A Lectoure en Gascogne, mon carnet à tout propos. Moulins, châteaux et ruines,
à propos des chemins et des bois aussi, des plantes sauvages et comestibles, romans et légendes, à propos de la vie des gens d’ici, hier ou aujourd’hui. Carnet-éclectique.
Un regard innocent et si intense à la fois. Vous serez d'accord, il fallait se dépêcher de le capter ? Saisir un rayon de soleil éphémère sur la muraille aussi, ou une écharpe de brouillard s'évaporant entre les peupliers dorés à l'automne. Et ces nuages qui passent, là-bas, les merveilleux nuages... Vite, arrêtons l'instant, pour en jouir, sinon toujours, du moins encore un peu. Eternelle quête du beau, souvent fugace, toujours indicible. Depuis les fantastiques scènes animalières d'Homo Sapiens tracées d'ocre et de charbon par un doigt sorcier sur la paroi humide de la grotte profonde, façon de chambre noire paléolithique, l'art consiste à figer le temps qui passe, le mouvement, la lumière. Et depuis Nicéphore Niépce, la photographie multiplie et facilite à l'infini les possibilités. Alors, tous artistes ? Munis de notre iphone, publiant sans jury d'admission sur les cimaises virtuelles, instantanément mondialisées. 3 000 images sont diffusées sur Instagram à chaque seconde qui passe !
Ohhh, admirables couchers de soleil tweetisés, ohhh charmants selfies, sitôt likés déjà stratifiés sous une montagne de post amicaux et sponsorisés confondus !
Je ne me moque pas. Je fais partie du jeu.
Mais alors comment distinguer l'essentiel du superflu, l'unique du foisonnement ambiant, le remarquable du facile ? Nous n'avons pas encore beaucoup de recul, mais il semble toutefois que les grands photographes résistent à l'hyper inflation de l'image. Leurs tarifs en salle des ventes tendent à le prouver, mais ce n'est pas uniquement une question d'argent. Je suis sûr que vous vous souvenez d'avoir vu ces photos, ou d'autres, qui nous ont marqués à jamais. C'est sans doute là, la marque de l'art : l'émotion.
Nous avons la chance d'avoir à Lectoure (Goutz, c'est chez nous, non ?), une photographe de talent, éclectique, amoureuse de la Gascogne, dont elle n'est pas la fille et peut-être vaut-il mieux arriver avec un regard neuf, un personnage pétillant, drôle, qui ne mâche pas ses mots, ni ses clichés, et qui défend ses valeurs comme on dit aujourd'hui. Vous devez la connaître. Isabelle Souriment. Tiens, cette photo par exemple, qui a fait la couverture remarquée d'un livre à deux mains*.
Si vous ne l'aviez jamais vue, J'imagine que cette photo de Lectoure prise depuis le sommet de notre clocher emblématique devenu trépied gargantuesque, devrait vous troubler. Cette atmosphère irréelle et pourtant si proche est émouvante, pour les lectourois mais aussi pour tous ceux qui aiment cette ville et enfin ceux qui ne la connaissent pas mais en auront inévitablement envie après avoir admiré cet instantané entre chien et loup aux multiples connotations : majesté, couleur, chaleur, fête, sérénité, espaces, cheminements, histoire... C'est vraiment très riche. Et bien vu.
Bien sûr, la photographie est un métier. Il y a la technique, le matériel optique et de plus en plus électronique, les règles de la composition, le sujet imposé... Mais Isabelle y met aussi de l'esprit. Son amour de la Gascogne, et de la Lomagne en particulier, relève d'un choix de vie qui se devine dans son travail. Et puis, il y faut du temps, de la constance, de l'obstination, le secret des grands cœurs, disait Victor Hugo.
Comme toujours dans cette rubrique Beaux-arts, je vais vite arrêter là mon bavardage et laisser toute sa place à l'artiste. Faire un choix est toujours réducteur. Mais cette plongée dans l'abondante photothèque d'Isabelle Souriment fut un moment de plaisir que je voudrais vous faire partager. Ces vues racontent bien la Gascogne d'aujourd'hui, belle, simple et joyeuse. Quelques-unes sont glanées ailleurs sur la planète. Pour l'ouverture d'esprit.
Alinéas
Pour profiter des photos en plus grand, sélectionner (clic droit en fonction de votre navigateur) puis [Afficher l'image].
PS. Le titre de cet alinéa est emprunté à un grand photographe, parmi mes icônes : Jeanloup Sieff.
* Le livre En pays de Gascogne, Photographies Isabelle Souriment et Matthew Weinreb, se trouve encore d'occasion chez Amazon, Fnac etc... Mais faites viiite !
On retrouvera avec plaisir d'autres photos d'Isabelle Souriment ici :
otre époque est au déboulonnage des statues. Pour ce qui concerne les dictateurs, c'est une fin inscrite dans leur destinée et qui, en général, intervient heureusement assez rapidement après leur disparition, de vieillesse ou conséquemment à une révolte populaire, celle-ci étant également listée dans les aléas de la définition de fonction. Pour les grands hommes, nous le savons : ils resteront debout devant l'Histoire, la grandeur étant peu sensible à la vacuité et la versatilité des foules. Je propose que nous profitions de cette ambiance agitée pour nous tourner vers plus discret, plus tendre, mais non moins profond. Et plus prometteur. L'enfance.
Enfance dont l'artiste que le Carnet d'Alinéas vous présente aujourd'hui, s'est fait une thématique.
Anne-Laure Pérès est Lectouroise. Etablie à Toulouse, elle expose depuis 2011 dans différentes galeries du Sud-Ouest, mais également à Paris et en Provence. En 2018, elle obtient le 1er prix du public au salon Terre et Flamme de Chantepie (Ille-et-Vilaine). Disons également qu'Anne-Laure dispense des formations, cours particuliers et collectifs, et qu'elle propose des animations auprès d'associations et d'entreprises, activités perturbées en ce moment évidemment mais on garde le moral. Vous admirerez certainement son geste, précis et élégant, sur les tutoriaux disponibles sur sa page Facebook.
Anne-Laure travaille également sur commande. Ses coordonnées sont communiquées sous notre galerie de photos.
Anne-Laure Pérès se souvient avoir été marquée par la visite de l'exposition Camille Claudel qui s'est tenue au château de Lavardens en 2008. L'aurore, dernière variation de l'œuvre majeure de la célèbre sculptrice, La petite châtelaine façon Art nouveau, est évidemment éblouissante, mais pour que notre jeune lectouroise soit inspirée à ce point et décide de se lancer, encore fallait-il qu'elle ait la fibre pour y parvenir si vite et si bien. Quant à adopter l'enfance comme sujet de prédilection, les motivations abondent, esthétiques, spirituelles, psychologiques que l'artiste lui-même n'est pas toujours en mesure de distinguer, et pourquoi lui demanderait-on de les exprimer d'ailleurs ? L'art n'a pas besoin de se justifier. L'histoire de la sculpture offre des merveilles de représentation de l'enfance. Il faut chasser de notre esprit les défilés de putti, angelots et autres cupidons de Rome et de la Renaissance, replets et inexpressifs, qui sont à la sculpture antique ce que Mikey est à l'art contemporain. Le site de Brauron, sur la côte de l'Attique, aux environs d'Athènes, recèle un incroyable groupe de statues d'enfants (VIIe siècle av. J.-C) , voués à la déesse de la nature sauvage, Artémis, sculptés non pas dans une position officielle et hiératique, mais d'un naturel étonnant, comme cette jeune fille au lapin. A l'opposé de notre mare nostrum culturel, le norvégien Gustav Vigeland a offert à sa ville d'Oslo, dans le parc Froger qui lui est entièrement dédié, le jovial foisonnement d'une tribu naturiste où, malgré des formes pleines jusqu'à l'épure, annonçant le cubisme, les visages d'enfants, parmi lesquels cet enlacement de jeunes filles espiègles, expriment avec subtilité tous les sentiments de l'innocence et de la joie de vivre.
Il a fallu choisir les photos du travail d'Anne-Laure que nous reproduisons ci-dessous, une sélection forcément réductrice. Nous aurions également aimé pouvoir tourner autour de ces personnages en vidéo. Ils mériteraient un regard "intégral".
On dit en général que l'art du sculpteur est de savoir "saisir" l'instant, c'est à dire l'expression, le mouvement de son sujet. Par un effet de miroir sujet/spectateur dont Anne-Laure Pérès joue, c'est nous qui sommes saisis par le réalisme de ces scènes. Si les membres sont quelque peu stylisés, les postures elles, sont très étudiées et réalistes, la sculptrice maîtrisant parfaitement les fondamentaux de l'anatomie. Ne dit-on pas en langage courant que "le corps parle" ? Nous sommes ensuite, chacun selon sa sensibilité, captivés par une mimique, par la position des mains ou des pieds, trahissant l'hésitation ou la contrariété, par le regard qui se détourne, pour rêver ou s'échapper, par un ensemble de petits détails infimes donnant au personnage, si fragile pourtant, une présence intense. Sur nos places et nos avenues à la glorieuse perspective, les statues officielles de nos grands hommes n'ont pas toujours cette vitalité. Quand elles ne sont pas totalement creuses.
Le second caractère qui nous paraît s'imposer dans le travail d'Anne-Laure est sa contemporanéité. Ce n'est pas si évident, car bien souvent nous enfermons les enfants dans notre propre histoire et pêchons par nostalgie. Ceux-là ne jouent pas un jeu de rôle. Ils ne prennent pas la pose pour nous faire plaisir. Bien trop décontractés, indépendants, balthusiens. De telle façon que de l'humour, de l'anecdotique qui pourrait nous égarer, nous sommes bien obligés d'en venir à la perception, au second degré, d'une certaine philosophie de vie d'aujourd'hui. Non, ce n'est pas "l'enfance de l'art", mais bien l'inverse. Pour en arriver là, il faut que l'artiste maîtrise non seulement sa technique mais fondamentalement, de surcroît, la psychologie de son sujet, son rôle, son importance dans le groupe humain, la famille, l'école, sa génération, qu'il perçoive enfin son essence d'être, un être en développement certes, mais déjà totalement présent et indispensable à la société. Homme-enfant ou femme-enfant, personnalité à part entière, dès l'instant même où la silhouette émerge de l'argile, sous la main créatrice.
Alinéas
Balade sous la pluieLes copsLa boucle d'oreilleL'oiseau
Chuis pas chaudLa belle affaléeL'ennui
Le songeLes trois grâcesLe rugbymanLes bonbecsRêver est un voyageLe footballeur
Ce soir-là, on se serait cru à Saint-Germain-des-Prés. Ou Montmartre, pour le relief. Oubliant le masque, comme un prélude audacieux, les rires et les couverts gourmands s'interpellaient joyeusement. Le claret perlait lentement sur son verre à pied. Les caves et les venelles où le soleil n'a que la part congrue rendaient leur fraîcheur. Et puis, le brouhaha se fit murmure, monta une voix, sur quelques accords, à peine enchaînés, sans hésitation reconnus. La gouaille de Léo, le cœur du grand Jacques, le tempo de la guitare de Georges reprenant dans nos mémoires une belle dispute entre vers et prose, entre amour et liberté, révolte et solitude. Dispute interrompue il y a trop longtemps, faute de débatteurs. Ce soir, la voix était femme, vivante, émouvante, là sur cette scène de rue, simple et singulière pourtant.
Julie Aimée Debes a donné à cet été gersois un air des années soixante et de distinction mêlés. Hôtel Continental à Condom, villa gallo-Romaine de Séviac, hôtel Collège des Doctrinaires et terrasse de Cigale é Fourmi à Lectoure où elle a troqué la petite robe noire cabaret pour le jean de la chanteuse de rue. Répertoire de rêve. Aznavour, Reggiani, Moustaki qui lui offre le titre de notre alinéa, comme une fleur que l'on lance sur la scène. Et puis je voudrais partager avec vous un moment dont je n'avouerai pas l'émotion, Julie Aimée Debes chante Barbara, malgré sa jeunesse, en quelque sorte de grande Dame à jeune Dame.
La voix est profonde. La diction est claire, qualité si rare aujourd'hui. Couché sous son pin parasol, plage de Sète, le poète apprécie. Ici, je devine ceux qui me connaissent sourire.
- Mais t'es sourd Alinéas !
- Oui, mais j'ai des éclaircies pendant lesquelles je me précipite comme un affamé pour écouter ce qui me manque tant. Sinon, je lis sur les lèvres, et vous reconnaîtrez que ce n'est pas désagréable en l'occurrence.
Julie Aimée Debes est née dans une famille où l'on écoutait Hallyday et Bruel le jour et où l'on jouait de l'accordéon le soir, sur Brassens et Joe Dassin. Moi c'était Véronique Sanson et Dylan. Flirter avec l'anglais et la guitare électrique oui, mais à condition de texte, de sens et de mélodie.
Julie Aimée Debes est venue en pays lectourois par amitié. C'est fou ce que nous comptons d'habitants installés ici pour se rapprocher d'un ami ayant vanté les lieux. Un mode de peuplement enrichissant pour les deux cœurs réunis et pour le pays aussi.
Julie Aimée (un prénom que je verrais bien faire un nom de scène) ne copie pas. Elle apporte à chaque reprise sa pâte. Nous aimons cette jeunesse qui n'hésite pas à fouiller le terreau de la langue française pour y retrouver des pépites et les faire briller à nouveau au soleil. Rina Ketty : un siècle d'écart Mama ! Aujourd'hui, je ne vais pas faire mon vieux grincheux, mais tout de même : la langue française est violentée et colonisée. Le retour aux sources est un combat. Eclectique, ce n'est pas une faiblesse mais une source d'inspiration, notre artiste voudra écrire également. Enfin, l’interprète a rencontré Gérard Guidi, un auteur qui lui a offert ceci (extrait):
Ce soir allez savoir pourquoi j’ai envie de me rapprocher de moi
D’aller vers celle que je ne connais pas
Celle qui partage mon quotidien un même corps pour un même destin
Celle différente à la fois
Tant pis si je bascule ma vie sur le versant interdit que personne ne voit
Tant pis si prise de folie je deviens celle qui sommeille au fond de moi...
C'est sûr. Il y faut un peu de folie. De celle qui donne le courage d'exprimer ses sentiments, d'autres aussi, étranges mais beaux, des questions sans réponse et des espoirs sans lendemain. Ne lâche pas Julie Aimée, ne lâche pas le rayon de lune qui nous relie, qui te relie à Prévert, Ronsard et jusqu'à François Villon.
Alinéas
On pourra se procurer le dernier CD de Julie Aimée ici
Pour cet alinéa, les belles photos de la soirée de Cigale é Fourmi signées Jérôme Narbonne ont joué le rôle de déclencheur. https://jeromenarbonne.com/
Geneviève Troyes est née et a grandi à Lectoure. Je l’imagine gamine, à la sortie de l’école, dévalant les ruelles ombrées de la citadelle, une auréole de boucles rousses, un rire chantant et le regard vif.
Le boulevard du Sud et le quartier des Jardins méridionaux portent bien leurs noms. Les Pyrénées en toile de fond, ce versant de la citadelle où est accrochée la maison de famille, offre tout ce que les gascons de François 1er ont ramené ‘d’Italie pour faire renaître la gothique Lomagne : palmiers et lauriers roses, loggias et pergolas, génoises liserées de soleil et Diane à sa fontaine… L’art en germe de la petite lectouroise, comment en aurait-il été autrement ? serait exubérant et lumineux comme un giardino. Sensuel comme une balade en Arcadie.
Le trait est rapide et joyeux. A main levée et sans retouche, il va à l’essentiel, comme un éclat de rire, comme une déclaration d’amour. Le rough, c’est le nom de cette façon de dessin, est une méthode de travail d’approche et de recherche, dans les domaines de l’industrie, de l’architecture et de la publicité. Il est élevé ici au rang d’œuvre d’art. Rehaussé énergiquement de couleurs avec des aquarelles ou des acryliques, lumineuses pour les végétaux, tamisées pour les nus. C’est spontané. C’est flamboyant.
Ces tableaux sont exécutés sur aluminium galvanisé ou thermolaqué, ce qui ajoute à leur impact. Parfois détournés en mobilier. Utile, contemporain et beau.
Geneviève Troyes vit aujourd’hui en région Rhône-Alpes. Enseignante, designer, architecte d’intérieur, elle expose ses œuvres régulièrement. En pays lectourois parfois, pour un retour aux sources.
Naturellement, on aime.
Alinéas
PS. Geneviève Troyes a conçu la maquette et exécuté certaines des illustrations des balises informatives du Petit musée des plantes sauvages comestibles de Berrac. Ou "Quand l'art contemporain chemine en compagnie de Dame nature et de nos meilleures traditions".
Il y a un an, jour pour jour, le Carnet d’Alinéas rendait hommage à Pertuzé, décédé cette semaine. Nous reproduisons aujourd'hui avec tristesse, ce texte et ces illustrations autour de Lectoure, un choix qu'il avait validé. A la suite de cette publication, nous avions programmé ensemble une rencontre qui lui faisait espérer revoir son pays. Son projet de livre sur ses "illustres" lectourois lui tenait également à cœur. Mais la Camarde s'en est mêlée. Le Lactorate Illustrateur les a rejoints. Désormais, nous le saluerons en passant devant la Croix-Rouge. Dans l'une de ses chroniques, il parlait de la mort, avec humour et poésie.
« Que je vous explique, si vous ne savez déjà. Le cimetière Saint-Gervais (comme son voisin disparu, donc, le dépotoir d’ordures ménagères) se trouve au nord de la cité, en haut du vallon du Saint-Jourdain. Le ruisseau de Saint-Jourdain, aujourd’hui paisible et bucolique, n’en est toujours pas moins géologique. Ses eaux discrètes et folâtres, bribe après bribe, emportent la terre, les brindilles, les poussières. Tout ce qui est en haut finit en bas, à une lenteur géologique. Il en va ainsi avec les locataires du cimetière, leur chair, leurs os, leurs cercueils, leurs monuments de marbre ou leurs croix de bois, et une bonne partie de ce qu’insouciants ils jetèrent au bourrier. Rien n'est plus bref qu'une concession à perpétuité. Lentement et inexorablement réduits à l’état de particules élémentaires. On a beau bâtir des murs de soutènement, bétonner, on ne remporte sur la Géologie que des victoires éphémères : on ne gagne qu’un peu de notre temps.
Le grand voyage est commencé. Attendez-vous (oui, il faut savoir attendre, c’est le prix de l’oubli) à être maintenant dans le temps géologique. On va descendre jusqu’au Saint-Jourdain, se laisser emporter par lui, et on aboutit au Gers, paisible rivière qui se jette dans la Garonne. Qui « se jette » ! Avec quelle impulsion soudaine, quel élan ? Restez calme et géologique. Ça prendra le temps qu’il faudra. Du grand fleuve majestueux, on naviguera ainsi en direction du soleil couchant, qui vous apparaîtra soudain dans toute sa gloire, nimbant le phare de Cordouan et vous ouvrant les portes de l’océan. Et le voyage ne sera pas fini pour autant ».
Grâce à ses deux talents, d’illustrateur et d’auteur, et par un minutieux travail de recherche et de documentation, il avait constitué un fonds précieux. Un réel patrimoine culturel. Peut-on espérer un aboutissement ? Ce serait le plus bel hommage à lui rendre.
Portant son trait d'esprit au-delà de nos remparts comme d'autres livrent sur les marchés de France la rondeur parfumée de notre fruit fétiche ou le bleu de notre ciel, il ne met jamais sa ville natale dans sa poche, pas plus que son béret par dessus. Il est le Lactorate* illustrateur : Pertuzé de Lectoure.
Bon, je vais faire attention à ne pas tomber dans la flagornerie. Ayant quelques indices sur la composition du personnage, je crois qu'il n'apprécierait pas. Mais tout de même. Depuis 40 ans il est connu des fanas de BD, de beaux livres, des amateurs de coquineries et galipettes, des collectionneurs d'affiches, des lecteurs de la presse, (presque...) toutes opinions confondues, de directeurs de la communication et de publicitaires à la recherche de médias suscitant à la fois attention et sympathie, de formateurs fignolant leur boite à outils pédagogique... "Illustrateur en tous sens", c'est sa devise.
- Illustrateur, c'est un métier ça ?
Ce cher Wikipédia, que nous avons avec Pertuzé en parent commun, nous explique : "Une illustration est une représentation visuelle de nature graphique ou picturale dont la fonction essentielle sert à amplifier, compléter, décrire ou prolonger un texte".
- Eh bé !!! On connaît des textes qui auraient mieux fait d'être des dessins tout de suite.
Enluminures, lettrines, gravures puis, de nos jours, profusion de photographie et de quadrichromie, de tout temps l'écriture a recherché le soutien de l'illustration. Qui parfois se révèle être plus puissante et emporte l'adhésion mieux que la phraséologie. Jusqu'à ce que certaines BD en perdent la bulle. Alors l'image se veut suffire et laisse toute latitude à l'imagination, y compris celle de se tromper sur l'intention de l'illustrateur.
Mais Pertuzé, lui, ne nous laisse pas trop gamberger sur le sens de ses dessins. Non seulement il sert efficacement le texte, mais de surcroît, lui-même écrit avec verve. Il faut lire sur son site, ses portraits de Lactorates(re*). Un régal de trouvailles, d'érudition et d'humour. Ce n'est pas une sanction, mais l'auteur-dessinateur y laisse suspendus à leurs cimaises les Illustres trop officiels de l'Hôtel de Ville, pour nous raconter la petite et la grande Histoire de ceux qui ont vraiment vécu à Lectoure.
Auparavant, et c'est une de ses grandes œuvres, Pertuzé a illustré les Contes de Gascogne collectés par un autre lectourois célèbre, Jean-François Bladé, au 19ème siècle, in extremis avant qu'ils ne se perdent définitivement dans la nuit des temps rustiques.
Que seraient-ils devenus pour le grand public, sans la vista de notre illustrateur, ces récits de veillées et de "despouilladés", décorticages de maïs rassemblant tout le voisinage ? Seuls quelques gasconisants, les spécialistes de la culture populaire et les étudiants en sociologie et linguistique y trouveraient matière à recherche savante. Pertuzé a réalisé là, comme Bladé avant lui, non seulement un sauvetage de patrimoine culturel en danger, mais une belle œuvre graphique d'aventure fantastique. Si, comme le dit James Salter, "seul ce qui est écrit a réellement existé", seul ce qui est dessiné est vraiment toujours vivant.
Respectant le principe fondateur de ce cyber-carnet, nous avons sélectionné exclusivement des illustrations où Lectoure apparaît dans le décor, voire même dispute la vedette au scénario.
Pour le reste, il faudra arpenter les rayonnages des libraires et surtout ceux des bouquinistes, des Pyrénées à Garonne, sur les marchés aux livres toulousains de saint Pierre, saint Aubin, ou ceux de saint internet, car il se fait rare l'artiste. Sous son béret, il observe la planète s'exciter à tort et même à travers. Qu'en dessinera t-il ? Tous ses aficionados scrutent l'horizon pertuzéen. On vous préviendra.
Alinéas
* "Les Lactorates étaient le peuple aquitain (proto-basque) dont la capitale était Lactora, l'actuelle ville de Lectoure". Encore Wiki.
PS. La flèche de la cathédrale qui pointe derrière Gargantua est parfaitement conforme à l'Histoire. Pertuzé a corrigé mon photomontage mal renseigné, sur cet alinéa-là: On a retrouvé la flèche de la cathédrale !
Plein Ouest, vu depuis la route de Condom. Château, clocher du Saint Esprit, Cathédrale. Jolie perspective aux pieds de la ville, encadrée de peupliers. Pour l'ambiance: orage gascon en formation.
Lectourois qui vous montez le cou, trop fiers de votre ville : « Votre ville, dites-vous, est antique et jolie, cela ne nous surprend pas, Lucifer l’a bâtie » dit Dastros, curé de Saint-Clar.
1907. André Gide et ses deux amis, sous le charme de Diane. Comme quoi...
Aux pieds des remparts, l'évasion rocambolesque d'Henri de Montmorency, gouverneur du Languedoc en disgrâce. Au 17ème siècle, le château, s'il n'est plus comtal, est une place encore suffisamment forte pour faire office de geôle royale. Mais c'était compter sans la volonté d'une mystérieuse et dévouée marquise dont Pertuzé traque l'identité sur son site Lactorate.
Pertuzé, Maître graveur es-coquineries. Mais, me direz-vous: "Nous ne voyons pas Lectoure ici !". Si, si, la grange est bien de chez nous. Et nous connaissons toujours d'aussi belles girondes.
Illustration de La chouette, une nouvelle d'Alcée Durrieux, avocat, érudit, auteur en langue gasconne et autre figure locale, tout ce qu'il y a de plus respectable si vous en doutiez.
Beau panorama. Vu du Nord-Est. Vous pouvez vérifier, Pertuzé respecte la réalité historique. Sur votre carte IGN, tracez une ligne droite entre le clocher cathédral et la ferme du Bustet où se tient habituellement le sabbat. Ces deux innocentes, touchées par un malin sort, ont bien survolé la vallée du Saint Jourdain à cet endroit précis, entre les rochers de Cardés et la Mouline de Belin.
Bladé l'avait rêvé, Pertuzé l'a dessiné. Nous on l'a vu passer, l'abbé. Mais en Deuche. Et pas plus de 80 km/h !
Une très belle composition. Avec la rue Montebello perpendiculairement, je dirais: rue Soulès. Plus près du Carmel que des Clarisses. Mais on ne va pas ergoter, à un ponceau près.
Et pour finir, la tour du Bourreau. Pertuzé a retrouvé le sinistre lactorate. Qui, à sa décharge, n'est qu'un exécuteur de sentence. Un second couteau, si j'ose dire...
Et pour le béret, il faut absolument parcourir cette incroyable mine de documents, d'humour, d'anecdotes à propos de notre couvre-chef gascon. In english please, as the author is from New-Zealand. Si nous faisions autant de bonne pub à ce joli et sympathique pays que ce blog en fait à la Gascogne, les all-black n'oseraient plus nous mettre la pâtée. En outre le béret du Lactorate illustrateur y figure. Alors...
a Poterie du Don est située sur la commune du Fel, à l’extrême nord du département de l’Aveyron. Lieu d'exception. Les volcans d’Auvergne en arrière-plan comme un héritage tutélaire, un piédestal de lauze.
Pour cimaises à son art, Le Don jouit d'une vue à 180° sur la haute vallée du Lot qui garde la mémoire de ses gabares, sur le chemin pèlerinant vers Conques, sur les vignobles occitans, un lointain de nuées océanes...
Suzy et Nigel Atkins ont créé cette belle affaire artisanale dansles années soixante-dix dans une bergerie, au fin fond d’un canyon improbable, "Les Gorges du Don". En 2007, le succès ne se démentant pas et la perspective d’une heureuse succession ont conduit le couple à déplacer son entreprise sur un axe routier plus accessible, entre Rodez et Aurillac, dans un bâtiment à l’architecture audacieuse qui permet de développer aujourd’hui trois activités complémentaires : la production de poterie utilitaire du Don, d’une qualité et d’une originalité à la fois entretenues et renouvelées, le partage de l’espace commercial avec les meilleurs potiers de France et d’Europe, et enfin, comme un miracle dans ce paysage du bout du monde, la galerie qui accueille chaque année plusieurs expositions d’artistes de renommée internationale, attirant les collectionneurs avertis, fidèles de ce haut lieu de la création céramique.
Kélian Atkins, aujourd’hui en charge de la Poterie du Don, poursuit la belle aventure familiale en compagnie de Léonor Salanié, nous y voilà, potière également et mère de leurs deux enfants, Nathanaël et Héloïse, qu’ils laisseront, le moment venu, modeler leurs propres destins. Mais on peut espérer...
Tous deux habitués et amoureux de Lectoure, Kélian et Léonor ont décidé d’ouvrir une vitrine Rue Nationale. Les amis de la Mouline de Belin y retrouveront la vaisselle qui embellit sa table d’hôte de ses couleurs profondes, de ses éclats de lumière et de liserés mordorés, production complétée d'une sélection de pièces de céramique et de bijoux d'artisans invités.
Alinéas
La Vitrine du Don à Lectoure, au N° 39 Rue Nationale.
Portant son trait d'esprit au-delà de nos remparts comme d'autres livrent sur les marchés de France la rondeur parfumée de notre fruit fétiche ou le bleu de notre ciel, il ne met jamais sa ville natale dans sa poche, pas plus que son béret par dessus. Il est le Lactorate* illustrateur : Pertuzé de Lectoure.
Bon, je vais faire attention à ne pas tomber dans la flagornerie. Ayant quelques indices sur la composition du personnage, je crois qu'il n'apprécierait pas. Mais tout de même. Depuis 40 ans il est connu des fanas de BD, de beaux livres, des amateurs de coquineries et galipettes, des collectionneurs d'affiches, des lecteurs de la presse, (presque...) toutes opinions confondues, de directeurs de la communication et de publicitaires à la recherche de médias suscitant à la fois attention et sympathie, de formateurs fignolant leur boite à outils pédagogique... "Illustrateur en tous sens", c'est sa devise.
- Illustrateur, c'est un métier ça ?
Ce cher Wikipédia, que nous avons avec Pertuzé en parent commun, nous explique : "Une illustration est une représentation visuelle de nature graphique ou picturale dont la fonction essentielle sert à amplifier, compléter, décrire ou prolonger un texte".
- Eh bé !!! On connaît des textes qui auraient mieux fait d'être des dessins tout de suite.
Enluminures, lettrines, gravures puis, de nos jours, profusion de photographie et de quadrichromie, de tout temps l'écriture a recherché le soutien de l'illustration. Qui parfois se révèle être plus puissante et emporte l'adhésion mieux que la phraséologie. Jusqu'à ce que certaines BD en perdent la bulle. Alors l'image se veut suffire et laisse toute latitude à l'imagination, y compris celle de se tromper sur l'intention de l'illustrateur.
Mais Pertuzé, lui, ne nous laisse pas trop gamberger sur le sens de ses dessins. Non seulement il sert efficacement le texte, mais de surcroît, lui-même écrit avec verve. Il faut lire sur son site, ses portraits de Lactorates(re*). Un régal de trouvailles, d'érudition et d'humour. Ce n'est pas une sanction, mais l'auteur-dessinateur y laisse suspendus à leurs cimaises les Illustres trop officiels de l'Hôtel de Ville, pour nous raconter la petite et la grande Histoire de ceux qui ont vraiment vécu à Lectoure.
Auparavant, et c'est une de ses grandes œuvres, Pertuzé a illustré les Contes de Gascogne collectés par un autre lectourois célèbre, Jean-François Bladé, au 19ème siècle, in extremis avant qu'ils ne se perdent définitivement dans la nuit des temps rustiques.
Que seraient-ils devenus pour le grand public, sans la vista de notre illustrateur, ces récits de veillées et de "despouilladés", décorticages de maïs rassemblant tout le voisinage ? Seuls quelques gasconisants, les spécialistes de la culture populaire et les étudiants en sociologie et linguistique y trouveraient matière à recherche savante. Pertuzé a réalisé là, comme Bladé avant lui, non seulement un sauvetage de patrimoine culturel en danger, mais une belle œuvre graphique d'aventure fantastique. Si, comme le dit James Salter, "seul ce qui est écrit a réellement existé", seul ce qui est dessiné est vraiment toujours vivant.
Respectant le principe fondateur de ce cyber-carnet, nous avons sélectionné exclusivement des illustrations où Lectoure apparaît dans le décor, voire même dispute la vedette au scénario.
Pour le reste, il faudra arpenter les rayonnages des libraires et surtout ceux des bouquinistes, des Pyrénées à Garonne, sur les marchés aux livres toulousains de saint Pierre, saint Aubin, ou ceux de saint internet, car il se fait rare l'artiste. Sous son béret, il observe la planète s'exciter à tort et même à travers. Qu'en dessinera t-il ? Tous ses aficionados scrutent l'horizon pertuzéen. On vous préviendra.
Alinéas
* "Les Lactorates étaient le peuple aquitain (proto-basque) dont la capitale était Lactora, l'actuelle ville de Lectoure". Encore Wiki.
PS. La flèche de la cathédrale qui pointe derrière Gargantua est parfaitement conforme à l'Histoire. Pertuzé a corrigé mon photomontage mal renseigné, sur cet alinéa-là: On a retrouvé la flèche de la cathédrale !
Plein Ouest, vu depuis la route de Condom. Château, clocher du Saint Esprit, Cathédrale. Jolie perspective aux pieds de la ville, encadrée de peupliers. Pour l'ambiance: orage gascon en formation.
Lectourois qui vous montez le cou, trop fiers de votre ville : « Votre ville, dites-vous, est antique et jolie, cela ne nous surprend pas, Lucifer l’a bâtie » dit Dastros, curé de Saint-Clar.
1907. André Gide et ses deux amis, sous le charme de Diane. Comme quoi...
Aux pieds des remparts, l'évasion rocambolesque d'Henri de Montmorency, gouverneur du Languedoc en disgrâce. Au 17ème siècle, le château, s'il n'est plus comtal, est une place encore suffisamment forte pour faire office de geôle royale. Mais c'était compter sans la volonté d'une mystérieuse et dévouée marquise dont Pertuzé traque l'identité sur son site Lactorate.
Pertuzé, Maître graveur es-coquineries. Mais, me direz-vous: "Nous ne voyons pas Lectoure ici !". Si, si, la grange est bien de chez nous. Et nous connaissons toujours d'aussi belles girondes.
Illustration de La chouette, une nouvelle d'Alcée Durrieux, avocat, érudit, auteur en langue gasconne et autre figure locale, tout ce qu'il y a de plus respectable si vous en doutiez.
Beau panorama. Vu du Nord-Est. Vous pouvez vérifier, Pertuzé respecte la réalité historique. Sur votre carte IGN, tracez une ligne droite entre le clocher cathédral et la ferme du Bustet où se tient habituellement le sabbat. Ces deux innocentes, touchées par un malin sort, ont bien survolé la vallée du Saint Jourdain à cet endroit précis, entre les rochers de Cardés et la Mouline de Belin.
Bladé l'avait rêvé, Pertuzé l'a dessiné. Nous on l'a vu passer, l'abbé. Mais en Deuche. Et pas plus de 80 km/h !
Une très belle composition. Avec la rue Montebello perpendiculairement, je dirais: rue Soulès. Plus près du Carmel que des Clarisses. Mais on ne va pas ergoter, à un ponceau près.
Et pour finir, la tour du Bourreau. Pertuzé a retrouvé le sinistre lactorate. Qui, à sa décharge, n'est qu'un exécuteur de sentence. Un second couteau, si j'ose dire...
Et pour le béret, il faut absolument parcourir cette incroyable mine de documents, d'humour, d'anecdotes à propos de notre couvre-chef gascon. In english please, as the author is from New-Zealand. Si nous faisions autant de bonne pub à ce joli et sympathique pays que ce blog en fait à la Gascogne, les all-black n'oseraient plus nous mettre la pâtée. En outre le béret du Lactorate illustrateur y figure. Alors...
Chers lecteurs, si nous adhérons en 2019, ce sera au parti-pris d'un cadre de vie préservé. Si nous manifestons, ce sera pour vous faire partager nos petits bonheurs. Aux armes jardiniers, promeneurs et poètes !!!
Oui, cher abonné, cher lecteur de passage, avec tous nos vœux pour la nouvelle année, nous vous offrons une petite rétrospective des photos qui ont chapeauté nos alinéas en 2018. Nous les choisissons avec beaucoup de soin et de plaisir : couleurs, petits secrets, points de vue...
Allez, citoyen, dis-nous, dans le champ de saisie des commentaires ci-dessous, quelle est la photo qui te parle le mieux de Lectoure, celle que tu garderas en mémoire. On peut aussi élire un duo ou un trio de photos. Ce sera une façon toute pacifique, de résister avec nous, sans illusions mais sereins, au pouvoir du temps qui passe.
ALINEAS
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1 - Le clocheton de l'hôpital devenu village de brocanteurs, épingle un nuage en guise de chevelure fantasque.
2 - Au printemps, les chemins sont bornés de montagnes de fleurs d'aubépine où atterrissent en mission, les butineuses d'Arrajacamp.
3 - Du matin jusqu'au soir, la Croix-rouge salue les enfants des écoles en promenade, les vieux sur leur banc au soleil, et les derniers pélerins, essouflés mais enchantés.
4 - Photo prise depuis Hausset, à 2 km sur le chemin de Saint-Jacques, côté ouest. La distance écrase la perspective : entre la masse du château-hôpital et le clocher-tour, la ville semble rapetissée.
5 - Aux Ruisseaux, malgré les affleurements rocheux qui refusent de rentrer dans le rang, les andains sont parallèles. Les balles de foin ne resteront pas dispersées très longtemps. Allez hop ! Charriées, empilées, engrangées.
6 - Cette année, la pluie aura été abondante. Arbres et nuages moutonnent de concert.
7 - Rue de la Barbacane. Où la ville "fait le mur" pour s'égailler dans le faubourg.
8 - Alentour, des circuits nature-patrimoine-gourmandise, pour tous les goûts. Ici, le promontoire de Lagarde-Fimarcon.
9 - A quelques encablures du plateau de Baqué, dans le calme plat, la citadelle flotte.
Ce matin, le chemin de Saint Jacques est recouvert d’un embrouillamini de fils d’argent ampoulés d’une multitude de gouttes de cristal. Comme si on préparait un heureux évènement, une fête peut-être. Vous êtes au courant, non ?
Les auteures -eh oui au féminin, je n’y puis mais- avaient déguerpi à l’heure de ma découverte et j’ai bien regretté de ne pas les avoir vues à l’œuvre. Au chef-d’œuvre devrais-je dire. Combien étaient-elles sur le métier ? A quelle vitesse ont-elles tissé cet écheveau ? Quelle invraisemblable débauche d’énergie.
Et pour quoi donc ? A cette saison, pas un papillon ne s’est fait piéger, pardi ! Alors oui, il faut le croire, tout ça uniquement pour la beauté du geste, pour le plaisir des yeux. Eh bien, c’est réussi vous ne trouvez pas ?
Dommage cependant, pas un jacquet n’est passé... Art éphémère. Foin de tapage. A cette saison, sur ce chemin du champ d’étoiles, le soleil paraît et le rêve s’estompe.
Le travail de Marie Rigot n’est pas assez visible. Oui, je veux dire que j’aimerais voir la poésie, l’humour, la joie de vivre de cette artiste plus souvent accrochés aux cimaises et offerts aux regards. Mais faut-il être exposé pour justifier de son talent ? Certes non.
Il y a des raisons à cette discrétion. Marie est cinq fois maman ! Ça occupe. Et puis elle s’adonne à une passion, la gestalt-thérapie, une méthode thérapeutique psychologique douce, dont elle vit par ailleurs. Alors il faut saisir les rares occasions de rencontrer l’artiste.
Nous avons découvert son travail lorsque ses géantes hautes de trois mètres étaient accrochées dans l’atelier du Bleu de Lectoure, à l’époque au bord du Gers. Descendues de leur mur, ces demoiselles ont fait un petit tour par la Mouline de Belin et nous aurions pu, avec mon compère, à l’occasion de leur manipulation, être pris sur le fait en train de danser un slow gargantuesque, comme les déménageurs que Doisneau avait photographiés, un cliché devenu célèbre, transportant, les mains posées sur ses seins de bronze, une statue d'Aristide Maillol installée devant le Louvre.
Nous avons confié à Marie la création de notre logo, un travail qui exige qu’artiste et sujet apprennent à se connaître et depuis, de loin en loin, nous aimons à dire qu’elle est un peu une amie, ce qui donne pour nous encore plus de sens à son art.
Marie exploite le rendu de tous les matériaux, papier journal, tissu, carton et métal.
Elle n’aime pas le terme et il n'est pas nécessairement besoin de coller des étiquettes mais tout de même, son style conduit à la classer dans la catégorie "maniériste" au sens italien de maniera (façon) en donnant bien sûr au qualificatif un sens renouvelé depuis cette révolution artistique de la Renaissance, unstyle unique, j'oserais un "figuratisme réaliste".
Chez Marie Rigot, l’expression, la posture des personnages donne fondamentalement une signification à la scène, comme un langage qui exalte le dessin, un jeu de scène captivant et engageant. Plus profond que descriptif, plus attachant que cherchant à convaincre.
Petite-fille de Cranach, de Chagall et de Picasso, Marie nous entraîne dans un monde onirique et tendre. Au-delà de leur jeu de scène, convenu ou joyeusement libéré, ses personnages ont une vie intérieure qu’il faut deviner, voire inventer, au sens de "l’invention" d’un trésor, de son excitante révélation au grand jour. Des sujets qui dépassent les limites du support, du cadre de leur existence, de fait réduits, pour investir un espace de liberté que nous partageons, ne sachant pas en l’occurrence qui, de la fiction ou du spectateur, fera mouvement pour rejoindre l’autre. Une présence à la fois imaginaire et si intime.
Invitation à la découverte d’une joyeuse et poétique création.
ALINEAS
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