soit à court d'imagination pour baptiser tout ce joli monde. Personnellement j'aime bien "Jonquille trompette". Mais alors, des trompettes qui respecteraient le silence des lieux.

Je ne trouble donc plus par l’éclat des trompettes,

Des champs accoutumés aux soupirs des musettes ;

Si je chante aujourd’hui sur ces paisibles bords,

Muses, ne m’inspirez que d’aimables accords.

                                                     Virgile - Les Bucoliques

 

Mais voilà qu'un Myrobolan vient ajouter à mon discours qui folâtre, son grain... de beauté.

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Le propriétaire de cette belle gasconne sait-il qu'au pied de sa terrasse distinguée, travaille incognito un jardinier rustique qui ne connaît ni mur d'enceinte, ni allées de gravillon blanc et encore moins sujets exotiques ? Culture de l'authentique.

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Nous voici revenus aux pieds de Lectoure, sur le ruisseau de Foissin. Une réintroduction laborieuse de Pseudonarcissus qui commence à porter ses fruits. Oups ! Ses fleurs. Dans quelques décennies, les gamins des écoles viendront galoper dans une mer émeraude constellée de jonquilles, comme des étoiles tombées là puis oscillant au petit vent.

jonquille narcisse botanique lectoure gascogne gers

 

Tiens, une "vraie" Narcisse, en train de s'égoutter. Sans doute échappée d'un godet de jardinerie. A voir si elle saura s'indigéniser à son tour.

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                                                             ALINEAS

 

- Vue aérienne : IGN.

- Photos © Michel Salanié

 

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Publié le 23 Octobre 2019

Aulne Vern Vergne Botanique Lectoure Gascogne Plante tinctoriale Ruisseau

 

Le hameau des Ruisseaux, au pied de la citadelle de Lectoure, s’appelait au Moyen Âge le Riu Correge, c’est-à-dire en gascon, le ruisseau des corroyeurs. Fabriquant les équipements en cuir si précieux pour la monte et le travail des chevaux, mules, mulets et bovins, les corroyeurs fédèrent autour d’eux leurs fournisseurs, tanneurs, et également les teinturiers. L’endroit forme une cuvette permettant à chaque corporation de disposer de l’eau nécessaire pour remplir les cuves où sont mises à tremper les peaux et les fibres.

Les teinturiers trouvent alentour, dans le vallon, sur les coteaux et dans les sous-bois de l'immense forêt de Saint-Mamet qui avance sur l’actuel plateau de Bacqué, nombre de végétaux qui leur permettent de teindre les fibres de la production locale, la laine, le lin et le chanvre. Parmi ces végétaux au service de l'homme, l’Aulne noir.

Pour la plupart des randonneurs ou des simples observateurs de la nature, cet arbre est méconnu car peu caractéristique à première vue. Tout au long du ruisseau et pour peu que l’agriculteur du 21ième siècle renonce à tondre systématiquement sa bande enherbée - la réglementation n’ayant jamais exigé qu’elle soit rasée comme un terrain de golf - l’aulne alternera avec le peuplier dressé et oscillant gracieusement dans le vent, et avec le saule au vert bleu-argenté. A côté de ces deux vedettes dans le paysage, l’aulne est évidemment un sujet plutôt discret. Et ignoré. Sauf du teinturier moyenâgeux.

Aulne Vern Vergne Botanique Lectoure Gascogne Plante tinctoriale Ruisseau
Bouquet de jeunes aulnes en hiver entre Lafont-Chaude et les Ruisseaux.

 

On ne peut pas traiter du sujet des plantes tinctoriales en un alinéa. Disons simplement que les couleurs les plus vives, le bleu de pastel, célèbre à Lectoure, et le rouge garance sont réservés, de par leur coût et leur caractère remarquable, à cette époque, à l’élite noble et ecclésiastique. Le folklore imagier et cinématographique nous dépeint une population richement bariolée. La réalité était plus prosaïque. Voire sombre. En effet le peuple va vêtu de tissus bruts, sommairement cardés, et peu ou pas du tout colorés.

La petite bourgeoisie elle, se distingue en faisant tailler ses vêtements dans les teintes que les arbres et végétaux de notre campagne offrent et que les artisans locaux savent extraire : le chêne, le noyer, le néflier, le noisetier, le troène, le sureau noir [ voir ici ], le nerprun, la bourdaine, peut-être le châtaignier vers La Romieu… chacun de ces végétaux méritant une chronique, il y faudra plusieurs vies de cyber-carnéiste.

Les teintes obtenues par les artisans sont limitées bien qu’il y ait des nuances sur lesquelles joueront tisserands, drapiers et tailleurs, du marron au violet en passant par le vert.

Aulne Vern Vergne Botanique Lectoure Gascogne Plante tinctoriale Ruisseau
Remarquez au premier plan, l'ouvrière qui écorce une bûche au moyen d'une herminette.

 

Le bois d’aulne présente à la coupe une belle teinte orangée qui, avec l’oxydation, évoluera vers le brun. L'écorce sera détachée du fût pour l'obtention, par macération, d'un jus noir, qui a donné à l'arbre son qualificatif. Un noir pas très dense, "petit teint" disent les spécialistes, en fait un gris que l’on qualifierait aujourd’hui "anthracite".  Pas drôle me direz-vous ? Non, mais tendance dira la modeuse sur son blog, voire très classe. Et au Moyen Âge déjà, le noir était la couleur du pouvoir, du savoir. Les religieux de base, chanoine de la cathédrale, curé, moines et moniales, nombreux à Lectoure, le juge, le docteur, l’officier, autant de rôles clés de la société médiévale qui s’habillent et se distinguent en noir. Et les chapeliers l’ont conservé jusqu’à il y a peu pour teindre leurs feutres. Si le couvre-chef est noir, alors…

Aulne Vern Vergne Botanique Lectoure Gascogne Plante tinctoriale Ruisseau

En botanique, notre arbre est souvent affecté du qualificatif "glutineux" voire "poisseux" car sa feuille est quelque peu collante. Mais le gluten n’a pas bonne presse de nos jours et puis ces adjectifs ne sont ni engageants ni explicites quant aux qualités du végétal qui pourtant sont nombreuses. Alors, préférons la dénomination Aulne noir. En pays de langue d’oc il s’appelle Verne, Vergne, Vèrn en gascon. Une petite pensée ici pour une grand-mère Lavergne, descendante d’obscurs ancêtres œuvrant jadis dans quelque profonde aulnaie.

Comment reconnaître l'aulne dans le paysage ? Les botanistes décrivent un port pyramidal. Certes, mais il faut pour cela qu’il soit isolé, comme dans un parc propret… 

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Approchons plutôt. Il développe de très grandes branches basses qui vont créer une ombre dense débordant largement sur le cours d’eau et sur les berges, limitant ainsi le développement de la broussaille. De ce fait les berges d’un cours d’eau bordé d’aulnes seront relativement naturellement propres. Voilà une des qualités d’un seigneur de la nature : mettre un peu d’ordre dans ce fatras végétal causé par l’abondance de l’eau, de la lumière et la richesse du sol alluvionnaire.

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Plus il aura les pieds dans l’eau, mieux le sujet se portera. Il est en cela comparable aux arbres de la mangrove tropicale ou du marais poitevin qui protègent le littoral, sol, faune et flore, des vagues, des crues et du vent.

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Il est considéré comme une espèce "pionnière" qui favorise la pousse de variétés plus fragiles et peut être utilisée pour régénérer et reconquérir certains terrains dégradés par l’activité humaine. L’enchevêtrement de ses racines forme un véritable treillage protecteur des berges. Il tapisse le lit des ruisseaux et des rivières de la chevelure rousse de ses radicelles.

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Si toutefois il est abattu d’un coup de vent, son système racinaire se maintiendra en place donnant naissance rapidement à un nouveau faisceau de rejets et formant un support propice au dépôt de débris végétaux portés par le flux et qui reconstitueront progressivement un riche terreau. Alors que le peuplier par exemple, déraciné par la tempête, ouvrira une brèche béante dans le talus ainsi dangereusement exposé à l’érosion. Là est la grande qualité de l’Aulne. Il est le meilleur auxiliaire de l’homme dans la gestion efficace du réseau hydrologique malmené par l’exode rural, le développement de l’agriculture intensive et mécanisée, l’alternance de périodes trop marquées de sécheresse et de précipitations.

 

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De gauche à droite: noyer, pélerin, cognassier, sureau et un joli bouquet de vieil aulne.

 

Le bois d’aulne brûle rapidement et sans fumée. Il était apprécié pour cette raison des boulangers, des verriers et … des alambiqueurs. En pays d’Armagnac: je vous le dis, que des qualités ! En outre comme ce bois ne pourrit pas dans l’eau ou s'il est recouvert de terre, il était utilisé pour établir des retenues, des guets de fortune, des drains. Une grande partie de Venise est bâtie sur des piliers d’aulne. Nous sommes loin de la Gascogne, j’en conviens, mais je ne pouvais pas laisser passer cette occasion et le plaisir de faire une petite place à la Bellissima sur ce cyber-carnet.

 

" Les fleurs de l’Aulne noir ne produisent pas de nectar. Ses chatons de fleurs mâles sont cependant activement visités par les ouvrières, qui y récoltent le pollen produit en très grande abondance. Du fait de sa floraison extrêmement précoce, l’aulne glutineux offre ainsi aux abeilles une source de nourriture protéinée très importante pour la colonie en vue de la sortie de l’hivernage, aux côtés du noisetier ".**

Je ne prendrai pas le risque de zapper la séance phytothérapie.  L’Aulne noir (écorce, feuille ou bourgeon selon…) est considéré astringent, puissamment cholérétique, anti rhumatismal, calmant le mal de dents…

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Espèce monoïque, l'aulne porte à la fois les fleurs mâles (longues et souples) et femelles (comme de petites pommes de pin).

 

Au jardin, quelques branches d’aulne et leur feuillage posées au sol attireront puces, acariens et autres parasites qu’il sera possible ensuite, de retirer et de brûler.

 

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Enfin, et ce n’est pas anecdotique : le jeu de quilles gascon est fait de bois d’aulne. La pratique de ce jeu traditionnel a quasiment disparue avec la télévision et l’envahissement des sports modernes, cyclisme, rugby, football et… console vidéo évidemment. Mais il n’y a pas si longtemps, en plein air ou en arrière-salle des cafés de village, le rampeau, la quille de six permettait aux rebelles à la messe du dimanche matin de faire entendre, par la porte de l'église restée entrebâillée, l'entrechoc des pièces de bois et leurs exploits salués de moult jurons… Quille et boule étaient sculptées souvent dans le bois d’aulne, réputé pour sa légèreté.

Arbre aux sabots, jougs de bœuf… les usages du bois d’aulne étaient variés, spécifiques et précieux dans la vie quotidienne de nos anciens. Comme pour chaque espèce d’arbre indigène qui mérite de ce fait, autant qu'en raison de sa beauté naturelle, notre intérêt.

 

 

Aulne Vern Vergne Botanique Lectoure Gascogne Plante tinctoriale Ruisseau

Ainsi, bordant ruisseaux et rivières, l’Aulne noir est-il l’une des essences de la Gascogne de toujours. Cependant, au pays de Bladé, l’arbre n’a pas la sinistre réputation qui lui colle à l’écorce dans les légendes scandinaves et germaniques, interprétées tour à tour par Goethe, Schubert et Michel Tournier. Le Roi des aulnes, créature maléfique qui s’en prend aux voyageurs perdus dans la forêt ne rôde pas entre Garonne et Océan. Car les marécages n’y sont pas étendus sauf dans les landes qui étaient plutôt, jusqu'au milieu du 19ième, de grands espaces maigres et broussailleux où aucune espèce d’arbre n’était dominante, jusqu'à l'assainissement de la région par l'introduction du pin maritime. En Gascogne, les forêts remarquables sont plantées de chênes et de châtaigniers et les ogres amateurs de jeune chair doivent se tenir reclus à présent dans d'étroites et sombres vallées de la montagne Pyrénées.

A Lectoure, au quartier des Ruisseaux, le vent caresse au soleil descendu des toits de la citadelle, le linge frais sur lequel se pose ici et là, l’ombre hésitante d‘une libellule.

                                                                  ALINEAS

Aulne Vern Vergne Botanique Lectoure Gascogne Plante tinctoriale Ruisseau

 

SOURCES

- Sur l'aulne glutineux  un premier choix :   

https://fr.wikipedia.org/wiki/Alnus_glutinosa

** https://www.abeillesentinelle.net/imgfr/files/plantes_melliferes_756.pdf

- Sur la teinture au Moyen Âge: Du bleu au noir par Michel Pastoureau.

https://www.persee.fr/doc/medi_0751-2708_1988_num_7_14_1097

- Le jeu de quille gascon. Bien qu'il évoque plutôt les bois de noyer ou de hêtre, j'indique ce site parmi d'autres pour l'intérêt de son commentaire historique:

https://pci.hypotheses.org/2380

- Le Roi des aulnes:

https://fr.wikipedia.org/wiki/Erlk%C3%B6nig_(folklore)

 

ILLUSTRATIONS

Deux photos nous ont été aimablement prêtées et nous remercions leurs auteurs: par "La nature en Lorraine au fil des saisons", la coupe d'un tronc d'aulne, et par "Le blog du Marais poitevin", les racines entremêlées de l'aulne sur la berge. Nous vous recommandons vivement ces deux sites très riches qui défendent et mettent en valeur joliment la nature:

http://tyazz.over-blog.com/

https://www.blog-marais-poitevin.fr/

 

Gravure : Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Diderot et d'Alembert, 1751-1772.

Carte postale du jeu de quilles : Collection Tarusco

Le Rois des aulnes: The Erlking, par Albert Sterner vers 1910.

Photos © Michel Salanié

 

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Rédigé par ALINEAS

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Publié le 17 Juin 2019

 

Mon grand-père Auguste habitait un moulin. Un autre moulin. Entre Quercy et Périgord. Il cultivait un très joli jardin. Bien mieux tenu que le mien, mais j’ai des excuses.

Oui, le lecteur fidèle aura remarqué que je fais souvent appel à la caution de nos anciens. Paroles de sages en héritage. Façon de patrimoine virtuel.

Donc, Auguste offrait souvent à ses visiteuses une rose de son jardin en précisant que c’était là le privilège de l’âge de pouvoir honorer la beauté d’une femme sans provoquer la jalousie de son cavalier ou l'intervention de son tuteur.

Avec lui, et devenu grand-père à mon tour, je vénère dans mon panthéon, les galants célèbres qui ont également, en mots joliment choisis et agencés, chanté la femme en la comparant à la reine des fleurs. Ronsard, Hugo, Apollinaire… Toutefois, depuis les remparts de la citadelle d'Armagnac, j’ai préféré interroger l’horizon de notre éden gascon, outre-neige, derrière la montagne-fontaine, au pays cousin où l’on jette les pétales de rose, comme des banderilles, aux pieds de Dulcinea, Carmen ou Concepción. Le grand poète espagnol Federico García Lorca inverse la métaphore et compare la rose aux charmes féminins.

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Facile un alinéa de photos ? Ce serait sans compter le temps de jardinage. Et celui à passer à badauder devant le résultat. Voici donc les roses de notre Mouline. Avec une prédilection pour les rosiers anciens. Encore l’héritage. Et le côté sauvage. Le nom de chaque sujet n’est pas toujours certain. Particulièrement lorsque nous les avons chinées dans les jardins voisins. Certains sont poétiques, d'autres démodés. Mais il faut bien rendre hommage à la patience de ces rosiéristes, geppettos sculptant leurs créatures dans les bois de Rugosa et Canina, alchimistes de la ronce, de véritables artistes, inventeurs de beauté, de surcroît renouvelée saison après saison.

                                                              ALINEAS

 

PHOTOS:

- Roses de La Mouline de Belin © Michel Salanié

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Lady of Shalot
Lady of Shalot. Un bout de légende de La Table ronde.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Moschata
Moschata. Musquée et très généreuse pour les abeilles du rucher d'Arrajacamp.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Lli Marleen
Peut être Lili Marleen. Une voix dans la nuit du port de Hambourg.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Rugosa
Rugosa.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Centifolia - Tour de Malakoff
Une centifolia, mais laquelle ? Tour de Malakoff ? Au parfum envoutant.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Ghislaine de Féligonde
Ghislaine de Féligonde.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Iceberg
Iceberg.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Félicité et Perpétue
Félicité et Perpétue, du nom de deux enfants martyrs de l'Afrique du nord romaine, aux premiers siècles chrétiens. Grimpées sur la pergola par centaines, ces roses pompons saluent le clocher cathédral Saint Gervais et Saint Protais, également enfants martyrs, en Italie ceux-là.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin -Ambridge
Ambridge.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Opélia
Opélia s'apprêtant à traverser le ruisseau.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Queen Elisabeth
Concours de rose : Queen Elisabeth versus valériane.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Albéric Barbier
Albéric Barbier. Montait sur le toit d'une maison garde-barrière en Vendée. La voie ferrée, la barrière et le rosier-mère ont disparu. Se plait bien en Gascogne.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Madame Alfred Carrière
Madame Alfred Carrière. Prélevée à la gare, dans une maison "de famille".

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Jacques Cartier
Jacques Cartier. "...si t'avais navigué à l'envers de l'hiver..."

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Rimosa
Sans doute l'un des vieux murs les plus photographiés entre Le Puy-en-Velay et Saint-Jacques de Compostelle. Rimosa.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Pierre de Ronsard
" Quand je vois dans un jardin / Au matin / S'esclore une fleur nouvelle / J'accompare le bouton / Au téton / De son beau sein qui pommelle. " Pierre de Ronsard.

 

Rose - Rosier - Roseraie - Gascogne - Mouline de Belin - Mermaid
Ma préférée: Mermaid. Chinée à La Fontaine aux Bretons, à Pornic, pendant un séminaire de Direction...

 

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Publié le 14 Mai 2019

prêle dévonien balade botanique jardin biologique phytothérapie

 

 

Notre Mamie-des-jardins nous avait dit : « Méfiez-vous : c’est une garce ! Elle se faufile partout. » Effectivement, il a fallu déplacer rapidement le potager, heureusement embryonnaire, vers une zone indemne. On ne voyait plus les salades, ni les fèves.

La Prêle des champs est absolument indestructible. Elle a malheureusement été combattue par des doses de désherbants importantes, en pure perte. Car ses rhizomes plongent à un mètre de profondeur, dans d’anciennes poches humides où s’est amassé le sable, transporté là pendant des siècles par l’érosion. De l’eau et de la silice, voilà son substrat. Alors, la Mouline de Belin est son royaume.

 

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Les innombrables sites internet consacrés au jardinage, à la nature en général et évidemment aux plantes médicinales décrivent abondamment la Prêle des champs, et ses cousines des marais et des prés, ou encore la Prêle d’hiver, sans rameaux, en vogue dans les jardins japonais. On ne va pas vous le refaire.

Si ? Allez, rapide alors. Avant de partir en balade.

Appelée Asprela en vieux français, pour sa grande âpreté, puis communément, Queue de cheval, de rat ou de renard, Coda de vop, Vopelh en gascon, voire Écouvillon, la prêle est originale tant par sa nature que par ses usages.

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A gauche, la pousse fertile. A droite, de jeunes pousses stériles.

Elle pousse en deux temps : la tige fertile d’abord qui ressemble à un champignon et qui disparaît rapidement après avoir lâché ses milliers de spores. Puis la tige stérile qui attire, rassemblée en massif, l’attention du promeneur.

Oui, c’est un drôle de végétal, rêche comme de la paille de fer. Pas étonnant, elle contient 10% de minéraux, potassium et silicium. 70% dans ses cendres ! C’est-à-dire du sable d’une certaine façon. Au point d’avoir servi autrefois de matière à polir. Le fin du fin d’avant le papier de verre, "dont les ouvriers imagers, peigners, et autres faisans choses délicates, se servent pour polir

leur ouvrage l’en frottant" écrivait Olivier de Serres en 1600. Et certains artisans perpétuant le savoir-faire ancestral, ébénistes et luthiers, y auraient encore recours pour bouchonner leur belle facture.

Encore la silice : à côté de l’ortie et du bambou, dans les médecines naturelles, la prêle est réputée pour son action protectrice et réparatrice sur les os, les muscles, les tendons et le cartilage. Nous, nous la récoltons à la pleine lune avec une serpette en argent, mais pour faire simple, vous la trouverez en gélule, sachet, gouttes chez votre pharmacien ou votre magasin bio, et même en vrac au marché. La tige fertile cueillie jeune est comestible mais, repus ou prudents, nous n’avons pas essayé.

 

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Toujours la silice : au jardin, le purin de prêle est réputé pour lutter contre les maladies cryptogamiques, éloigner les pucerons et les acariens et de façon générale, pour renforcer les plantes. Vous affinerez les utilisations en préférant l’extrait fermenté, la décoction, l’infusion, la macération. Oui je reconnais, là, ça devient technique.

Après le sureau (voir ici) nous avons donc encore affaire à une panacée.

 

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Il ne lui manque que le parfum. Mais la prêle compense ce déficit de distinction par son esthétique originale. Ce port élancé, géométrique et mystérieux, sans pareil dans les herbages et les prairies. Un design quasiment industriel. Métallique si ce n’était ce vert tendre. La tige à étage, comme un Lego, et des brindilles fil de fer. Mais cette rigidité cache une structure cassante et fragile. Les ikebanistes savent que le sujet doit être soigné pour espérer le maintenir dressé jusqu’à la mise en scène. Il faut emporter avec soi le récipient d’eau où tremper la tige prélevée sans délai. Et encore ! Sans doute en fonction d’un métabolisme hydrique très sensible, nous avons vu certains bouquets courber misérablement l’échine, instantanément après la séparation d’avec la terre nourricière.

 

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"Les marcheuses". Oeuvre de Jeanine Biasolo. Impression végétale sur tissu, réalisée par la technique du tataki zome (marteler teindre).

 

- Bon, ça va Alinéas ! On la fait cette balade ?

 

- Oui, oui. Tenez-vous bien. On remonte le temps. Et pas qu’un peu.

 

La prêle était déjà présente sur terre au Dévonien, c’est-à-dire entre 400 et 360 millions d’années.

Pas un pèlerin en vue donc. Côté faune, des mygales géantes et des escargots gros comme des oies. Et les premiers vertébrés amniotes, dont l’embryon est protégé par un œuf à coquille: les dinosaures ne sont donc pas encore apparus. Dépêchons-nous.

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Fossile d'équisétacée, à Malpasset (83)

Notre prêle antédiluvienne mesure de 10 à 20 mètres, mais certains sujets ont pu culminer à 40 mètres ! Rassemblée en groupes denses, elle côtoie les fougères arborescentes et les ancêtres de nos conifères dont les résidus ligneux formeront le charbon à l’époque du Carbonifère qui suivra. Je résume un peu…

Nous sommes au cœur d’une forêt fantastique. Le groupe des Calamites, aujourd’hui disparu, est le plus étonnant. Les troncs sont cannelés, brillants et articulés. Les feuilles ont une forme d’assiette, protégeant les feuilles sporangifères en dessous et installant une pénombre profonde, alors que la prêle, elle, offre une frondaison lumineuse. L’envol des spores crée, par nuées effilochées, une atmosphère colorée et épaisse. Au centre de la terre, Jules Verne était sur le bon chemin.

Par une suite d'évolutions adaptatives et par sa capacité à se reproduire et à plonger en profondeur dans le sol, la famille des Equisétacées résistera à toutes les phases de glaciation et de hausse des températures qui suivront, provoquant des extinctions de masse, tant chez les végétaux que chez les animaux, la dernière étant, dit-on, peut-être en cours.

Notre frêle prêle des champs n’est donc pas une garce, ni un intrus, ni un danger. Elle est un survivant, hautement respectable pour cette raison, un patrimoine botanique précieux dont l’esthétique et les nombreuses utilisations nous ravissent, année après année. Elle est abondante, vous pouvez la cueillir en chemin. Mais pensez bien à faire à ce vénérable végétal, au passage, votre respectueuse révérence.

                                                                                         ALINEAS

 

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SOURCES

- Sur la Prêle des champs :  https://fr.wikipedia.org/wiki/Pr%C3%AAle_des_champs

- Sur l'ère du Dévonien : https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9vonien

- Sur les vertus de la prêle : https://www.plantes-et-sante.fr/articles/plantes-medicinales/1884-la-prele-pour-un-bien-etre-articulaire-et-vasculaire

- Le purin de prêle : https://www.aujardin.info/fiches/purin-prele.php

 

ILLUSTRATIONS

- Montage-titre et photos : Michel Salanié

- Apprenti luthier: nos remerciements à la Lutherie Boyer, Paris.

- Fossile de Malpasset: nos remerciements à CADE 83, photo Bérangère Rivière.

- Jules Verne, Voyage au centre de la terre.

 

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Publié le 4 Mars 2019

 

est un village gersois où, depuis quelques jours, des compagnies de violettes percent sous le givre, où des jonquilles font la ribambelle au fond des vallons frais.

Avec à peine un peu plus de chaleur nocturne, les vrilles de respounchous* ne tarderont pas à grimper sur les buissons, à portée de glaneur.

- Té, avez-vous jamais goûté une salade de cœur de pissenlit, aillée et garnie de petits lardons ? Bou Diu !

A l’automne, gourmand autant que prévoyant, l’on compotera baies et fruits abandonnés au potager brumeux.

Enfin, lorsque l'hiver s'en sera venu, les sens rassasiés laissant place à l’esprit, les couronnes de fleurs séchées sur les façades, à la salle des fêtes et sous le porche de l'église, diront au visiteur, "Bienvenue, Espérance et Paix". Alors, le grand Pan se prosternera devant l’enfant nouveau-né.

Cette année, à une volée de cloches de la Mouline de Belin, Berrac apprête son "Petit Musée naturel des plantes sauvages comestibles". Pour bien faire, il s’écoulera encore tranquillement quatre belles saisons. Car chez nous, en Gascogne, on laisse toujours le temps au temps. Botaniste, graphiste et cantonnier* s’affairent de concert sur ce joli chemin-là qui esquisse son discours. 

En attendant, chaque occasion sera bonne pour tester les recettes, accrocher ici et là, compositions, aquarelles, et dire quelque poésie en guise de ponctuation.

 

                                                                                    ALINEAS

 

 

                                                                        

 

 

 

 

 

 

 

 

* Le respounchou est la jeune pousse du tamier, une sorte d’asperge sauvage, dont nous raffolons ici, en omelette par exemple. Comme les bons coins à champignons, les haies où grimpent les hampes de respounchous ne se partagent surtout pas !

** Je ne sais pas si l’équilibre des sexes est respecté dans ce projet associatif, mais je choisis le genre neutre tant que l’académie m'autorise cette fluidité… Et le singulier alors que tous les Berracais et toutes les Berracaises "muséisent".

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Reportage photo réalisé au mois de novembre dernier, par un temps à ne pas mettre un piaf dehors ! Eh bien, à Berrac, on aime aussi la pluie.

 

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Publié le 7 Août 2018

 

Lorsqu’une classe nature de gamins lectourois monte le chemin de Cardès, de l’autre côté du vallon, la haie masquant à notre regard la petite troupe joyeuse qui se dirige vers le plateau de Bacqué, il semble que le buisson piaille et l’on s’attend à ce qu’il se mette à courir.  Avec sa spontanéité, sa liberté, son exubérance, voilà un sauvage qui a trouvé sa place parmi les hommes sans se renier.

 

Pourtant vous y porterez attention à l’occasion de vos prochaines lectures, contrairement à la fleur ou à l’arbre, le buisson est souvent, peu ou pas décrit par les auteurs. Et lorsqu’il est qualifié, il se révèle méchant, petit, touffu, sombre, épineux bien sûr. Il arrive là, en plein milieu de l’histoire, sans crier gare, comme si sa présence dans le paysage était anormale ou sans intérêt. Un personnage de second plan, un petit rôle, un figurant. Mais à bien y regarder, finalement, ce végétal de rien du tout a souvent quelque chose à cacher, un danger, un secret, une petite merveille, une heureuse surprise. Il ne faut pas négliger le buisson. Surtout le Buisson ardent.

Moïse et le Buisson ardent de Domenico Zampieri. La révélation de l'existence de Dieu sous la forme d'un buisson qui brûle mais ne se consume pas. Dans nos jardins le buisson ardent est le nom commun donné au pyracantha.

 

Si vous faites une petite recherche sur les 200 millions de cybercarnets (vous me créditerez de cette résistance à l’emploi du franglais) publiés dans le monde, au mot fleur vous croulerez sous les résultats, et au mot arbre itou. Naturellement, car les premières nous éblouissent par leurs formes, leurs couleurs, leurs senteurs et leurs vertus et les seconds nous dominent de leur majestueuse ombre à laquelle, de tout temps, le genre humain a attribué une valeur tutélaire, symbolique, philosophique voire divine.

 

La rubrique botanique de ce Carnet d’alinéas avait choisi, jusque là, de suivre le mouvement en faisant juste un petit détour gourmand par les fruits sauvages. Mais il faut à présent corriger le discours dominant (ça, ça va plaire, c’est tendance) et dire tout le bien que nous  pensons du buisson, ce tout petit, ce modeste, cet humble hôte de la vallée de Foissin. L’idée de cette audacieuse incartade (!) nous est venue en installant un nouveau tronçon de chemin le long de la route de la Fontaine Saint-Michel, soustrayant pour cela quelques mètres à la terre soumise au labour depuis des décennies. Nous voulions végétaliser ce jeune sentier, pour l’esthétique, pour la faune et en urgence, pour limiter l’érosion, ce fléau de l'usine à céréale qu’est devenue le pays de Lomagne. Bien nous en a pris quand on voit les déluges qui se succèdent cette année avec les coulées de boue et les ravines qui s’en suivent. Mais quelques arbres, un tous les 10 mètres pour donner à chaque individu son espace vital lorsqu’il sera parvenu à l'âge adulte, ne pouvaient suffire à cet ambitieux projet de rhabillage du paysage car il faudra au moins 10 ans aux pins, chênes, érables, frênes, tilleuls et autres géants en devenir pour s’implanter, c’est bien le terme, dans cette terre gorgée d’eau en hiver et crevassée en été. S’ils y réussissent, ils trouveront dans ce sol profond et riche ce qu’il faut pour satisfaire leur grand appétit et jouer leur rôle stabilisateur. Mais en attendant…

 

Et puis miracle, on aurait pu s’en douter, néo-ruraux naïfs que nous sommes, les buissons sont apparus. Spontanément, très vite, comme s’ils étaient là, en réserve de la république, hors d’atteinte du soc de la charrue. La ronce, l’épine noire, le sureau bien sûr dont nous avons déjà dit du bien mais aussi tous les autres, le cornouiller en particulier, la clématite... Parmi toutes les variétés d’arbrisseaux* qui peuvent composer une haie sauvage, un grand nombre sont ignorées. Précisément, cet anonymat fait la force et l’intérêt du buisson, cet "individu végétal composite". Car le buisson est un collectif, une équipe, une armée où l’individu n’a de chance de s’en sortir qu’en serrant les rangs.

Le chevreuil, impitoyable brouteur de jeunes arbres.

Outre leurs qualités individuelles, les arbrisseaux ayant poussé entremêlés forment un ensemble qui permet la germination d’arbres indigènes, qui s’y trouvent ainsi protégés des herbivores de toutes engeances,  gastéropodes, insectes, rongeurs, canidés et chevreuils, et dont les jeunes tiges bénéficient d’humidité et de demi-ombre, de résistance au vent, c'est-à-dire les conditions parfaites pour réussir une enfance d’arbre.

Et puis, comme dans toute équipe, il y a les vedettes. Les buissons à fleur, odoriférants, à fruit comestible, les raretés, les précieux. Ceux là ont fait l’objet d’une sélection, d’un dressage, d’une domestication et se retrouvent empotés, alignés bêtement, topiérisés dans des jardins musées, dont certains splendides il faut l’admettre. Mais nous les préférons en liberté.

 

En fonction de sa disposition, le buisson verra son rôle varier : en ligne il formera une haie, adossé au bois il sera sa lisière, isolé au milieu du champ il servira de repère visuel, marquera un affleurement rocheux ou un dénivelé.

 

Autrefois aux lavoirs du ruisseau de Foissin, lous bartàs en gascon, les buissons servaient à étendre le linge. Victor Hugo, dont nous avons dit ailleurs le goût pour une jolie lavandière, en fait tout un poème.

 

Aux buissons que le vent soulève,
Que juin et mai, frais barbouilleurs,
Foulant la cuve de la sève,
Couvrent d'une écume de fleurs,

Aux sureaux pleins de mouches sombres,
Aux genêts du bord, tous divers
Aux joncs échevelant leurs ombres
Dans la lumière des flots verts,

Elle accrochait des loques blanches,
Je ne sais quels haillons charmants
Qui me jetaient, parmi les branches,
De profonds éblouissements.

 

Et pour les amoureux descendus d'en ville, bartasser consistait à profiter du rideau formé par la végétation pour... pour se dire des mots doux en toute intimité. En quelque sorte le pendant de l’école buissonnière après l’école.

 

Aujourd’hui, la haie du chemin de la Mouline de Belin lance ses tiges volubiles, signe d’une renaissance et promesse d’une aimable compagnie pour le randonneur, le jacquet et le promeneur lectourois.

 

                                                                                             ALINEAS

 

* Par simplicité, on s’affranchira des catégories définies par la science botanique. Le buisson est en principe composé d'arbrisseaux et sous-arbrisseaux mais ils doivent souvent composer avec les lianes et les arbustes énumérés et photographiés ici.

 

Fleurs et fruits en cours de maturation de la clématite des haies, ou vigne blanche et encore herbe aux gueux. En hiver les arêtes plumeuses de ses fruits donnent aux haies une belle apparence cotoneuse.

 

La viorne. Un bonheur pour les oiseaux.

 

Cette année, sans doute en raison de la pluviométrie toute britannique, l'églantine a recouvert les haies de la vallée d'une foison de fleurs, et jusqu'à la cime de certains arbres, voisins du buisson, qu'elle prend d'assaut. C'est la jungle.

 

Devenu l'un des gardiens des jardinets de faubourg délimités au cordeau, en liberté le troène est gracieux. Son parfum suave séduit du beau monde.

 

Colonisant rapidement les espaces libérés et grâce à un enracinement dense, le cornouiller sanguin est considéré par les botanistes comme une espèce "pionnière". Son feuillage hivernal d'un beau rouge vermeil installe dans le brouillard, le givre et (rarement en Gascogne) la neige, de fantasques décors à légendes.

 

Magnifique aubépine. Un océan de nectar pour l'ouvrière du rucher de la Mouline de Belin.

 

Le fusain ou bonnet de curé. Sa tige carbonisée a été l'outil des artistes d'avant l'encre de chine, le bic et la souris. La forme particulière de son fruit faisait penser autrefois au couvre-chef des curés. Un accessoire qui ne se fait plus du tout, du tout... sauf à Lectoure, n'est-ce pas Monsieur l'Abbé ?

 

Le chèvrefeuille des haies fleurit moins abondamment que les variétés sélectionnées commercialisées en jardinerie. Mais sa rencontre impromptue, au détour du sentier, est un petit bonheur.

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PHOTOS: M. Salanié sauf

- Cornouiller: Arboretum gabrielis

- Fusain: Tyazz.over-blog.com

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Publié le 29 Mars 2018

Pas la peine de se le rabâcher, voilà un printemps pourri ! La végétation est en panne. Nous prions chaque jour le saint de l'almanach du jardinier afin qu'il protège la floraison des fruitiers. Sur le coteau de l'arradjade, haut perché à dessein, notre rucher abrite des colonies  d'abeilles qui tentent, par petits escadrons, une sortie à chaque minute de soleil miraculeusement introduite entre deux plafonds nuageux, lourds comme des serpillières trempées.

Alors que faire? Cherchez bien. Quelques végétaux éclaireurs annoncent les beaux jours. Petits, discrets, ils ne font pas encore un paysage. Mais en les observant de près, on s'extasie devant la perfection des formes et la profondeur des coloris.

"Laisse tomber ta cyber-plume Alinéas. La nature pousse ici son génie."

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Photos M. Salanié

Pour agrandir la photo: clic droit et [afficher l'image].

 

Il faut déjà préparer la saison 2019, en semant à tout vent les akènes de pissenlit.

 

Cohorte de fleurs de prêle préparant un lâcher de spores.

 

Atterrissage d'une abeille en mission sur une coronille encore trempée.

 

Il ne sent pas, mais quel bouquet ! Le laurier thym.

 

Compétition entre un bourgeon à feuille et une grappe florale sur un arbre de Judée. Celui-ci est né d'une graine prélevée à l'Alhambra de Grenade.

 

Rencontre au sommet sur l'aulne glutineux: infrutescences de l'été dernier, chatons de l'hiver et feuilles naissantes.

 

La ballote fétide: avec un mauve si classe il faudrait faire réviser ce nom là.

 

Le sédum palmeri fourbit sa hampe florale. Il paraît que les succulentes sont des plantes de milieu aride !....

 

A part son qualificatif qui lui trouve un air d'os, la stellaire holostée est la plus gracieuse des petites fleurs. Je préfère le nom langue d'oiseau.

 

Vous répèterez plusieurs fois sans vous tromper:  mousse et couches de champignons de souche.

 

Le mahonia, comme un mariage de mimosa et de houx.

 

Troglodyte mignon attendant pour pondre que le robinier faux-acacia veuille bien mettre son feuillage.

 

L'anémone des croisés n'est pas un héritage de notre templier de Naplouse mais un joli cadeau de Godelieve et Jean.

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