Publié le 27 Juillet 2021

village des brocanteurs lectoure antiquaires

 

 

e ne sais pas vous, autochtone ou bien visiteur d'un jour, en marchant rue Nationale ou dans quelque ruelle dévalant la citadelle, j'ai toujours l'impression qu'on m'observe. Non, je ne veux pas évoquer ces fameuses caméras de surveillance urbaine qui, signe des temps, sont arrivées jusque dans notre petit pays pourtant encore tranquille, comme la 5G sur le chemin de saint-Jacques ou le mur du son d'un bombardier à l'entraînement, résonant effrayant au fond du vallon de saint-Jourdain. Non, je ne dirai rien non plus de la ménagère qui épie le passant en soulevant un coin de son rideau de macramé, ni du commerçant derrière son comptoir qui espère, par-dessus ses lunettes, que le chaland se décidera à enjamber son pas-de-porte. D'ailleurs, ce n'est pas nécessairement désagréable, ce regard quelque peu inquisiteur, qui oblige à se bien tenir, à sourire et à saluer, quelle que soit notre humeur ou notre destination du moment. Autrefois, au moindre regard de rencontre, l'on inclinait la tête, ou l'on soulevait le couvre-chef, c'est-à-dire chez nous le béret, les dames étant dispensées. Finalement, échanger un regard comme échanger un mot, c'est déjà faire un premier geste de civilité.

Mais, certains regards dont je veux vous parler, sculptés dans la pierre, le bois, les matières synthétiques aujourd'hui, peints sur toile, ou imprimés et plastifiés ce sera probablement moins durable, sont peu prégnants et l'on a tendance à ne pas les considérer. A tort. Peut-être parce qu'ils sont posés là, un peu bêtement, sur une façade ou sur un piédestal, ad vitam, sous la pluie et le soleil ardent, et qu'il n'y a aucun espoir d'engager le dialogue. Non, ce n'est pas que décoratif. Il doit bien y avoir quelque chose à en tirer. Qu'a voulu dire l'auteur de cette exhibition gratuite ? Quel est le message ?  Il y aura sans doute bien des erreurs d'interprétation. Des refus de collaborer même. Mais déjà, si nos regards se croisent, si, en secret pour ne pas passer pour un fada, on veut bien dire un petit bonjour à ce qui n'est pas tout à fait un objet inanimé, adresser un petit compliment, faites l'expérience, la balade s'en trouvera toute égayée.

Contrairement à ce que l'on prétend parfois, les portes ne sont pas faites pour s'enfermer chez soi, mais bien pour en sortir. Il en va de même des statues. Elles ne sont pas mortes mais nous racontent l'histoire de cette ville, et expriment son caractère. Ce carnet d'alinéas l'a déjà suggéré, trop timidement sans doute, Lectoure s'honorerait à ériger un monument célébrant ses deux plus méritants enfants, Pey de Garros et Jean-François Bladé, qui ont marqué profondément la culture gasconne et porté le nom de leur ville dans les hauts lieux intellectuels. Allez, en attendant un renouveau de la statuaire officielle, je vous emmène. Le Village des brocanteurs est une mine, évidemment c'est tentant. Mais à tous seigneurs, tout honneur, déjà vus mais incontournables, Jean Lannes, qui regarde sans doute vers le soleil d'Austerlitz et notre vaillant jacquet qui s'en retourne tout neuf, guéri et pardonné, vers Le Puy-en-Velay.

                                                                                                   Alinéas

 

Maréchal Jean Lannes lectoure statue
"Pygmée, devenu géant" dixit Napoléon

 

jacquet - pèlerin - lectoure - croix rouge - GR65
Jacquet figurant probablement sur un grand nombre de carnets de pèlerinage.

 

village des brocanteurs - lectoure - art asiatique - cambodge - boudha
Pour voyager exotique : le village de brocanteurs !

 

sculpture - style colonial - nègre - petit noir
Style colonial, ne nécessitant pas repentance

 

village dees brocanteurs - lectoure
Tombée de son piedestal dans le bassin, il fallait la pêcher celle-ci !

 

vierge Marie - lectoure - rue des frères Danzas
Vierge sous protection... anti pigeons probablement.

 

thème voyage - conquètes - Lectoure - navigateur Amérigo Vespucci
Amerigo Vespucci, perdu dans un océan de verdure.

 

maison de la photographie lectoure - été photographique
La maison de la photographie et du géranium réunis.

 

anne-laure Pérès - Lectoure
Anne-Laure se lâche à la sortie de la classe.

 

monument aux morts lectoure - victoire - Carlo Sarrabezolles
La Victoire a été décapée depuis. Mais le lichen lui allait si bien.

 

cul de lampe - cathédrale saint gervais saint protais - lectoure - clocher
Un cul-de-lampe haut perché sur le clocher, perspective de génie pour sembler à hauteur de paroissien.

 

saint gervais - saint protais - lectoure
Saint Gervais, martyr. A moins que ce ne soit son frère, Protais.

 

musée Camoreyt - lectoure - mosaïque gallo-romaine - lactora
Le dieu Oceanus en mosaïque gallo-romaine. Mériterait le grand prix de la BD.

 

salle des illustres - lectoure - général Banel
Pierre Banel, à la tête des soldats de la 1ère République.

 

Prosper Lasseran - Paul Lasseran - sculpteur Lectoure
Linteau sculpté par Prosper Lasseran. Un petit air de satyre, non ?

 

caryatides lectoure
La maison des caryatides. Du haut de cette facade, 25 paires d'yeux vous contemplent...

 

triface - lectoure - rue de Marès
Un tri-face qui aurait très bien pu coiffer un n°9 ter...

 

CREDITS :

La photo du dieu Oceanus, prise dans le musée Camoreyt, est empruntée à Wikipédia - Morbure (alias Jean-Claude Pertuzé).

Toutes les autres photos : © Michel Salanié

La photo-titre de cette chronique est un cadrage serré de la sculpture monumentale trônant devant le Village des brocanteurs.

 

Nous aurions pu légender plus en détail ces œuvres, date, artiste, localisation... mais nous voulions simplement vous offrir une petite balade photographique, sans prétention.

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #La vie des gens d'ici

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Publié le 16 Juillet 2021

épidémie - pandémie - peste - feu de saint antoine - mal des ardents - feu sacré

Le corps couvert d'ulcères purulents, le ventre ballonné et les organes secoués de spasmes, le personnage se contorsionne dans d'atroces douleurs. Délirant sous l'effet de migraines hallucinatoires, enfiévré avec l'alternance d'une sensation de froid intense et de brûlures, les extrémités de ses membres gangrénées prendront une couleur noire et se détacheront du reste du corps.

Sous sa forme convulsive la maladie impressionne et fait, inévitablement à l'époque, supposer une cause maléfique. François de Salerne, médecin orléanais du 18ième témoignait : L'ergotisme, débute ordinairement par des troubles du psychisme marqués par des «assoupissements et resveries. Toutes ces personnes sont hébétées et stupides et la stupeur augmente à mesure que la maladie fait du progrès. Certaines furent brulées ou exécutées sur la place publique car considérées “possédées” par le diable».

On trouve également la trace de cette forme de la maladie dans des témoignages venus de Norvège, un pays durement touché par l’ergotisme. Assoiffés, suants, hurlant de douleur, les malades convulsaient pendant des heures. Des contractions d’une violence telle qu’elles produisaient des sons de chou qu'on brise, verrouillaient leurs membres dans des positions grotesques et douloureuses : les poignets et les mains devaient être fracturés pour retrouver leur mobilité, les jambes se recourbaient assez pour tirer les pieds sous le ventre et les colonnes vertébrales pliaient en arrière, ramassant les malades en sinistres cercles.

S'il en réchappe, le malheureux sera horriblement diminué ou mutilé. C'est le feu sacré, le feu de Saint Antoine.

Pendant des siècles cette maladie, sous les formes gangréneuse ou convulsive, parfois épidémique, fera des ravages dans toute l'Europe, 40 000 morts en Aquitaine et Périgord en 994, particulièrement lors d'épisodes climatiques froids et pluvieux et simultanément de disette, savants et docteurs, à la science trop démunie, mettant longtemps à rapprocher les effets de cette cause. Certains symptômes communs, comme les bubons tuméfiés, ont parfois provoqué la confusion du feu de saint Antoine avec la peste, au point que l'on a pu historiquement par erreur, attribuer certaines épidémies à l'une ou l'autre des affections.  Lectoure et la Lomagne ont probablement été touchés par le feu de saint-Antoine mais les archives et les témoignages ne permettent pas de déterminer avec certitude la nature des épidémies ("Population et société aux XVIIè et XVIIIè siècles" par Georges Courtès, in Histoire de Lectoure. Imp. Bouquet Auch 1972).

La maladie est en fait provoquée par la présence d'un champignon parasite du seigle, ayant la forme d'un ergot de rapace ou de coq, Claviceps purpurea, d'où son nom scientifique "ergotisme", la peste elle, étant transmise par la piqûre de la puce porteuse d'une bactérie, Yersinia pestis, endémique chez certains petits mammifères, le rat en particulier. Le seigle est une plante résistante au froid et à l'humidité, adaptée à des terrains pauvres. Logiquement sa culture est donc privilégiée pour pallier aux mauvaises récoltes de blé et les épidémies se déclareront au plus mauvais moment, celui où les organismes sont faibles et la nourriture de qualité rare.

seigle - froment - céréale - farine - claviceps purpurea - disette
Claviceps purpurea sur un épi de seigle

 

Si ce carnet d'alinéas veut évoquer le feu de saint Antoine, ce n'est pas par sensationnalisme malsain ou par un opportunisme relatif à notre actualité sanitaire, quoique l'on puisse y observer certains comportements collectifs similaires. Non, mais notre intérêt pour les ordres hospitaliers présents sur le chemin de saint-Jacques, conjugué avec l'histoire des moulins et de l'activité meunière, nous conduit à Saint-Antoine de Pont d'Arratz, à une étape de Lectoure, porte d'entrée des pèlerins en Gascogne. La digue du moulin des Antonins, abandonnée en même temps que la mécanique du meunier et plus encore malmenée aujourd'hui par les politiques administratives hydrologiques successives, a vu passer des générations de croyants et de pénitents en route pour Santiago.

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Le pont d'Arratz

L'ordre des Antonins a été fondé en 1089 dans le Dauphiné, autour des reliques de saint Antoine le Grand, ou Antoine du désert - à ne pas confondre avec Antoine de Padoue - ayant vécu au 3ième siècle, considéré comme le père du monachisme chrétien et dont l'invocation sauve un jeune homme atteint du feu sacré, Guérin de Valloire, qui fait le vœu, en cas de guérison, de soigner les personnes atteintes de la maladie. Ce qui advint.

Ayant adopté, pour soigner leurs malades, une hygiène de vie et une alimentation riche, préférant en particulier le froment au seigle, les hospitaliers Antonins ont trouvé, sans le savoir, le remède au feu sacré. Leurs résultats feront leur succès. Les dons charitables affluent. L'ordre comptera plus de 600 hôpitaux, très souvent sur les lieux et les itinéraires de pèlerinage où se massent les foules indigentes. Installés sur les bords de l'Arratz en 1176, les Antonins recevront en leg de sa veuve, les biens du seigneur du lieu, Gaillard d'Ascort, mort aux croisades.

Antonins - ordre hospitatier de saint antoine - hopital moyen âge

 

Pour se distinguer parmi les ordres hospitaliers, les Antonins adoptent sur leurs documents et leurs vêtements, la lettre T de l'alphabet grec, le tau, qui figure en fait la béquille des amputés. Le cochon est souvent présent sur les illustrations représentant les frères ou le saint lui-même car au froment, est associé sur la table des Antonins, la viande de cet animal prolifère. L'ordre bénéficiera par décision papale, du privilège de laisser aller ses bêtes librement autour de ses commanderies. La graisse de porc est également utilisée dans les onguents servant à panser les plaies des malades.

Pour lutter contre le « feu de glace » (correspondant à la perte de sensibilité), les Antonins utilisaient des herbes dites chaudes (ortie, moutarde) en frictions pour provoquer une vasodilatation. Contre le « feu ardent », ils utilisaient des herbes dites froides (rose, violette...) Ces plantes étaient utilisées en onguent, ou par voie orale sous la forme d'un breuvage : le « saint vinage » fait d'un mélange de vin local, de décoctions de quatorze plantes et prétendant posséder de la poudre issue de reliques de saint Antoine. Ce remède administré aux malades le jour suivant leur entrée à l'hôpital, avait une relative efficacité s'expliquant par cette macération de plantes aux effets anesthésiants et vasodilatateurs (Myrrhe, cardamome, safran, menthe pouliot, gentiane...). Les Antonins disposaient aussi de la thériaque, dont l'un des composants majeurs, l'opium, avait une vertu antalgique. (Wikipédia)

saint vinage - opium - plantes médicinales
Scrofulaire aquatique ou Herbe de saint Antoine

Ajoutons que, confrontés fréquemment à la gangrène, les Antonins avaient la réputation d'être d'adroits chirurgiens, selon les critères de l'époque...

On le voit, une longue pratique et une patiente observation ont permis aux hospitaliers de saint-Antoine d'acquérir une certaine science. Bien sûr, la protection du saint et la foi chrétienne font partie de la médication. Mais l'hygiène, l'alimentation et la médecine ont pallié, jusqu'au 18ième, à l'ignorance de l'origine du mal.

Cependant, chaque épidémie provoquait l'agression et la condamnation des éternels bouc-émissaires : marchands, étrangers, sorcières. Les médecins eux-mêmes sont déclarés coupables puisque prescrivant une médecine qui ne soigne pas ! Enfin les malades épargnés, les "ardents", lorsqu'ils ne bénéficiaient pas de la protection religieuse, faisant alors partie des pestiférés, des cagots en Gascogne, rejetés à bonne distance du bourg, écartant ainsi, croyait-on, la punition divine.

                                                                           Alinéas

saint antoine - antoine du désert - antoine le grand - passion de saint antoine

 

ILLUSTRATIONS :

"La tentation de saint Antoine" est le titre de nombreuses œuvres religieuses et profanes depuis le Moyen-Âge et jusqu'à nos jours (Salvatore Dali). Ce thème fait référence à un épisode de la vie du saint qui aurait été tourmenté par le diable sous la forme de visions des voluptés terrestres. S'affranchissant de la chronologie, les artistes représentent la légende avec des détails relatifs à l'ergotisme et à l'ordre des hospitaliers alors que le saint ermite vivait plusieurs siècles auparavant.

- En titre, monstre présentant les symptômes de l'ergotisme, détail de La tentation de saint Antoine, Retable d'Issenheim, par Matthias Grünewald, 1512-1516, Musée Unterlinden de Colmar.

- Ci-dessus, La tentation de saint Antoine de Pieter Huys, 1547, Musée du Louvre. Le saint tient le livre de la règle et porte le signe du tau de l'ordre qu'il n'a pas créé. A l'arrière-plan, dans une niche ogivale, le flacon de saint vinage.

- Ergot du seigle, Dominique Jacquin, Wiktionary.org.

- Le pont d'Arratz du moulin des Antonins à Saint-Antoine (Gers), Michel Salanié.

- L'abbaye de saint-Antoine en Sologne, Ernest Board, 1877-1934, Wikicommons.

 

SOURCES :

Quelques références parmi beaucoup :

- https://www.vice.com/fr/article/epgebm/histoire-de-ergot-milliers-de-morts-epidemie

- https://www.academie-medecine.fr/le-feu-saint-antoine-ou-ergotisme-gangreneux-et-son-iconographie-medievale/

- https://books.openedition.org/iremam/3132?lang=fr

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Histoire

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Publié le 26 Juin 2021

garonne - lavandière - marinier - pont canal - batelier

 

Écrire une chronique à propos d’un philosophe, contemporain et réputé qui plus est, serait une audace. Le format ne se prête pas à l’expression de raisonnements complexes. Et le chroniqueur touche à tout ayant tendance à donner son point de vue, le risque est grand de confusion et de platitude.

Mais Michel Serres n’est pas n’importe quel philosophe. Gascon, il a cultivé, au-delà de l’auditoire de ses élèves et de ses pairs, une recherche d’expression intelligible pour le grand public, entretenu la mémoire d’un monde agricole et ouvrier modeste qui nous est également cher, tout en essayant d’entrevoir un futur porteur d’espoir. En outre, il était lectourois par amitié. Alors, le chroniqueur n’aura qu’à copier-coller et s’assurer des transitions.

Notre cathédrale de Lectoure résonne encore de la profondeur de l’adresse funèbre qu’il prononça en 2010, lors des funérailles de son ami Pierre Gardeil, directeur du lycée Saint Jean : « Pierre, nous avons connu et subi, tous les deux, trois ou quatre guerres infernales, dont nous portons en nous la blessure encore ouverte, au cours d’une paix si longue que tout le monde en oublie les délices ; nous avons connu, aussi, les campagnes peuplées, le foirail aux veaux résonnant de patoiserie, puis le crépuscule brusque de la langue d’oc ; nous assistâmes à la mort de la culture paysanne, assassinée par ces conflits et le marché mondial : à l’agonie des humanités gréco-latines dont les sonorités entraînaient nos parlers vers leur source ; à l’extinction du petit commerce, tué par les grandes surfaces : ton père boulanger, le mien marinier ; à la mutité annoncée de la musique classique, alors que ton expertise et ta voix éduquaient encore tes élèves et tes enfants à ses partitions ; nous voilà enfin plongés dans le silence désertique d’une société jadis travaillée, transcendée de sainteté. »

Il faut un grand esprit, pour résumer en quelques mots une époque. S’il y associe son ami lectourois, Michel Serres lui-même s’y trouve également, là, tout entier. Ailleurs et toujours préoccupé par l'impact du temps et de la mondialisation sur son pays, il protestera :  « ... à ne lire que de l'anglais sur les murs, comme ailleurs dans le monde - mon pays a t-il sauté du gascon à l'anglais sans passer par le français, renouant brusquement avec les temps d'avant Jeanne d'Arc ? -, à m'égarer dans des banlieues bétonnées bordant des autoroutes assez larges pour masquer le paysage, à entendre des gens répéter la télé d'hier soir, que ferais-je ici plutôt qu’ailleurs et, d’ailleurs là-bas mieux qu'ici ? Nous allons par la monotonie. Coca-Cola cache aussi les déserts d'Arabie et les horizons d'Himalaya.» Philosophe et témoin de son temps.

Né à Agen dans une famille de paysans et de mariniers, de dragueurs s’amusera-t-il à souligner, mais de sables et de graviers, réussissant dans de brillantes études, académicien, il enseignera à la Sorbonne et à Stanford aux États-Unis, et sera invité à intervenir dans le monde entier. L’histoire des sciences, les mathématiques, la communication sont ses domaines de prédilection. Il s’attache plus particulièrement à la problématique morale des progrès de la science.

Michel Serres revient souvent à ses origines, auxquelles il attribue, malgré son ascension sociale et l’exil de par le monde qui en a découlé, l’amour de l’effort physique et de ceux qui en vivent modestement, l’intérêt pour les éléments naturels, Garonne, dit et écrit sans article défini, comme une personne de connaissance, et l’obstination à transcrire les abstractions philosophiques en phénomènes concrets, mécaniques, géographiques ou botaniques. « Si les philosophes avaient travaillé à la pelle et à la pioche, ils eussent pu relire le pagus (le territoire et leur champ d’étude) en sentant, gravée dans les mains et la flèche du dos, la mémoire douloureuse du paysage creusé. »

Entre 2012 et 2017, Michel Serres publie deux ouvrages que l’on peut, sans les dévaloriser, qualifier de vulgarisation, et qui auront un grand retentissement. Le premier, Petite Poucette, porte un regard résolument optimiste sur le monde numérique et sur la génération qui y évolue, pianotant des deux pouces sur son téléphone portable, d’où le titre. Cette vision rassurante en regard des inquiétudes souvent énoncées face à l’envahissement de l’informatique, de l’image et des réseaux de communication, sera critiquée par certains parce qu’elle serait naïve, fantasmatique, et qu’elle réduirait à sa plus simple expression le rôle de l’instruction, Petite Poucette étant libre, d’après le philosophe, de piocher dans l’immense dictionnaire à présent à sa disposition. Le second de ces ouvrages, C’était mieux avant, veut répondre précisément à ces détracteurs et démontrer l’erreur d’une vision nostalgique du passé. La lavandière, que le Carnet d’alinéas a portraituré (ici) et qui apparaît sur notre carte postale agenaise tellement opportune en introduction de cet alinéa, fait la couverture de cet ouvrage jouant sur le paradoxe : « Avant c’était mieux pour nos compagnes. Qui se levaient à l’aube pour mettre le bois ou le charbon dans la cuisinière ; une bonne heure avant que chauffe l’eau du café ; il fallait tuer la poule, la plumer, la vider avant de la rôtir ; la préparation des repas, la vaisselle, l’entretien du garde-manger, le nettoyage des dalles à grande eau, entre deux tétées du dernier-né, plus les maladies infantiles de ses frères et sœurs… Comment achever la liste des occupations qui écrasaient la mère et les filles à l’intérieur de la maison ? »

Un débat qui n’est pas près de s’éteindre et où Michel Serres aurait su évoluer. Car devant le cercueil de son ami lectourois décédé, il concluait modestement ainsi : « Tu sais, tu connais maintenant, car tu savais, comme moi, qu’aussi savant qu’on soit, l’on ne connaît rien, ici-bas ».

Paradoxal philosophe qui pleure son pays disparu et idéalise les enfants du siècle connectés et mondialisés, qui refuse de prendre les armes mais s’enflamme au combat des avants du SUA, le club de Rugby d’Agen : « …voir un seul match de charme, illustré par autant d'ancêtres superbes, inondés de la lumière d'extraordinaires exploits… capitaines, internationaux, avants, demis ou trois-quarts… tout aussi célèbres à Murrayfield, Johannesburg, Christchurch, Bucarest ou Buenos-Ayres qu'au Passage, Lectoure ou Astaffort ».

Serait-ce philosophie de bord de touche ?

rugby - agen - SUA - michel serres - philosophie de vie

« On a reçu des gnons ou on n’en a pas reçu, certes, mais, de plus, il ne faut pas les rendre, voilà toute la différence ; sinon les copains prennent trois points. On n’envoie pas le voisin au carton, mais on le prend soi-même pour libérer la course de l’autre. On offre l’essai à son arrière ou à son ailier, démarqués. On protège son demi. Et ainsi de suite : tout pour le suivant qui vous soutient dans le relais. Peu ou rien pour soi. Les plus grands, dans cette affaire, demeurent souvent dans l’ombre et ne deviendront jamais les étoiles dont on parle. Ils resteront au secret.

Incompréhensibles, ce travail et ce sacrifice pour autrui, dans la bagarre et le chacun pour soi de l’usuelle et animale vie. On sort de cette école altruiste ou on n’en sort pas. On a ou non appris cette gentillesse. Gentil, vieux mot français qui veut dire : noble. De l’aristocratie que fait entrer dans le cou et les cuisses cette dure et loyale école. Oui, le rugby perpétue, de l’intérieur, la chevalerie ancienne et ses traditions, publiques mais secrètes. Je me souviens d’un pilier d’Agen qui se nommait Paladin… ».

Philosophie de vie.

Le paysan et le marinier, la femme courbée, l’athlète, l’équipe… Éloge de l’effort. Et de la communauté. Y compris devant la mort, car le philosophe y revient, naturellement.

michel serres - philosophe - adichats - adieu - gascogne - lectoure

« Quand sonne l’heure, et elle sonnera, pour moi, encore, demain matin, mieux vaut jeter au feu tout ce qu’on possède, y compris ses souliers, ne prendre avec soi que le plus léger, laisser toujours le plus lourd.
Si partir équivaut à mourir, qu’emporterons-nous quand sonnera ce jour de colère-là ?

Voici donc la vraie, la profonde, à la lettre la sublime question : elle concerne les fardeaux, le poids, la pesanteur, la grâce ; où trouver de très maniable, du si léger que vous n’aurez aucun mal à le porter ?

Cherchez ce que, sur les grands chemins, nul, jamais ne pourra vous voler. Autrement dit : trouvez un impondérable.
Voici donc le précepte en réponse, encore : n’emmenez rien de ce qui diffère du corps, nu ».

Adichats Michel ! Soyez à Dieu !

                                                         Alinéas

 

l'homme et la terre - elysée reclus - géographie - philosophie - corps nu

 

SOURCES :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Michel_Serres

Outre l'éloge funèbre à Pierre Gardeil, les citations sont tirées de

  • Adichats ! Éditions Le Pommier 2020
  • C'était mieux avant, Éditions Le Pommier 2017

 

Pour un débat contradictoire à propos de Petite Poucette : http://skhole.fr/petite-poucette-la-douteuse-fable-de-michel-serres

 

ILLUSTRATIONS :

- Carte postale Agen Collection privée

- Rugby : Wikiwand, Championnat de France de rugby à XV, 1929 demi-finale Agen-Quillan.

- Adichats : photo Ed. Le Pommier

- L'homme et la terre, Elysée Reclus.

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Littérature

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Publié le 9 Juin 2021

rucher - lectoure - bois de rajocan

 

L'apiculteur. Voilà un personnage qui revient de loin. Au Moyen-Âge, il est totalement soumis au seigneur des lieux qui se réserve, parmi les droits féodaux, l'exclusivité des produits spontanés de son domaine forestier. Pour ne pas se faire voler "son" miel et "ses" abeilles par "ses" manants, ledit seigneur recrute une sorte de garde forestier : le bougre. La vie de reclus de cet homme des bois lui vaudra une sombre et sulfureuse réputation. Comme le charbonnier, l'anachorète ou le légendaire garou, on le craint, on l'évite et, comme tout ce qui est différent, on le soupçonne des pires turpitudes. En 1533, en Angleterre, une loi condamne au bûcher les coupables de "bougrerie", pratique contre nature entre deux hommes que l'église réprouve**. Cette animosité ou pour le moins, cette incompréhension, entre le monde sauvage de la forêt et la compagnie des hommes s'est atténuée mais l'élevage des abeilles restera toujours un peu mystérieux.

rucher - moyen âge - bougre - bigre - essaim - ruche tronc

 

Le bougre, abelhèr en gascon, apiculteur finalement aujourd'hui, est un artisan au savoir patiemment acquis, enrichi et transmis depuis la nuit des temps, exigeant adresse et sensibilité, courage et ténacité. Depuis l'antiquité, dans le monde entier, l'apiculteur recueille les essaims sauvages, les installe dans des ruches et récolte le miel et la cire, matière première elle aussi particulièrement précieuse, car pendant des siècles, la petite flamme de la chandelle a rassuré l'humanité et permis l'écriture et la lecture dans le secret du foyer, au cœur de la nuit.

rucher - cire d'abeille - chandelle - bougie

 

L'histoire ne commence pas au Moyen-Âge et en Occident. Depuis la nuit des temps et sur tous les continents, les pratiques les plus originales et inventives ont permis à l'homme d'accéder à ce nirvana du goût et de la valeur nutritive. On se souvient des merveilleux reportages sur les acrobates chasseurs d'essaims dans les grottes de Malaisie. Toutes traditions confondues, l'apiculture est sans doute l'un des patrimoines les mieux partagés entre les races et les cultures, une sorte de valeur universelle.

A l'origine, l'apiculteur copie la nature qui abrite les essaims dans des troncs d'arbres creux. Ainsi, en Occitanie et Gascogne, le bournac désigne aussi bien le viel arbre qui sert de repère à la croisée des chemins que la ruche. Celle-ci est d'abord tout simplement installée dans un tronçon d'arbre évidé et chapeauté d'une dalle. Puis, l'ingéniosité de l'apiculteur étant sans limite, en fonction des matériaux disponibles et du climat de chaque région, on inventera la ruche d'osier, d'adobe, de céramique, puis progressivement et de plus en plus souvent, de bois qui facilitera le développement de la technique du rayonnage et des rehausses.

Ruches-tronc de châtaignier, dans les Cévennes.

 

A Lectoure, au dire d'Elie Ducassé, le Bournaca, au nord de la ville sur le ruisseau de Manirac, dans un cadre naturel resté idyllique, produisait autrefois tellement de miel qu'on en sortait chaque année un tombereau ! ***

Aujourd'hui, à un vol de faux-bourdon de Bournaca, le Rucher de Lectoure de Laurent Duluc**** fait face à la citadelle d'Armagnac. A la lisière du bois de Rajocan, ses ruches abritent un miel exprimant un assemblage subtil de parfums des fleurs sauvages des arrajades, prairies sèches inondées de soleil d'est en ouest, c'est la signification de ce toponyme spécifiquement gascon. Laurent est également bien connu pour récupérer les colonies d'abeilles essaimées chaque printemps alentour et jusque rue Nationale, spectacle magique d'une nature uniquement mue par ses instincts.

laurent Duluc - essaimage - récolte d'essaim - essaim

 

Nous le savons, l'abeille est un animal fragile, très sensible au climat, aux techniques agricoles, à l'urbanisation... auxquels s'ajoutent parasite et prédateur, le varroa et le frelon asiatique. Certains développent l'idée qu'il faut d'urgence, pour la rendre plus résistante après des siècles d'élevage intensif, régénérer l'abeille en créant des sanctuaires totalement sauvages, c'est à dire sans intervention humaine, ni traitements, ni sélection, ni prélèvement de miel. Et chaque jardin de particulier peut s'ériger en sanctuaire, accueillant une ruche uniquement là pour favoriser la biodiversité. La boucle est bouclée : "réensauvager" l'abeille pour la sauver. Ainsi son maître, ou son ami et son protecteur, l'apiculteur, sorti un jour de sa forêt originelle, répondant aux besoins économiques des époques successives, retournerait cette fois à la vie sauvage, à la lisière du monde, pour un nouveau défi, paradoxal, sauver l'insecte dont on pense que l'humanité ne survivrait pas à sa disparition.

                                                                           Alinéas

abeille noire de gascogne - rose albéric barbier - mouline de belin
Ses corbeilles chargées du pollen d'une rose de la Mouline de Belin, l'abeille noire de Gascogne fait le va-et-vient vers le rucher installé à la lisière du bois de Rajocan.

 

* Mon apiculteur préféré étant une apicultrice, ceux qui se délectent saison après saison de ses miels d'Ardèche, châtaignier, acacia ou lavande, s'étonneront du titre masculin de cette chronique. Un masculin qui n'en est pas un  ! Car apiculteur est ici un nom générique comme fleur un genre, qui comporte aussi bien LA rose que LE pissenlit. On ne me fera pas me piquer à ce mauvais vaccin inclusif, à la mode aujourd'hui. Ecriture compliquée et complexée. Plutôt saborder ce carnet ! Quand à mon apicultrice, je la sais indulgente pour m'autoriser ce neutre, neutre mais cependant admiratif.

** Bougre, bigre, et leurs dérivés adverbiaux bougrement et bigrement, ont perdu aujourd'hui leur sens injurieux. Et l'on pourra dire sans faire de peine à l'apiculteur "ton miel est bigrement bon".

*** Le même érudit changea plus tard d'interprétation pour prétendre que Bournaca signifierait "trou d'eau", donnant naissance grâce à cette pirouette, à un dicton dont l'usage s'arrête probablement à la route romaine voisine : "A Bournaca toutos las a‌oucos sabon nada;  A Bournaca, même les oies savent nager". Sans doute une gasconnade de voisinage, puisque Elie Ducassé dominait l'endroit depuis son promontoire de Navère. L'étymologie ruche nous paraît beaucoup plus sûre. Car les toponymes Bournaca, Bournac, Bournat... sont fréquents dans le Sud-Ouest et souvent attestés ou supposés avoir autrefois abrité une activité apicole. Quant au tombereau de miel...

La proximité phonétique de bournac et borne laisse supposer une étymologie commune : Bodina, du latin médiéval, arbre frontière, viel arbre.

**** Laurent Duluc, Apiculteur à Lectoure, 06 01 92 48 63

 

ILLUSTRATIONS

- Photos et vidéo, Michel Salanié

- Ruches-tronc : © Alex Zambernardi

- Gravure, Johann Georg Krünitz 1774

- L'astronome à la chandelle, Gerrit Dou, vers 1665

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Portraits

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Publié le 25 Mai 2021

 

prêle - tiges fertiles - sporanges

 

 

vec un cadrage légèrement moins serré, apparaîtrait sur ces photos un pan de mur familier ou bien un bout de chemin dont la perspective provoquerait une distraction, un échappatoire. Au contraire, en zoomant par trop, ce serait une tentative de macrophotographie, un regard sur le monde merveilleux et impitoyable de Microcosmos. Entre ces deux extrêmes, la nature nous offre des tableaux sans intention, tendres et sereins. Ni titre, ni mouvement artistique, lieu de prise de vue indéterminé... Seuls l'entrelacs des formes et l'accord des couleurs. Parfois une vague géométrie. Naturelles abstractions. Sauf cet insecte qui s'obstine à rester dans le champ de vision.

Pour cela, il suffit de renoncer à penser par monts et par vaux, ne pas se situer dans un paysage qui, de fait, nous renvoie fatalement à notre propre dimension. Pour cela, il faut également organiser l'absence de l'autre, humain ou animal, qui pourrait troubler la neutralité de la scène. Tableaux de la nature intermédiaire, art botanique. Tout ceci sur le pas de ma porte. Et il faut l'avouer, voilà un pas-de-porte photogénique.

Restons modestes, la technologie de nos appareils fait l'essentiel de ce petit exercice. J'ai une pensée admirative, vraiment, pour l’œuvre de Kandinsky, Soulages ou d'autres, moins systématiques, Gauguin ou Van Gogh, dont le génie magnifie cette focalisation du regard.  Bien sûr, votre œil exercé et la puissante vitalité de la nature vous conduira à mettre un nom, scientifique ou vernaculaire, sur ce qui n'est, dans mon intention, qu'une esthétique. J'aurais pu, d'un petit coup de logiciel Photoshop, flouter ou déformer chacun de ces tableaux, pour en accentuer l'abstraction, pour créer un anonymat botanique. Mais on ne triche pas avec la nature. Voilà un spectacle à deux temps : appartenir à notre environnement puis s'en extraire, pour l'admirer.

                                                                                  Alinéas

 

Comme d'habitude, en fonction de votre navigateur internet, et de votre dextérité à manier votre ordinateur, vous pourrez sélectionner la photo, clic droit en principe, et [ouvrir dans une autre fenêtre] pour profiter de chaque tableau, sans la perturbation visuelle de la mise en page de cet alinéa.

 

germe de blé

 

arbre de judée

 

 

Macleaya cordata - Bocconie cordée - pavot à plumes - rosée

 

bois de la fontaine de rajocan - lectoure - brousailles -végétation exhubérante - sous-bois

 

plantain

 

coupe de tilleul - fût - tronc - mousse - écorce

 

gaillet croisette - rumex - laîche pendante

 

peupleraie - lectoure - gers

 

graminée - salicaire

 

bourrache - fleur comestible

 

euphorbe - guèpe

 

meules de paille - abstraction monumentale

 

Macleaya cordata - Bocconie cordée - pavot à plumes - rosée

 

chèvrefeuille

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Botanique

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Publié le 11 Mai 2021

chemin saint jacques compostelle - chemineaux coquillards jacquets - pélerinage - année jacquaire

 

 

 

n faisant ses courses rue Nationale, le lectourois qui aperçoit un personnage vêtu d'un short, de chaussures de randonnée, d'un chapeau à large bord ou à visière, d'une cape imperméable en cas de pluie, sac à dos et s'appuyant sur un ou deux bâtons de marche, qualifiera sans hésitation sa rencontre de "pèlerin". Facilité de langage car plusieurs types de marcheurs empruntent les chemins de Compostelle. Si ledit "citadin" engage une conversation avec le quidam, dépassant la simple indication de la direction à prendre ou, à partir de 15 ou 16 heures, l'adresse de son gîte, il pourra peut-être distinguer, à de petits indices, à quelle catégorie de "pèlerin" il a affaire : randonneur au long cours ou à la semaine, voire à peine à la demi-journée, routard, famille en vacances et en mal d'occupations et enfin "véritable" pèlerin, coquille en bandoulière, catholique plus ou moins pratiquant, parti pour honorer saint Jacques dans cinq ou six semaines ou, tronçon après tronçon, dans quelques années... Mais si l'on veut vraiment savoir, il faudra poser directement la question : "Faites-vous le pèlerinage par dévotion ?". La réponse est évidemment intime et les profils sont multiples et complexes. Pour faire simple, nous ne retiendrons que trois catégories principales, qui ont existé depuis la nuit des temps jacquaires : le randonneur, autrefois nommé "chemineau", le véritable pèlerin, le "jacquet", entre lesquels le resquilleur des trois, "le coquillard", s'insinue malignement, en tout cas historiquement. Les doubles réponses jouant, apparaîtra un éventail sociologique nuancé. Certains croyants qui pourraient pratiquer confortablement à la maison, partiront quand même pour joindre l'effort à la dévotion. Inversement certains athées ou agnostiques, partis simplement pour partir, ont trouvé la grâce sans la chercher, en marchant.

L'étymologie du mot "pèlerin" lui-même ne nous aide pas à faire le tri. Le pérégrin dans l'antiquité romaine, est l'homme libre, celui qui ne bénéficie pas de la citoyenneté. D'un handicap, d'une ségrégation juridique, le langage commun fera une liberté. Le pèlerin deviendra "celui qui voyage", loin de chez lui, voire sans chez-soi où revenir. Dans les religions monothéistes à vocation universelle, le grand voyage deviendra sacré et le pèlerin celui qui marche dévotement, qui pour rejoindre un lieu béni, qui pour participer à une célébration extraordinaire, qui enfin, pour honorer la mémoire d'un personnage tutélaire, légendaire ou ayant réellement existé. De cette liberté d'aller, découlera cependant un corollaire : sur le chemin, le pèlerin sera toujours l'étranger, épié, incompris, et parfois rejeté. Mais rien n'y fait, il faut partir.

 

LE CHEMINEAU

chemineau - randonnée - GR 65 - chemin du Puy en Velay

Qui n'a pas vu la route, à l'aube entre deux rangées d'arbres,

toute fraîche, toute vivante, ne sait pas ce que c'est que l'espérance.

( Georges Bernanos - Conférence Rio de Janeiro )

Il est probable, si nous pouvions faire une enquête statistique dont notre époque se gave, que le chemineau soit aujourd'hui une catégorie importante quantitativement. La randonnée est à la mode. C'est excellent pour le physique et peut être encore plus pour le moral. Mais pourquoi suivre ce chemin balisé, à la queue-leu-leu ? Le chemineau est plutôt solitaire, rebelle, sans objectif définitif et sans calendrier ?  Oui mais, à ne pas se fixer une destination ambitieuse, on risque de tourner en rond. Les chemins de grande randonnée référencés ont ceci de pratique qu'ils vous mènent sans embarras à l'étape, à travers des paysages choisis, et que la population indigène et les autorités locales les respectent voire les protègent. Un chemineau qui débouche sans prévenir d'un chemin peu fréquenté provoquera l'inquiétude et la méfiance, là où, sur le chemin de Saint-Jacques, il passe pour être un pèlerin comme un autre.

S'il a "fait" Saint-Jacques à plusieurs reprises, à partir des quatre grands points de rassemblement, Turonensis, Lemovicensis, Podiensis, Arelatensis... et n'a toujours pas assouvi sa soif d'horizon, notre chemineau pourra s'engager sur d'autres circuits cartographiés, pour rester hexagonal : sentier des douaniers dans un Finistère cousin de la Galice jacquaire, chemin de Stevenson avec ou sans Modestine, et pour les plus sportifs, GR 10, perpendiculaire au chemin de Compostelle, sur le fil entre Hispanie et Gasconie, voire GR 20 sur l'île de beauté. Bien que la ville, qui grignote le chemin, le macadam et toutes sortes de réseaux électroniques nous mettent un fil à la patte, le chemineau ne se laisse pas brider. Certes, il faudra fouiner pour trouver les derniers chemins noirs, chemins de traverse et autres chemins creux. Ils n'en seront que plus délicieux. Ni Dieu, ni balise.

Par nature, le chemineau est plutôt taiseux et avant tout arpenteur. Il n'y a pas incompatibilité, il n'en est pas moins, très souvent, spirituel. Car la marche est reconnue pour favoriser la réflexion et l'introspection. La beauté des paysages, la richesse du patrimoine ponctuant le chemin, la nature, autant de façons de tendre vers Santiago et en même temps, si ce n'est au salut éternel, à tout le moins à la sagesse.

 

LE COQUILLARD

coquillard - gueux - françois villon - argot - rocamadour La Romieu

 

Mon pourpoint tout neuf coutonné,

Qui ne m’a servi que neuf ans,

J’ordonne et veulx qu’il soit donné,

au Roy des pellerins passans,

Lesquels on appelle truans

Ou coquins.

( Montaiglon - poésies françaises xve-xvie )

 

Les coquillards jugés en 1455 à Dijon, pendus, bouillis ou simplement bannis pour les plus chanceux, n'étaient ni des pèlerins, ni des enfants de chœur. François Villon qui était le compagnon de ces "enfants de la coquille" a demandé pardon pour compte commun dans sa Balade des pendus : " Si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plus tôt de vous mercis ". Leur langage imagé, l'argot, fut répertorié quelques décennies plus tard par Ollivier Cherreau, qui cette fois dénonce directement le pèlerinage : " Coquillards sont les pèlerins de Sainct Jacques, la plus grand part sont véritables & en viennent. Mais il y en a aussi qui truchent (mendient par fainéantise) sur le coquillard (ici, le chemin), & qui n’y furent jamais (à Compostelle), & qu’il y a plus de dix qu’ils n’ont fait le pain bénit en leurs paroisses (ne sont allés à la messe) & ne peuvent trouver le chemin à retourner en leur logis". Révélant la pratique des vrais-faux pèlerins, mendiant, trafiquant et chapardant, Cherreau jeta une ombre méfiante sur le chemin. Dès lors le coquillard devient un personnage inquiétant, apparaissant dans la cour des miracles du Notre Dame de Paris de Victor Hugo aux côtés du duc d'Egypte et de Bohème, de Clopin Trouillefou et du vieux soldat qui avait servi sous les mâchicoulis de Lectoure. Fraternité misérable du pèlerin perdu et de l'écorcheur.

Cette déviation coupable donnera des arguments aux protestants qui dénigreront le pèlerinage en tant que pratique superstitieuse au même titre que le culte des images et des reliques. Au 15ième siècle, la pauvreté provoquée par les guerres, les épidémies, les catastrophes climatiques et les inégalités sociales est telle que la mendicité atteint un niveau insupportable pour l'ordre public. Pour remédier au trouble, en 1656 Louis XIV lance ses intendants à la poursuite de ces vagabonds et ces maraudeurs qui font tache dans le Grand Siècle. Les pèlerins n'ayant pas pu faire montre de leur bonne foi rejoindront alors ces gueux dans des hôpitaux devenus mi-prison, mi-asile que les ordres religieux hospitaliers eux, avaient pourtant installé en nombre sur le chemin pour leur servir de refuge et où ils étaient jusque-là accueillis et soignés parmi les pauvres, les orphelins et les vieillards. Le pénitent n'est-il pas déjà coupable ? Partir honorer saint Jacques est devenu une double faute, un délit.

Au 19ième siècle, il y a à peine quatre générations, sur le chemin de Rocamadour à La Romieu, mon aïeul qui voyait arriver à la nuit quelque inconnu au pays, se devait d'honorer la tradition ancestrale d'hospitalité. Cependant, ayant bu une écuelle de soupe et avant d'être invité à passer la nuit sur un lit de paille dans la grange, l'homme devait déposer sur la table son briquet et son couteau.

 

LE JACQUET

Jacquet - Emmaüs - Godescalc - Saint Gény - Lectoure - Marie d'Anjou - Louis XI

Reste avec nous, car le soir approche et déjà le jour baisse.

( Saint Luc - Les pèlerins d'Emmaüs )

Les pèlerins d'Emmaüs étaient les fidèles du Christ mais ils le croyaient mort et ils désespéraient. La rencontre de l'inconnu en chemin, l'accueil et le partage auront raison de la faiblesse de leur foi. Ainsi le pèlerin est-il, dès les textes fondateurs de la religion chrétienne, le disciple en recherche.

Pêcheur sur le lac de Tibériade, compagnon de Jésus, Jacques de Zébédée aurait évangélisé l'Hispanie. Revenu en Palestine, décapité, la légende veut que son corps ait dérivé jusqu'en Galice. En l'an 950, Godescalc, évêque du Puy-en-Velay, prenait le chemin du tombeau de l'apôtre. Ce premier pèlerin célèbre aurait fait étape à l'abbaye Saint-Gény de Lectoure. Marie d'Anjou, mère de Louis XI, elle, a fait le pèlerinage pour le compte de son fils. Oui, on pouvait se faire représenter, et le service se négociait. Lectoure, martyrisée par son armée en 1473, sait bien quels péchés le roi de France avait à se faire pardonner... Mais on ne dit pas quelle voie la reine-mère emprunta.

Lectoure, née en bordure de route romaine, réfugiée sur son rocher aux invasions barbares, s'inscrivait ainsi naturellement en ville-étape pour les milliers de croyants qui suivraient Godescalc. Car après la défaite des croisés en Orient, le pèlerinage à Jérusalem occupée par les musulmans devenait impossible. En 1120, le pape Calixte II, proclamait que les années saintes ou jacquaires (celles où le jour de la Saint Jacques, le 25 juillet, tombe un dimanche) les pèlerins obtiendraient "l’indulgence plénière". Celle-ci efface tout péché et permet au pénitent d’accéder directement au paradis à la fin de sa vie.  Le saint se voyait attribuer également de grands pouvoirs de guérison à une époque où la médecine était relativement impuissante. Si l’on tient compte du fait que l’année jacquaire arrive environ une fois tous les 6 ans à Santiago alors que les années jubilaires à Rome (donnant également indulgence plénière) n’arrivent que tous les 25 ans, on comprend l'engouement pour le grand chemin.

Ce carnet d'alinéas n'a pas la prétention de commenter ou de résumer la foi du pèlerin d'hier et d'aujourd'hui. Il y faudrait une chronique complète pour chaque foulée d'effort, de questionnement et de joie intérieure.

En cette triste période d'épidémie, le pèlerinage ayant été à nouveau interrompu par décret gouvernemental, en entretenant notre bout de chemin concédé au GR 65 et offert sans distinction à toutes les catégories de marcheurs au pied de Lectoure, je rencontrais de temps en temps un de ces rebelles qui bravent la contravention. Un sourire complice lui servant de passeport, et qui semblait me dire :

  "Suis-moi, je connais un champ d'étoiles ".

                                                            Alinéas

 

sculpture pèlerin - lectoure - croix rouge - cathédrale - GR 65

 

ILLUSTRATIONS :

- Gravures série Les gueux, Jacques Callot, Gallica, Bibliothèque nationale de France

- Les pèlerins d'Emmaüs, Le Caravage, National Gallery Londres

- Photos © Michel Salanié

  • Pèlerine sur le Chemin de la fontaine saint-Michel
  • Sculpture monumentale d'Eloi Gasc, mise en place par les services municipaux à l'entrée du chemin de Compostelle dans Lectoure.

 

 

 

 

 

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Publié le 20 Avril 2021

Jean Lannes - Maréchal d'empire - Lectoure - André Laffargue - polytechnique - général - Ligardes - Gers - Gascogne

 

" ... Masséna traversait le Danube sur le grand pont que le génie venait d'achever à midi. On n'entendait plus que le bruit de trente mille pas qui frappaient les planches. A l'aide de gaffes et de rames, debout, en mauvais équilibre sur leurs embarcations légères, attachés pour ne pas tomber dans les remous, des sapeurs détournaient les troncs d'arbres que charriaient les eaux, pour qu'ils ne coupent pas les filins d'amarrage. Le Danube devenait sauvage".

                                                         Patrick Rambaud, La bataille

Dans quelques heures, ni l'un ni l'autre des deux camps ne pourra revendiquer la "victoire" d'Aspern-Essling. Statu quo des positions française et autrichienne sur le terrain et 45 000 hommes mis hors de combat ! 34 000 blessés, 3 200 prisonniers et 9 800 morts. Parmi eux, le premier des maréchaux de Napoléon morts au combat, Lannes, fauché par un boulet, amputé dans les conditions de l'époque et du champ de bataille, agonisant de longues heures.

________________________

Né à Lectoure en 1769, Jean Lannes meurt sur l'île de Lobau, près de Vienne (Autriche), le 31 mai 1809, à l'âge de 40 ans. Déjà blessé huit fois auparavant, il aurait pu disparaître sur le fleuve Brenta, à Bassano del Grappa, Vénétie ou sur le Nil, au pied des pyramides... Parti volontaire de Lectoure pour défendre la Révolution sur la frontière pyrénéenne, il rencontre Bonaparte en Italie et ne le quittera plus. Courageux jusqu'à l'audace, meneur d'hommes exceptionnel, il n'assistera donc pas à l'épuisement de l'Empire que Napoléon mène à marche forcée, de bataille en bataille, au-delà des frontières et des ressources physiques et morales du pays.

André Laffargue, Général, né en 1892 à Ligardes, à 20 km de Lectoure, est mort en 1994 âgé de 103 ans, au bout d'une longue et paisible retraite, revenu dans son village natal après avoir participé aux deux grandes guerres du 20ième siècle. S'il n'a pas connu la gloire de son prestigieux compatriote, il a mené une noble carrière. Pendant la première guerre mondiale, jeune officier frais émoulu de l'école Polytechnique, il connaît la vie éprouvante des tranchées. Il est gravement blessé en conduisant sa section à l'assaut, baïonnette au fusil. Convalescent, puis intégré à l'état-major de Joffre, il rédige différentes études dont celle développant la théorie d'une tactique d'infiltration des rangs ennemis, idée qui trouvera application, mais plus tard, dans les actions de surveillance et d'espionnage de la guerre moderne.

tranchées - assaut - baïonette au fusil - lignes ennemies - grande guerre - guerre de position
Croquis d'André Laffargue, paru dans L'illustration en octobre 1915.

En 1939, emporté avec sa compagnie dans la débâcle de l'armée française balayée par la poussée allemande dans les Ardennes, il refuse de se rendre, traverse les lignes ennemies, franchit la Seine de nuit sur un radeau de fortune, et après maintes péripéties à travers le quadrillage du pays par l'envahisseur, se réfugie au jardin de son enfance qu'il affectionne, à Ligardes. Sous l'occupation, il est appelé à l'état-major du général Weygand à Vichy. Après le débarquement allié, il est intégré à la 1ère armée du général de Lattre de Tassigny, ce qui le conduira du Rhin libéré, jusqu'au Danube à son tour, 135 ans après Jean Lannes, mais pour la victoire cette fois-ci.

Rhin et Danube - 1ère armée - de Lattre - armée d'afrique - débarquement provence
Ecusson de la 1ère armée française en 1944

André Laffargue consacrera sa retraite à la rédaction de ses souvenirs militaires, enrichis de commentaires personnels sur les évènements qu'il a vécu auprès des chefs de guerre, mais également d'essais sur les grandes figures de son pays gascon, Monluc, un autre grand conducteur "de piétaille", la maison d'Albret - Jeanne d'Albret, Marguerite de Valois, Henri IV - d'Artagnan et enfin le Jean Lannes, Maréchal de France, Duc de Montebello qui nous intéresse.

On pourra trouver cette biographie de Lannes relativement épurée, concentrée sur les batailles napoléoniennes, stratégie, tactique, échecs et coups de génie. Cela n'étonnera pas venant d'un observateur militaire et il faut toutefois profiter de ce regard averti. Ceux qui veulent plus d'Histoire, plus de politique, grandes et petites, un contexte évènementiel plus élargi, pourront compléter leurs connaissances par la lecture des biographies très riches qui suivirent, de Jean-Claude Damamme (1987) ou Ronald Zins (1994). Mais il fallait bien un fantassin, baptisé au feu, pour restituer avec réalisme l'épopée du "pygmée devenu géant" selon l'expression de Napoléon. Un biographe fantassin et gascon.

 

Saint jean d'acre - Egypte - palestine - Napoléon
Bataille de Saint-Jean d'Acre - 1799

Les premiers chapitres consacrés aux campagnes des Pyrénées, d'Italie et d'Orient permettent de focaliser, au fil des évènements, sur la proximité de Lannes avec ses compatriotes lectourois, ceux de la pépinière : Jacques-Gervais Subervie, réformé lorsque que la Convention ne peut plus nourrir son armée, puis rappelé et nommé aide de camp de Lannes, Joseph Lagrange qui se révèlera en Egypte, Jérôme Soulès qui plus tard, votera la mort du Maréchal Ney, Pierre Banel bien sûr sous les ordres duquel Lannes servait, qui meurt à Casserio, Jean-Baptiste Dupin à ses côtés. Nous avons là, le canevas d'une épopée lectouroise qui débuterait lorsque se bagarraient autrefois ces garnements, sur les remparts de la citadelle médiévale, menant leurs joyeuses cavalcades d'une ruelle à l'autre, compatriotes se retrouvant à la fleur de l'âge au cœur d'une bataille, où l'on ne joue plus cette fois, à mille lieux de leur étroite patrie et, pour ceux qui en réchapperont, jusqu'à la triste retraite au pays (Dupin) ou l'allégeance à la Restauration (Soulès et Lagrange) ...

Bien sûr, le biographe trace dans le détail, l'ombre portée de Napoléon sur la carrière de Lannes. La relation entre les deux hommes est faite d'une profonde amitié et d'une confiance forgées dans le combat. Mais la (trop) grande sensibilité du gascon aux gestes et aux paroles de son ami et néanmoins maître, le ronge. Napoléon manage dira-ton aujourd'hui, en fonction de sa vision et de son génie, sur son champ de guerre et de politique, un grand nombre d'officiers supérieurs, mis en valeur ou pressés voire réprimandés alternativement, caractère latin ou méthode de motivation, dans le but unique de la victoire telle que la conçoit le grand stratège. Lannes pense être le plus honnête et le plus dévoué. Il vit mal cette relation complexe et anxiogène. André Laffargue sait de quoi il parle, car il a travaillé au plus près des centres de décision, tant en 14/18 qu'en 39/45. Dans son recueil de souvenirs "Fantassin de Gascogne - De mon jardin, à la Marne et au Danube", il évoque de nombreuses situations où il a dû prendre de la distance par rapport aux sentiments et aux relations humaines pour ne s'en tenir qu'à la fonction. André Laffargue a en particulier été appelé à témoigner au procès du maréchal Pétain. Il eut le courage, devant un tribunal convoqué à charge, de défendre le vieux soldat, particulièrement sur le point de l'utilité de l'armistice qui a permis de préserver et de renforcer l'armée d'Afrique. 260 000 hommes, dont François Laffargue lui-même, jeune fils du général, évadé de France, officier de Tirailleurs marocains, débarqués en 44 en Italie aux côtés des américains, puis en Provence, intégrés à la 1ère armée de Lattre, sur le Rhin et jusqu'au Danube, feront que la France tiendra son rang parmi les alliés et à la table de la reddition nazie. Le lendemain de sa déposition, le général Laffargue fut mis en disponibilité. De Gaulle n'appréciant pas qu'on lui tienne tête. On a avancé que Lannes avait parfois tenu tête à Napoléon mais ce n'est pas attesté.

danube - Lannes et Murat - 1805 - pont tabour - Vienne - Autriche
Lannes au pont de Tabour, Danube 1805.

Enfin et très précieusement, André Laffargue apporte également à la connaissance et la compréhension des évènements de la carrière de Lannes, sa propre expérience ayant successivement agi sur le terrain de bataille en tant que conducteur d'hommes, et participé à la stratégie et au commandement au sein des états-majors, deux fonctions qui, si elles sont évidemment dépendantes, ne réclament pas le développement des mêmes qualités.

" En effet la guerre d'alors plaçait les officiers généraux dans une situation paradoxale, que ne connaissent plus ceux d'aujourd'hui... Sous le Premier Empire [il fallait] rien moins qu'un général, venant payer de sa personne au premier rang, pour déterminer une troupe à se lancer carrément à l'abordage.

C'est ce que Lannes a dû faire à Montebello, à Austerlitz, à Iéna, à Pultusk et à Essling où il est venu prendre, à la tête d'une division, la place du général de Saint-Hilaire tué .../...

Passer d'un rôle à l'autre, se plonger dans la mêlée et reprendre du recul, changer ainsi, parfois à plusieurs reprises, de perspective, de mentalité, même de tempérament exigeait donc une maîtrise qui n'était pas à la portée de tous .../...

Il a déclaré aussi : « Il faut que tous les officiers paraissent sur le champ de bataille, aux yeux du soldat, comme s'ils étaient à la noce ». C'est ainsi que, pour donner l'exemple, Lannes se boutonnait, se corsetait de calme et de sérénité au milieu de l'orage. Il est donné à peu d'hommes d'être capables de se rendre de marbre .../...

C'est à cette aptitude à se dominer en même temps qu'à la vivacité de son intelligence qu'il devait, sur le champ de bataille, « le coup d’œil sûr et pénétrant » que l’Empereur lui a reconnu. En particulier « il lisait » très vite le terrain et les dispositions de l'adversaire et en déduisait instantanément la manœuvre à exécuter. Peut-être devait-il aussi ce sens du terrain à son atavisme paysan.

Et c'est pourquoi « a-t-il été supérieur à tous les généraux de l’armée française sur le champ de bataille pour faire manœuvrer vingt-cinq mille hommes d'infanterie »".

                                                                                                   Alinéas

 

lannes lectoure - logo ville de lectoure - statue maréchal lannes

 

BIBLIOGRAPHIE :

- Jean LANNES, Maréchal de France, Duc de Montebello, Général André Laffargue, 1975, Office de Tourisme de Lectoure

- Fantassin de Gascogne, de mon jardin à la Marne et au Danube, André Laffargue, 1962, Flammarion

- La bataille, Patrick Rambaud, 1997, grand prix du roman de l'Académie française, prix Goncourt.

- sur Wikipédia  https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Lannes

ILLUSTRATIONS :

- Titre

. Portrait de Jean Lannes, Lithographie d'après Gérard, Zéphirin Bélliard

. Portrait d'André Laffargue, sous-lieutenant en tenue de saint-cyrien

- Croquis d'André Laffargue, publié dans le journal L'illustration le 23 octobre 1915

- Écusson de la 1ère armée française. Aux couleurs de Colmar libérée le 10 février 45. Gérard Ambroselli, officier maquettiste de l'état-major de Lattre

- La bataille de Saint-Jean d'Acre, auteur inconnu, wikipédia

- La surprise du pont Tabour, Danube 1805, détail, Guillaume Lethière, château de Versailles

- Lannes-Lectoure. Photo montage © Michel Salanié

 

 

 

 

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Publié dans #Littérature

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Publié le 6 Avril 2021

chêne - arbre roi - gascogne - sessile pédonculé pubescent

 

 

crire un alinéa à propos du chêne me paraissait risqué, voire irrespectueux. Quelques lignes seulement pour un monument botanique, historique et culturel ? Quelle prétention ! C’est la raison pour laquelle j’ai d’abord chroniqué sur ses frêles voisins, la prêle (ici), le sureau noir (ici), l’arum (ici)… reportant prudemment l’instant d'oser. Mais, si ce cybercarnet devait finir un jour, et il finira, je m’en voudrais de ne pas avoir rendu hommage à l’arbre-roi. Je me souviens qu’enfant, je cueillais par poignées, de jeunes plants - gland germé, tige, première couronne de feuilles, racine pivotante et radicelles tout ensemble - pour approvisionner fièrement chacun et chacune de mes camarades de classe pendant la leçon de choses. Ça n’existe plus la leçon de choses ? Alors bloguons.

chêne - gland - glandée - porc noir gascon

 

En 2009, pendant la tempête Klaus qui ravagea la Gascogne, nous sommes restés confinés (déjà) plusieurs heures à l’abri de la partie supposée être la plus solide de notre maison, alors en chantier. Les rafales de plus de 120 km/h se succédaient, faisant trembler murs et plafond. Un fenestrou donnant sur le bois de Rajocan, au pied de la corniche calcaire s'étirant face à la citadelle de Lectoure, nous offrit l’une des plus terrifiantes visions de la nature déchaînée qu’il nous fut donné d’observer. Comme un gigantesque et invisible outil tranchant, chaque coup de vent imprimait aux chênes pluricentenaires ourlant le plateau de Bacqué, une gîte de quelques degrés, ouvrant autant de blessures béantes dans le paysage. Il fallut quatre à cinq heures de ce titanesque combat pour que ces mastodontes de plus de dix tonnes finissent de s’affaisser, vaincus par celui-là même qui tant de fois avait brassé mollement et pénétré intimement leur ramure offerte. Quelques touffes de racines léchant encore la glèbe, les chênes mirent plusieurs mois à agoniser, misérables dinosaures rampants blessés à mort, réclamant le coup de grâce de la tronçonneuse.

Comme un malheur n’arrive jamais seul, dans l’année qui suivit, les espaces libérés par les chênes abattus étaient colonisés à une vitesse et avec une densité invraisemblables par l’ailante, cet intrus importé de Chine au 18ième siècle pour son aspect ornemental, pour la culture du ver à soie et enfin à cause de notre incorrigible goût pour l’exotisme. Résultat, l’ailante, aux propriétés toxiques, désormais classé hautement invasif, sera très difficile à éradiquer. La citadelle de Lectoure est aujourd’hui cernée d’une armée qui ne lèvera pas le siège de sitôt.

Revenons à notre héros. En Gascogne, nous n’avons ni or ni pétrole, mais le chêne. Et cet arbre a offert à la région parmi ses plus précieux trésors. Allez, dans l’ordre : un toit, une table et les œuvres de l’esprit.

 

cagots de gascogne  - charpentiers - montaner - château de Phébus - Monein - église saint-girons - notre dame de paris - charpente
Charpente de l'église Saint-Girons de Monein

Voyons l'abri. Au Moyen-Âge, les cagots, ces parias suspects d’être descendants de lépreux et, pour faire bon poids, accusés de maux héréditaires et contagieux, totalement imaginaires, par l’ignorance des élites et par la malfaisance populaire qui va avec, interdits de tout contact avec l’eau et la terre nourricière, contre mauvaise fortune bon cœur, firent du travail du bois, matière encore par erreur considérée inerte, qui leur était concédée, leur spécialité. Et de père en fils, solidaires dans l’adversité, pratiquant une sorte de compagnonnage tribal, ils constituèrent la corporation des charpentiers, le métier englobant à cette époque la maçonnerie, progressant dans leur savoir-faire sur plusieurs générations, parvenant ainsi à une excellence que l’Église et la noblesse remarquaient, leur accordant alors protection et avantages financiers. Nous leur devons le château de Gaston Phébus, Montaner, et des charpentes de grande facture, par exemple celle qui nous est magnifiquement parvenue de l’église Saint-Girons de Monein dans les Pyrénées-Atlantiques ou celle de la cathédrale Notre-Dame de Paris au XIIIième siècle dont on connaît malheureusement le sort récent. Les chênes qui ont fourni les poutres maîtresses de ces ouvrages monumentaux ont poussé en futaille dense, bien droits, sans nœuds, donnant des billes de dix à vingt mètres de haut et d'un diamètre d’un mètre à la base. Incomparable et noble matière première.

 

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Le chai du château de Salles-d'Armagnac

La table à présent. J’aurais pu choisir le porc noir gascon qui transforme goulûment, élevage complété de quelques mois d’affinage, le tapis de glands de chêne en une joyeuse charcutaille. Ou bien une bonne poêlée de ceps tête-de-nègre (oups, il semble que ce nom ne soit plus politiquement correct, on dira "bronzés" à présent…) poussés en une nuit, tiède et humide, dans un coin de chênaie qui ne se partage pas. Mais il fallait choisir, et j’optais pour l’aygue ardente, l’eau de vie d’Armagnac.

Si l’alambic armagnacais n’est plus chauffé au bois, et cela n’a pas d’effet sur la qualité du distillat, l’eau-de-vie elle, devra vieillir en fut de chêne, exclusivement Sessile ou Pédonculé, les variétés gasconnes par excellence. Elle y gagnera cette belle couleur ambrée mais surtout son parfum et son goût spécifiques, composés par les aromatiques lentement restitués par le cœur de l'arbre, le duramen : vanilline, lactone, furane et tanins. « Comment a-t-on pu imaginer de faire tenir un liquide dans un montage de morceaux de bois fort difficile à assembler ? La barrique est bien une invention de poètes, l'imagination d'un peuple de rêveurs, insoucieux du temps et de la vie pratique, nos ancêtres les Celtes»*. Pour faire court, je dirais que celui qui a inventé la barrique … a eu du nez. Coupez du chêne, avec une scie à main bien sûr, ou bien avec une hachette ou une herminette de menuisier et humez. Vous sentez ? Peut-être la toute première fois a-t-on oublié un peu de fine blanche dans un gobelet en bois tout simplement ? Et puis, il faut dire que la barrique laisse s’évaporer lentement une part de l’alcool, qui se rapproche ainsi du degré recherché, et concentre les parfums. Évaporation que l'on appelle "part des anges", qui fait l’objet de savants calculs... de la part des agents du fisc cette fois.

Vins et spiritueux, part des anges, pays béni des dieux : nous sommes à table... et déjà ailleurs.

 

stalles chêne - choeur cathédrale sainte-marie - auch - sculpture bois - flamboyant - gothique renaissance
Détail des stalles du chœur de la cathédrale Sainte-Marie d'Auch

Au-dessus des contingences de nos besoins primaires, l'art sacré ne connaît pas l'urgence. Par exemple, l'artisan qui a taillé ce jovial angelot violoniste dans un bloc de chêne n'était probablement pas né, en tout cas pas à l'art de la sculpture, lorsque l'arbre a été abattu, débité, et mis à desséver pendant plusieurs décennies, en milieu anaérobie, à l'abri des champignons lignivores et des insectes xylophages, dans le secret de quelque étang abbatial. Prophètes, saints, scènes bibliques, sibylles de la mythologie gréco-romaine, figures fantastiques du bestiaire médiéval, faune et flore, plus de 1500 sujets composent les stalles de chêne du chœur de la cathédrale Sainte-Marie d'Auch. Un ensemble inestimable, trésor de la sculpture flamboyante, exécuté par des artistes restés anonymes, sur une période de 50 ans à partir de 1515. Ici, pierre, mosaïque, vitrail et bois s'agencent merveilleusement pour figurer la foi, mais aussi le doute métaphysique, le questionnement, incoercibles, et enfin l'esprit humaniste qui habitent ensemble la dernière cathédrale gothique.

 

forêt de chêne - ailante - semis galnds sélectionnés - coupe sélective - gestion forestière

Notre arbre est roi donc, mais nous l'avons vu, des dangers le guettent. Aux tempêtes successives, aux concurrents exotiques déloyaux s'ajoutent l'abroutissement des jeunes pousses par les chevreuils, aujourd'hui sans prédateurs, le développement urbain...  Le réchauffement climatique lui, affecte certaines espèces plus que d'autres. Le chêne Pédonculé, très présent en Gascogne, se révèle sensible au déficit hydrique. Sur les conseils des scientifiques et au vu d'expériences menées déjà depuis plusieurs décennies, les exploitants forestiers privilégient les plantations de chêne Sessile, gascon également mais moins gourmand, voire celles de la variété Pubescent, d'origine méditerranéenne. Ces techniques de "migration assistée" prouvent que l'exploitation du chêne, à condition qu'elle soit organisée, raisonnable et professionnelle, est garante de son avenir.  Un chêne arrivé à maturité, 150 à 200 ans tout de même, doit être abattu, avant de dépérir sur pied et de n'être plus exploitable. En outre, sans intervention humaine préparatoire puisque nous ne vivons plus en harmonie avec ce milieu, que nous ne sommes plus là pour utiliser le bois mort ni les animaux domestiques pour limiter le développement des broussailles, sous le vieux houppier une végétation désordonnée s'installe, empêchant l’émergence d'une nouvelle génération d'arbres, provoquant le développement d'un écosystème anarchique, inextricable, inaccessible, voire hostile pour l'homme. Quelques années avant l'abattage d'une parcelle de grands chênes, des coupes d'éclaircie sélectives doivent donc être entreprises. Des semis de glands sélectionnés organisés. Rapidement, à l'échelle de la nature, les jeunes arbres, protégés et éclaircis progressivement, se dresseront alors pour prendre la place de l'ancêtre avant qu'il ne soit abattu et ainsi régénérer régulièrement la forêt dont a besoin le bâtisseur et accueillante au promeneur.

Le poète lui, saura toujours cheminer un peu plus loin, en secret, là où la nature prend son temps et fait bien les choses malgré tout. Là où le chêne né, grandit et meurt libre.        

                                                                                   ALINEAS 

 

poésie chêne forêt

 

PS. Parmi les chênes européens, le chêne pédonculé et le chêne sessile sont les principales essences à vocation économique. La France, avec 4,5 millions d’hectares, possède 30 à 40 % de la superficie couverte par ces deux essences en Europe. Elle est ainsi le premier pays producteur de chênes en Europe et deuxième dans le monde, après les États-Unis. La France est donc par excellence, le pays des chênes. https://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%AAne

Je vous recommande le site de la société EcoTree, bretonne comme son nom ne le dit pas. Un concept très intéressant : vous pouvez pour quelques euros, acheter ou offrir un arbre ou vous abonner à une forêt !!! https://www.lepoint.fr/societe/ecotree-la-start-up-qui-vend-des-arbres-pour-sauver-les-forets-29-05-2019-2315818_23.php

* Pierre Boujut, tonnelier, dans Des métiers et des hommes au village, de Bernard Henry, 1975.

 

BIBLIOGRAPHIE : Elle pourrait être abondante mais on se contentera du magnifique et lui-même très documenté " Le chêne, arbre roi de Gascogne " de Chantal Armagnac, photos de Jean-Bernard Laffitte, aux Editions Le vert en l'air.

 

PHOTOS  Avec nos remerciements aux photographes et sociétés:

Titre : Johan Jaritz . Wikimedia Commons

Église Saint-Girons de Monein : Marjac . Wikimédia

Chai - Armagnac du château de Salles : http://www.chateaudesalles.com

Stalles de la cathédrale Sainte-Marie d'Auch : Sylvie Hannoyer http://www.gersicottigersicotta.fr

Contrejour forêt de chênes : https://ecotree.green

Glands et Arrière-plan de poème de Victor Hugo : Michel Salanié

  

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Botanique

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Publié le 23 Mars 2021

 

"La fondation de l'ordre du Saint-Esprit fut l'un des plus grands événements de l'histoire du monde au Moyen Âge."

Léon Gautier, historien médiéviste.

 

 

endant trois siècles, l'hôpital du Saint-Esprit de Lectoure a accueilli et soigné les pauvres, les malades, les enfants abandonnés, les estropiés de toutes sortes, les pèlerins, les vieillards... Son histoire est oubliée, enfouie sous les ruines successives, du fait de la destruction de la ville par l'armée de Louis XI, de la haine des protestants pour les institutions catholiques... et enfin dépassée par le progrès, inéluctable, par l'importance, l'innovation même du point de vue économique, du nouvel hôpital-manufacture construit à la fin de l'Ancien Régime.

Différentes publications sur les hôpitaux et l'assistance publique à Lectoure évoquent l'hôpital du Saint-Esprit. Nous les indiquons en annexe. Cependant, les origines mêmes de l'institution médiévale y sont ignorées. Cette chronique veut compléter modestement la mémoire de la noble fonction des hospitaliers de cet ordre charitable.

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Un point sur les lieux pour commencer, car ce n'est pas évident.

L'église du Saint-Esprit actuelle, versant sud de la citadelle, rue du 14-Juillet, au quartier Guilhem-Bertrand, ne porte ce nom que depuis la Révolution, étant auparavant la chapelle des Carmes. Il est vrai également que l'hôpital du Saint-Esprit a été transféré dans les dernières années de son activité (1566), dans la même rue, dans un bâtiment devenu par la suite la gendarmerie. Une piste qu'il faut quitter pour évoquer la fondation de l'hôpital.

De fait, le quartier Saint-Esprit, est situé à l'extrémité nord-ouest de la ville. Notre actuel cimetière du Saint-Esprit donne la bonne direction. Initialement, il jouxtait comme il était de tradition, l'église du même nom, dressée sur ce qui est aujourd'hui la place Boué-de-Lapeyrère. Cette église, ruinée une première fois, reconstruite de l'autre côté de la grande rue, à nouveau détruite et rebâtie, finit par faire office de chapelle du collège des doctrinaires, un établissement construit au 17ième et 18ième siècles sur les ruines de l'hôpital et devenu aujourd'hui hôtel de tourisme. C'est donc précisément à l'endroit de ce bâtiment, probablement sa partie centrale, qu'il faut situer l'hôpital médiéval du Saint-Esprit. L'Histoire n'a pas retenu la date de naissance de cette institution. Cet emplacement, au pied des ouvrages défensifs du château seigneurial, fossés, remparts et barbacane, laisse toutefois penser que le maître des lieux de l'époque, le vicomte de Lomagne probablement, a validé, voire doté et protégé, cette installation charitable. On trouve aujourd'hui dans ce quartier, outre le cimetière, rejeté extra muros du fait des normes d'hygiène modernes et des besoins d'espace, une fontaine et une croix, bien modestes malgré leur résistance aux évènements, toujours dites du Saint-Esprit sur le cadastre napoléonien reproduit ci-dessous. Enfin, subsiste la rue Saint-Esprit qui intrigue le lectourois ou le visiteur qui se demandent ce que fait là ce membre de la sainte Trinité. Voilà pour cerner les lieux, plusieurs fois bousculés par les siècles et l'agitation des hommes.

 

L'Ordre des hospitaliers du Saint-Esprit a été fondé à Montpellier en 1180 par Gui de Montpellier, ce qui explique qu'il porte aussi le nom "du Saint-Esprit de Montpellier". La réussite et le rayonnement de cette institution charitable conduira rapidement à sa reconnaissance par la papauté. En 1204, Innocent III fait construire à Rome l'hôpital Santa Maria de Sassia* et en confie la direction à Gui. Très rapidement, la dimension prise par cet hôpital et l'influence du Vatican impose l'installation du Grand Maître et des différentes structures de direction de l'Ordre à Rome. En quelques années, le développement des hôpitaux du Saint-Esprit est considérable. On en recense plus de 1000 en Europe dont 400 en France ! Les fondations dépendent des donations nobles qui permettront de générer les revenus suffisants et réguliers, nécessaires à l'accueil des malades.

Le duc de Bourgogne instituant l'hôpital du Saint-Esprit de Dijon

 

En France, outre Montpellier qui fut éclipsé assez tôt, deux commanderies prendront de l'importance en créant de nouvelles maisons secondaires, lesquelles pourront à leur tour, créer des dépendances : Auray avec 50 établissements et Besançon 34.

 

UNE FORTE IMPLANTATION EN GASCOGNE

L'hôpital de Lectoure a été créé par la commanderie du Saint-Esprit d'Auray en Bretagne, à une date que nous ne pouvons pas préciser,

 

Une bulle du pape Grégoire XI atteste cependant la présence de l'hôpital de Lectoure dans le giron d'Auray en 1372. Il serait vain peut-être, faute de documentation, de rechercher la raison précise de cette filiation, lointaine et "internationale" à l'époque. Les maisons-mères saisissaient toutes les occasions de s'implanter ici et là, étant donné leur intérêt financier puisque la fille payait annuellement à la mère son écot. Le rayonnement de tel ou tel commandeur peut également expliquer l'essaimage d'une maison magistrale. Lectoure n'est d'ailleurs pas un cas isolé. Pour ne prendre en exemple que le seul département du Gers, on y compte pas moins de 13 autres hôpitaux du Saint-Esprit, Bassoues et L'Isle-Jourdain qui sont des maisons-mères, Auch (dépendant de Bassoues), Barran** (de Millau), Bretagne d'Armagnac (de Bassoues), Estang (de L'Isle-Jourdain), Loci Marorici (?) dans le diocèse d'Auch, Manciet (d'Auray), Marciac (de Clermont-Ferrand), Mérannes (d'Angers), La Sauvetat (de Bordeaux), Taillaco (?) (de Manciet), Biran (de Bassoues). A proximité, en Gascogne, citons dans les Landes Audignon, Bessaut, Gourbera, Saint-Sever, Tartas, en Gironde Baulac, Belin, Bordeaux, Libourne, Bayonne, dans les Pyrénées-Atlantiques Bidos, Le Boucau, Dax, Hendaye Le Départ, Lannes, Gavarnie, dans les Hautes-Pyrénées Luz-en-Barège, en Lot-et-Garonne Agen et Nérac.

 

UNE VOCATION UNIVERSELLE

On le voit, ne sont pas concernées les seules villes importantes. Le Saint-Esprit est notamment bien implanté sur le chemin de Saint Jacques. Certains établissements, c'est le cas de l'Isle-Jourdain par exemple, existant antérieurement, ont été cédés au Saint-Esprit par l'Ordre de Saint-Jacques de l’Épée qui se recentrait sur l'Espagne en pleine Reconquista. Mais, et nous touchons là à sa spécificité, contrairement aux autres ordres religieux qui se spécialisent et limitent leur champ d'intervention, le Saint-Esprit  choisira d'accueillir toutes les misères, physiques et intellectuelles, les vieillards et les impotents, les femmes, les enfants abandonnés, très nombreux au Moyen-Âge, les familles tombées en nécessité ("pauvres honteux"), les malades, les prisonniers, les troublés d'esprit, les pestiférés.... L'hôpital entend également prendre en compte la fin de vie. Les mourants seront accompagnés dans leurs derniers instants. Les morts seront enterrés chrétiennement et dignement près de l'église ou de la chapelle, obsédante préoccupation au Moyen-Âge où la croyance en la résurrection est le dernier secours moral des faibles et des opprimés. Cette universalité fait de l'ordre du Saint-Esprit l’ancêtre de notre actuel hôpital général. Elle fera sa grandeur mais aussi sa faiblesse car les besoins sont infinis.

Gui de Montpellier adopte en exergue de la règle de l'ordre, le verset de l'évangile de Saint Matthieu:

« Lorsque le Fils de l’homme viendra dans sa gloire...(il) dira à ceux qui seront à sa droite : Venez, vous qui êtes bénis de mon Père ; prenez possession du royaume qui vous a été préparé dès la fondation du monde. Car j’ai eu faim, et vous m’avez donné à manger ; j’ai eu soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais étranger, et vous m’avez recueilli ; j’étais nu, et vous m’avez vêtu ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus vers moi.

Les justes lui répondront : Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, et t’avons-nous donné à manger ; ou avoir soif, et t’avons-nous donné à boire ? Quand t’avons-nous vu étranger, et t’avons-nous recueilli ; ou nu, et t’avons-nous vêtu ? Quand t’avons-nous vu malade, ou en prison, et sommes-nous allés vers toi ?

(Il) leur répondra : Je vous le dis en vérité, toutes les fois que vous avez fait ces choses à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous les avez faites. »

 

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Armes d'azur à double croix pattée d'argent.

 

Les religieux du Saint-Esprit, frères ou sœurs, s'engagent selon la règle de Saint Augustin, adaptée à la mission spécifique de l'ordre : « Moi, N., je m'offre et me donne à Dieu, à la Bienheureuse Marie, au Saint-Esprit et à nos seigneurs les malades, pour être leur serviteur tous les jours de ma vie. Je promets, avec le secours de Dieu, de garder la chasteté, de vivre sans bien propre ». Vœux perpétuels auxquels s'ajoute celui d'obéissance à la hiérarchie qui conditionne l'organisation et l'efficacité.

 

UN PATRIMOINE ET DES PRIVILÈGES À LA HAUTEUR DE LA MISSION

Les hôpitaux du Saint-Esprit gèrent les biens dont ils ont été dotés à l'origine par de puissants et généreux mécènes et ceux qu'ils recevront dans le temps, de la petite noblesse, des bourgeois et des propriétaires terriens voisins qui espèrent ainsi gagner leur place au paradis ou plus prosaïquement bénéficier des soins des hospitaliers. Terres cultivées, vignes, forêts, moulins, bâtiments de toute nature constituent ainsi le considérable patrimoine du Saint-Esprit. A son tour, l'Ordre baille ces biens à des exploitants qui verseront annuellement les loyers, en numéraire ou en nature, permettant d'entretenir ses propres locaux hospitaliers, son église et son cimetière, de nourrir et soigner ses patients, de rémunérer les soignants laïcs.

Pendant trois siècles, l'Ordre du Saint-Esprit a également été doté par la papauté de privilèges exceptionnels. Le droit de construire sa chapelle ou son église, d'installer son propre cimetière, attirant ainsi les fidèles et avec eux, donations et aumônes. Le Saint-Esprit est exempté de la dîme. S'il possède des troupeaux, les bêtes peuvent paître librement. Des dates sont arrêtées au plus haut niveau  pour un droit de quête exclusif et au delà des limites de son domaine, offrant un avantage considérable par rapport aux autres ordres et à l'église paroissiale, à une époque où donner pour les pauvres est une obligation morale forte et donc très rémunératrice.

Tout ceci explique pourquoi, à Lectoure, la ville a été partagée en deux communautés, le Saint-Esprit ayant été érigé en paroisse, deux églises, deux cimetières. Sans doute parfois contre la volonté et l'intérêt de l'évêque, avant qu'il ne reprenne le contrôle de la situation au 18e siècle... Cependant, l'éloignement de la maison-mère d'Auray conduisit l'Ordre, ici comme ailleurs, à abandonner son autorité aux consuls de la ville, celle-ci ayant intérêt à conserver son hôpital, mais peut-être avec moins de conscience de l'essence charitable de la mission et suscitant une méfiance et une désaffection des fidèles et donc des donateurs. Cette laïcisation de l'hôpital, accentuée par la création en 1578, d'un ordre de chevalerie noble concurrent, politisé, parfois malveillant ou cupide, provoquera un grand désordre dans l'organisation de la généreuse création de Gui de Montpellier et sa disparition progressive.

 

 

Nous ne connaissons pas le nom des religieux de l'Ordre du Saint-Esprit qui ont œuvré à Lectoure qui permettrait de les honorer. Par contre nous possédons les comptes de l'hôpital sur les années 1457 à 1558, précieux document qui donnera matière à imaginer non seulement l'activité de l'hôpital, de ses admirables soignants, tracer le portrait de ses malades, de ses locataires et à travers eux, plus généralement, esquisser la vie de notre ville à la fin du Moyen-Âge où se côtoyaient profondes misère et charité.

(A suivre)

                                                                                Alinéas

 

* L'Ospedale di Santa Maria in Sassia construit à Rome en 1204, dans le quartier du Vatican, a été détruit en 1471 par un incendie. Reconstruit, il fut rebaptisé Arcispedale Santo Spiritu in Sassia. Il est aujourd'hui transformé en centre de congrès, adjacent  à l'Ospedale di Santo Spirito moderne qui peut ainsi s'enorgueillir d'être le plus ancien hôpital d'Europe. 

** La bastide de Barran a été fondée en 1279 dans le cadre d'un paréage entre le comte d'Armagnac-Fézensac et l'archevêque d'Auch. A proximité de Barran, aujourd'hui sur la commune de Riguepeu, se trouve la forêt domaniale de Montpellier (269 ha), toponyme possiblement hérité de l'hôpital du Saint-Esprit de Montpellier.

 

SOURCES

  • Sur l'Ordre du Saint-Esprit :

- Histoire de l'Ordre hospitalier du Saint-Esprit, Paul Brune 1892, réédition Wentworth Press 2018.

- https://fr.wikipedia.org/wiki/Ordre_des_Hospitaliers_du_Saint-Esprit

  • Sur l'histoire de la santé publique à Lectoure :

- Etude sur l'assistance publique à Lectoure aux XVe, XVIe et XVIIe siècles, Jules de Sardac, Imp. de Cocharaux, 1908.

- La vie communale au XVIIe et XVIIIe siècles, Maurice Bordes, in Histoire de Lectoure, Collectif,1972

- Le château des indigents, in Midi-Pyrénées Patrimoine, Gaëlle Prost, 2014.

  • Sur l'église du Saint-Esprit actuelle et son implantation, au Moyen-Âge, en vis-à-vis du château comtal :

https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89glise_du_Saint-Esprit_de_Lectoure

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Histoire

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Publié le 10 Mars 2021

recensement moulins canton lectoure - société archéologique gers moulin à vent moulin hydraulique

 

Pendant deux ans, l’équipe lectouroise de la Société Archéologique et Historique du Gers, animée par Georges Courtès *, a procédé au recensement systématique des moulins à eau et à vent des 26 communes du canton de Lectoure. Le résultat de cette importante démarche a été dévoilé au public, le 2 octobre 2020. Voici les principaux éléments de cette présentation.

POURQUOI UN TEL RECENSEMENT ?

Les moulins à eau et à vent sont aujourd’hui l’objet d’un intérêt croissant des particuliers qui les rénovent, par amour des belles pierres mais également pour l’aménagement de résidences secondaires et principales. Il n’en a pas toujours été ainsi. Les moulins à eau ont longtemps été considérés, à raison, comme posant des difficultés d’aménagement et d’entretien du fait de la proximité des cours d’eau. Et les moulins à vent, une fois décoiffés par le vieillissement de la charpente et un dernier assaut du vent, ne sont pas suffisamment spacieux pour loger une famille selon les critères modernes de confort, en outre dans un plan circulaire ne facilitant pas la disposition du mobilier. Ceci dit pour ceux des bâtiments qui ont résisté un minimum au temps. Car nombre de moulins ont disparu, tombés à l’eau ou bien enfouis sous la végétation d’une butte discrète dans le paysage, dépecés pour offrir de la pierre à bâtir de récupération à proximité.

Or, on reconnaît aujourd’hui que les moulins sont au cœur de l’Histoire de notre pays. Les historiens ont longuement écrit l’Histoire des cathédrales, des châteaux et des batailles. Il convient à présent de faire revivre les moulins qui sont essentiels pour comprendre les phénomènes des origines et du développement de la mécanique et des techniques, les circonstances de la croissance démographique, l’évolution de l’alimentation et de la santé, l’émergence de la bourgeoisie artisanale et industrielle... Les moulins ont été pendant un millénaire au cœur de la vie de nos villes et de nos campagnes. Nos routes actuelles ont souvent été tracées par le sabot des mulets sur les chemins « fariniers ». Il est temps de faire une photo panoramique de ce qui est encore à portée de notre mémoire.

 

LA MÉTHODE

La cartographie, les archives, les déplacements sur le terrain, arpentage et photographie, les informations collectées auprès des habitants…. Les recenseurs se sont partagé les communes du canton, chacun procédant à son rythme, jusqu’à la mise en commun des résultats.

L’importance de la cartographie. A toutes les époques, les moulins, repères remarquables sur le relief, mont, cuvette, croisement route/cours d’eau, gué, pont, retenue…, sont souvent mentionnés sur les cartes. Mais avec des défauts, dus à la précision relative du géographe ou à l’échelle de la reproduction. Dus également à la disparition de certains moulins entre deux relevés et à l’évolution de la toponymie. Il faudra donc, croiser les informations et vérifier sur le terrain. Cartes de Cassini (1750-1815), Atlas de Chanche (1878), cartes IGN, cartes de l’état-major (1820-1866), Cadastre dit napoléonien (1812), Cadastre contemporain, photos aériennes IGN.

Aux archives, les moulins les plus importants font l’objet de dossiers spécifiques. Pour les autres, les informations sont glanées au gré de mentions dans les actes notariés et juridiques : ventes, actes d’état civil, litiges. Un travail de fourmi, qui se poursuivra longtemps après le recensement. Une aiguille dans une meule… de foin celle-là.

Des informations orales viennent heureusement compléter l’ensemble, qui ravissent le recenseur et qu’il faut encourager. Aux lecteurs de ce carnet d'alinéas nous disons :

"Merci de continuer à nous alimenter. Tous les indices sont précieux".

 

151 MOULINS

60 moulins à eau, 91 moulins à vent

carte rencensement moulins lectourois canton lectoure - IGN - Cassini - Cadastre napoléonien - carte d'état major

Notre recensement fait apparaître, sur ce canton, un nombre important de moulins, 151, à rapprocher des 1692 moulins relevés sur le département du Gers par Henri Polge, archiviste départemental de 1946 à 1981, sur la base des enquêtes effectuées pendant la Révolution et l’Empire. Ainsi, sur une surface représentant 4% du département, le lectourois possède 10% des moulins. Par contre, premier constat remarquable, le rapport moulins à eau / moulins à vent est inversé par comparaison au département, les seconds étant dans le Lectourois les plus nombreux. Quelques pistes évoquées pour expliquer cette différence de proportions :

  • le fait que notre relevé ait pu intégrer des moulins construits postérieurement aux recensements fin 18ième  et tout au long du 19ième, en particulier grâce à la liberté d’établissement permise par la fin du système de l’Ancien Régime, et majoritairement éoliens.
  • le Lectourois , situé à l’est du département est exposé au vent de sud-est, vent d’autan favorisant l’énergie éolienne.
  • enfin, terre céréalière, le Lectourois produisait un volume de céréales supérieur à celui des zones situées à l’ouest.
  • il faut aussi tenir décompte des moulins mitoyens, soit simples voisins et concurrents se disputant le vent, soit jumeaux.

Mais cette multiplication des intervenants n’eut pas un effet heureux puisque la concurrence jouant et la dimension des entreprises étant très (trop) réduite, la meunerie traditionnelle devint un secteur fragile qui ne pourra pas faire front à l’industrialisation de la fin du 19ième : invention de la minoterie à vapeur puis électrification, développement du transport ferroviaire… 

Les moulins à eau sont installés bien sûr majoritairement sur les cours d’eau principaux : Arratz, Auroue, Gers, Grand Auvignon. Mais de petits ruisseaux supportent plusieurs établissements très rapprochés : Foissin par exemple. Entre La Romieu, Lagarde et Marsolan, 8 sites dont les 4 moulins en cascade de Lartigue.

La commune de Lectoure concentre un grand nombre de moulins, tant à eau qu’à vent, le plateau de Lamarque présentant une impressionnante brochette d’ailes.

 

LE MEUNIER

Notre recherche portait sur des bâtiments mais nous y avons rencontré des hommes et des femmes, inventifs et industrieux. Le meunier est, à tort, caricaturé enfariné ou bonhomme sur son mulet. A l’origine, homme lige du seigneur féodal, laïc ou religieux, le meunier est maçon et charpentier, construisant de ses mains son outil de travail. Puis il s’établira mécanicien, entretenant soigneusement sa machine, complexe, dangereuse et exigeante. Il donnera naissance à des lignées. On est meunier de père en fils. On se marie entre moulins pour développer le patrimoine, échanger les procédés, par affinité tout simplement. Les neveux et cousins deviennent garçons-meuniers.

Affairé, secret, âpre au gain, notre homme sera, souvent injustement, craint et médit.

QUELQUES MOULINS REMARQUABLES

Avec sa digue sur le Gers, à l’entrée du chef-lieu, le moulin de Saint Gény nous est évidemment familier. Dépendant de l’abbaye de Saint Gény, il est figuré sur une vue de Lectoure datant du 14ième siècle, sans doute l'une des plus vieilles représentations d'un moulin en Gascogne.

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A proximité, sur un bras du Gers aujourd’hui comblé, un Moulin dit Neuf mais uniquement visible sur les cartes anciennes, a servi d’atelier à tan pour la tannerie royale installée au pied des remparts.

Repassac (a riu passat) lui, l'un des plus actifs de la zone étudiée, était au Moyen-Âge, copropriété des consuls de Lectoure, du seigneur évêque et du roi d’Angleterre.

En progressant vers le nord, les moulins de La Mothe se répartissent sur les communes de Lectoure et Castéra-Lectourois. Rive gauche, le moulin-tour d'époque médiévale nous est connu grâce au plan du dimaire de l'Ordre de Malte. Rive droite, le moulin du 18ième a malheureusement disparu dans un incendie. Entre les deux, le pont-barrage est un vestige exceptionnel des aménagements hydrologiques qui mériterait d’être rénové.

Au nord du canton, le moulin de Manlèche est partie intégrante du château autrefois dans le domaine de la famille de Got, dont le vicomte de Lomagne et d’Auvillar était issu.

Sur l’Arratz, le moulin de Sainte Rose, appartenant à la grange de la celle grandmontaine de Défès à Agen, a hébergé le célèbre et controversé pape gascon Clément V, également membre éminent de la maison de Got, sur son chemin triomphal entre Bordeaux et Avignon.

Parmi les moulins à vent, le Pélouar sur Marsolan, sans doute le plus ancien de notre recensement, a été bâti pour le puissant seigneur de Fimarcon. Quant au moulin du Camp, à Terraube, il relevait du domaine de la célèbre et très ancienne famille de Galard.

   

CONCLUSION

Il convient de mettre en valeur quelques belles rénovations qui montrent le chemin à suivre : les moulins à vent de Salles au Mas d’Auvignon et Laucate à Lectoure, La Molie à St Mézard, le Moulin de Bas à L’Isle-Bouzon, la Mouline de Belin à Lectoure, et d’autres encore.

Deux opérations ont bénéficié du concours de la Fondation du Patrimoine : Les moulins à vent d’Avers à Berrac et de Bazin à Lectoure.

Deux sites majeurs sont en danger : le pont-barrage de La Mothe à Lectoure et le pont d’Arratz à St Antoine.

 

                                                                                             Michel Salanié

 

* Georges Courtès, Simone Aeberhard, Jean-Marie Béraud, Bertrand Broqua (Dcd), Pierre Léoutre, Godelieve Lust, Guy Miquel, André Monestès, Gérard Noguès, Régis Petit, Michel Salanié, Maryse Strzelecki.

© Photos Michel Salanié

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Moulin des Antonins - Saint Antoine

 

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Moulin de Bas - L'Isle Bouzon

 

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Moulin à vent de Bazin - Lectoure

 

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Moulin à vent de Cap sec - Lectoure

 

Saint martin de Goyne - moulin de goyne - gers
Moulin de Goyne - Saint Martin de Goyne

 

Saint Mézard - gers- la moulie
La Molie - Saint Mézard

 

Lagarde fimarcon - moulin à vent de lafage
Moulin à vent de Lafage - Lagarde Fimarcon

 

lectoure plateau de Lamarque - moulin de laucate
Moulin à vent de Laucate - Lectoure

 

moulin de lourtiguet - Sempesserre - gers
Moulin de Lourtiguet - Sempesserre

 

moulins à vent de lussan - saint mézard - Golfech
Moulins de Lussan - Saint Mézard (les cheminées de Golfech en arrière-plan)

 

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Repassac - Lectoure

 

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Le pont d'Arratz - Saint Antoine

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Moulins

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