La flore du ruisseau de Foissin à Lectoure
Publié le 25 Août 2020
Voilà un sujet bien ambitieux. Il y faudrait une encyclopédie. Une vie. Et je m'y prends bien tard. Ou alors il faut faire des choix. Nous avons déjà évoqué l'aulne ici, la prêle là...
Vous aurez remarqué que les peintres, comme Henri Martin, l'une de mes références pour cause de racines quercynoises, nous offrent en général des ruisseaux bien propres et bien rangés, afin, c'est la noble tâche de l'artiste, de magnifier l'endroit, d'y installer l'humain et peut être de construire ainsi un paysage accessible, plutôt discipliné, rassurant. Mais la nature n'est pas ainsi faite.
En réalité, sans l'intervention de l'homme et surtout des moutons, le ruisseau est envahi dans un apparent désordre, de ronces, de raisin du diable (respounchou en gascon !) et d'orties. C'est la course à l'eau. Il faudra attendre que les arbres s'en mêlent, grandissent et, imposant la tutelle de leur frondaison, limitent la croissance anarchique de cette végétation rampante et assoiffée. Alors, ici et là, mi-ombre, mi-soleil, les jonquilles pourront percer, les violettes embaumer et les baigneuses se baigner. Encore une invention de peintre d'ailleurs, les baigneuses...
Pour rester au plus près du ruisseau des origines, nous avons donc choisi de distinguer trois plantes rustiques, capables de s'installer en milieu hostile, de dresser leur floraison au-dessus du fatras végétal, d'offrir au promeneur qui ose s'aventurer dans cette mini forêt primaire à la porte de la citadelle lectouroise, chacune sa nature et ses qualités : carex, salicaire et ache des marais.
- On y va ? Allez, attention à ne pas glisser.
LE CAREX, OU LAÎCHE PENDANTE
Il y a quelques décennies, Pierre Féral, professeur émérite de sciences naturelles du lycée Maréchal Lannes ancienne version, conduisait ses élèves au bord du ruisseau de Foissin pour y étudier faune et flore in situ. Un illustre de ces anciens élèves, Pertuzé, nous a raconté que le carex faisait partie des espèces observées. Comme quoi il en reste quelque chose. Je me dis cependant que le maître devait probablement éviter de révéler le nom commun de cette plante pour ne pas risquer quelque blague d'un garnement. Quoiqu'à cette époque encore, les garnements attendaient la sonnerie... Carex pendula du grec keiro, couper. Et le nom commun : la Laîche pendante... du vieux français lesche, la lame. Vous êtes avertis : ça coupe. Pourtant il paraît que les bovins le broutent !
A part être supposé traiter les maladies vénériennes, en infusion sans doute, le carex est à mon sens particulièrement utile pour fixer et stabiliser le talus du ruisseau, mission hautement précieuse. Une vraie tignasse impossible à déraciner. Si on le laisse s'installer trop loin au-delà de la berge, il deviendra même envahissant. Aujourd'hui les professionnels des milieux humides exploitent même les qualités biologiques de son système racinaire et foliaire pour digérer les eaux usées et traiter les terrains pollués. Trop fort pour moi, je vous renvoie vers l'explication très claire que vous trouverez sur Wikipédia (lien ci-dessous).
Des lois de la chimie à celles de la physique, à La Mouline de Belin les libellules jouent des oscillations des inflorescences de la laîche au soleil.
LA SALICAIRE, OU HERBE AUX COLIQUES
Les chandeliers fuchsia de la Salicaire contrastent avec bonheur sur le nuancier de verts qui règne en maître sur le fatras de notre ruisseau. Lythrum salicaria. L'adjectif de son nom scientifique et son nom commun lui viennent de la forme de sa feuille lancéolée comparable à celle du saule, Salix. On trouvera également l’appellation Herbe aux coliques. Pas très poétique et comme on n'a pas nécessairement des problèmes de ce côté-là, les jeunes feuilles sont récoltées pour entrer dans la composition de potages, de salades ou pour être cuites comme des épinards. La plante présente de nombreuses et sérieuses vertus médicinales reconnues : cicatrisante, utilisée également pour traiter les infections oculaires. Thé rouge, thé des pauvres... Un grand classique de l'herbier de nos grands-mères.
En Amérique du nord où elle a été importée, elle est considérée comme hautement invasive. Un prêté pour un rendu : nous, nous avons hérité de l'écrevisse américaine et n'en sommes toujours pas remis. Des scientifiques patients se sont amusés à compter les graines de salicaire. Plus de deux millions par pied ! Une semence généreuse qui se répand au fil de l'eau... Comme quoi on peut être à la fois beau, utile, prolifique et aimer les voyages.
La Salicaire est très mellifère et attire également les papillons, ce qui donne alors à admirer, aux beaux jours, un ballet multicolore, magique et gracieux.
L'ACHE DES MARAIS, OU CÉLERI SAUVAGE
Voilà une plante qui n'y paraît pas mais tout à fait remarquable. Apium graveolens appartient à la grande famille des Apiacées, cousine du persil, de la carotte, du panais, du fenouil, du cumin, de la coriandre, de l'anis, du maceron... un lien de parenté qui explique l'adjectif graveolens, "à la forte odeur". Par contre pour Apium , nous avons là un bel exemple de dispute étymologique. Pour les uns l'origine est latine : apia , l'abeille. Peut-être un peu facile. Pour les autres, elle est celtique : apon, l'eau qui a également donné ache en vieux français. Au Moyen Âge, la plante s'appelle d'ailleurs Aquatique, revenant ainsi au latin. Bon, on tourne en rond. Je ne me permettrai pas de trancher.
Sa belle feuille trilobée permet de la distinguer sans risque d'erreur de la dangereuse grande cigüe. Ouf. Elle composait parfois les couronnes de champions olympiques de la Grèce antique et celles, héraldiques, de la chevalerie. S'il vous plait.
Evidemment l'Ache est très intéressante en cuisine. Le petit Musée des plantes sauvages comestibles de Berrac nous propose d'ailleurs une recette que je vous recommande ici. La jeune feuille peut entrer dans les salades de mesclun. Toutes les parties de la plante parfumeront joliment un bouillon ou un ragoût. Enfin le jus, abondant dans la tige, tonifiant réputé, est souvent associé aux extraits de tomate, de carotte et de citron.
En phytothérapie, pour faire simple, les études ont montré que l'Ache présente de puissantes caractéristiques antioxydantes, précieuses pour éliminer les radicaux libres, vous savez ces machins responsables de cette maladie grave mais que nous avons heureusement en commun : la vieillesse.
Je fais un choix dans l'abondante documentation consacrée à cette plante où revient invariablement le sirop apéritif des cinq racines que tous les phytothérapeutes réputés s'accordent à recommander : fenouil, asperge, petit houx, persil et ache.
De quoi vous inciter à laisser tomber la chasse aux escargots et la cueillette des cèpes et des fraises des bois. Mais vous ne savez pas tout ! Le céleri serait hautement aphrodisiaque. Et donc, l'Ache des marais sauvage et aphrodisiaque à la fois... Oui, on trouve de tout dans le ruisseau de Foissin. "Si la femme savait ce que le Céleri vaut à l'homme, elle irait en chercher jusqu'à Rome". C'est une justification, valide si non avouable, pour un pèlerinage dans la ville éternelle, ou plus court, pour une balade au pied de Lectoure.
On ne saura pas ce que cette coccinelle vient chercher sur cette ombelle d'Ache, nourriture ou euphorisant... Peu importe, dans tous les cas, on le chante, la bête est un bon auxiliaire que ce soit à la pharmacie du bon dieu ou au potager.
SOURCES :
Carex. : https://fr.wikipedia.org/wiki/Carex
Salicaire : https://fr.wikipedia.org/wiki/Salicaire_commune
Ache : https://booksofdante.wordpress.com/tag/ache-des-marais/
PHOTOS :
- Le printemps, Henri Martin, Capitole de Toulouse.
- Ache (en fait ici, plus précisément, un Maceron, même famille, globalement mêmes qualités et mêmes usages) et fleur de salicaire : https://www.zoom-nature.fr/
- Fleur d'Ache, des montagnes celle-ci : http://lejardinduchatvert.eklablog.com/
Nos remerciements à ces deux très intéressants sites.
Autres photos : © Michel Salanié