Les orchidées sauvages de Lectoure
Publié le 12 Mai 2020
Face à la citadelle, les orchidées sauvages ponctuent joliment les sentiers qui courent à flanc de coteau, au nord autour de Baqué, au sud à Sainte-Croix. Tout au long des ruisseaux de Lesquère, Bournaca, Verduzan, à la lisière des festons de chênes et de frênes qui marquent le décrochage entre les plateaux caillouteux et les combes au sol plus gras, les arradjades, coteaux exposés au soleil, et les paguères fraîches et ombrées, anciens pacages à chèvres et moutons tombés en friches, au sol pauvre et drainé, sont le terrain de prédilection de cette fleur merveilleuse.
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Orchidée est un mot qui résonne à notre mémoire d'enfant, d'enfant "d'avant", élevé au sein nourricier des récits des explorateurs de contrées exotiques, familiers de l'univers de Jules Verne ou de celui de Stevenson. Un mot magique comme "mygale" ou "pygmée". L'orchidée la plus célèbre fait aussi appel à nos papilles, Vanilla planifolia, la "Fleur noire" des Aztèques. Mais aujourd'hui, l'orchidée s’aligne bêtement en rayon de supermarché, débarquée après 10 000 kilomètres d'avion-cargo, air conditionné, sur transpalettes, en pot fluo et sous film propylène transparent. Je ne dis pas, la fleur est décorative, et pas chère, et pas périssable contrairement à ce que le chanteur serinait à mademoiselle Germaine. Mais tout de même, ne lui trouvez-vous pas un arrière-parfum de kérosène ? Revenons dans nos campagnes, voulez-vous ?
Je suis amateur d’étymologie, mais je ne sais pas si je dois vous le dire. Ça va gâcher. Orchidée vient du grec órkhis qui veut dire "testicules". Son tubercule ressemble, avec un peu d'imagination, à l'appareil de reproduction masculin. Et de ce fait, nos anciens croyaient la plante aphrodisiaque. Encore cette fameuse théorie des signatures, qui prend en compte la similitude des formes, évoquée dans notre alinéa consacré au Gouet, l’Arum de nos campagnes (voir ici). Mais après maints essais, rien de bien spectaculaire. Sauf au sud de la Méditerranée peut être, en Turquie ou en Grèce, où l'on vous servira un salep, une boisson chaude élaborée avec de la farine d'orchidée. De ce fait, dans ces régions, certaines variétés d'orchidées sont en voie d’extinction.... A quoi tient la biodiversité !
La famille des Orchidacées ne compte pas moins de 25 000 espèces, regroupées en 850 genres ! Le Gers en comptabilise 43*. Je n'en ai trouvé que 7. Et vous ? En Catalogne et dans le pays niçois, on peut admirer jusqu'à 75 espèces différentes. Les clubs et les sites internet amateurs fleurissent. On se bouscule, on échange, on contribue aux recensements. C'est de la florie. De la folie, pardon.
Chaque variété développe une incroyable exubérance de forme et de couleurs pour attirer les pollinisateurs. Celle-ci par exemple, n'est pas nommée Orchis bouc pour sa barbichette comme on pourrait le croire naïvement mais parce qu'elle dégage, paraît-il, une odeur fétide appréciée de je ne sais quel insecte égrillard.
Cette année, les amateurs ont remarqué une abondance exceptionnelle de la variété Sérapias langue. Conjugaison de la hausse des températures et forte pluviométrie ? Notre campagne lomagnole reprendrait-elle des airs de forêt équatoriale ? L'orchidée la plus commune autour de Lectoure et ailleurs en Gascogne est probablement l'Orchis pyramidal, appelé Pentecosta en gascon. Sérapias, lui, se dit Martèths, pour marteau, mais il existe en Australie une Orchidée marteau dont je vous invite à découvrir l'incroyable mécanisme de fécondation [ici]. Dans son livre, Nos fleurs d'Aquitaine dans la langue, la sorcellerie et la médecine gasconnes, Alexis Arette indique qu'on donnait autrefois la racine d'orchidée réduite en farine aux enfants en guise de fortifiant.
Il faut être très observateur pour distinguer, par exemple chez les Ophrys, les variétés "Guêpe", "Abeille", "Araignée", "Bourdon", "Papillon" ou "Mouche" comme celui-ci, si je ne me suis pas trompé. Il y a même un Ophrys bécasse. Et j'enrage de ne pas avoir su dénicher et pouvoir vous offrir le portrait d'un Ophrys de Gascogne qui marie si élégamment le jaune avec le violet, très voisin d'Ophrys d'Eléonore. Il fallait qu'une orchidée porte ce prénom, précieux à nos yeux.
Enfin une recommandation, ne prélevez pas cette fleur pour composer un bouquet. Car avant même d'arriver à la maison, elle sera toute défraîchie et sans espoir de la requinquer. En outre, quatre variétés sont protégées dans notre département et donc interdites à la cueillette : Ophrys guêpe, Orchis parfumé, Orchis papillon et Sérapias cœur. Alors admirons-les in situ tout simplement. Elles font aussi partie de notre patrimoine.
Alinéas
* Les orchidées du Gers : http://orchidee32.free.fr/accueil/Orchi32-Accueil.htm
- Voir également chez nos voisins du Lot-et-Garonne https://www.biodiversite47.fr/observatoires/zoom-sur-les-orchid%C3%A9es/esp%C3%A8ces/
- Deux ouvrages bien illustrés et documentés, parmi de très nombreux : A la découverte des Orchidées sauvages d'Aquitaine, de Franck Jouandoudet et Les Orchidées de Poitou-Charentes et de Vendée, de JC Guérin, JM Mathé et A Merlet, tous deux Collection Parthénope, Ed. Biotope http://www.biotope-editions.com/index.php?categorie37/orchidees
Un grand merci au site http://www.gasconha.com , une référence en matière de langue gasconne dans tous les domaines, botanique cette fois-ci, mais également faune, paysage, histoire, architecture, traditions...
Photos © M. Salanié