Publié le 15 Décembre 2018

 

SAMBUCO !

Trois notes de caractère.

Et si on fêtait ça ? Après bientôt deux ans d’existence -comme le temps passe- ce cybercarnet n’a pas encore abordé la question fondamentale du « quoi boire ? ». J’ai bien laissé, ici et là, échapper quelques soupçons de ma tendance coupable, toute raisonnable cependant. Terroir et traditions, bien sûr, convivialité, c’est une nature dans cette maison, et encore, après le départ des derniers hôtes, juste une goutte de Madiran pour partager en amoureux un vestige de brebis des Pyrénées…

J'éviterai à ceux qui me connaissent de me trahir plus avant : c’est vrai, je ne dis pas très longtemps « non, merci » à un vieux whiskey, bien installé au fond d’un fauteuil club, ou à un ti-punch avant d’attaquer un colombo de requin.

 

Aujourd’hui, ce n’est plus un aveu, c’est un plan d’attaque.

 

Notre rubrique Cuisine le prouve, la table de la Mouline de Belin n’est pas avare de ses recettes, qui voyagent… allez  soyons modestes, presque dans le monde entier. Mais là, je vous le dis tout sec, nous nous sommes fait doubler localement. Quelle surprise en effet, de participer à une manifestation publique, de qualité et d’envergure heureusement, chez ces dames de Berrac pardi ! - on dirait un titre de roman -, et de voir servir à l’apéritif cette invention non déposée - sommes-nous  imprévoyants !? -, notre cocktail maison que l’on croyait exclusif. Le savoir-faire de la Mouline de Belin ainsi exposé sur la place publique, certes celle d’un petit village gascon qui résiste à l’envahisseur, mais tout de même, il y avait des risques de fuites dans la presse. Alors, il n’y a plus à tergiverser : il faut faire monter l’affaire… non pas en mousse, mais en puissance. Allons-y.

 

 

INGREDIENTS :

 

Le sirop de fleur de sureau. Sambucus nigra (voir notre alinéa ici), l’arbuste qui embaume les chemins de Gascogne au mois de mai. Facile à faire à la maison, comme tous les sirops. Encore faut-il trouver ses chaussures de rando, son sécateur… et se faire violence. Pas de panique, vous l’achèterez tout fait (voir ici). En outre, vous aurez l’alibi, s’il vous en faut un, de pouvoir faire, avec une eau pétillante, des limonades pour la soif,  pour les enfants, les sportifs et les sans-alcool. Succès garanti aussi.

Le sureau développe un parfum aux réminiscences exotiques. Vous vous amuserez à faire deviner vos invités. Rien que pour vous, nous vous soufflons la réponse: litchi.

 

L’armagnac. Vous en avez toujours une bouteille chez vous pour la pâtisserie. Non ?! Eh bien vous savez ce qu’il vous reste à faire. Un Trois étoiles, aussi qualifié VS (Very Special, eh oui, l’influence d’un marché devenu planétaire) conviendra très bien. Car, si vous avez un grand flacon, un millésime de chez Laberdolive par exemple, ce sera dommage de le mouiller.

 

 

Lectoure a la chance d’abriter deux excellentes maisons que nous recommandons à nos amis et à nos hôtes : le Domaine d’Arton (voir ici) et le Domaine de Mirail (voir ici).

L’Armagnac, la plus vieille eau de vie de France, séduit les amateurs de spiritueux par son tempérament chaleureux, son parfum boisé, ses notes de fruits secs et de caramel, on pourrait y consacrer plusieurs alinéas mais ça ne remplacera pas la pratique.

 

Pour les bulles vous choisirez un vin effervescent de qualité. Un

champagne pourquoi pas, c’est fête ! Mais, ne cassez pas la tirelire, il y a d’autres besoins… Une bonne « méthode traditionnelle » ou « méthode champenoise », appellation aujourd’hui règlementée, autrement dit un crémant, suffira, c’est le mélange des trois ingrédients qui fait l’originalité de notre cocktail.

Pour nos voisins et nos visiteurs, nous avons la chance -là

encore !- d’avoir à Lectoure, la cave des vignerons Plaimont-Val de Gascogne, qui propose, en complément de sa belle gamme de vins et d’armagnac, un bon vin effervescent: Bulles. Si le nom est un peu… léger, voilà un excellent produit qui s’offre joliment, nature, à l’apéritif comme au dessert.

Dans tous les cas, vous éviterez les mousseux doucereux ! Du brut, du caractère, du panache, mordiou !

 

A la Mouline de Belin, nous avons baptisé ce cocktail « Sambuco ! ». C’est le nom du sureau noir tout autour de la méditerranée et jusques aux pinèdes océanes. C’est également le nom de la flûte. La flûte du fifre qui marche en tête de la compagnie des mousquetaires. Sambuco sonne clair comme trois notes de caractère. Le vin frais pétille d’esprit, l’armagnac apporte la profondeur. Le sureau, le bouquet.

 

Pour le décor, humectez le bord de vos verres sur la chair d’un citron et retournez-le sur un lit de sucre fin. Pour la mise en scène, une lichette de pruneau d’Agen ou une feuille de verveine embrochés sur une pique en bois plongée dans le breuvage, suggèreront une touche batailleuse. Une composition toute de tradition, de goût et de belle nature.

 

Voilà un cocktail qui ravira vos invités pendant les fêtes de Noël et de Nouvel An. Nous vous offrons amicalement notre recette pour élaborer celui-ci et nos souhaits de réussite de celles-là.

 

Tchin ! A la bòste !

 

                                                      ALINEAS

 

Photos M. Salanié

Illustration Les gardes françoises, Abraham Bosse 1632, BNF Gallica.

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Publié dans #Cuisine

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Publié le 29 Novembre 2018

 

ÉTOİLES & TOİLES

 

Ce matin, le chemin de Saint Jacques est recouvert d’un embrouillamini de fils d’argent ampoulés d’une multitude de gouttes de cristal. Comme si on préparait un heureux évènement, une fête peut-être. Vous êtes au courant, non ?

Les auteures -eh oui au féminin, je n’y puis mais- avaient déguerpi à l’heure de ma découverte et j’ai bien regretté de ne pas les avoir vues à l’œuvre. Au chef-d’œuvre devrais-je dire. Combien étaient-elles sur le métier ? A quelle vitesse ont-elles tissé cet écheveau ? Quelle invraisemblable débauche d’énergie.

Et pour quoi donc ? A cette saison, pas un papillon ne s’est fait piéger, pardi ! Alors oui, il faut le croire, tout ça uniquement pour la beauté du geste, pour le plaisir des yeux. Eh bien, c’est réussi vous ne trouvez pas ?

Dommage cependant, pas un jacquet n’est passé... Art éphémère. Foin de tapage. A cette saison, sur ce chemin du champ d’étoiles, le soleil paraît et le rêve s’estompe.

 

                                                 ALINEAS

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Publié dans #Beaux arts

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Publié le 9 Novembre 2018

LE RIRE DU POILU

Les cérémonies de commémoration de l'armistice de 1918 marquent une victoire militaire et devraient en avoir l'esprit sinon la forme mais elles apparaissent plutôt aujourd'hui comme une triste litanie. Sans doute la proximité de la Fête des morts. Et puis évidemment, il y a là, au cœur de nos villes et de nos villages, gravé sur la pierre de nos monuments aux morts, inévitable, le décompte dramatique de l'hécatombe. Comme un sinistre et obsédant héritage.

Mais le 11 novembre 1918, à Lectoure comme ailleurs, les français ont bien fêté une belle victoire. Les cloches ont sonné joyeusement. Il faut se figurer le bonheur, les rires, les chants, les drapeaux, rue Nationale, sur le parvis de la cathédrale, dans la cour de l'Hôtel de Ville.
Il y a eu, dans les heures qui ont suivi le cessez-le-feu, un exemple unique dans l'Histoire de France, de liesse générale, rassemblant toutes les classes sociales. Le soulagement bien sûr sur le sort des hommes qui en reviendront*, mais aussi une grande fierté, la récompense de quatre ans de sacrifices, le dessus pris sur la barbarie**.

Avant cette heureuse délivrance, dans la grisaille du temps de guerre, l'humour, la caricature, la légèreté de l'âme française - qui nous est parfois reprochée -, sont omniprésents. Les chansonniers, la carte postale (les réseaux sociaux de l'époque), la presse, utilisent abondamment l'humour, souvent grinçant même s'il peut nous paraître aujourd'hui primaire ou suranné. Le rire a permis aux troupes et à la population civile d'y croire, de tenir, de continuer à vivre en quelque sorte, malgré tout.

Et si la capacité des français de rire de tout et surtout d'eux-mêmes avait fait partie de l'arsenal du futur vainqueur ?

 

Cette glorieuse équipe rugbystique du Midi de la France a fière allure. Nous sommes dans les premiers mois de la guerre. Il y a là bien sûr, beaucoup de forfanterie, c'est également bien français. Les évènements corrigent souvent ces visions simplistes et dont le sens devient vite obsolète, comme tous les commentaires "à chaud" sur l'actualité. Joffre, avec son physique de 3ième ligne, se verra retirer le commandement en chef et n'aura pas eu la capacité de renvoyer aussi rapidement la baudruche teutonne derrière la ligne de ses vingt-deux mètres. Foch lui, se place et attend son heure, qui sera la bonne. De Castelnau, trop aristocrate au goût d'une Troisième République très rad-soc, sera un certain temps laissé sur le banc. Quant aux deux anciens, ils ne seront pas de la fête. Gallieni, mourra, malade, en 1916.

Enfin notre amiral, Auguste Boué de Lapeyrère.

Dépassé par le jeu rapide des cuirassés de la Royal Navy, mis à la retraite, le vieux marin apprendra la nouvelle de l'armistice sur le plancher des vaches. Était-il ce jour-là à Lectoure ? On peut l'imaginer, son téléphone Marty ultra moderne en mains, en liaison avec ses anciens collaborateurs, ému sans doute, dans son domaine de Tulle, havre de paix au bord du Gers, face à la vieille citadelle gasconne, préservée du conflit.

Une très intéressante illustration encore aujourd'hui, malgré les rectificatifs de l'Histoire.

Après les chefs de guerre, passons directement au poilu. Il est sympathique et jovial. Entre les gradés, les civils, les planqués qui sont croqués sévèrement, il a toute l'affection du public et donc des illustrateurs. S'il est moqué, ce n'est jamais méchant. Il fait l'objet d'un véritable culte. Il est l'image de la France qui veut en rire, envers et contre tout.

Les illustrateurs sont d'ailleurs souvent mobilisés et sous l'uniforme, en même temps qu'ils collaborent avec la presse. Ce qui donne à beaucoup de ces illustrations un réalisme tangible. "Ça ne s'invente pas" !

Indépendamment des grades et de l'origine sociale, il y a une réelle fraternisation d'arme. La hiérarchie, à tout niveau, sait ce qu'elle doit à l'humour pour le maintien du moral des troupes. Les souvenirs de nos grands-pères, dans leurs lettres, leurs carnets, la presse, fourmillent d'anecdotes drôles et loufoques. Tout y est sujet à caricature : les petits travers, le règlement, la cuisine surtout. Et la française ! Si la femme, mère, épouse, belle inconnue peut être sujette à plaisanterie voire à gaudriole - l'époque n'est pas toujours fine -, elle est surtout le symbole de paix, du retour à la maison, l'expression du rêve de repos et de réconfort du poilu.

Bien sûr, la censure veille. C'est une loi de la guerre. Mais beaucoup moins qu'on pourrait le croire. Et pour une raison en particulier, c'est que l'opinion de l'époque est très sensible aux principes de liberté. Celle de la presse en particulier, qui a fait l'objet de violents débats sous le second Empire. Elle a été consacrée en 1881 et la presse connaît depuis, son âge d'or. On n'écrit plus, ni ne dessine comme cela aujourd'hui. Georges Clémenceau qui devient Président du Conseil (l'équivalent de notre Premier ministre) en 1917 a, pendant des années, été le journaliste virulent de L'Aurore, de L'homme libre, devenu, à cause de la censure précisément, L'homme enchaîné. Arrivé au pouvoir pour serrer les rangs, il ne peut toutefois pas se dédire et la presse restera relativement libre de ses propos, mais dans le cadre de l'Union sacrée. Il y a un consensus très large pour soutenir l'armée dans son ultime effort, et l'humour est admis pourvu qu'il concoure au moral des troupes et du pays dans son ensemble.

Évidemment, la caricature qui se risque à apparaître défaitiste sera censurée.

 

Ce Carnet d'Alinéas se doit également, de faire une place à l'humour régionaliste.

Au début de la guerre, les régiments sont constitués par régions. Les officiers ne parlant pas toujours la langue maternelle de la troupe, ceci provoquera des difficultés de commandement qu'il faudra résoudre. Certains de ces "pays" sauront y trouver matière à rire. Par exemple Pierre Dantoine, de Carcassonne, dont l'idiome n'est pas le gascon mais le languedocien. Il n'y a que la Garonne entre lui et nos poilus lectourois. Ça nous parle non ?

 

 

Le vendéen Clémenceau, on y revient inévitablement, jacobin, chef de guerre impitoyable et finalement "Père la Victoire", l'homme politique le plus admiré à la date de l'Armistice, en France et à un degré que nous ne pouvons pas imaginer de nos jours, aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Italie, en Asie... fut sans doute, pour les illustrateurs de ses partisans et de ses détracteurs, le personnage le plus sujet à caricature.

Il passa beaucoup de temps à inspecter les premières lignes, au contact du poilu qu'il affectionnait.

Je veux raconter ici une anecdote rapportée par mon grand-père, qui connut l'époque et les lieux. Alors que le ministre coiffé de son célèbre galurin, visitait, comme à son habitude, une tranchée, il s'adressa à un poilu, resté assis sur une caisse de munitions, pour lui demander s'il avait quelque chose à lui dire, une requête à faire...

- ... Je vous écoute mon brave.

Pas de réponse. Clémenceau reformule sa question. Le troufion, mutique, reste accroché à sa bouffarde, sombre, le regard au lointain. L'officier assistant à l'inspection, gêné, se fâche et exige du soldat qu'il réponde. Alors, l'homme se tourne calmement vers Clémenceau et dit:

- D'abord, je ne réponds pas aux civils !

Clémenceau, sa moustache qu'il avait fort broussailleuse laissant deviner un sourire complice, fit signe à l'officier de ne surtout pas sanctionner l'homme. Au delà de la drôlerie de la réplique qui venait de lui être adressée, il pouvait être satisfait. Ses instructions de méfiance dans les communications, pour cause d'espionnage, étaient appliquées par le poilu lui-même... et à la lettre. En outre, l'humour, parfois ravageur, était parmi les principales armes du chef d'une France qui gagnerait la bataille bientôt. 

                                                     ALINEAS

The old Tiger, aux USA en 1920 pour réclamer l'application du traité de Versailles

* Je ne suis pas assez documenté à ce jour sur les Lectourois qui ont été mobilisés. Ceux qui sont montés au front et ceux qui y sont Morts pour la France. Je voudrai y revenir.

Il faudra aussi consacrer un alinéa spécifique aux tirailleurs sénégalais du 141ième BTS, cantonnés à Lectoure et qui furent, quelques semaines avant l'Armistice, touchés par une épidémie de grippe espagnole. 73 d'entre eux sont enterrés au carré militaire de notre ville et honorés dignement chaque année.

** On ne peut oublier la cause essentielle de la guerre. Au delà des faiblesses et des fautes des dirigeants politiques français et de l'impréparation militaire, cette guerre est à mettre intégralement au passif de l'invraisemblable esprit de domination germanique pendant 70 ans. La France saura, heureusement, se réconcilier avec ses voisins d'outre-Rhin. Mais il faudra pour cela, laisser passer, dans l'intervalle, une nouvelle agression, à peine deux décennies plus tard, tout aussi sauvage, et qui n'a été moins sanglante - relativement ! - pour la France, qu'en proportion de son effondrement militaire. Effondrement dû au désarmement, dont la responsabilité incombe aux gouvernements de l'entre-deux guerres qui n'ont pas compris que la Der des Der ne le serait pas. Mais ceci est une autre histoire et ne fera rire personne.

CREDITS / SOURCES

- Pierre Falké, sapeur au 10ième Génie, Le blessé.

https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Falk%C3%A9

Sur la revue Le Rire, devenue Le Rire Rouge pendant la guerre et présentant une jolie brochette de collaborateurs comme Toulouse-Lautrec, Sem, et Duchamp, excusez du peu, voir: https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Rire

28 années du Rire consultables ici: https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34432899t/date

- X (?), Collection humoristique de l'âne, photo Provost, La grande équipe du midi.

- Ch-Léo 1916, GMT, Anatomie du poilu, carte postale de la série Le langage des tranchées.

http://geopolis.francetvinfo.fr/la-carte-postale-media-de-masse-de-la-grande-guerre-43245

http://www.caricaturesetcaricature.com/article-la-grande-guerre-des-cartes-postales-exposition-120103486.html

- Pierre Dantoine, Le sergent et le colombin

https://www.crid1418.org/espace_pedagogique/documents/icono/dantoine.html

http://www.tintamarre.eu/produit/la-grande-guerre-vue-par-dantoine/

- Georges Clémenceau, dit Le tigre.  Wikimedia Commons.

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Publié le 31 Octobre 2018

Ô charmante Lectouroise...

 

 

Le 3 mai 1901, dans les colonnes du journal lectourois Le Démocrate, "Organe d'action républicaine", paraît une chronique (reproduite intégralement ci-dessous) dont l'auteur, qui signe des initiales A.R.C, déclare sans ambages, sa fougue à la femme lectouroise : maman, nounou, ouvrière, jeune fille, fillette même.

Et la grisette.

Très en vogue à l'époque, la grisette est une jeune employée d'un atelier de couture, drapière, boutonnière ou passementière, chargée de porter à domicile le travail commandé par les maisons bourgeoises. D'origine modeste, son surnom lui vient de sa tenue d'un gris discret, et d'une coupe stricte. Malgré cela, sa profession l'expose au regard de l'homme, dans la rue et à domicile et, parfois tentée, coquette comme il est naturel à cet âge, la demoiselle est réputée accueillante sans être vénale. On ne la confond pas avec la lorette, qui elle, fait sans complexe commerce de ses charmes. Elle est proche par contre, du caractère de la midinette, jeune fille sentimentale qui apporte son casse-croute pour pouvoir déjeuner à la pose sur les terrasses des boulevards, où le galant, riche de préférence, passera "par hasard". Eh oui, midi...dinette.

La grisette et ses sœurs, ayant existé ou fantasmées, ont donné naissance à une incroyable galerie de personnages de romans, de théâtre, de chanson, de gravures, de cartes-postales. Les auteurs, médiocres ou de premier ordre comme Musset, Balzac et plus près de nous, Brassens dans sa magnifique Supplique pour être enterré sur la plage de Sète, ont célébré ces Mimi-Pinson. Montand lui, aime flâner sur les grands boulevards où l'on a des chances d'apercevoir deux yeux angéliques que l'on suit jusqu'à République.

Revenons sur notre Bastion et nos Marronniers. Notre chroniqueur rêve t-il ou bien les grisettes étaient suffisamment nombreuses et coquettes dans une ville certes bourgeoise mais provinciale pour le moins ? Alors, dans son élan d'affection, pour n'en décevoir aucune, il associe à l'ouvrière toutes les jeunes femmes, du peuple et de la classe élevée, qui forment, au pied du clocher, devant le grand héros sur son socle dressé, en face du panorama unique au monde des Pyrénées aux sommets de neige, un tableau idyllique, démocratique, ensoleillé et chantant. Ce doit être un optimiste. C'est aussi le style de l'époque. Pompeux.

Mais il y a les petits détails d'ambiance bien de chez nous. Par exemple, il est fait remarquer très sérieusement que nos bons employés municipaux pourraient bien sans trop de peine s'ingénier à faire reverdir la pelouse du Bastion trop foulée hélas par des pieds irrespectueux. Il faut bien que la chronique fasse passer des messages "d'action républicaine" !

Comparée aux dépêches d'aujourd'hui, comptes-rendus à minima et photos en rang d'oignon (nos amis-es correspondants-tes ne m'en voudront pas qui appliquent la consigne éditoriale), au moins cette chronique-là s'engage, s'implique et se risque. En 1901, apparemment quelques mauvais esprits dénigrent la ville injustement. On dit beaucoup de mal de Lectoure. On y trouve la vie éteinte, le mouvement commercial à peu près nul, peu de plaisirs. Grâce à la grisette et à toutes les jolies filles faisant office d'icônes, de faire-valoir touristiques, bref de décor, le chroniqueur peut affirmer que notre petite ville en vaut bien d'autres, qu'elle a ses charmes et sa gaité, et que ses enfants qui en disent du mal sont des ingrats. Une piste à suivre par notre Office de Tourisme intercommunal s'il était en mal d'outils d'action et de communication promotionnels.

 

Le banc public, observatoire privilégié de l'amateur de grisettes.

En plaisantant ainsi, je prends le risque de me voir épinglé aux fourches patibulaires de la morale de notre temps. Le temps médiatique au moins. Bien sûr, il serait totalement critiquable et inimaginable de publier aujourd'hui pareille chronique, disons "galante" pour rester dans le registre sociologique ou psychologique. Il faut y voir un phénomène historique et garder de la distance par rapport à notre vision contemporaine des relations humaines et amoureuses. Ne pas refaire l'Histoire à coups de #balancetonporc.

Si nous cautionnons totalement la lutte contre les violences faites aux femmes - qui ne doit pas être celle des femmes contre les hommes mais bien celle de la société toute entière, de sa justice et de son système éducatif - nous savons depuis que le monde est monde, que la séduction et le regard sur la beauté font, heureusement et définitivement, partie de la nature humaine. Il faut aussi défendre ce Bastion-là.                                                          ALINEAS

 

PS. Nous devons la découverte de cette perle journalistique locale à notre ami Bernard Comte. Je partage avec lui l'amour de Lectoure, l'intérêt pour les vieux papiers... et un faible pour la grisette. Nos compagnes nous pardonnent.

Commentaire manuscrit bien dans le ton de la coupure de presse !

CREDIT :

- Cartes postales : collection particulière.

- Illustration : Mademoiselle Mimi Pinson d'Alfred de Musset. Gallica BNF.

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Publié le 11 Octobre 2018

Depuis les Jardins méridionaux jusqu’à Pébéret, de Tané aux Ruisseaux, les contreforts de la citadelle de Lectoure étaient, il n’y a pas si longtemps, constellés de petites constructions multicolores. Telle bicoque à l’ombre d’un grand cèdre, qu’une mamie d’en ville rejoignait à la fraîche en poussant sa brouette, pour bichonner glaïeuls, fraises et asperges. Et cette autre maisonnette croquignole résonnant encore de la faux qui couchait, à la rosée, un carré de luzerne. Plus discret enfin, un cabanon  sans chevillette ni bobinette, où l’on a compté fleurette tous les printemps de la jeunesse, après avoir tiré derrière soi, l’air de rien, la porte bringuebalante.

 

Quelques-unes de ces positions avancées outre-muraille résistent encore dans certains havres que, de tout temps,  le dénivelé a protégé de l’envahisseur et nous les tairons encore pour ne pas les trahir. Pour toutes les autres, c’est la mort lente. Ou le bull.

 

La petite cabane est une espèce en voie disparition.

 

Mon titre est-il trop racoleur ? Non, je ne suis pas nostalgique. C’est un constat, c’est tout. Il suffit de regarder nos albums photo de famille ou une collection de cartes postales pour estimer ces trésors de peu, disparus de nos faubourgs et de nos campagnes. Le sujet n’intéresse pas l’INSEE et c’est bien dommage, car on y apprendrait beaucoup sur le mode de vie d’avant… d’avant … allez d’avant l’agriculture intensive et mécanisée, d’avant les supermarchés, d’avant les jeudis devenus des mercredis.

 

 

 

Disons tout d’abord, foin de standard, qu’il n’y avait pas une mais autant de cabanes, de plans et de méthodes de construction, que de jardiniers, de paysans, de bricoleurs, de scouts, de moitié-fadas et de misanthropes. Montée en briques, bricolée de planches non équarries, en tôle ondulée, en branchages, en terre crue chez nos voisins du pays de Gaure et, à Lectoure, bâtie dans les règles de l’art maçon, de belle pierre de taille dorée, au profil dissymétrique, chapeautée de tuiles canal bien ordonnées, modèle réduit de la grange fermière gasconne traditionnelle, ou fignolée façon petite folie kitch, la "campagne" d’un bourgeois en manque d’espace et de lumière derrière les remparts et respectant religieusement la cérémonie du pique-nique du dimanche, quand le vin, le fromage et les pêches au sirop étaient descendus au frais, sous un linge, dans un panier au fond du puits.

Mais aujourd’hui on ne pique-nique plus à 500 mètres de la maison, du frigo, de la télé et du barbeuc ! Il y a des aires accessibles en voiture pour cela. Les jardins de mamies, eux, se font rares. C’est vrai qu’au prix du kilo de petits pois congelés, il faut être obstiné pour les semer soi-même. Et je ne parle pas de la ringardise du flirt enfantin. Un bon SMS et zou !

 

Attention, des cabanes on en voit encore. Chez Casto, y a tout ce qu’il faut. En kit. On peut même vous la livrer toute assemblée. Option Massachusetts ou Caraïbes, en douglas de Scandinavie. Garantie étanchéité. Ces chalets et autres HLL se cachent au fond des jardinets de ville, oui, sympas je ne dis pas, qui cependant ne font pas partie du paysage et en tout cas ne sont accueillants ni aux poètes en goguette ni aux oiseaux de nuit.

Et puis, il y a LA cabane d’aujourd’hui, cabane dans les arbres, yourte, bungalow d’architecte, éco-lodge, maison du Hobbit… Des merveilles je le reconnais, mais à quel prix et pour quel usage : soirée spa en amoureux, anniversaire de mariage, expérience exotique, au moins une fois dans sa vie… Aujourd’hui, la cabane de mon enfance s’appelle « hébergement insolite » ! Insolite, insolite ?...

 

Non j’insiste, la petite cabane d’autrefois disparaît de notre environnement. Victime du changement de notre mode de vie, de l’inexorable avancée de la ville, victime du temps qui n’est plus que de l’argent. Comme disparaissent d’autres plaisirs gratuits, marcher pieds nus dans les champs et les sous bois, grimper dans les cerisiers du voisin au retour de l’école, se baigner impromptu. Rideau.

 

La cabane est aujourd’hui objet de musée. Ou décor de cinéma : celle de Les enfants du marais pour les bons sentiments, celle du garde forestier de Lady Chaterley pour la sensualité, et puis la préférée des enfants que nous sommes restés au fond, la cabane de la bande à Petit Gibus.

 

« Ils réaliseraient leur volonté : leur personnalité naissait de cet acte fait par eux et pour eux. Ils auraient une maison, un palais, une forteresse, un temple, un panthéon, où ils seraient chez eux, où les parents, le maître d’école et le curé, grands contre-carreurs de projets, ne mettraient pas le nez, où ils pourraient faire en toute tranquillité ce qu’on leur défendait à l’église, en classe et dans la famille, savoir : se tenir mal, se mettre pieds nus ou en manches de chemise, ou « à poil », allumer du feu, faire cuire des pommes de terre, fumer de la viorne et surtout cacher les boutons et les armes.»

                                Louis PERGAUD. La guerre des boutons.

 

- C’est décidé. Je vais construire une cabane.

- Et pour quoi faire, Alinéas ? Mais t’es trop vieux !

- Raison de plus. Il n’est jamais trop tard pour faire une petite folie.

                                                                ALINEAS

 

Un petit paradis pour jardinier ou poète. Ou les deux.

 

En 2007...
 
... et la même aujourd'hui...

 

... sans maquillage.

 

J'ai l'impression que je gêne non ?

 

Submergée.

 

Sur les remparts, cagibis et coquets belvédères ne se parlent pas...

 

Ici, le temps s'est arrêté.

 

Lequel tient l'autre ?

 

Maître corbeau en son verger.

 

Là, le bulldozer ne doit pas être très loin...

 

Cabane au fond du jardin disait le chanteur ?

 

Il n'y a plus qu'à s'aligner.

 

Non ? En voilà une qui a même la télé !...

Crédit :

- Image tirée du film d'Yves Robert La guerre des boutons.

- Photos M. Salanié

 

 

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Publié le 26 Septembre 2018

IL EST L’ÂME DE LA MACHINERIE

 

 

 

Dans la galerie des hommes et des femmes qui travaillent la terre et ses fruits, du sillon à la table, entre le laboureur et le cuisinier, le meunier est l’homme de l’ombre.

Il n’y a pas de meunier célèbre, ni dans l’Histoire, ni dans la littérature. Si vous avez mon âge, à coup sûr vous chantonnez déjà meunier tu dors… Alphonse Daudet a juste donné un second souffle à ce pauvre maître Cornille qui traînait sa misère et ses sacs de farine factices remplis de plâtre, et nous en sommes restés là depuis, avec l’image d’un meunier sympathique certes, mais faisant de la peine dans son réduit tout de guingois, enfariné, dernier représentant d’une époque glorieuse mais révolue. Et les meuniers d’aujourd’hui sont des figurants de moulins-musées. Ils ne m’en voudront pas, je les encourage vivement, surtout quand ils font du bon pain. Mais voilà encore une erreur récurrente : meunier et boulanger, confondus dans la même panière.

Il pouvait sembler que le lectourois Jean-François Bladé ne nous aiderait pas à rétablir la vérité. Car son meunier de la Hillère monte sur son âne, nu comme un ver (le meunier), pour aller tenir tête à l’évêque de Lectoure dans une joute verbale qui réjouissait le public du conteur autrefois à la veillée. Drolatique. Mais, finalement, je me dis qu’il n’y avait dans cette Gascogne de légende, à part le fils du roi, la sorcière et l’homme vert qui garde les oiseaux, qu’un seul homme capable de s’opposer à l’autorité établie, un esprit fort et indépendant. Le meunier est astucieux. C’est une piste.

L’iconographie elle, est trompeuse.

La peinture tout d’abord : le moulin est fréquent dans le paysage depuis la renaissance. Au bord du cours d’eau, dans la nature encore dominante, il est un point de repère, il participe à la perspective et figure le mouvement, la création de richesse, la vie en collectivité. Mais de bonhomme point. Au mieux, à l'ombre, dans l'encadrement de sa porte. L’éloge du geste artisanal et la représentation graphique de la mécanique viendront tardivement. L’imagerie ouvrière attendra Courbet et Zola. La bête humaine sommeille au cœur du moulin.

La photographie ensuite : ce sont encore les lieux et les abords qui focalisent l’attention. Le moulin à vent, le valet chargeant les sacs de farine sur son mulet, l'aube en mouvement qui fera un excellent sujet pour l'image devenue animée.

A ce stade, on ne nous a toujours pas permis d’observer l’homme qui commande à la machinerie hydraulique alors que les autres acteurs de la saga de la terre nourricière ont largement eu les honneurs de l’image et de l’écrit. Le laboureur est le personnage charismatique, auguste, traçant son sillon, en pleine lumière, dans un paysage idyllique.

Le boulanger lui, est populaire car il offre au petit jour, rassurant et bonhomme, sa fournée appétissante et fièrement achalandée. Le cuisinier enfin, sorte de sorcier familier s’activant devant ses fourneaux enfumés, est évidemment jovial lorsqu’il se joint aux convives, rassemblés à sa table, repus et satisfaits.

On comprend bien. Pour connaître le meunier, l’artiste eut dû pénétrer dans la salle de la meule, sombre, encombrée, bruyante et dangereuse. 

Le mal existentiel de notre homme est là. L’installation de la mécanique meunière dans les entrailles de la bâtisse. Dans le bas-fond d’un vallon broussailleux, derrière la muraille aveugle, la salle du rouet, basse de plafond, où quelque arpète, encore plus pâle que son patron, surveille le flot rageur en évitant de se faire happer par les engrenages. A l’étage supérieur, la salle de la meule, faite de décrochements et d’assemblages, poussiéreuse, encombrée de câbles et d’accessoires dans un apparent et inquiétant désordre, vibrant de toute sa charpente lorsque le maître actionne le levier qui commande à la vanne, libérant l’énergie hydraulique et mettant en mouvement la lourde pierre. Entre mécano et conducteur de travaux, le meunier n'aime pas trop voir venir les curieux: « Poussez-vous de là, on travaille ».

On le connait mal, donc on ne l’aime guère. Essentiellement à cause de cette distance, de son incapacité à communiquer, et de cette mécanique mystérieuse qui fait peur.  Comme tous les besogneux, toujours l’œil sur la machine, affairé, trop occupé à sa tâche, il est le dernier à savoir en parler. La légèreté apparente du moulin à vent, son exposition à la vue de tous dans un paysage agreste et domestiqué, n’y changeront rien. Si l’homme à la blouse et au béret blancs accepte de se faire portraiturer devant ses ailes en mouvement, c’est bien pour éviter d’avoir à en dire plus à ces badauds. Et le métier, majestueux, magique, installé dans le paysage, devient esthétique, mais de loin!

Enfin, gros handicap, le meunier est supposé riche.

En fait, il y a autant de meuniers que de chutes d’eau sur les ruisseaux et de puys sur les collines de Lomagne ; riche ou misérable, voleur ou ruiné, maître ou fermier, patriarche ou dernier d’une lignée, notable bourgeois ou quasi-sauvage au bout d‘un vallon isolé.  Pour bien faire son portrait, il faudra repasser notre mouture plusieurs fois sous la pierre. Mais nous ne remonterons pas jusqu’à l’Antiquité bien que l’eau ait coulé à Babylone, Athènes et Rome alors que la Gaule était encore endormie sous la chevelure hirsute de sa forêt profonde. Outre-Méditerranée, des peuples ingénieux, comme on l’est par nécessité lorsque le climat est rude et que la survie est à ce prix, ont tout inventé. Oui, ce meunier-là pourrait nous conduire très loin ! Mais son image est vraiment trop altérée. Alors restons dans notre champ de vision historique.

Au Moyen-Âge, lorsque l’Occident sort de son endormissement, la très grande majorité des moulins appartient aux abbayes. Comme tous les frères dits "de métier", d’origines sociales modestes, laboureurs, cellériers, forgerons, le moine-meunier va s’imposer dans la collectivité par son expérience et son travail. N’ayant pas « droit au chapitre » aux côtés des moines "prieurs" quant à eux d’extraction noble, il va délimiter son espace réservé, nous dirions aujourd’hui dans le monde de l’entreprise, son domaine de compétence, et il consacrera l’essentiel de son temps et de son énergie, à l’ombre de l’institution, non pas à la gloire de Dieu mais à l’amélioration du procédé de meunerie. Dès l’origine donc, notre homme est observateur, inventif, organisé et minutieux.

Dans le domaine féodal laïc, le meunier prendra de l’assurance sinon de l’indépendance, au point qu’il lui sera interdit d’exercer en même temps la profession de boulanger. « On ne peut pas être au four et au moulin ».

De l’obligation faite aux serfs et aux fermiers d’apporter leur grain au moulin banal date l’animosité envers le meunier et sa réputation de resquilleur. Car bénéficiant de ce monopole et de la protection du seigneur, il sera soupçonné d’inventer une multitude de mécanismes et de ficelles permettant de subtiliser quelques mesures de farine au passage. Non seulement il fallait payer l’émolument au seigneur, au meunier la mouture mais de surcroît, le sac de farine ne rendait pas à la sortie du moulin son poids du grain dûment pesé à l’entrée. Lorsque les banalités furent supprimées, le 10 août 1792, le bon peuple des campagnes s’empressa de manifester sa défiance et de mettre en œuvre sa liberté de choix. Il déchanta bien vite : « Changer de moulin, changer de coquin ».

Progressivement une bourgeoisie meunière se développa. Le meunier devint locataire ou simple salarié. Faute de capitaux pour entretenir et moderniser les installations, l'exploitant du moulin est souvent proche de la misère.

LECTOURE 1695 - LOURDES 1849

Deux humbles meuniers gascons, pas tout à fait tombés dans l'oubli, illustrent parfaitement pour nous cette évolution : à la Mouline de Belin, Géraud Ladouïx et à Lourdes, François Soubirous, oui, le père de Bernadette.

En 1695, sous Louis XIV, la Mouline de Belin est sur le chemin du recenseur qui parcourt le pays de Lectoure en vue de la perception d'un nouvel impôt par foyer, la capitation. Le document, particulièrement instructif, nous est parvenu par miracle. Géraud Ladouïx, dans la catégorie des individus "vivant de son industrie", y est dit "meunier". Mais le terme est biffé et le secrétaire corrige par "fesandier" c'est à dire locataire. Modestie de l'homme, prudence ou plus sûrement déférence, voire crainte, vis à vis du propriétaire du moulin, probablement à cette date l’hôpital du Saint Esprit.

 

François Soubirous, le père de Bernadette

A Lourdes, Le moulin de Boly dont le père de Bernadette, avant qu'elle ne soit touchée par la grâce de ses visions, avait la charge depuis son mariage, était peu rentable et, en outre, François se révéla mauvais gestionnaire. En 1849, en repiquant les meules, il perd son œil gauche à cause d’un éclat de pierre. Il continue d’exploiter le moulin jusqu'en 1854, date à laquelle l'entreprise familiale est ruinée. La famille emménagera dans un moulin plus modeste mais s'endettera plus encore. Les choses iront de mal en pis, jusqu'à l'expulsion. François finira simple brassier, louant son travail à la journée.

 

 

Alors que sa réputation née sous l’ancien régime, d'assurance, de fortune et d’égoïsme, poursuit encore le meunier, la libéralisation de la profession et le développement des moulins à vent conduisant à la multiplication des installations, le niveau de revenu aura au contraire tendance dans le même temps à diminuer progressivement. Jusqu’à l’apparition d’une meunerie préindustrielle, capitalistique, prenant le pas sur l’artisanat et préfigurant le développement de la minoterie. Mais ceci est une autre histoire.

 

Entre la documentation où la personnalité, la sociologie, la vie privée du meunier ne sont pas prises en compte et la réputation probablement souvent surfaite, il est nécessaire de resituer la spécificité de ce métier. Il y fallait évidemment des qualités propres, physiques et intellectuelles : force, adresse, persévérance, intelligence, précision, rapidité d’exécution, minutie…

Pendant dix siècles, le meunier a assumé la responsabilité du fonctionnement d’un ensemble complexe, à l'origine de toutes les industries qui feront le développement du monde moderne, alors qu’aucune autre machine d’exécution répétitive d’un travail, à la place et au service de l’homme et de la collectivité, n’existait. On a dit que le défrichage et les progrès de l’agriculture sont à l’origine de l'accroissement de la population et de la production de richesse au Moyen-Âge et qu'ils marquent la naissance du monde contemporain. Il est évident qu’il convient d’y associer la meunerie. Et, de ce fait, rendre au meunier la place qui lui revient. Il est l’un des rouages essentiels, l’expression est bienvenue, du processus vital de transformation des fruits de la terre et du travail des hommes.

 

                                                           ALINEAS

 

 

ILLUSTRATIONS :

- Saint Joseph charpentier (détail), Georges de la Tour (1642), musée du Louvre.

"Emprunt" à une profession très proche de notre sujet car les premiers meuniers étaient aussi souvent ceux qui construisaient le bâtiment et installaient toute la mécanique. On trouve d'ailleurs dans la documentation l'expression "meunier-charpentier".

- Moulin à eau, Meindert Hobbema, (1665) Rijskmuseum Amsterdam.

- Meunier landais en tournée sur son âne, Fédération des Moulins de France.

- Laboureur préparant les vignes dans le Quercy, Henri Martin (1860-1943), (collection ?) Anaximandrake.

- Moulin à vent, photographe Barrieu à Fleurance.

- Recensement de la population de Lectoure en 1695, archives municipales.

- Voir l'histoire de François Soubirous et la photo du moulin de Boly sur https://fr.wikipedia.org/wiki/Bernadette_Soubirous

- Un moulin dans les Landes - Meunier piquant sa meule. F. Bernède. phot., Arjuzanx-Morcenx. Vers 1900, Fédération des Moulins de France.

"Avec cette carte postale, toujours prise dans le même moulin, Bernède livre ici un document exceptionnel. Nous avons là la seule photo française, si ce n’est européenne, représentant un meunier et toute sa famille (cinq personnes), au travail dans le moulin. Le meunier et son fils aîné rhabillent la meule gisante à coups perdus. Cachée dans l’ombre, tout contre la cloison en bois, la fille aînée du meunier, au moyen d’un crible, verse du grain dans la trémie du moulin qui tourne (détail sur Fig.3). En contrebas du moulin actif, à gauche de l’image, la meunière tâte la boulange (mouture) qui sort de l’anche et tombe, en pluie fine, dans la maie en bois. Non loin d’elle, le plus jeune fils balaye le sol du moulin. L’hygiène est de rigueur et il faut tout faire pour éloigner souris et rats qui, sinon, trouent les sacs et mangent farine et grain. Sur ce document, il ne manque que le chat, seul auxiliaire du meunier habilité à faire régner l’ordre vis-à-vis de ces rongeurs redoutés."   

http://fdmf.fr/index.php/documentation/histoire/555-meuniers-et-meunieres-du-departement-des-landes-il-y-a-100-ans-portfolio-et-lecture-decryptage-de-documents 

- Bruegel, le moulin et la croix (2011), film de Lech Majewski. Le meunier maître du temps, une symbolique encore plus éloignée de la réalité du métier.        

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Portraits

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Publié le 10 Septembre 2018

Une fois n’est pas coutume : foin de ma littérature. Je vous invite simplement à cliquer sur le lien ci-dessous, qui vous conduira en deux temps (patienter quelques secondes), si la technique ne nous joue pas quelque entourloupe, sur une belle photo de Lectoure, publiée sur un site de relations entre lectourois, un truc un peu fourre-tout, du style café-du-commerce mais très sympa. La preuve.

Cliquer ici

Photo difficile à reproduire puisqu’elle est prise depuis une montgolfière. Banal pour les lectourois quoique... mais qui intéressera nos lecteurs éloignés.

Il paraît qu’un proverbe chinois dit qu’une image vaut dix mille mots. Je me limiterai – je ne peux pas m’en empêcher – à vous donner rapidement quelques pistes de lecture.

  • Vue caractéristique du paysage agreste de notre pays de Lomagne.
  • La photo est prise du Sud-Ouest vers le Nord-Est, c'est-à-dire pour les pèlerins "Retour à la maison", vers Le-Puy-en-Velay : Castet-Arrouy, Miradoux, Saint-Antoine, Auvillar, et la Garonne, frontière entre Gascogne et Quercy…
  • La ville rassemblée autour de sa cathédrale emblématique. Cité médiévale, en bas à gauche. Faubourg, en arrière-plan.
  • Et dans son petit vallon frais, à la cime des cyprès du cimetière Saint Gervais, au premier tiers gauche, La Mouline de Belin.

                                                          ALINEAS

PS: Petit clin d’œil à Karen et Ed qui nous suivent depuis Sacramento (Californie) et qui ont osé cette navigation pour fêter…. les 80 berges d’Edward ! Qui a dit « La jeunesse est un état d’esprit » ?

La photo publiée sur Tu es lectourois si... est de Jean-Pierre Tauziede.

Ci-dessus photo Montgolfières de Gascogne. Voir le lien ci-contre avec d'autres magnifiques vues de Lectoure et de ses environs.  

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #La vie des gens d'ici

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Publié le 23 Août 2018

LES ENFANTS DE LA GUILLOTINE

 

Au-dessus de la fraîche vallée du Gers, sur son acropole de rochers roux, couleur d’eau-de-vie et d’argile cuite, le repaire des comtes d’Armagnac se dresse comme une citadelle paysanne.

Au sortir de la gare, c’est une impression délicieuse de verdure, d’air vif et de lointains bleus. Une route en lacets monte vers la ville, et aussi un raidillon, bordé par un filet d’eau sautant sur des cailloux plats. Qui a vu Lectoure, un matin de mai, dans sa ceinture d’arbres en fleurs, ne peut oublier cette vision d’une Gascogne cuirassée de pierres féodales, cependant toute riante et printanière. La vie rustique recouvre l’histoire. Les potagers en terrasse s’étagent au midi, au pied de la forteresse. Sur les remparts, jaillissant par touffes, les giroflées jaunes et les mufliers alternent avec des fleurs de muraille, d’un rose fraise. Et toutes ces glycines, tous ces lilas de petite ville, font de l’ancienne capitale de la Lomagne un énorme bouquet ronronnant d’abeilles.

Du haut de cette étroite terrasse, la cathédrale, épaisse et rustaude, dans sa rousse robe de pierre, règne sur un pays arcadien, aux bas-fonds feuillus, où des pistes d’argile serpentant sous les noisetiers et les chênes conduisent à des maisons isolées.

 

C’est sans doute une des plus belles pages écrites sur notre petite ville. Si l'on n’y arrive plus en micheline, si la gare est devenue l’étal d’un brocanteur et si le caractère champêtre y est altéré évidemment, on reconnaît bien les lieux. Les giroflées, les pierres féodales et les pistes d’argile sont toujours là. Tous ceux qui aiment se promener au petit jour sur les remparts, dans quelque venelle ou sur un chemin au creux du vallon de Foissin, éprouvent la même sensation de calme, de beauté et de temps qui dure.

L’auteure, Jeanne Alleman (1885-1938), est venue plusieurs fois à Lectoure. En pèlerinage, car elle est la nièce de notre célèbre natif, collecteur de contes de Gascogne, Jean-François Bladé dont elle s’inspirera pour choisir son pseudonyme, masculinisé ou peut-être anglicisé : Jean Balde.

Jeanne Alleman donnera des conférences, à l'étranger et en France, à Lectoure en particulier.

 

Son œuvre, toujours appréciée par un cercle d'érudits, eut une certaine audience de son vivant et fut honorée par plusieurs récompenses, dont le grand prix du roman de l’Académie française pour Reine d’Arbieux en 1928. L’ensemble de ses écrits a pour cadre la Gascogne. Avec Bordeaux comme point d’ancrage, du Périgord à la Bigorre, d’Arcachon à Lectoure, les paysages et les caractères qu’elle dépeint avec finesse confèrent un certain réalisme à ses récits qui prennent ainsi aujourd’hui, outre la belle écriture, une valeur historique. Amie de François Mauriac et de Francis Jammes, deux grands esprits gascons, Jeanne Alleman, que l'on a qualifiée de Colette girondine, est à présent plutôt considérée pour le caractère régionaliste de sa production, mais il serait coupable de l’y réduire. Car elle traite avec originalité et profondeur de sujets éternels, la famille, les femmes de caractère, le souvenir, l’influence des lieux, de la maison, de la terre, la tradition, les ruptures…

Et Lectoure donc.

Sauf les quelques jolies lignes reproduites en introduction, nous ne dirons pas d’avantage des images de notre ville qu’elle projette en filigrane dans le livre de souvenirs consacré à son oncle, Un d’Artagnan de plume - Jean-François Bladé (1930), car il faudra bien que ce Carnet d’alinéas, à son tour, fasse la place qui lui revient à ce passeur de tradition orale qui savait aussi écrire. Réservons-nous donc.

En 1936, Jean Balde publie, sous une même couverture, trois nouvelles : Le pylône et la maison, La brochure rouge et La porte dérobée, cette dernière ayant pour scène Lectoure, mieux encore, Lectoure et la vallée de Saint-Jourdain.

Il s’agit d’une histoire d’amour dramatique, une sorte de Roméo et Juliette, en 1802 et à Lectoure. Lui, Dominique Riscle, est colonel. Son père, régicide, a acquis comme bien national un hôtel particulier dans la grand’ rue, un château et ses dépendances, terres, fermes et… le moulin dont on ne dira pas s’il est de Roques, aux Ruisseaux ou de Belin. Elle, Brigitte de Montestruc, est la fille d’un noble lectourois, parti à la guillotine dans le même tombereau que les poètes Roucher et Chénier, tout un symbole.

Moderne d'esprit et piqué de littérature, il restait féodal de tempérament, chicanier avec son évêque, strict avec ses gens, capable de réciter à chacun de ses fermiers en particulier, - il en avait une vingtaine, sur cinq paroisses, - le nombre exact de ce qui lui était dû en dindons, canards, chapons et douzaines d’œufs.

Le baron de Montestruc était précisément l’ancien propriétaire de l'hôtel particulier où le bel et fier officier de la Grande Armée, le nouveau seigneur des lieux, vient soigner une blessure de guerre. Là se forme le nœud de la tragédie.

Le temps a passé, le Consulat a ramené le calme en France. Les jeunes gens veulent vivre, la rencontre eut pu être heureuse, mais…

Pierre Banel, général, lectourois, mort sur le champ de bataille à Casserio ( Italie ) à 29 ans, peut figurer le personnage de Dominique.

 

Les instants intimes où Dominique et Brigitte se déclarent nous conduisent dans le vallon de Saint-Jourdain. Le pont, les prés, un sentier descendant de la ville en lacets. " On disait même qu’ils se retrouvaient, sur l’autre versant du vallon, dans des éboulis des roches sauvages ". On reconnaît le décor romantique du chaos de Cardès, au pied des falaises de Bacqué.  Une histoire d’amour banale si ce n’étaient les origines ennemies des deux amants. Sous le regard bienveillant de la bonne Catherine, servante fidèle des Montestruc et à présent des Riscle, ange gardien de l’héroïne depuis la sinistre sentence du tribunal révolutionnaire. Le nouveau curé de Lectoure, lui aussi, fêté par la population lectouroise par la grâce du Concordat signé entre Napoléon Bonaparte, Premier Consul, et le Pape Pie VII, l’archiprêtre Astaffort - l'auteure s’amuse à donner à ses protagonistes des noms de lieux d'alentour - favorise l’idylle qui réconcilie l’ancien et le nouveau monde.

Mais la plaie ouverte sous la terreur était trop profonde.

L’hôtel particulier a été rénové par les Riscle. Une porte dérobée y a été ouverte en pratiquant une découpe dans une précieuse tapisserie des Gobelins, vandalisant la scène antique du triomphe d’Alexandre le Grand. Dans le décor de son enfance, le jour du mariage, dans le grand salon, comme Brigitte entrait, de son pas de reine, la petite porte s’ouvrit brusquement. Il semblait qu’elle avait été poussée par une main brutale. La jeune épousée s’arrêta, le regard fixe. Ses pupilles s’élargissaient. Cette tête coupée !... Cet homme debout, le col tranché !... Elle jeta un cri aigu et s’effondra, évanouie, sur le parquet.

"L'entrée d'Alexandre à Babylone", l'une des pièces de tapisserie de l'Histoire d'Alexandre le Grand tissée aux Gobelins sur modèles de Charles Le Brun.

 

Brigitte devenue folle, l'avenir du couple est anéanti et l’on entrevoit  la fin tragique du soldat reparti sur les champs de bataille napoléoniens. L’abbé dira en guise de morale définitive, suggérant la fin d'un Eden: " Une fois répandu dans le monde, le mal engendre infatigablement des malheurs nouveaux ".

Jeanne Alleman ne cache pas ses sentiments antirévolutionnaires.           " C’était le temps où les chapelles se transformaient en granges et en écuries ". Attachée aux traditions, « vieille France », pieuse, esthète, elle sera liée au mouvement du catholicisme social, le Sillon qui tenta au début du 20ième siècle, lui aussi, de réconcilier deux mondes.

On peut ici regretter que Jean Balde ait consacré trop peu de lignes à la vie de Lectoure et de sa campagne car elle excelle, à sa façon, dans cet exercice et c’eut été une pierre apportée à l’édifice de la mémoire des lieux. Imaginons que les amoureux aient participé aux vendanges à Vaucluse ou Clavette. Le tableau est extrait de La vigne et la maison (1922).

Tout ce monde coupe, mange et rit, s’enveloppe les jours de brouillard dans de vieux tricots, se régale le matin de raisins glacés et vide des cruches de piquette dans le soleil. Les vapeurs rouges du couchant éclairent le retour des lourdes charrettes. Une odeur de moût qui fermente s’échappe des cuves. Leur gouffre est plein d’un sourd grondement ; et dans le sang échauffé par le vin nouveau, la vie aussi tressaille plus forte, les mouvements de joie et d’humeur s’y succèdent par sautes brusques, du rire, des chants, puis des querelles qui éclatent en une minute.

François Mauriac écrivait très justement: " Pas plus qu'on ne peut séparer une plante de sa motte, il ne faut détacher les personnages de Jean Balde des pays où ils mènent leur vie passionnée."

On eut aimé encore en savoir plus sur le moulin bien sûr, et sur le petit pont où Jean Balde fait se rencontrer les deux amoureux. Elle évoque les chemins pavés de grosses pierres plates qui descendent entre des jardins en terrasses.

 

Mais un décor trop exubérant et l’intermède joyeux des travaux des champs lorsque la récolte est bonne eussent fardé le drame.

Le style de cette nouvelle, incisif, presque abrupt, les caractères, l'enchaînement des scènes, laissent penser que Jean Balde a initialement, voulu écrire une pièce de théâtre, genre qu'elle a d'ailleurs pratiqué.

Il faut faire abstraction du manichéisme d'une oeuvre qui nous paraît, aujourd'hui, romantique. Le thème de la nouvelle de Jean Balde a réellement été d’actualité, sur le plan politique et social, et particulièrement à Lectoure. Dans le secret des grandes maisons alignées côte à côte, de la cathédrale au château, où se sont succédé deux aristocraties, les vieilles familles lomagnoles et gasconnes qui avaient fait de la citadelle un écrin rustique puis la noblesse d’Empire née des exploits des généraux dont la ville bourgeoise s’enorgueillit encore d'avoir été une pépinière, la Révolution a certainement généré des traumatismes et des antagonismes profonds.

Nous n’avons pas essayé de rechercher si des faits réels et des personnages ayant existé ont pu inspirer Jean Balde. Sa connaissance de l’histoire de Lectoure et son imagination suffisaient pour tracer les contours de la fiction. Nous savons que Bernard Descamps, Conventionnel, député du Gers et Lectourois, a voté la mort de Louis XVI, mais nous ne trouvons aucune ressemblance avec Antoine Riscle, l’homme ayant commis la faute originelle du drame de La porte dérobée, tel que le portraiture l’auteure.

Au bord du ruisseau, tout est comme avant. La cascade du moulin murmure éternellement sa chanson légère, agitant les chandeliers mauves de la salicaire et le velours argenté de la menthe suave.

                                                                     ALINEAS

 

Le 21/09

Addendum. A propos de personnages réels ayant inspiré Jean Balde.

 

Jean-Claude Pertuzé, illustrateur réputé que nous vous recommandons en lien ci-contre, lectourois et fin connaisseur de l'Histoire de sa ville (et au delà) a lu La porte dérobée très, très attentivement et il a trouvé ceci:

Dans cette nouvelle, " Benjamin, le deuxième fils du baron de Montestruc, est passé en Espagne, de là aux Antilles, puis aux États-Unis. Il gagne sa vie grâce à son coup de pinceau : c’est exactement le parcours de Gustave de Galard (1779-1841), fils de Joseph de Galard, guillotiné en 1793, de L’Isle-Bouzon, [auteur du portrait du Général Subervie, exposé dans la salle des Illustres de l'Hôtel de Ville].
Je ne sais pas si Gustave de Galard s’est déguisé en fille pour passer en Espagne. Ce serait intéressant de savoir.
Les autres personnages : la tante Victoire fait penser à Marie de Lacaze, la grand-mère de Bladé, qui cachait des prêtres réfractaires. Et le père Riscle est un mélange de Dartigoeyte, originaire des Landes, et de Lantrac, médecin, les plus farouches révolutionnaires du Gers".
 
Dans Gustave de Galard, sa vie, son oeuvre, de Gustave Labat (Gallica) on apprend effectivement ceci :

 

 
Merci beaucoup à Pertuzé pour ce complément qui donne encore plus d'intérêt à l’œuvre de Jeanne Alleman. Une œuvre romantique évidemment mais impliquée dans les questions du temps. Car lorsqu'elle écrit, la révolution a à peine un peu plus de 100 ans. Un peu comme un roman d'aujourd'hui qui évoque, la bataille de Verdun, la période coloniale ou la séparation de l'Eglise et de l'Etat. Romantique ?

 

 

SOURCES:

- Le pylône et la maison, La brochure rouge et La porte dérobée n'a pas été réédité et ne se trouve donc qu'en bibliothèques, chez les bouquinistes et sur internet.

- Trois ouvrages de Jean Balde ont été réédités et sont disponibles chez L'Horizon chimérique à Bordeaux:

  • La maison au bord du fleuve,  1990.
  • Le goéland, 1992.
  • La vigne et la maison, 1993.

 

- Une anthologie choisie et présentée par Denise Gellini, Ed. Le Jardin d'Essai 2011, Visages du Sud-Ouest dans l’œuvre de Jean Balde, offre de larges extraits des ouvrages de la romancière bordelaise. On y trouve un extrait de l'essai sur Jean-François Bladé, dont le passage que nous avons reproduit, mais La porte dérobée qui intéresserait les lecteurs lectourois ne fait pas partie des œuvres choisies.

Madame Gellini est intervenue à Lectoure en 2012 dans le cadre d'une réunion de la Société Archéologique et Historique du Gers pour présenter son ouvrage et évoquer le souvenir de Jean-François Bladé.

ILLUSTRATIONS:

Jean Balde conférencière : Photo Sud-Ouest.

Tapisserie : Manufacture des Gobelins.

Photos : Michel Salanié dont

  • portrait de Pierre Banel par Justin Maristou (1866), dans la Salle des Illustres de l'Hôtel de ville de Lectoure
  • carte postale "Promenade au bord du ruisseau", collection personnelle.

 

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Rédigé par ALINEAS

Publié dans #Littérature

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Publié le 7 Août 2018

 

Lorsqu’une classe nature de gamins lectourois monte le chemin de Cardès, de l’autre côté du vallon, la haie masquant à notre regard la petite troupe joyeuse qui se dirige vers le plateau de Bacqué, il semble que le buisson piaille et l’on s’attend à ce qu’il se mette à courir.  Avec sa spontanéité, sa liberté, son exubérance, voilà un sauvage qui a trouvé sa place parmi les hommes sans se renier.

 

Pourtant vous y porterez attention à l’occasion de vos prochaines lectures, contrairement à la fleur ou à l’arbre, le buisson est souvent, peu ou pas décrit par les auteurs. Et lorsqu’il est qualifié, il se révèle méchant, petit, touffu, sombre, épineux bien sûr. Il arrive là, en plein milieu de l’histoire, sans crier gare, comme si sa présence dans le paysage était anormale ou sans intérêt. Un personnage de second plan, un petit rôle, un figurant. Mais à bien y regarder, finalement, ce végétal de rien du tout a souvent quelque chose à cacher, un danger, un secret, une petite merveille, une heureuse surprise. Il ne faut pas négliger le buisson. Surtout le Buisson ardent.

Moïse et le Buisson ardent de Domenico Zampieri. La révélation de l'existence de Dieu sous la forme d'un buisson qui brûle mais ne se consume pas. Dans nos jardins le buisson ardent est le nom commun donné au pyracantha.

 

Si vous faites une petite recherche sur les 200 millions de cybercarnets (vous me créditerez de cette résistance à l’emploi du franglais) publiés dans le monde, au mot fleur vous croulerez sous les résultats, et au mot arbre itou. Naturellement, car les premières nous éblouissent par leurs formes, leurs couleurs, leurs senteurs et leurs vertus et les seconds nous dominent de leur majestueuse ombre à laquelle, de tout temps, le genre humain a attribué une valeur tutélaire, symbolique, philosophique voire divine.

 

La rubrique botanique de ce Carnet d’alinéas avait choisi, jusque là, de suivre le mouvement en faisant juste un petit détour gourmand par les fruits sauvages. Mais il faut à présent corriger le discours dominant (ça, ça va plaire, c’est tendance) et dire tout le bien que nous  pensons du buisson, ce tout petit, ce modeste, cet humble hôte de la vallée de Foissin. L’idée de cette audacieuse incartade (!) nous est venue en installant un nouveau tronçon de chemin le long de la route de la Fontaine Saint-Michel, soustrayant pour cela quelques mètres à la terre soumise au labour depuis des décennies. Nous voulions végétaliser ce jeune sentier, pour l’esthétique, pour la faune et en urgence, pour limiter l’érosion, ce fléau de l'usine à céréale qu’est devenue le pays de Lomagne. Bien nous en a pris quand on voit les déluges qui se succèdent cette année avec les coulées de boue et les ravines qui s’en suivent. Mais quelques arbres, un tous les 10 mètres pour donner à chaque individu son espace vital lorsqu’il sera parvenu à l'âge adulte, ne pouvaient suffire à cet ambitieux projet de rhabillage du paysage car il faudra au moins 10 ans aux pins, chênes, érables, frênes, tilleuls et autres géants en devenir pour s’implanter, c’est bien le terme, dans cette terre gorgée d’eau en hiver et crevassée en été. S’ils y réussissent, ils trouveront dans ce sol profond et riche ce qu’il faut pour satisfaire leur grand appétit et jouer leur rôle stabilisateur. Mais en attendant…

 

Et puis miracle, on aurait pu s’en douter, néo-ruraux naïfs que nous sommes, les buissons sont apparus. Spontanément, très vite, comme s’ils étaient là, en réserve de la république, hors d’atteinte du soc de la charrue. La ronce, l’épine noire, le sureau bien sûr dont nous avons déjà dit du bien mais aussi tous les autres, le cornouiller en particulier, la clématite... Parmi toutes les variétés d’arbrisseaux* qui peuvent composer une haie sauvage, un grand nombre sont ignorées. Précisément, cet anonymat fait la force et l’intérêt du buisson, cet "individu végétal composite". Car le buisson est un collectif, une équipe, une armée où l’individu n’a de chance de s’en sortir qu’en serrant les rangs.

Le chevreuil, impitoyable brouteur de jeunes arbres.

Outre leurs qualités individuelles, les arbrisseaux ayant poussé entremêlés forment un ensemble qui permet la germination d’arbres indigènes, qui s’y trouvent ainsi protégés des herbivores de toutes engeances,  gastéropodes, insectes, rongeurs, canidés et chevreuils, et dont les jeunes tiges bénéficient d’humidité et de demi-ombre, de résistance au vent, c'est-à-dire les conditions parfaites pour réussir une enfance d’arbre.

Et puis, comme dans toute équipe, il y a les vedettes. Les buissons à fleur, odoriférants, à fruit comestible, les raretés, les précieux. Ceux là ont fait l’objet d’une sélection, d’un dressage, d’une domestication et se retrouvent empotés, alignés bêtement, topiérisés dans des jardins musées, dont certains splendides il faut l’admettre. Mais nous les préférons en liberté.

 

En fonction de sa disposition, le buisson verra son rôle varier : en ligne il formera une haie, adossé au bois il sera sa lisière, isolé au milieu du champ il servira de repère visuel, marquera un affleurement rocheux ou un dénivelé.

 

Autrefois aux lavoirs du ruisseau de Foissin, lous bartàs en gascon, les buissons servaient à étendre le linge. Victor Hugo, dont nous avons dit ailleurs le goût pour une jolie lavandière, en fait tout un poème.

 

Aux buissons que le vent soulève,
Que juin et mai, frais barbouilleurs,
Foulant la cuve de la sève,
Couvrent d'une écume de fleurs,

Aux sureaux pleins de mouches sombres,
Aux genêts du bord, tous divers
Aux joncs échevelant leurs ombres
Dans la lumière des flots verts,

Elle accrochait des loques blanches,
Je ne sais quels haillons charmants
Qui me jetaient, parmi les branches,
De profonds éblouissements.

 

Et pour les amoureux descendus d'en ville, bartasser consistait à profiter du rideau formé par la végétation pour... pour se dire des mots doux en toute intimité. En quelque sorte le pendant de l’école buissonnière après l’école.

 

Aujourd’hui, la haie du chemin de la Mouline de Belin lance ses tiges volubiles, signe d’une renaissance et promesse d’une aimable compagnie pour le randonneur, le jacquet et le promeneur lectourois.

 

                                                                                             ALINEAS

 

* Par simplicité, on s’affranchira des catégories définies par la science botanique. Le buisson est en principe composé d'arbrisseaux et sous-arbrisseaux mais ils doivent souvent composer avec les lianes et les arbustes énumérés et photographiés ici.

 

Fleurs et fruits en cours de maturation de la clématite des haies, ou vigne blanche et encore herbe aux gueux. En hiver les arêtes plumeuses de ses fruits donnent aux haies une belle apparence cotoneuse.

 

La viorne. Un bonheur pour les oiseaux.

 

Cette année, sans doute en raison de la pluviométrie toute britannique, l'églantine a recouvert les haies de la vallée d'une foison de fleurs, et jusqu'à la cime de certains arbres, voisins du buisson, qu'elle prend d'assaut. C'est la jungle.

 

Devenu l'un des gardiens des jardinets de faubourg délimités au cordeau, en liberté le troène est gracieux. Son parfum suave séduit du beau monde.

 

Colonisant rapidement les espaces libérés et grâce à un enracinement dense, le cornouiller sanguin est considéré par les botanistes comme une espèce "pionnière". Son feuillage hivernal d'un beau rouge vermeil installe dans le brouillard, le givre et (rarement en Gascogne) la neige, de fantasques décors à légendes.

 

Magnifique aubépine. Un océan de nectar pour l'ouvrière du rucher de la Mouline de Belin.

 

Le fusain ou bonnet de curé. Sa tige carbonisée a été l'outil des artistes d'avant l'encre de chine, le bic et la souris. La forme particulière de son fruit faisait penser autrefois au couvre-chef des curés. Un accessoire qui ne se fait plus du tout, du tout... sauf à Lectoure, n'est-ce pas Monsieur l'Abbé ?

 

Le chèvrefeuille des haies fleurit moins abondamment que les variétés sélectionnées commercialisées en jardinerie. Mais sa rencontre impromptue, au détour du sentier, est un petit bonheur.

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PHOTOS: M. Salanié sauf

- Cornouiller: Arboretum gabrielis

- Fusain: Tyazz.over-blog.com

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Publié dans #Botanique

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Publié le 24 Juillet 2018

 

Intime imaginaire

 

Le travail de Marie Rigot n’est pas assez visible. Oui, je veux dire que j’aimerais voir la poésie, l’humour, la joie de vivre de cette artiste plus souvent accrochés aux cimaises et offerts aux regards. Mais faut-il être exposé pour justifier de son talent ? Certes non.

Il y a des raisons à cette discrétion. Marie est cinq fois maman ! Ça occupe. Et puis elle s’adonne à une passion, la gestalt-thérapie, une méthode thérapeutique psychologique douce, dont elle vit par ailleurs. Alors il faut saisir les rares occasions de rencontrer l’artiste.

Nous avons découvert son travail lorsque ses géantes hautes de trois mètres étaient accrochées dans l’atelier du Bleu de Lectoure, à l’époque au bord du Gers. Descendues de leur mur, ces demoiselles ont fait un petit tour par la Mouline de Belin et nous aurions pu, avec mon compère, à l’occasion de leur manipulation, être pris sur le fait en train de danser un slow gargantuesque, comme les déménageurs que Doisneau avait photographiés, un cliché devenu célèbre, transportant, les mains posées sur ses seins de bronze, une statue d'Aristide Maillol installée devant le Louvre.

Nous avons confié à Marie la création de notre logo, un travail qui exige qu’artiste et sujet apprennent à se connaître et depuis, de loin en loin, nous aimons à dire qu’elle est un peu une amie, ce qui donne pour nous encore plus de sens à son art.

Marie exploite le rendu de tous les matériaux, papier journal, tissu, carton et métal.

Elle n’aime pas le terme et il n'est pas nécessairement besoin de coller des étiquettes mais tout de même, son style conduit à la classer dans la catégorie "maniériste" au sens italien de maniera (façon) en donnant bien sûr au qualificatif un sens renouvelé depuis cette révolution artistique de la Renaissance, un style unique, j'oserais un "figuratisme réaliste".

Chez Marie Rigot, l’expression, la posture des personnages donne fondamentalement une signification à la scène, comme un langage qui exalte le dessin, un jeu de scène captivant et engageant. Plus profond que descriptif, plus attachant que cherchant à convaincre.

Petite-fille de Cranach, de Chagall et de Picasso, Marie nous entraîne dans un monde onirique et tendre. Au-delà de leur jeu de scène, convenu ou joyeusement libéré, ses personnages ont une vie intérieure qu’il faut deviner, voire inventer, au sens de "l’invention" d’un trésor, de son excitante révélation au grand jour. Des sujets qui dépassent les limites du support, du cadre de leur existence, de fait réduits, pour investir un espace de liberté que nous partageons, ne sachant pas en l’occurrence qui, de la fiction ou du spectateur, fera mouvement pour rejoindre l’autre. Une présence à la fois imaginaire et si intime.

Invitation à la découverte d’une joyeuse et poétique création.

                                                                      ALINEAS

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Publié dans #Beaux arts

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