Balade botanique à Berrac-Village Gersois
Publié le 26 Mai 2017
SAUVAGES
et
TENDRES
À LA FOIS
A un nuage de pollen de Lectoure en direction de la Garonne, Berrac organisait le 28 avril sa deuxième balade botanique. Un rassemblement que n’auraient pas renié les druides officiant au cœur de la forêt de grands chênes avant que ce pays ne s’appelle Gascogne. Y trouvait-on déjà à l’époque la courroie de Saint Jean et l’herbe aux femmes battues? Et quelle paëlla antique en mijotaient-elles nos ancêtres mamies celtes-ibères?
Les trois icônes de la balade: lamier, ortie et respounchous
Par un petit matin frisquet mais lumineux donc, à l’initiative de l’association « Berrac Village Gersois », une trentaine de cueilleurs s’étaient réunis devant l'enceinte du village pour une messe verte, certains totalement novices et d’autres adeptes de religions sœurs, restauration, culture du safran et même hydroponie (ce sera l’occasion pour nous tous de découvrir cette magie - voir ci-dessous). Aline, officiante de cette assemblée recueillie, était appelée à transmettre sa pratique des plantes sauvages mais comestibles.
« Mais pourquoi ce mais? » me direz-vous?
Parce que dans notre esprit très (trop) formaté d’enfants d’un siècle dit paradoxalement « postindustriel », un légume s’achète au poids, débarrassé de toute glèbe, étiqueté, filmé et certifié. Alors que pendant des millénaires, nos ancêtres se sont nourris, soignés, régalés des fruits de la terre. Et qu’il faut enfin retrouver ces gestes simples, comme il faut réapprendre à scruter un horizon, écouter le silence ou marcher dans la nuit.
L’un des plaisirs de ce retour à nos racines étant de joindre l’agréable à l’utile et de savoir accommoder avec gourmandise ces saveurs et ces textures subtiles, sans expédier coupablement trois messes basses, après avoir rempli leurs paniers de plantain, alliaire, ortie, tilleul, moutarde, rumex, menthe suave et autres pâquerettes, les participants passaient à la cuisine. Pour ma part, retenu dans notre moulin par les tâches très domestiques d’un potager de printemps (il en faut aussi), j’ai tout de même entendu d’ici sonner les cloches d’une ambiance bon enfant que seules la table et l’amitié peuvent agiter.
Le festin partagé: tourte au lierre terrestre, fleurs de lamier sur fromage de chèvre, canapés radis et pâquerettes
Enfin le rite initiatique devait être complété ce jour là par les recommandations sinon pour cultiver, du moins pour protéger ce jardin grand ouvert des agressions de notre mode de vie invasif. La balade botanique a donc trois fonctions -ne suis-je pas trop sentencieux ?-: outre la (re)connaissance et la cueillette des plantes, elle permet de repérer les lieux, de se réapproprier, de se réintroduire soit même dans l’espace naturel et aussi de prendre conscience des besoins de protection des espèces menacées, comestibles ou non d’ailleurs car la nature est un tout.
La flore est pacifique, et comme nous sommes ici, nous humains, comme toujours dans un rapport de force, si nous ne maîtrisons pas nos instincts, si nous ne choisissons pas de préserver ce jardin primaire et bien il ne résistera pas à la progression et à l’emprise de nos marges macadamisées, stéréotypées, stérilisées.
Cette nature sauvage et tendre sous la dent mérite d’être protégée et dégustée avec respect. A Berrac on vous dit « Bonne balade, bonne nature et bon ap’ ! ».
ALINEAS
PS. Il y a de ces coïncidences! Le 12 mai, je publiais un alinéa sur les Templiers de Lectoure et je découvre aujourd'hui, à l'occasion de cette rubrique botanique, que dans l'organisation financière de l'Ordre des moines-soldats, le respounchous, la jeune pousse de tamier, était le nom donné à la cotisation des maisons templières de France et d'Occident aux finances, centralisées par région puis au sommet pour contribuer à l'effort de guerre en Orient. L'image du prélèvement annuel limité à sa partie supérieure et qui ne perturbe pas le développement de la plante est particulièrement parlant.
Une vidéo sur cette balade à Berrac a été mise en ligne par Marion et Nicolas Sarlé, hydroponistes https://www.youtube.com/watch?v=e5gBK8ifv3Q
Il faut également visiter leur site pour découvrir la magie de l'hydroponie, culture hors sol mais très respectueuse de l'environnement, et tellement bien mise en image et en texte par ce couple sympathique. http://www.lessourciers.com
Photos Ysabel de la Serve, Michel Salanié