La jonquille, Narcissus pseudonarcissus
Publié le 24 Février 2020
Je me suis laissé dire que mon rendez-vous printanier était attendu. Pourtant l'hiver n'a pas été trop rude ? N'importe, le cycle est immuable et notre envie de couleur, de parfum et de tendresse est irrépressible. Quelque chose de profond, remontant à nos origines, au jardin d’Éden. Mais je resterai sobre. Ce sera un alinéa mono-fleur. Une fleur qui mérite distinction car elle envahit notre vallée du Gers par milliers.
ous voulez savoir où se trouve cet endroit magique ? Je vous dis tout. Vous traversez le pont d'ouest en est, vous tournez à droite. Au premier tunnel piétonnier vous passez sous la voie ferrée désaffectée. Et vous y êtes. Suivez la haie de noisetiers, de cornouillers et d'ormeaux encore dénudés, qui festonne la rivière jusqu'au bout de la presqu'île. C'est pas chouette ?
- Quoi ? Je ne vous ai pas dit où se situe le point de départ ? Ben, oui. Faut quand même les gagner ces fleurs.
Et puis pour tout vous avouer, on est tellement bien tous seuls... Vous ne nous en voulez pas ? Tiens, voilà la photo aérienne. Alors là, ça devient trop facile.
Il paraît que dans certains départements, la jonquille est protégée et que sa cueillette est réglementée. Je n'ai pas vérifié dans le Gers. Les champignons dans l'Aveyron, les palourdes à Noirmoutier... Il n'y a plus que les arrêtés d'interdit qui fleurissent. Mais, ici nous restons très raisonnables. Un bouquet pour la maison, un pour notre mamie-des-jardins, et puis surtout sentir, humer, apprécier l'instant à sa juste valeur. Il a raison Chatiliez : le bonheur est dans le pré.
- Profite, lapin !
On l’appelle communément Jonquille parce que sa feuille évoque le jonc. En Gascogne, on dira parfois coucut. C'est sûr, il y a risque de confusion avec la Primevère officinale. D'autant que tout est toxique chez cette charmeuse, fleur, feuille et bulbe. Le bétail le sait qui n'y goûte. Mais franchement : pseudonarcissus ! Quelle idée, qui en manque totalement ? Une vraie fleur de chez nous.
Il faut dire que la famille des Amaryllidacées est riche : 59 genres et 800 espèces ! Je comprends que le botaniste de service soit à court d'imagination pour baptiser tout ce joli monde. Personnellement j'aime bien "Jonquille trompette". Mais alors, des trompettes qui respecteraient le silence des lieux.
Je ne trouble donc plus par l’éclat des trompettes,
Des champs accoutumés aux soupirs des musettes ;
Si je chante aujourd’hui sur ces paisibles bords,
Muses, ne m’inspirez que d’aimables accords.
Virgile - Les Bucoliques
Mais voilà qu'un Myrobolan vient ajouter à mon discours qui folâtre, son grain... de beauté.
Le propriétaire de cette belle gasconne sait-il qu'au pied de sa terrasse distinguée, travaille incognito un jardinier rustique qui ne connaît ni mur d'enceinte, ni allées de gravillon blanc et encore moins sujets exotiques ? Culture de l'authentique.
Nous voici revenus aux pieds de Lectoure, sur le ruisseau de Foissin. Une réintroduction laborieuse de Pseudonarcissus qui commence à porter ses fruits. Oups ! Ses fleurs. Dans quelques décennies, les gamins des écoles viendront galoper dans une mer émeraude constellée de jonquilles, comme des étoiles tombées là puis oscillant au petit vent.
Tiens, une "vraie" Narcisse, en train de s'égoutter. Sans doute échappée d'un godet de jardinerie. A voir si elle saura s'indigéniser à son tour.
ALINEAS
- Vue aérienne : IGN.
- Photos © Michel Salanié