Les sculptures de Roger THEVENON, au Pradoulin à Lectoure
Publié le 16 Mars 2018
Pendant des milliers d’années, un ciel d’origine du monde a délavé la gangue argileuse du promontoire qui ne s’appelait pas encore Lectoure. Au pied du rocher mis à nu, la terre s’est accumulée en attendant l’artisan qui lui donnerait vie. Le quartier de Pradoulin*, l’un des sites choisis par Rome pour développer son industrie entre Pyrénées et Garonne, a connu son heure d’intense activité potière et artistique. C’est ici que Roger Thévenon, succédant au potier gallo-romain, a installé son atelier. Après une vie de cadre dirigeant dans l’industrie en région parisienne, il choisit le calme de cette plaine au bord du Gers pour s’adonner à son créatif passe-temps.
Il applique la glèbe souple par couches successives pour donner
naissance, à partir du néant, à la forme qui n’existait auparavant que dans son esprit. Le tailleur de pierre, lui, attaquera la matière de ses outils taillants, retirant l’excédent qui masque encore l’œuvre finale, virtuellement préexistante au cœur de la concrétion depuis les temps géologiques. La sculpture est dichotome : la forme naît de l’imagination de l’artiste, soit par ajout, c’est le modelage, soit par soustraction de matière, c’est la taille.
Dans les landes de Gascogne, au Paléolithique supérieur, un sculpteur appartenant à la seconde des deux écoles a donné à l’Humanité, la Dame de Brassempouy, faite d’ivoire dans un pays de sables. Etait-elle déesse ou bien simple mais sublime servante ?
Au centre, la Dame de Brassempouy, 23 000 ans et un air de famille
avec les créatures de Thévenon.
Par atavisme avec les lieux, telles des vierges dédiées au service du temple de Cybèle dressé sur la colline sacrée des Lactorates, les belles de Thévenon ont la plastique qu’exige leur vocation exposée au regard des
fidèles. Elles sont les petites-filles de l’Aphrodite de Praxilète, des Grâces de Lucas Cranach et des odalisques de Matisse. Le monde antique, la chrétienté, les civilisations d’Orient et d’Occident ont distillé leur art, chacun à sa manière, sans jamais pouvoir ni vouloir rejeter les influences externes, pour peu qu’elles respectassent leurs sentiments et leur maturité. Ainsi Thévenon synthétise t-il par un patient travail de modelage, les canons des artistes de son panthéon, du classicisme grec à l’art nègre**, indigène et art déco.
Certaines de ces sculptures de plâtre seront reproduites dans le métal pour tendre à l’immortalité.
A Rome, les vestales étaient choisies et devaient rester vierges durant leur long sacerdoce. Notre temps n’a plus ces rigueurs et pour séduire nos temples médiatiques qui brûlent si facilement ce qu’ils ont adoré pas plus tard qu’hier, le monde n’en finit plus de s’agiter.
Roger Thévenon lui, insensible aux modes, possède l’art d’inscrire la beauté éternelle dans la terre et dans le bronze.
ALINEAS
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* De « ola » en gascon : le pot de terre, la marmite. Le champ qui recouvrait les ruines de l’ancienne cité gallo-romaine était parsemé de tessons de terre cuite, devenu ainsi « le prat d’oule ».
** L’adjectif résistera t-il au rectificatif du vocabulaire historique qui sévit actuellement, y compris dans le registre artistique ?
Photos Michel Salanié. Droits de reproduction Roger Thévenon.
Reproductions: Maison de la Dame de Brassempouy, Nu bleu II Henri Matisse.